Le Bolchévik nº 213

Septembre 2015

 

Grèce : Pour des luttes ouvrières contre les diktats de famine de l’UE

A bas l’UE ! Non à la capitulation de Syriza !

7 août – Lors du référendum du 5 juillet les électeurs grecs ont résolument rejeté le « plan de sauvetage » dicté par les affameurs impérialistes de l’Union européenne (UE) et du Fonds monétaire international (FMI, dominé par les Etats-Unis). A peine une semaine plus tard, le gouvernement capitaliste de Syriza s’est tout bonnement assis sur le résultat du référendum et a capitulé devant les impérialistes. En échange de l’annonce de 86 milliards d’euros de nouveaux prêts, le Premier ministre grec Alexis Tsipras a accepté des mesures d’austérité draconiennes encore plus dures que celles qui avaient été rejetées par le référendum.

L’accord sur le plan de sauvetage n’a pas encore été finalisé, mais d’ores et déjà le gouvernement grec a fortement augmenté la TVA (un impôt régressif qui pèse plus lourdement sur les pauvres que sur les riches) et il s’est engagé à sabrer les retraites et à mettre en pièces les conventions collectives. Foulant aux pieds tout reste de souveraineté nationale grecque, l’UE exige la réorganisation du système judiciaire et de l’administration. Les actifs de l’Etat (électricité et autres services publics, aéroports, biens immobiliers) devront être transférés à une structure de tutelle administrée par les créanciers impérialistes de la Grèce ; cet organisme aura pour objectif de les privatiser afin de récupérer 50 milliards d’euros qui seront principalement utilisés pour rembourser la dette et recapitaliser les banques.

Depuis 2010, l’UE et le FMI ont imposé à la Grèce des mesures d’austérité draconiennes en échange d’une série de « plans de sauvetage ». Il ne s’agissait pas de « sauver » le peuple grec mais les banques grecques et internationales : 90 % de l’argent reçu a été utilisé pour rembourser la dette. L’UE est un consortium instable de pays capitalistes qui sert à augmenter les profits en pressurant les travailleurs dans toute l’Europe, tandis que ses membres dominants – l’Allemagne et dans une moindre mesure la France et la Grande-Bretagne – l’utilisent pour asseoir leur domination sur d’autres pays européens plus faibles et dépendants.

La Grèce traverse une grave crise économique et politique déclenchée par le krach financier international de 2007-2008. Et ce sont les travailleurs grecs qui sont saignés à blanc pour payer la facture. Aujourd’hui en Grèce, plus de la moitié des jeunes sont au chômage, 300 000 personnes n’ont pas d’électricité et on estime que 800 000 personnes n’ont plus accès aux soins médicaux parce qu’ils n’ont pas d’argent ou qu’ils ne sont pas couverts par une assurance-maladie. Le peu d’industrie qui existait dans ce pays de 11 millions d’habitants a été décimé par le « marché unique » de l’UE sous domination allemande. Dans tout le pays, les usines sont à l’abandon.

Les fascistes d’Aube dorée et d’autres forces d’extrême droite chercheront à exploiter à leur profit la capitulation de Syriza ; ils vont se présenter en « sauveurs » populistes de la nation face aux attaques de l’UE. A moins de voir la classe ouvrière prendre la tête d’une lutte contre le chômage et la misère, la petite bourgeoisie ruinée et la masse des chômeurs seront de plus en plus attirées par les solutions « radicales » proposées par les fascistes. Il est de notoriété publique qu’Aube dorée compte un grand nombre de sympathisants parmi les flics et qu’elle a des liens historiques avec l’armée, en particulier avec la junte des colonels qui s’était emparée du pouvoir en 1967 et avait gouverné le pays jusqu’en 1974. Aujourd’hui, deux des députés d’Aube dorée au Parlement européen sont des généraux à la retraite. Les fascistes représentent une menace mortelle pour les immigrés, les homosexuels et toutes les organisations ouvrières. Ce qu’il faut sans plus attendre, ce sont des mobilisations de masse de front unique, centrées sur la puissance sociale du prolétariat organisé, pour stopper les fascistes.

Face à l’aggravation continuelle de la crise économique et à la menace croissante du fascisme, il faut absolument faire l’unité des masses laborieuses contre les attaques des impérialistes, de la bourgeoisie grecque et du gouvernement Syriza. C’est dans ce but que nos camarades du Groupe trotskyste de Grèce (TOE) ont le 17 juillet dernier pris l’initiative d’appeler à construire des comités d’action ouvriers afin de lutter pour les besoins urgents des travailleurs et de leurs alliés (« CA SUFFIT ! », page 29). Nos camarades appellent les travailleurs et les opprimés de Grèce à déchirer l’accord traître accepté par Syriza, annuler la dette grecque et rejeter l’UE et l’euro. Notre perspective part de l’idée qu’il faut faire prendre conscience au prolétariat de ses propres intérêts de classe et de sa puissance sociale. Comme l’explique l’appel initié par le TOE, construire des comités d’action ouvriers serait un pas en avant vers « un gouvernement qui agisse dans l’intérêt des travailleurs et qui leur soit subordonné ». La Ligue communiste internationale (LCI) cherche à encourager une lutte de classe commune au niveau international, et en l’occurrence tout particulièrement dans les centres impérialistes européens (Allemagne, France et Grande-Bretagne), contre les exploiteurs bourgeois.

