Le Bolchévik nº 227

Mars 2019

 

Gilets jaunes: Le prolétariat doit prendre la tête de la lutte!

A bas les taxes sur le carburant!

Nous reproduisons ci-après le tract de la LTF du 6 décembre.

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L’augmentation des taxes sur les carburants par le gouvernement Macron a fait éclater la colère qui s’accumule depuis si longtemps. Introduites au nom de la « transition énergétique », ces taxes dégressives frappent tous les travailleurs ; elles n’ont d’autre but que de restaurer le taux de profit d’un impérialisme français en pleine perte de vitesse face à ses concurrents. La lutte des gilets jaunes contre cette mesure grossièrement élitiste est dans l’intérêt de la classe ouvrière. Le gouvernement a déchaîné sa machine de répression contre ce mouvement : il y a eu des centaines de blessés et des centaines d’arrestations. Nous exigeons la libération immédiate de tous ceux qui ont été arrêtés et la levée des poursuites contre eux ! Face à la popularité des gilets jaunes, en nette hausse spécialement suite à la répression, Macron a essayé de désamorcer la colère en suspendant puis annulant les nouvelles taxes, une mesure justement perçue comme des miettes dérisoires.

Socialement et politiquement hétérogènes, indépendants des syndicats et des partis de la classe ouvrière, les gilets jaunes regroupent des travailleurs (employés surtout dans de petites entreprises, des déserts syndicaux), une masse de retraités poussés dans la misère, et de nombreux petits artisans et indépendants. Ce mouvement a établi une liste de revendications qui s’est élargie bien au-delà de la question des carburants. Ces revendications, dont certaines sont soutenables et d’autres proprement réactionnaires, reflètent la force dirigeante petite-bourgeoise de la mobilisation. N’ayant pas d’intérêts de classe propres, la petite bourgeoisie oscille entre les deux classes fondamentales de la société capitaliste : la bourgeoisie et la classe ouvrière.

Le mouvement ouvrier doit chercher à prendre la tête des protestations afin de les diriger contre le véritable coupable : le capitalisme. Par son travail, c’est la classe ouvrière qui produit les profits, la raison d’être du capitalisme. C’est elle seule qui a la force pour stopper le flot des profits en arrêtant le travail ; c’est elle seule qui a l’intérêt historique pour renverser le capitalisme et le remplacer par le pouvoir des travailleurs.

Beaucoup de gilets jaunes voient simplement les multiples trahisons de la bureaucratie syndicale. Laurent Berger de la CFDT soutient le gouvernement sans fard et Philippe Martinez, chef de la CGT, avait appelé à voter Macron l’année dernière – une trahison, même contre Le Pen. La direction de la CGT s’est détournée de la mobilisation des gilets jaunes. Le 1er décembre, la manifestation nationale à Paris de la CGT contre le chômage est finalement partie en sens opposé ! Mais les syndicats ne se réduisent pas à leur direction procapitaliste ! Ce sont les organes élémentaires de défense de la classe ouvrière – sans eux les travailleurs sont émiettés comme des individus impuissants face aux capitalistes et leur Etat, cet appareil de violence avec ses flics, ses juges et son armée, pour imposer le règne capitaliste.

L’indifférence ou l’hostilité de nombreux gilets jaunes aux syndicats reflète aussi en partie la faiblesse des syndicats, résultat des attaques systématiques contre eux par Macron et ses prédécesseurs, y compris du PS social-démocrate, et dont un point culminant était la liquidation du statut des cheminots au printemps dernier. Mais chaque jour de nouveaux secteurs de la classe ouvrière commencent à s’ébranler contre le gouvernement. Les dockers et les raffineurs envisagent des grèves la semaine prochaine, et la CGT et FO ont parlé d’une grève illimitée chez les routiers à partir de lundi 10. Ces travailleurs ont une puissance sociale énorme, qui pourrait aussi donner le signal aux cheminots pour faire manger à Macron sa « réforme » de la SNCF. Cette lutte peut stopper net les plans du gouvernement pour tailler en pièces en 2019 le système de santé, les retraites et l’assurance chômage.

Il faut une direction lutte de classe dans les syndicats, contre les bureaucrates qui ont fait leur l’idée que le capitalisme français doit se « moderniser » pour tenir face à ses concurrents. Ces Martinez et compagnie voudraient seulement que cela se fasse en n’écrabouillant pas trop les travailleurs, si possible. Eh bien non, ce n’est pas possible. La moindre concession ne peut être arrachée aux sangsues capitalistes, ou défendue, que par une lutte de classe acharnée.

