Le Bolchévik nº 216

Juin 2016

 

Attentats criminels de Bruxelles et réaction raciste

Taaffistes recrutent supplétifs pour police capitaliste

Les affreux attentats criminels du mois de mars dans le métro et l’aéroport de Bruxelles, qui ont fait plus de trente morts et des centaines de blessés, ont secoué la Belgique. En France le gouvernement a saisi l’occasion pour faire tourner à plein régime l’appareil de propagande raciste, à longueur de journaux télévisés. Valls en a encore rajouté une couche dans Libération du 13 avril en expliquant que la démonstration que l’islam est compatible avec la république capitaliste française reste à faire.

Le but est transparent : diviser la classe ouvrière entre « Français » et « musulmans » (c’est-à-dire fondamentalement les jeunes issus de familles originaires des ex-colonies françaises d’Afrique), en insinuant que ces derniers sont tous susceptibles de basculer pour une broutille dans le djihad. Nous avons pu remarquer avec une certaine satisfaction dans les manifestations ces dernières semaines contre la loi El Khomri que de très nombreux manifestants ne sont plus dupes, et font d’eux-mêmes le lien entre les attaques anti-ouvrières et la guerre raciste « contre le terrorisme ». A bas la « guerre contre le terrorisme » ! A bas Vigipirate et Sentinelle !

La gauche belge a, bien entendu, condamné à juste titre les assassinats de Bruxelles, mais pour partie elle a fait chorus avec la campagne sécuritaire hystérique du gouvernement. Les ex-maoïstes du Parti du travail de Belgique (PTB) se sont ainsi répandus en reproches que le gouvernement n’avait pas pris toutes les mesures policières et judiciaires nécessaires pour prévenir les attentats djihadistes.

Le pompon revient au Parti socialiste de lutte (PSL), section belge du Comité pour une internationale ouvrière, dirigé par Peter Taaffe, et dont la section française est la Gauche révolutionnaire (GR). Le PSL a invité les travailleurs à se joindre à la campagne sécuritaire, lançant un tract qui exigeait sans vergogne : « Ne laissons pas notre sécurité au gouvernement et au patronat ». Il a appelé à se joindre à l’unité « contre la haine et le terrorisme », tout comme ses ancêtres sociaux-démocrates avaient rallié l’unité nationale contre le « militarisme prussien » pendant la Première Guerre mondiale :

« Le mouvement des travailleurs doit prendre l’initiative pour davantage organiser cette unité et la combiner à des revendications spécifiques. Nous avons la responsabilité d’assurer que cette unité ne soit pas large au point d’inclure les marchands d’armes [!] et les fauteurs de guerre ou même les responsables de cette politique d’austérité qui a rongé le tissu social. »

A propos d’initiatives « contre la haine et le terrorisme » le PSL fanfaronne : « Nous les accueillerons positivement et allons activement mobiliser pour y participer. Lorsque cela sera possible et nécessaire, nous prendrons nous-mêmes l’initiative. » Et il propose que les syndicats organisent « par exemple partout des réunions publiques sur la manière de lutter contre le terrorisme ».

En ce sens, quelles que soient ses dénégations, le PSL a, à sa petite échelle, contribué à légitimer une sinistre mobilisation des fascistes de Génération identitaire le 2 avril à Bruxelles sous le mot d’ordre « Expulsons les islamistes ». Les jeunes de Molenbeek, qui vivent sous un état de siège policier permanent depuis les attentats parisiens du 13 novembre, se sont mobilisés pour donner une leçon bien méritée à cette racaille, et la journée a tourné en démonstration de force des flics qui ont arrêté des dizaines de ces jeunes pour mieux protéger les fascistes (voir à ce propos l’article intéressant et inhabituel paru dans Lutte Ouvrière du 8 avril).

Dans le cadre de sa campagne pour promouvoir la « sécurité » contre le terrorisme, le PSL met en avant les Comités pour la prévention et la protection au travail (CPPT). Les CPPT sont une sorte d’équivalent purement consultatif des CHSCT français, qui sont des organes pour prévenir les risques et accidents du travail causés par la rapacité des capitalistes (en collaboration avec ces derniers). Impliquer les CPPT dans la campagne sécuritaire contre les assassins djihadistes, ce serait littéralement en faire des espèces de vigiles, qui gardent l’accès des locaux des entreprises capitalistes.

Rien là de surprenant de la part des taaffistes : c’est une de leurs positions historiques que les flics et autres chiens de garde de la propriété capitaliste seraient des « travailleurs en uniforme » (voir notre article « La police et la Révolution allemande de 1918-1919 » paru dans Spartacist édition française n° 42, été 2015). Nous disons au contraire que ce sont des ennemis de la classe ouvrière, et nous dénonçons l’accueil que leur font les bureaucrates dans les rangs des syndicats, notamment la CGT, FO, l’UNSA et SUD. Flics, vigiles et matons, SUGE et douaniers, hors des syndicats !

En matière d’unité nationale « contre le terrorisme », le CIO taaffiste n’en est pas à son coup d’essai. C’est un multirécidiviste. Sa section française, la GR, avait appelé en janvier 2015 les ouvriers et la jeunesse à se mettre au garde-à-vous derrière la campagne d’union sacrée guerrière du gouvernement capitaliste et impérialiste de Hollande à l’occasion des attentats contre Charlie Hebdo et contre un magasin juif – encore que, tout émus qu’ils étaient par Charlie et sa « liberté d’expression » antimusulmane, ils avaient eu fortement tendance à en oublier les victimes juives assassinées alors qu’elles faisaient leurs courses (voir leur journal l’Egalité, n° 170, mars–avril 2015, ainsi que les tracts publiés les 7, 10 et 12 janvier et disponibles sur leur site internet).

La GR était même parvenue à critiquer de la droite les sociaux-démocrates du NPA qui avaient, certes, participé à de nombreuses manifestations républicaines « je suis Charlie » en province, mais avaient refusé de prendre part à la manifestation parisienne en tête de laquelle paradait le gratin raciste des tueurs de musulmans, de Hollande et Cameron à Netanyahou. Pour la GR, « il fallait être à cette manifestation, notamment pour y défendre le refus du racisme et dénoncer l’hypocrisie de Valls et des autres politiciens ». En réalité la GR avait simplement joué les rabatteurs pour Hollande.

En un an les taaffistes sont en quelque sorte passés de l’union sacrée « je suis Charlie » à celle « je suis Charles Michel » (le ministre-président belge). La lutte pour reforger la Quatrième Internationale nécessite un combat sans pitié pour démasquer ce genre de charlatans réformistes.