Le Bolchévik nº 219

Mars 2017

 

Pour un parti ouvrier révolutionnaire multiethnique d’avant-garde !

Présidentielles 2017 : Aucun choix pour les travailleurs

A bas la guerre raciste « contre le terrorisme » !

23 février – Les élections cette année sont marquées par une montée sinistre de la réaction. Non seulement Marine Le Pen fait la course en tête jusqu’à présent, mais sa victoire au deuxième tour des présidentielles est de moins en moins de l’ordre de l’impossible. Le Front national compte tirer parti du dégoût général que suscite de plus en plus le cirque politique bourgeois. Il exacerbe le chauvinisme et le racisme en désignant les musulmans et les immigrés comme bouc émissaire pour tous les maux du capitalisme. Le but est clair : diviser la classe ouvrière afin de l’affaiblir et de démolir ses derniers acquis arrachés par des dizaines d’années de lutte (voir notre article sur le FN page 5).

De son côté, le candidat de la droite François Fillon se présente comme encore plus réactionnaire que les Chirac et Sarkozy et comme un partisan déclaré de Margaret Thatcher, qui en Grande-Bretagne avait détruit des pans entiers de l’économie (notamment les mines) dans le but de décimer les syndicats. Quant à Emmanuel Macron, il est l’inspirateur direct de la loi qui porte son nom, ainsi que de la loi El Khomri contre laquelle la classe ouvrière s’est massivement mobilisée l’année dernière. A bas les lois antisyndicales Macron et El Khomri !

Dans ce climat réactionnaire, après le viol accompagné de graves blessures commis début février par des flics contre un jeune d’Aulnay, Théo L., la ville a été la proie de violentes émeutes policières pendant des jours, les flics tirant à balles réelles et procédant à arrestations et incarcérations de jeunes à tour de bras. La réponse de Le Pen a été de se précipiter dans un commissariat de police pour exiger de « réarmer » les flics, ainsi que la garantie de la « présomption d’innocence » y compris pour le flic tortionnaire d’Aulnay (qui de toute façon est resté libre).

La « gauche » (Hamon, Mélenchon) se joint à la surenchère pour demander l’embauche de milliers de flics supplémentaires, notamment sous forme de « police de proximité », d’indics (les « RG ») et autres flics spéciaux « antiterroristes ». Nous exigeons la libération immédiate de tous les jeunes arrêtés dans les protestations de ces dernières semaines contre la terreur policière raciste ! C’est la banalisation de celle-ci qui a pavé la voie aux attaques des flics contre les manifestants anti-El Khomri au printemps 2016. Le mouvement ouvrier doit défendre les jeunes de banlieue ! A bas l’état d’urgence ! A bas Vigipirate et Sentinelle !

Aucun vote pour le populiste bourgeois chauvin Mélenchon !

L’Etat capitaliste consiste fondamentalement en des détachements d’hommes armés – l’armée, la police, les tribunaux et les prisons – dont le rôle est de protéger la domination de classe de la bourgeoisie et son système de production. Contrairement aux appels du PCF, du NPA, du POID ou de LO, il ne peut pas y avoir de « justice pour Théo » dans les tribunaux capitalistes, qui servent à rendre justice pour les Christine Lagarde et autres banquiers et patrons.

Le président est le chef de l’exécutif : il est chef des armées et de l’appareil d’Etat capitaliste français, celui à qui revient en dernier ressort de donner l’ordre d’expéditions militaires impérialistes, au Mali ou ailleurs, de décréter l’état d’urgence pour mettre les quartiers ouvriers en état de siège, de faire interdire les grèves et les manifestations ouvrières, etc.