Pour un programme de lutte de classe !

Le combat pour une direction lutte de classe dans les syndicats va de pair avec celui pour un nouveau parti, un parti ouvrier révolutionnaire d’avant-garde, multi-ethnique et multiracial, un parti tribun du peuple. C’est ainsi que la classe ouvrière peut prendre la tête de la lutte de tous les opprimés pour renverser le système capitaliste, en avançant ses propres mots d’ordre et sa propre perspective de classe en opposition à la bourgeoisie et son gouvernement.

Il faut une hausse générale massive de tous les salaires, avec une échelle mobile pour compenser l’inflation. Face au chômage, il faut une réduction massive du temps de travail, sans perte de salaire, permettant l’embauche de tous les chômeurs et le partage du travail entre toutes les mains. Il faut étendre les salaires et les conditions arrachés par les syndicats dans les entreprises plus grosses à tous les sous-traitants, travailleurs détachés, intérimaires, CDD, qui sont employés dans des conditions au rabais pour diviser les travailleurs entre eux. Il y a un lien immédiat entre une lutte pour ce genre de revendication et celle pour syndiquer les non-syndiqués et pour des syndicats industriels regroupant en une seule organisation tous les travailleurs d’une branche donnée de la production. C’est avec ces mots d’ordre que l’on pourra revitaliser les syndicats.

La question des travailleurs détachés pose la nécessité d’une lutte de classe pour en finir avec l’Union européenne (UE), dont les directives servent de machine de guerre dans chaque pays membre, y compris en France et en Allemagne, pour détruire les acquis de tous les travailleurs. L’UE est une alliance capitaliste réactionnaire et instable pour le plus grand bénéfice des impérialistes allemands et français contre leurs rivaux des Etats-Unis et du Japon. A bas l’Union européenne et l’euro !

Cela pose aussi la nécessité de lutter pour les pleins droits de citoyenneté pour tous ceux qui sont ici. C’est une mesure vitale à l’unité de la classe ouvrière ici et donc à son potentiel de lutte. Les gilets jaunes demandent que soient bien traités les demandeurs d’asile, mais ils ont aussi des revendications à leur propos dignes de Le Pen, comme l’expulsion des demandeurs d’asile déboutés, ou que les demandeurs d’asile soient parqués dans des camps de l’ONU – cette caverne de brigands impérialistes et de leurs victimes. Contre ces propos anti-immigrants, nous disons : Aucune expulsion !

Face aux revendications que nous avançons, les capitalistes hurleraient que c’est irréaliste et impossible. Si le capitalisme ne peut satisfaire les revendications indispensables à la survie même de la classe ouvrière et des opprimés, qu’il périsse, lui !

A bas Parcoursup ! A bas les droits d’inscription à l’université !

Dans les grandes villes et dans de nombreux quartiers ouvriers et à forte composante d’origine maghrébine et africaine, les flics et les gendarmes font des rafles à coups de matraque et de gaz lacrymogène contre les lycéens alors que ceux-ci commencent à descendre dans la rue en solidarité avec les gilets jaunes et pour protester contre le dispositif macroniste de sélection raciste à l’entrée de l’université dit « Parcoursup ». Le mouvement ouvrier doit défendre les jeunes des quartiers ! A bas Vigipirate ! A bas la guerre raciste « contre le terrorisme » !

Le gouvernement vient d’annoncer, en passant, le décuplement des frais d’inscription à l’université pour les étudiants étrangers – un premier pas à sa généralisation et à l’exclusion des jeunes issus de familles pauvres de l’enseignement supérieur. Et ce, alors même que la France était déjà l’un des pays les plus inégalitaires du monde capitaliste développé en termes d’éducation ! Pour un enseignement public de qualité, ouvert à tous avec ou sans le bac, gratuit et avec des bourses suffisantes !

Flics et fascistes : ennemis de la classe ouvrière – et des gilets jaunes

D’après leurs propres chiffres pour Paris le 1er décembre, les flics ont balancé 140 000 litres d’eau sous pression et 13 500 grenades diverses sur peut-être 10 000 manifestants ! Toute cette répression montre à quoi servent les flics : ils sont les chiens de garde du capital, au cœur de l’Etat capitaliste. Quand les gilets jaunes demandent des « moyens conséquents accordés à la justice, à la police, à la gendarmerie et à l’armée », ils demandent des moyens de répression qui seront utilisés contre eux-mêmes ! Les flics, matons, douaniers et vigiles ne devraient pas avoir leur place dans les fédérations syndicales ouvrières (y compris CGT et SUD). Ce ne sont pas des travailleurs !

