Le Bolchévik nº 227 |
Mars 2019 |
Provocation impérialiste contre la Chine
Levée immédiate des inculpations contre la directrice financière de Huawei!
Cet article est traduit du journal de nos camarades américains Workers Vanguard (n° 1147, 18 janvier).
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Le 1er décembre, la police canadienne a arrêté à Vancouver Meng Wanzhou, directrice financière du géant chinois des télécoms Huawei, sous prétexte qu’elle aurait commis une « fraude bancaire » en violation des sanctions judiciaires américaines contre l’Iran. Le Canada, partenaire impérialiste junior des Etats-Unis, a pris cette mesure à la demande de Washington. Libérée sous caution, Meng risque maintenant l’extradition aux Etats-Unis. Son arrestation fait partie d’une vaste offensive impérialiste contre l’Etat ouvrier bureaucratiquement déformé chinois ; c’est une sinistre provocation contre la Chine. La Spartacist League/U.S. et la Ligue trotskyste au Québec et au Canada exigent la levée immédiate des inculpations !
Les Etats-Unis renforcent leur campagne contre-révolutionnaire contre la Chine, qui est aujourd’hui le plus puissant des pays où le capitalisme a été renversé. Sur le plan militaire, Trump met en uvre le « pivot vers l’Asie » d’Obama, qui a été entravé par les démêlés américains au Proche-Orient. Les efforts de longue date des impérialistes américains pour encercler militairement la Chine s’intensifient, avec une série d’affrontements en mer de Chine du Sud, où la Chine a pris d’importantes mesures pour renforcer ses défenses, ainsi qu’avec des ventes d’armes régulières à Taïwan. Sur le plan économique, la hausse des droits de douane décrétée par Trump menace de déboucher sur une vaste guerre commerciale.
Le but ultime de ces mesures est de restaurer le capitalisme en Chine et de faire de celle-ci un immense atelier de misère sous la botte impérialiste. Les démocrates et les républicains sont parfaitement d’accord sur ces questions fondamentales, en dépit de toutes les querelles qui s’étalent actuellement à Washington entre ces deux partis capitalistes. La bureaucratie syndicale fait directement le jeu de cette campagne réactionnaire avec son protectionnisme « America First » (« l’Amérique d’abord ») et ses attaques anticommunistes contre la Chine.
Les travailleurs des Etats-Unis et du monde entier ont un intérêt de classe fondamental à défendre la Chine contre les impérialistes. La Révolution chinoise de 1949, menée par l’armée de guérilla paysanne de Mao Zedong, a renversé le pouvoir des capitalistes et des grands propriétaires terriens et a créé un Etat ouvrier, libérant ainsi le pays d’une domination impérialiste brutale. Grâce à une économie centralisée basée sur des formes de propriété collectivisées, des centaines de millions de personnes ont été sorties de la pauvreté, l’alphabétisation de masse a été réalisée et la condition des femmes a fait d’énormes progrès par rapport à un passé d’affreuse oppression symbolisée par le bandage des pieds. En tant que trotskystes, nous sommes pour la défense militaire inconditionnelle de la Chine contre l’impérialisme et la contre-révolution intérieure.
Toutefois, cet Etat ouvrier était déformé dès sa naissance par la domination d’une bureaucratie parasitaire fondamentalement similaire à celle qui gouvernait l’Union soviétique sous Staline et ses successeurs. De l’époque de Mao jusqu’à aujourd’hui, la politique du Parti communiste chinois (PCC) est une expression du dogme nationaliste stalinien selon lequel le socialisme une société d’abondance matérielle marquée par la disparition des classes pourrait se construire dans un seul pays. Ce programme est totalement opposé au programme marxiste de la révolution prolétarienne mondiale, condition préalable à la création d’une économie planifiée à l’échelle internationale qui éliminera la pénurie, notamment en exploitant les technologies les plus sophistiquées. Nous sommes pour une révolution politique prolétarienne afin de chasser la bureaucratie stalinienne et de la remplacer par des conseils d’ouvriers et de paysans déterminés à lutter pour le socialisme mondial.
Plusieurs alliés des Etats-Unis se plaignent de la guerre commerciale de Trump, mais ils sont tous unis avec Washington pour bloquer la poursuite du développement technologique de la Chine, qui s’est manifesté de façon spectaculaire avec le récent alunissage de la sonde Chang’e-4 sur la face cachée de la lune, une première mondiale. L’une des préoccupations des impérialistes est de s’assurer que la technologie de pointe reste avant tout leur domaine. Trump a intensifié les mesures de l’administration Obama pour bloquer les investissements chinois dans des entreprises américaines donnant accès à des technologies de pointe. L’Allemagne est également en pleine paranoïa au sujet des prises de contrôle chinoises, notamment suite à l’acquisition de l’industriel allemand de robotique KUKA par le conglomérat chinois Midea. Huawei est le leader mondial de la technologie des réseaux pour la prochaine génération de téléphonie mobile (la « 5G »), et le deuxième fabricant mondial de smartphones (devant Apple). Meng, dont le père est l’ancien ingénieur de l’Armée populaire de libération qui a fondé l’entreprise, est le visage public de Huawei.
Les autorités américaines s’inquiètent du fait que la domination de Huawei dans le développement de la technologie 5G confère à Pékin de vastes pouvoirs de surveillance mondiale. C’est culotté de la part de Washington, les maîtres de l’espionnage gouvernemental. Il y a six ans, Edward Snowden a publié des documents montrant que le gouvernement américain espionne de tous côtés ses propres citoyens, des étrangers et même des chefs d’Etat alliés. Comme l’a révélé Snowden, la National Security Agency (Agence de sécurité nationale NSA) implante systématiquement des « portes dérobées » dans les routeurs Cisco et dans d’autres équipements réseau expédiés à l’étranger. La NSA a également piraté le réseau informatique interne de Huawei et accédé à ses archives de courrier électronique, à sa liste de clients et au code source de ses logiciels.