Les candidats « de gauche », y compris les soi-disant « communistes révolutionnaires » de LO, se bousculent pourtant au portillon pour accéder au poste de président, le poste exécutif suprême. Pour notre part, nous refusons par principe de nous présenter à un poste exécutif quelconque pour diriger l’Etat capitaliste (que ce soit président de la république ou maire de village), car cela implique, qu’on le veuille ou non, que l’on est prêt à accepter de telles responsabilités, quels que soient les démentis que l’on puisse faire par avance. Etre candidat à un poste exécutif de l’Etat ne peut que conférer une légitimité au réformisme, c’est-à-dire à la conception que l’on pourrait réformer le capitalisme et son Etat dans l’intérêt des travailleurs. Les marxistes au contraire luttent contre ce genre d’illusion :

« Ce qui est en jeu avec la question de poser sa candidature à un poste exécutif, c’est l’opposition fondamentale entre le marxisme et le réformisme : le prolétariat peut-il utiliser la démocratie bourgeoise et l’Etat bourgeois pour mener à bien une transition pacifique vers le socialisme, ou au contraire le prolétariat doit-il démolir la vieille machine étatique et créer à sa place un nouvel Etat pour imposer son propre pouvoir de classe – la dictature du prolétariat – afin de réprimer et d’exproprier les exploiteurs capitalistes ? »

– « A bas les postes exécutifs de l’Etat capitaliste ! Principes marxistes et tactiques électorales », Spartacist édition française n° 39, été 2009

Cela n’exclut pas que nous puissions en principe présenter des candidats au parlement, car ils peuvent utiliser celui-ci comme tribune, en tant qu’oppositionnels, pour y avancer la perspective du renversement révolutionnaire du capitalisme. Cela n’exclut pas non plus a priori que l’on puisse envisager un soutien électoral critique pour des candidats du mouvement ouvrier, y compris à un poste exécutif, s’ils tracent une ligne de classe entre prolétaires et capitalistes, ce qui permet alors d’exploiter une contradiction avec leur aspiration à administrer l’Etat capitaliste. Mais ce n’est absolument pas le cas aujourd’hui et nous appelons à l’abstention, y compris au deuxième tour : un vote « anti-Le Pen » serait un vote pour un candidat représentant un parti ou un bloc capitaliste, dont c’est la politique même qui gonfle les voiles du FN fascisant.

Il est illusoire d’espérer des améliorations pérennes pour les travailleurs sous le capitalisme. Mais la vision du monde de gens comme Mélenchon, avec son « éco-humanisme » (ou Hamon avec son « futur désirable »), est même en-deçà de la défense nécessaire des derniers acquis sociaux de la classe ouvrière (le mal-nommé « Etat-providence ») : c’est une vision de stagnation économique, c’est-à-dire du déclin et du pourrissement terminal du capitalisme.

Nous luttons au contraire pour une société communiste d’abondance. Notre perspective nécessite le renversement du capitalisme par une série de révolutions ouvrières, ici et dans le reste du monde, ce qui permettra de réorganiser l’économie sur une base collectiviste planifiée internationalement. Cela ouvrira la voie à une extension gigantesque des forces productives au service non plus de la course au profit pour les capitalistes individuels mais au service de l’humanité tout entière.

La Révolution russe de 1917 avait montré la voie pour cette perspective. C’est pourquoi les capitalistes du monde entier continuent avec un acharnement redoublé depuis la contre-révolution capitaliste qui a détruit l’Union soviétique il y a vingt-cinq ans à chercher à discréditer cette expérience historique qui, en dépit de sa dégénérescence bureaucratique ultérieure sous Staline, avait ouvert la voie à un bond en avant énorme pour les travailleurs du monde entier.

Si Jean-Luc Mélenchon a bien été un cacique du Parti socialiste pendant pratiquement trente ans, il a aujourd’hui largué les amarres du mouvement ouvrier en se présentant comme le candidat du « peuple » français, c’est-à-dire de l’ensemble de la population : « Ici, c’est le peuple qui prend la place qu’occupait hier la “classe ouvrière révolutionnaire” dans le projet de la gauche » (l’Ere du peuple, 2014).

La classe ouvrière doit lutter pour son propre pouvoir de classe en renversant la bourgeoisie. Pour cela elle doit rompre avec la bourgeoisie et lutter en son nom propre pour ses propres intérêts de classe : indépendamment de la bourgeoisie et en opposition à elle. C’est aussi élémentaire que cela, et les quelques revendications minimales des mélenchonistes pour augmenter le SMIC ou abroger la loi El Khomri n’en font pas un candidat ouvrier.