Un fasciste notoire, Yvan Benedetti, chef de l’ultra-pétainiste Œuvre française (interdite en 2013), a été repéré en gilet jaune près de l’Arc de Triomphe le 1er décembre, où il a pris quelques coups de poing bien sentis sur la figure. Si la classe ouvrière entre vraiment dans la lutte derrière sa propre banderole et que les flics risquent de ne pas suffire, la bourgeoisie n’hésitera pas à lâcher contre elle ses troupes de choc extraparlementaires, les nervis fascistes. La raison d’être des fascistes est l’annihilation physique du mouvement ouvrier et le pogrom raciste, et la bourgeoisie française est prête à tout pour sauver son pouvoir de classe. La classe ouvrière doit se mobiliser, à la tête de toutes les victimes désignées des fascistes, pour faire rentrer cette peste brune dans son trou avant qu’elle ne puisse se développer.

Ecologie et taxes sur le carburant

La gauche ressasse depuis des années l’argumentaire pour la taxation des carburants avec son entichement pour la « lutte contre le changement climatique ». Changement climatique il y a, et l’activité humaine y joue indubitablement un rôle, mais quand le gouvernement capitaliste de Macron dit s’en préoccuper cela ne peut avoir pour raison que le plan de production des véhicules hybrides de Peugeot qui sortiront en 2019, et le renflouement des caisses de l’Etat pour financer de nouveaux cadeaux aux patrons.

Le PCF « écommuniste » vient, lors de son récent congrès, de jeter définitivement aux orties la faucille et le marteau en faveur d’un emblème avec… une feuille d’arbre. Quant au NPA, il discute avec le plus grand sérieux de la nécessité d’une décroissance, alors même que les rations diminuent de jour en jour dans l’assiette des travailleurs et des pauvres. La tendance « Anticapitalisme et révolution » du NPA, pourtant elle-même moins « verte » que la clique de Besancenot, prônait ainsi lors du dernier congrès du NPA un « programme de transition anti-capitaliste, axé sur la remise en cause des énergies polluantes ».

Le mouvement ouvrier pourra élaborer des plans pour atténuer l’impact du changement climatique dans le cadre seulement d’une économie mondiale réorganisée sur une base socialiste: quand il aura pris le pouvoir et qu’il se sera attelé à résorber la misère au niveau mondial grâce à un accroissement qualitatif des forces productives (voir « Capitalisme et changement climatique », le Bolchévik n° 215, mars 2015).

Contre le populisme bourgeois, il faut un parti ouvrier léniniste !

Aujourd’hui, le mouvement ouvrier se trouve marginalisé pour la première fois pour une mobilisation de cette ampleur contre le gouvernement. Si cela ne change pas, les gagnants politiques risquent d’être les populistes bourgeois, qui sont des ennemis de la classe ouvrière, que ce soit les racistes fascisants de Le Pen ou les mélenchonistes. Mélenchon insiste depuis des années que son mouvement défend les intérêts « du peuple », en essayant de faire disparaître la division de la société en deux classes fondamentales.

Les intérêts « du peuple » – quelle ironie ! Les mélenchonistes ont fait campagne en 2017 pour la « planification écologique », exigeant d’« engager la sortie du diesel ». Ardents défenseurs des institutions capitalistes, ils tentent maintenant de canaliser la colère populaire vers de nouvelles élections. Comme le disait un gilet jaune, « on nous demande de choisir entre la peste et le choléra » (l’Humanité, 3 décembre). Tel est le rôle des élections sous le capitalisme : décider une fois tous les trois ou six ans quel membre de la classe dirigeante doit « représenter » et fouler aux pieds le peuple au parlement.

Les gilets jaunes crient « Macron démission », mais si la classe ouvrière ne prend pas la tête de la lutte pour renverser le capitalisme, une démission de Macron aboutirait à son remplacement par l’un de ses clones, ou par un, ou une, démagogue populiste. La crise sociale intense exige de façon criante une nouvelle direction de la classe ouvrière, une direction révolutionnaire. Nous luttons pour construire ce parti selon le modèle du Parti bolchévique de Lénine et Trotsky qui avait dirigé la première révolution prolétarienne victorieuse, en Russie en octobre 1917. Il faut reforger la Quatrième Internationale !