Le Bolchévik nº 227 |
Mars 2019 |
Amalgame sinistre entre « antisémitisme » et « antisionisme »
Macron menace la gauche et la population d'origine maghrébine
26 février Le gouvernement fait campagne depuis trois mois pour dresser un portrait des gilets jaunes en fascistes et en racistes antijuifs. Son raisonnement fallacieux est le suivant : il y a des racistes antijuifs parmi les gilets jaunes, et de même parmi les antisionistes (vrai), donc tous les gilets jaunes et tous les antisionistes sont des « antisémites » (faux), qu’il est bon d’emprisonner. Macron vient ainsi de déclarer au dîner annuel du CRIF le 20 février qu’il va punir l’antisionisme comme une « forme d’antisémitisme ». Le gouvernement cible la gauche et l’ensemble des musulmans et Maghrébins en tant que sources d’opposition à sa politique anti-ouvrière et raciste ainsi qu’à son soutien au gouvernement israélien contre le peuple palestinien. Cette mesure faciliterait la censure gouvernementale de la presse et de l’Internet.
L’amalgame est grossier. L’opposition à l’Etat sioniste n’a en soi rien à voir avec le racisme antijuif. En faisant constamment l’amalgame entre Juifs et sionistes, c’est le gouvernement qui vilipende les Juifs. Avant la montée du nazisme, l’immense majorité des Juifs du monde étaient eux-mêmes opposés à la perspective sioniste d’un Etat capitaliste juif en Palestine, et les marxistes révolutionnaires également. Cependant, l’exode des Juifs fuyant le racisme, les pogromes et le génocide dans les pays capitalistes occidentaux, et les manuvres cyniques des impérialistes et de leurs alliés sionistes au Proche-Orient, ont conduit à la consolidation en Palestine d’une nation juive israélienne, parlant l’hébreu. Nous reconnaissons son droit à l’existence, de même que nous reconnaissons le droit à l’existence du peuple palestinien.
Cela crée un conflit inextricable sous le capitalisme, deux peuples interpénétrés revendiquant la même terre exiguë alors que le capitalisme est basé sur l’Etat-nation (ou un Etat multinational avec une nation dominant les autres). Il est impossible de résoudre ce problème de façon équitable pour les deux peuples sans le renversement du capitalisme par la révolution ouvrière, avec la destruction de l’Etat d’Israël et aussi des Etats capitalistes arabes de la région. La seule solution, c’est la dictature révolutionnaire du prolétariat, dans la perspective d’une fédération socialiste du Proche-Orient (voir par exemple « Défense du peuple palestinien ! Israël, hors des territoires occupés ! Pour une fédération socialiste du Proche-Orient ! », le Bolchévik n° 187, mars 2009).
Voici par contre un exemple véritable de racisme antijuif : la tentative du gouvernement Macron de célébrer officiellement le maréchal Pétain, chef du régime antijuif de Vichy, à l’occasion du centenaire de la fin de la Première Guerre mondiale l’année dernière. En faisant cela, Macron essayait seulement de faire revivre une ancienne « tradition républicaine » initiée par de Gaulle. L’un des hauts fonctionnaires de ce dernier était le très décoré Maurice Papon (mort dans son lit à l’âge de 96 ans en 2007). Papon avait été responsable de la déportation de 1 700 Juifs bordelais vers les camps de la mort nazis, préfet de police pendant la guerre d’Algérie, à Constantine (Qasantina) puis à Paris lors du massacre de 200 Algériens le 17 octobre 1961. Il a dû tuer plus de Juifs, et d’Arabes également, que tous les djihadistes français réunis.
Le gouvernement Macron a aussi dû (à grand-peine) retirer du « recueil des Commémorations nationales » de 2018 le fasciste Charles Maurras. Au dîner du CRIF de l’année dernière, Macron a d’ailleurs osé prendre sous sa protection Louis-Ferdinand Céline, l’un des plus virulents provocateurs antijuifs et pronazis qu’ait jamais produits le pays. Macron a prétendu sans fondement que Céline avait « honte » de ses écrits antijuifs les plus obscènes. La seule chose surprenante est qu’il ne se soit pas trouvé quelqu’un dans la salle pour jeter son verre à la figure de Macron. Ce n’est pas lui, avec ses flics et l’ensemble de l’Etat capitaliste français, les plus grands pourvoyeurs de haine antijuive, qui vont protéger les Juifs de ce pays !
Il y a, certes, de l’arriération et du racisme contre les Juifs dans les quartiers pauvres du pays. Les opprimés d’origine nord- et ouest-africaine, animés par la solidarité, sinon l’identification avec le peuple arabe palestinien opprimé, subissent chaque jour les attaques des flics et des humiliations constantes des « directeurs de ressources humaines » et des propriétaires fonciers qui leur refusent l’emploi et le logement. Des démagogues réactionnaires, de Dieudonné (un homme de paille des fascistes) aux intégristes islamistes, cherchent à manipuler le désespoir de cette couche de la population française pour répandre leurs préjugés antijuifs, le « socialisme des imbéciles ». Ce poison détourne la colère justifiée des opprimés de leurs véritables oppresseurs et exploiteurs, les impérialistes français qui sont dans leur vaste majorité catholiques , pour la dévier vers un bouc émissaire.
L’offensive « anti-antisémite » du gouvernement fait déjà ses premières victimes. De jeunes militants du PCF ont été agressés lors du rassemblement « contre l’antisémitisme » du gouvernement, des Républicains, des mélenchonistes, du PCF et du PS le 19 février. Mais c’est la gauche elle-même qui a créé le précédent pour cette campagne en étant à l’initiative en 1990 de la « loi Gayssot » (alors dirigeant du PCF) qui réprimait la contestation de l’Holocauste et en général les propos racistes. Elle a renforcé les pouvoirs de l’Etat capitaliste, qui inévitablement sont utilisés pour préserver l’ordre capitaliste raciste. Nous sommes opposés à ce genre de lois qui se retournent toujours contre le mouvement ouvrier, de même que les lois pour interdire les groupes fascistes servent en réalité à interdire les groupes de gauche et elles désarment les travailleurs en alimentant les illusions dans l’Etat capitaliste. Ce n’est pas Charlie Hebdo avec ses saillies hebdomadaires contre les musulmans qui risque quoi que ce soit !
Aujourd’hui ce qu’indiquent les statistiques, c’est surtout une montée des profanations de cimetières juifs avec des croix gammées, et des attaques contre la gauche, les Juifs et les Maghrébins ou leurs enfants par de la racaille fasciste. Une direction révolutionnaire de la classe ouvrière mobiliserait les travailleurs, à la tête de tous les opprimés, pour stopper les fascistes. Ce parti se saisirait de toute manifestation d’oppression, où qu’elle se produise, quelle que soit la couche sociale qui ait à en souffrir, pour montrer que sa source se trouve dans le système capitaliste et qu’en dernier ressort c’est ce système lui-même qu’il faut renverser pour en finir avec l’oppression. C’est cette conception qui nous guide dans la lutte pour construire le parti qui dirigera la révolution socialiste.