C’est pourquoi les marxistes s’opposent par principe à tout vote pour Mélenchon et dénoncent la trahison de classe que commet le PCF (ainsi que des petits groupes comme la Gauche révolutionnaire) en faisant campagne pour ce populiste bourgeois. Nous dénonçons son protectionnisme chauvin, par lequel les travailleurs français se trouvent enchaînés à leurs propres capitalistes français contre leurs frères de classe étrangers. Mélenchon se présente comme le principal concurrent de Marine Le Pen pour les suffrages des flics, et il est partisan de la guerre raciste « contre le terrorisme ».

Il a même déclaré sur France 2 le 23 février que « je suis pour la reconduite aux frontières des gens qui n’ont pas une situation stable et légale dans notre pays », et il a conditionné l’immigration aux besoins économiques des capitalistes en précisant qu’il donnerait « des papiers aux sans-papiers qui travaillent » et qu’« ils sont donc les bienvenus parce qu’ils participent à la richesse de la patrie » – sous-entendu : ouste pour ceux qui ne rapportent rien ! Nous exigeons au contraire les pleins droits de citoyenneté pour tous ceux qui sont ici en France ! Aucune expulsion !

En dépit de ses critiques, Mélenchon demeure un partisan de l’Union européenne, cette alliance capitaliste réactionnaire profitant peut-être en premier à l’impérialisme allemand, mais en deuxième à l’impérialisme français. L’Union européenne sert de rouleau compresseur pour multiplier les lois antisyndicales dans toute l’Europe, pour étrangler toujours plus les travailleurs grecs, pour passer des accords avec le gouvernement turc ou un fantoche libyen pour qu’ils ferment plus hermétiquement la frontière aux réfugiés, etc. Tout ce que demande Mélenchon, c’est de rééquilibrer le rapport de forces au profit de l’impérialisme français et au détriment de son rival allemand (voir notamment notre article « Le plan français du populiste bourgeois Mélenchon pour sauver l’UE » dans le Bolchévik n° 218, décembre, et nos articles parus l’année dernière pour le Brexit). A bas l’Union européenne ! A bas ses instruments financiers, la BCE et l’euro !

Pourquoi nous rejetons l’appel à une assemblée constituante

Depuis plusieurs années maintenant Mélenchon, suivi du PCF, déclare qu’il veut proclamer une VIe République grâce à l’élection d’une assemblée constituante. C’est aussi une revendication phare d’une aile du NPA (le Courant communiste révolutionnaire « moréniste »), ainsi que des « lambertistes » du POI et du POID.

La revendication d’une assemblée constituante n’est pas une revendication démocratique mais un appel à un nouveau parlement bourgeois, ce qui revient à réclamer un nouveau gouvernement bourgeois et à perpétuer ainsi la dictature économique de la classe capitaliste. C’est pourquoi nous rejetons par principe l’appel à une assemblée constituante (voir notre article dans Spartacist édition française n° 41, été 2013). Comme le disait Lénine en 1919, peu après la Révolution russe :

« Nulle part au monde il n’y a et il ne saurait y avoir de milieu. Ou bien la dictature de la bourgeoisie (dissimulée sous la pompeuse phraséologie socialiste-révolutionnaire et menchévique sur la souveraineté du peuple, la Constituante, les libertés, etc.), ou bien la dictature du prolétariat. Celui à qui toute l’histoire du XIXe siècle n’a pas appris cela est un imbécile fini. »

Nous sommes pour notre part pour la dictature du prolétariat. L’appel de Mélenchon à une assemblée constituante est une tromperie populiste visant à canaliser le mécontentement face au parlementarisme bourgeois vers… un nouveau parlement bourgeois. Le parlementarisme, « constituant » ou pas, revient à laisser le peuple décider toutes les quelques années « quel membre de la classe dirigeante [doit] représenter et fouler aux pieds le peuple au Parlement », pour reprendre les termes de Karl Marx.

