Le Bolchévik nº 216 |
Juin 2016 |
Brexit : LO fidèle au poste pour lUE
Il est de plus en plus difficile de vendre le mensonge d’une « Europe sociale » source de progrès alors que les travailleurs grecs (entre autres) sombrent dans la misère sous la férule de l’Union européenne (UE) et de la Banque centrale européenne. Pourtant, Lutte ouvrière appelle les travailleurs à s’abstenir devant la possibilité de porter un coup à cette union capitaliste réactionnaire avec un « Brexit » (voir l’article de nos camarades de la Spartacist League/Britain dans ce journal) :
« Ce qui est certain, c’est qu’entre l’Europe version Cameron, qui crée une classe ouvrière à deux vitesses en fonction de la nationalité, et l’isolement nationaliste dont les partisans du non se font les champions, le référendum du 23 juin n’offrira aucun choix aux classes laborieuses. »
Lutte Ouvrière, 26 février
Workers’ Fight, l’organisation sur de LO en Grande-Bretagne, va encore plus loin en titrant que « la classe ouvrière n’a rien à craindre de l’UE » et en traitant de cinglés les partisans d’un Brexit (Workers’ Fight workplace bulletin editorials, 16 juin 2015) !
Cette abstention de LO devant l’Union européenne n’a rien de nouveau. En 1992, LO s’était abstenue lors du référendum sur le traité de Maastricht, contribuant ainsi à faire gagner le « oui » de justesse avec 51 % des voix. Lutte ouvrière croit en effet qu’une Europe capitaliste unie serait quelque chose de progressiste : « Même telle quelle, réalisée sur des bases capitalistes [ ], l’Union européenne représente un progrès dans un certain nombre de domaines » (Lutte de classe, février 2005).
LO dénonce la « propagande antieuropéenne » du PCF dans le passé, puis de Mélenchon et d’« une partie de l’extrême gauche » (sans autre précision ; voir Lutte de classe, avril). Elle déclare que ces organisations rejettent « sur les institutions européennes la responsabilité qui est celle de la dictature du grand capital sur l’économie ». Mais l’euro et autres institutions de l’UE ont pour objet précisément de faciliter « la dictature du grand capital sur l’économie », comme le renflouement des pertes du Crédit agricole en Grèce, la « libre circulation » du capital de Bouygues et Vinci pour racheter à vil prix les autoroutes grecques privatisées, etc. !
Le chauvinisme français du PCF ou de Mélenchon a bon dos. Indépendamment du fait que le PCF est à fond pro-UE depuis vingt ans et que Mélenchon, député européen, a des lubies sur un « plan B » pour sauver l’UE de ses propres démons (germaniques selon lui), LO veut faire croire que toute opposition à l’UE serait nécessairement chauvine.
C’est de la pure démagogie pour essayer de voiler la capitulation de LO face à l’UE. Si les populistes de droite et les fascistes ont le vent en poupe en France et ailleurs en Europe, c’est justement parce que l’UE attise les tensions nationales en dressant les travailleurs des différents pays les uns contre les autres, pour le compte du « grand capital » de chaque pays.
En ne s’opposant pas à l’Union européenne, LO laisse le champ libre au FN pour qu’il se présente mensongèrement comme le seul défenseur des ouvriers français contre les « directives de Bruxelles ». Les travailleurs doivent s’opposer à l’Union européenne, tout en rejetant le poison nationaliste propagé par le FN et autres réactionnaires. Il faut mener la lutte contre l’UE sur une base internationaliste en mettant en avant des mots d’ordre pour l’unité ouvrière par-delà les frontières et pour les Etats-Unis socialistes d’Europe.
LO se lamente au contraire que l’UE n’est pas allée assez loin et elle prône l’idée utopique et réactionnaire d’un seul Etat capitaliste pour toute l’Europe : « La bourgeoisie s’est montrée incapable d’unifier l’Europe et de donner naissance à un Etat unique à l’échelle du continent. Une telle unification aurait constitué un progrès » (Lutte de classe, février). Cela n’a absolument rien à voir avec le marxisme. Le capitalisme est intrinsèquement lié à l’Etat-nation et aucun progrès ne peut venir d’une plus grande union, nécessairement anti-ouvrière, entre Etats capitalistes composés de nations séparées. Lénine écrivait ainsi en 1915 (« Du mot d’ordre des Etats-Unis d’Europe »), à l’exact opposé de LO :
« Du point de vue des conditions économiques de l’impérialisme, c’est-à-dire de l’exportation des capitaux et du partage du monde par les puissances coloniales “avancées” et “civilisées”, les Etats-Unis d’Europe sont, en régime capitaliste, ou bien impossibles, ou bien réactionnaires. »