L’Australie et la Nouvelle-Zélande se sont jointes aux Etats-Unis pour tenter d’interdire l’utilisation des produits Huawei dans le déploiement de la 5G . En décembre dernier, le Japon a exclu Huawei des nouveaux contrats gouvernementaux. British Telecom a annoncé qu’elle allait retirer de ses réseaux les équipements Huawei existants et qu’elle n’allait pas déployer la commutation Huawei 5G , bien que le centre d’espionnage britannique GCHQ ait approuvé à plusieurs reprises des produits Huawei. En même temps, un certain nombre de fournisseurs de services sans fil en Europe qui ont passé des accords avec Huawei continuent de tester ses produits en vue du déploiement de la 5G .
Des responsables américains ont fait le tour des pays européens pour intimider les gouvernements et les fournisseurs de Huawei ; suite à cela, les autorités polonaises ont arrêté pour espionnage le 8 janvier un directeur des ventes de Huawei et un autre employé du secteur des télécoms. Parallèlement aux arrestations, le ministre de la Sécurité publique polonais a proclamé que l’Union européenne et l’OTAN devraient envisager d’exclure conjointement Huawei de leurs marchés. Pékin a réagi à l’arrestation de Meng en arrêtant deux citoyens canadiens et en les accusant d’atteinte à la sécurité nationale. Le 14 janvier, un Canadien a été condamné à mort en Chine pour trafic de drogue. La Chine, comme les Etats-Unis, est notoirement connue pour avoir recours à la peine de mort, un châtiment barbare.
Les dirigeants du PCC utilisent le développement impressionnant de la Chine ces dernières décennies pour colporter l’idée fausse qu’ils pourraient faire de la Chine la superpuissance mondiale du XXIe siècle en commerçant et en collaborant avec les impérialistes, qui dominent le marché mondial. C’est un article de foi inviolable pour les bureaucrates staliniens, remontant à Staline lui-même, de croire qu’une « coexistence pacifique » avec les impérialistes serait réalisable. Dans un article paru le 18 décembre dernier, le Global Times, un journal gouvernemental chinois, insistait sur le fait que « le secteur des technologies de pointe en Chine n’est pas vulnérable » en raison des liens économiques étroits qui unissent la Chine et les Etats-Unis.
Contrairement à ces illusions, les impérialistes américains ont démontré leur capacité à paralyser les géants de la technologie chinois. L’administration Trump a bloqué l’année dernière pendant un certain temps l’exportation de microprocesseurs avancés fabriqués par des entreprises américaines et destinées à ZTE, un autre fabricant de télécommunications chinois, ce qui a mis en péril l’existence même de cette entreprise. Environ 90 % des microprocesseurs utilisés en Chine sont soit importés, soit fabriqués sur place par des sociétés étrangères, alors même que la Chine fabrique 90 % du matériel informatique mondial. La technologie de pointe dans les microprocesseurs est un moteur de l’économie mondiale d’aujourd’hui et elle est cruciale dans le domaine militaire. Trump n’a levé l’interdiction pesant sur ZTE que pour pouvoir utiliser le sort de celui-ci comme monnaie d’échange dans son bras de fer commercial avec la Chine.
La Chine est un concentré des contradictions inhérentes à un Etat ouvrier dirigé par une caste bureaucratique privilégiée. D’une part, elle est devenue la deuxième économie du monde, créant un prolétariat massif et combatif. Preuve de la supériorité de l’économie collectivisée, la production chinoise a continué de croître alors que le monde capitaliste plongeait dans la crise économique il y a dix ans.
D’autre part, la Chine a un niveau moyen de productivité du travail bien inférieur à celui des pays capitalistes avancés. C’est flagrant dans les campagnes, où vit près de la moitié de la population et qui fournissent la majeure partie de l’armée de travailleurs migrants du pays. Des décennies de réformes de marché menées par le PCC ont considérablement aggravé les inégalités. Pour préserver leur pouvoir, les bureaucrates staliniens répriment vigoureusement toute expression politique indépendante des travailleurs chinois, qui continuent à mener de multiples manifestations et grèves.
La bureaucratie du PCC au pouvoir doit être chassée par une révolution politique prolétarienne pour instaurer un régime de démocratie ouvrière. Un régime de conseils ouvriers et paysans se battrait pour préserver et étendre les formes de propriété de la classe ouvrière et mener la lutte pour le socialisme dans le monde entier. La modernisation égalitaire tous azimuts de la Chine dépend du partage, de l’allocation et du développement ultérieur des ressources mondiales, toutes choses qui seront rendues possibles par des révolutions socialistes dans les pays capitalistes avancés.
Seule l’instauration d’une économie planifiée internationale peut libérer les forces productives nécessaires pour éliminer la misère et jeter les bases d’une société socialiste. Pour apporter cette compréhension au prolétariat et le doter d’une direction dans sa lutte, il faut un parti révolutionnaire international, avec des sections dans des pays du monde entier. Un tel parti doit s’appuyer sur les leçons de la Révolution russe d’octobre 1917 dirigée par les bolchéviks de Lénine et Trotsky, celles des quatre premiers congrès de l’Internationale communiste et celles de la lutte ultérieure de Trotsky pour forger la Quatrième Internationale, parti mondial de la révolution socialiste. C’est la perspective de la Ligue communiste internationale.