Le « revenu universel » de Benoît Hamon : précarité pour tous et retour des femmes au foyer

Après la plus importante mobilisation de la classe ouvrière depuis des années (contre la loi El Khomri), on se retrouve non pas face à une résurgence d’une perspective de classe pour les travailleurs mais au contraire à une montée du populisme bourgeois. Et si l’on regarde le programme du candidat du PS, le « frondeur » Benoît Hamon, on voit qu’il en a plus pour l’écologie et autres lubies de bobos que pour la classe ouvrière. Dans le meilleur des cas, il propose une nouvelle alliance de collaboration de classes avec des partis capitalistes (verts, radicaux de gauche), une version particulièrement grotesque de « front populaire ».

Le Parti socialiste tente une opération de la dernière chance en sacrifiant à la fois Hollande et Valls pour la présidentielle. Hamon, avec son compère le protectionniste Arnaud Montebourg, avait été l’un des principaux protagonistes des magouilles internes au PS pour promouvoir Valls au poste de Premier ministre en 2014 (Hamon avait été récompensé par Valls avec un poste de ministre). Il a même renoncé le 19 février sur RTL à sa promesse pendant la « primaire de la gauche » d’abroger la loi El Khomri. Aucun vote pour Hamon !

Tous les candidats à la primaire ont unanimement soutenu la « guerre contre le terrorisme » de Hollande, y compris l’état d’urgence, les assassinats ciblés décidés par le chef de l’Etat, etc., etc. Dans la mesure où ils avaient quelque chose à dire sur les opérations secrètes meurtrières des troupes spéciales françaises en Syrie et en Irak, c’était pour essayer de paraître encore plus antirusses et plus militaristes que Hollande lui-même ! Troupes françaises, hors de la Libye, de la Syrie, de l’Irak, du Liban, de la Jordanie, de Djibouti et d’Abou Dhabi ! Troupes françaises hors d’Afrique et du reste du monde !

La mesure phare de Hamon, c’est le « revenu universel ». En fait, son montant ne serait que de 750 euros, soit à peine 10 % de plus que le RSA – en-dessous du seuil officiel de pauvreté. L’un des principaux conseillers économiques de François Fillon, Henri de la Croix de Castries (ex-PDG du géant de l’assurance AXA), s’est montré intéressé par la mesure (« cette idée n’est pas idiote », a-t-il déclaré devant un parterre de capitalistes le 24 janvier) : si l’on donne un revenu à tout le monde il n’y a plus besoin d’aides ciblées comme les allocations familiales ou les allocations chômage. Cela ouvre la voie à la liquidation de tous les systèmes d’aide sociale, y compris la Sécu, livrée en bloc aux spéculateurs des assurances privées.

Peut-être plus grave encore, si jamais le « revenu universel » n’était pas une supercherie et devenait réalité à un niveau à moitié décent, cela signifierait en pratique une incitation forte au membre de la famille ayant le salaire le plus faible ou le plus irrégulier à renoncer à travailler pour économiser les frais de crèche et de garde des enfants : c’est un programme profondément réactionnaire pour chasser les femmes de l’emploi et les ramener au foyer domestique.

Hamon a justifié cette mesure par le fait qu’il ne prétend même plus qu’il va lutter contre le chômage et la récession économique. Il annonce un monde de stagnation et de marasme économique permanent, où il sera illusoire de chercher à réduire le chômage. Marx expliquait déjà il y a plus de 150 ans dans le Manifeste du Parti communiste : « Elle [la bourgeoisie] ne peut plus régner, parce qu’elle est incapable d’assurer l’existence de son esclave dans le cadre de son esclavage, parce qu’elle est obligée de se laisser déchoir au point de le nourrir plutôt que de se faire nourrir par lui. »

Sous couvert de « révolution numérique », Hamon prépare l’« ubérisation » totale de l’économie. Ce serait l’équivalent des « contrats zéro heure » qui font florès en Grande-Bretagne, où l’on doit être disponible en permanence pour un hypothétique travail de quelques heures ou quelques jours, payé à la tâche. Le « revenu universel » rendrait cela non seulement viable mais particulièrement économique pour des patrons qui ne seraient plus tenus que de payer une pitance à leurs esclaves, d’autant plus que cela faciliterait la démolition des syndicats.

Lutte ouvrière : interdire les licenciements… sous le capitalisme

Lutte ouvrière, de son côté, a une proposition phare contre la généralisation du chômage chronique : « interdire les licenciements » avec « un travail et un salaire pour tous » (Lutte de classe, février). LO ajoute que « la répartition du travail entre tous et la réduction du temps de travail sont des objectifs nécessaires pour les travailleurs », avec un SMIC porté à 1 800 euros nets par mois.

Mais comment obtenir tout cela ? « Pour y parvenir, » nous explique LO, « il faudra renouer avec les luttes collectives et imposer un nouveau rapport de forces contre le patronat. » Un « nouveau rapport de forces » ? C’est pour le moins un euphémisme ! Interdire les licenciements est une utopie totale sous le capitalisme, qui repose sur la « liberté d’entreprendre » c’est-à-dire la possibilité pour les capitalistes d’embaucher autant de travailleurs que nécessaire et d’en licencier autant que possible pour assurer un certain taux de profit par l’exploitation des ouvriers.

En réalité, lutter contre le chômage en exigeant une échelle mobile des salaires et des heures de travail et d’autres mesures indispensables à la survie de la classe ouvrière, comme des programmes de grands travaux pour reconstruire l’infrastructure de plus en plus décrépite du pays ainsi que des millions de logements à bon marché, « doit conduire à une seule et même conclusion politique : les ouvriers doivent rompre avec tous les partis traditionnels de la bourgeoisie pour établir, en commun avec les paysans, leur propre pouvoir ». C’est là le fondement du Programme de transition qu’avait rédigé Trotsky en 1938, un programme de transition vers la révolution socialiste en partant des revendications actuelles indispensables à la classe ouvrière. Mais c’est précisément la conclusion que LO refuse de tirer.

La capitulation de LO face à la campagne raciste contre les musulmans

Lutte ouvrière n’est en fait ni communiste ni révolutionnaire. C’est une organisation réformiste, dont toute la vision du monde se résume à espérer des poussées de lutte de classe qui permettraient d’arracher quelques concessions à la bourgeoisie. Sa prostration devant l’ordre capitaliste est peut-être la plus évidente sur la question de la « guerre contre le terrorisme ». Il y a deux ans LO avait capitulé devant la campagne « je suis Charlie » du gouvernement, allant jusqu’à titrer un article « Merci Charlie » – alors que Charlie Hebdo s’était fait une spécialité de diffuser les caricatures racistes anti-musulmans les plus dégoûtantes.

LO se retrouve ainsi à l’unisson avec tous les laïcards bourgeois et gouvernementaux qui prétendent défendre les droits des femmes pour mieux attaquer les travailleurs musulmans et leurs enfants, et ainsi diviser la classe ouvrière entre non-musulmans et musulmans. Cela offre directement une légitimité à la campagne raciste du FN au nom de la laïcité. LO avait même joué un rôle pionnier dans la lutte contre les jeunes femmes voilées qui avait culminé avec l’interdiction légale du voile à l’école en 2004. A bas l’interdiction raciste du voile !

LO vient d’en remettre une couche avec un article intitulé « Le piège de la “lutte contre l’islamophobie” » (Lutte de classe, février – les guillemets sont de LO). Il s’agit d’une polémique contre le NPA, LO lui reprochant même d’avoir manifesté contre les arrêtés racistes d’interdiction du burkini. Pour LO, face à la campagne antimusulmans du gouvernement, de la droite et du FN, le plus urgent est de dénigrer ceux qui s’y opposent !

LO reconnaît que l’islam est en France une religion des opprimés, mais elle en conclut : « Davantage encore, justement parce que ceux qui sont touchés par cette religion sont les nôtres, nous devons la combattre ! » La montée de l’obscurantisme religieux dans les banlieues françaises est une conséquence directe du chômage chronique et de la discrimination raciste sous ses multiples aspects, ainsi que du refus de la gauche et des bureaucrates syndicaux de défendre les jeunes de banlieue (LO elle-même avait soutenu le rétablissement de « l’ordre » lors de la révolte des banlieues de 2005). La lutte contre la montée de la religion parmi les opprimés doit avoir pour point de départ la lutte contre l’oppression raciste qui l’alimente, sinon elle n’est qu’une couverture pour le chauvinisme français oppresseur. Il faut avancer toute une série de revendications pour combattre partout la discrimination raciste, notamment à l’embauche, dans les attributions de logements et dans l’éducation.

Nous contestons formellement les prétentions de LO qu’il s’agirait pour elle de lutter contre la réaction islamique et la diffusion croissante du voile, qui effectivement opprime les femmes. Au début des années 1980, Lutte ouvrière s’était retrouvée du côté des islamistes réactionnaires de la CIA et de l’Arabie saoudite qui combattaient l’Armée rouge soviétique en Afghanistan dans le but de réimposer l’oppression la plus horrible des femmes sous la burqa. LO avait ensuite soutenu les intégristes catholiques de Solidarność qui cherchaient à la même époque à restaurer le capitalisme en Pologne et interdire l’avortement. Comme par hasard, LO déteste surtout les réactionnaires religieux qui sont dans le collimateur de sa propre bourgeoisie !

LO montre avec cette question que sa candidature ne représente pas du tout une ligne de classe contre la classe capitaliste française sur l’une des questions les plus brûlantes de la politique en France aujourd’hui. C’est pourquoi nous avons d’ores et déjà appelé à ne pas lui accorder le moindre suffrage aux prochaines élections (voir notre article « LO et les mobilisations réactionnaires de flics – Non, les flics ne sont pas des “travailleurs en uniforme” ! », le Bolchévik n° 218, décembre 2016).

Le NPA et la « révolution syrienne »

Ce n’est pas la défense des femmes voilées contre la bourgeoisie française par le NPA qui est répréhensible, mais la propension du NPA, dans une mesure parfois pire que celle de LO, à soutenir les islamistes ou autres réactionnaires à l’étranger du moment qu’ils servent de troupes terrestres à cette même bourgeoisie française.

L’un de leurs spécialistes pour le Proche-Orient, Julien Salingue, s’est ainsi fendu d’une lettre ouverte pour critiquer Mélenchon à propos du siège d’Alep fin 2016 par les troupes gouvernementales syriennes avec l’appui des Russes et des Iraniens. Il est facile de critiquer Mélenchon sur la question de la Syrie tant il y affiche sans la moindre retenue son chauvinisme français. Il demande une intervention militaire de l’ONU (où la France siège au Conseil de sécurité) « intégrant les Kurdes de Syrie », et il exige « la garantie de l’intégrité de l’Etat syrien et de ses frontières » – autrement dit le maintien des frontières de la Syrie, qui sont l’héritage de l’infâme accord secret Sykes-Picot entre les impérialismes français et britannique pendant la Première Guerre mondiale.

Les travailleurs du monde entier n’ont aucun côté à prendre dans l’horrible guerre civile qui ravage la Syrie, mais ils ont un côté à prendre contre l’impérialisme et les troupes à ses ordres. C’est l’impérialisme qui attise depuis des années la guerre en fournissant une aide matérielle et logistique aux forces anti-Assad. Aussi, même si nous sommes irréductiblement opposés à tout ce représentent les assassins réactionnaires de l’Etat islamique (EI), nous sommes pour la défense militaire de l’EI contre les forces armées impérialistes et leurs supplétifs dans la région, y compris les Kurdes du PYD/YPG. Nous sommes aussi pour le retrait de Syrie et d’Irak de toutes les forces régionales impliquées, qu’elles soient russes, turques, iraniennes ou autres.

Nous sommes pour un Kurdistan unifié indépendant dans le cadre de la lutte pour une république socialiste d’un Kurdistan unifié. Mais les combattants kurdes du PYD/YPG syrien et leurs camarades en Irak se sont subordonnés de façon décisive aux impérialistes : ils servent de troupes terrestres à la coalition des Etats-Unis, de la France et autres bouchers impérialistes contre l’Etat islamique ; ce sont les masses kurdes qui paieront encore une fois pour ce nouveau crime de leurs dirigeants. Aussi, dans la situation actuelle en Syrie et en Irak, le préalable est de lutter pour chasser les impérialistes de toute la région.

Mais ce n’est certainement pas là l’argumentation du NPA, qui reproche à Mélenchon qu’« il n’y a aucun soutien [de sa part] à la révolution syrienne et aucune condamnation de la dictature d’Assad ou du rôle de l’Iran et de la Russie » (l’Anticapitaliste, janvier). Quelle « révolution syrienne » ? Même la presse capitaliste aux ordres a reconnu que les rebelles d’Alep étaient en grande partie des islamistes réactionnaires liés à Al-Qaida.

Salingue insiste pourtant qu’il faut « s’engager aux côtés des habitants d’Alep », de « la population d’Alep assiégée et massacrée », etc. On croirait lire une de ces diatribes cinglées de fanatiques antirusses comme il y en a tous les jours dans le journal le Monde – alors même que les troupes françaises sont directement engagées dans une boucherie qui a déjà fait des milliers de morts dans le siège de Mossoul en Irak.

Ce qui horrifie Salingue, c’est que sa propre bourgeoisie française ne livre soi-disant que des « armes légères », et en plus « au compte-goutte », aux rebelles islamistes. Autrement dit, Salingue veut une implication accrue des impérialistes français, au passé colonial si meurtrier en Syrie. Et loin de dénoncer le fait que les Kurdes se soient intégrés dans le dispositif militaire impérialiste, Salingue en fait son modèle !

Et le NPA avait eu il y a six ans la même politique vis-à-vis des rebelles libyens manipulés par Sarkozy et son pitre sanglant Bernard-Henri Lévy. Le résultat de la « révolution libyenne » du NPA, c’est la destruction de la Libye par les impérialistes, le règne de la charia sous la coupe de milices islamistes fanatiques, et des accords avec l’Union européenne pour faire la police contre les réfugiés qui essaient de prendre le bateau pour traverser la Méditerranée. Si la rébellion syrienne d’Al-Qaida est une « révolution », c’est à vous dégoûter de vouloir être « révolutionnaire » !

Et c’est bien la fonction politique du NPA. Ils ont beau se donner un profil de démocrates de gauche sur la question de l’antiracisme, leur véritable histoire c’est d’avoir, tout comme Mélenchon et le PCF, appelé à « battre la droite » en 2012, c’est-à-dire porté au pouvoir Hollande, Valls, El Khomri et autres Le Drian. Et d’ailleurs ils étaient « Charlie » aussi avec Hollande il y a deux ans. (Le même Julien Salingue a également pondu une interminable réponse à l’ignoble polémique de LO… en faisant l’apologie de l’arriération religieuse sous prétexte que la religion pourrait être, pour les opprimés, « le véhicule de leurs aspirations progressistes voire révolutionnaires ». La LCR, prédécesseur du NPA, avait ainsi soutenu la « révolution islamique » contre le chah d’Iran, avec pour résultat le massacre de toute la gauche.)

Pour un parti ouvrier léniniste, tribun de tous les opprimés !

La lutte contre la loi El Khomri a été la mobilisation la plus significative de la classe ouvrière depuis la lutte sur les retraites de 2010. Elle a montré la puissance sociale de la classe ouvrière, qui a fortement perturbé la production dans l’ensemble du pays avec des grèves multiples notamment dans les transports. Pour la première fois depuis des décennies, la classe ouvrière ici a lutté non seulement contre les patrons mais aussi contre un gouvernement capitaliste « de gauche », qui a fait preuve d’une détermination sans faille à infliger une grave défaite aux syndicats. Il faut rompre avec la collaboration de classes ! Tous les partis qui concourent aux élections prochaines sont hostiles à cette perspective.

La défaite face au gouvernement Valls-El Khomri est due à la trahison ouverte d’une partie de la bureaucratie syndicale, et à l’incapacité du reste des bureaucrates, de la CGT notamment, à mener la lutte à la victoire car ils se plaçaient eux-mêmes fermement dans le cadre de la gestion du capitalisme français. La leçon, c’est que la classe ouvrière doit se doter d’une direction lutte de classe dans les syndicats. C’est une lutte inséparable de celle pour un véritable parti ouvrier révolutionnaire complètement indépendant de la bourgeoisie, et déterminé à mener la lutte de classe jusqu’au renversement du capitalisme ici et internationalement : un parti bolchévique-léniniste, un parti trotskyste d’avant-garde.