L’objectif du TOE est de mobiliser d’autres forces, le plus largement possible, dans le cadre de cette lutte défensive, même si nous savons que ces forces ne partagent pas nos positions politiques. Des camarades du TOE et de plusieurs autres sections de la LCI ont diffusé des milliers d’exemplaires de notre appel au front unique, dans des secteurs clés de la classe ouvrière à Athènes et à Thessalonique (la deuxième ville de Grèce). Nous avons pris contact avec d’autres organisations, parmi lesquelles des syndicats, des groupes de gauche et des associations de défense des immigrés, pour leur demander de reprendre cet appel à leur compte et d’organiser des comités ouvriers. Nos camarades ont diffusé notre appel lors d’un grand rassemblement organisé le 22 juillet à Athènes par PAME, le front syndical du Parti communiste de Grèce (KKE), contre le vote par le parlement grec ce jour-là de nouvelles mesures dictées par les impérialistes. Nous l’avons aussi diffusé le même jour lors d’un autre rassemblement moins grand de militants de gauche. Notre appel a suscité beaucoup d’intérêt et de discussions.

Aucun soutien à Syriza !

Syriza est arrivé au pouvoir en janvier dernier, après avoir gagné les élections sur la base d’un engagement à alléger le fardeau de l’austérité et à négocier des conditions plus favorables auprès des créanciers impérialistes, tout en maintenant la Grèce dans l’UE et dans la zone euro. Contrairement à la plupart des autres groupes de gauche qui soit ont voté pour Syriza soit se sont enthousiasmés de sa victoire, le TOE s’est opposé au moindre vote pour Syriza à cause de sa nature de classe (un parti bourgeois). De plus, nous avons clairement expliqué avant les élections qu’en promettant de maintenir la Grèce dans l’UE, Syriza s’engageait en réalité à imposer davantage de misère et de chômage. Beaucoup de travailleurs qui ont voté pour Syriza en ont aujourd’hui la preuve (sur la gauche et Syriza, voir notre article « Syriza : Ennemi de classe pour les travailleurs et les opprimés de Grèce », le Bolchévik n° 212, juin).

Moins d’un mois après avoir formé un gouvernement de coalition avec les Grecs indépendants (ANEL, un parti de droite), Syriza avait accepté de proposer une série de mesures d’austérité de son cru. Mais les créanciers de la Grèce en voulaient davantage. Sous la pression des impérialistes et de la bourgeoisie grecque qui agitaient le spectre d’un effondrement total de l’économie si la Grèce n’acceptait pas un nouveau plan de sauvetage, Syriza a organisé le 5 juillet un référendum sur les dernières mesures d’austérité proposées par l’UE, en appelant à voter « non » dans l’intention déclarée d’utiliser ce vote pour obtenir de l’UE des conditions plus favorables.

Nos camarades du TOE ont publié une déclaration sur le référendum avec comme mots d’ordre « Votez Non ! A bas l’UE ! Aucun soutien au gouvernement Syriza » (supplément au Bolchévik, juillet). Ils écrivaient : « Un vote “non” aidera à rassembler les travailleurs, en Grèce et ailleurs en Europe, contre les capitalistes de l’UE et leurs banques qui saignent les peuples à blanc. » En même temps, notre déclaration affirmait son opposition implacable au gouvernement Syriza.

Le KKE, un parti réformiste de masse, a appelé lors du référendum à déposer dans l’urne un bulletin nul ; il expliquait qu’un vote « non » serait indirectement un vote pour le plan d’austérité alternatif de Syriza. Non ! Le vote « non » n’était pas autre chose qu’un message aux dirigeants impérialistes de l’UE et du FMI : allez vous faire voir ! Lors des élections de janvier dernier, nos camarades avaient donné un soutien critique au KKE, qui était contre Syriza et contre l’UE. En même temps, nous critiquions implacablement le programme nationaliste-populiste du KKE, qui est un obstacle politique majeur à la lutte pour la révolution socialiste. Le refus de la direction du KKE de mobiliser pour la victoire du « non » au référendum était en totale contradiction avec son opposition déclarée à l’UE.

En fait, beaucoup de militants du KKE n’ont pas écouté leur direction et ont voté « non », et c’était une bonne chose. En votant contre le plan d’austérité, la population grecque a mis une claque bien méritée aux impérialistes de l’UE. En s’empressant après le référendum d’aller lécher les bottes des impérialistes et d’accepter davantage d’austérité, Syriza apparaît maintenant ouvertement comme le larbin des impérialistes de l’UE ; cela aurait été beaucoup moins vrai si le « oui » l’avait emporté.

Pour une Europe ouvrière !

La lutte contre l’UE est une question d’une importance vitale pour les travailleurs dans toute l’Europe. La LCI s’est opposée dès le début à l’UE impérialiste et à l’euro. La monnaie commune européenne a permis à la bourgeoisie allemande de maintenir l’exportation de ses produits industriels à bas prix dans la zone euro. Dans le même temps, les capitalistes allemands, avec l’aide efficace du Parti social-démocrate (SPD) et de la bureaucratie syndicale, diminuaient les salaires en Allemagne.

Les impérialistes et la bourgeoisie grecque alimentent la crainte qu’une sortie de l’UE et de la zone euro entraînerait l’isolement économique de la Grèce, un petit pays très dépendant des importations (la Grèce importe plus de la moitié des produits alimentaires qu’elle consomme). La réalité, c’est qu’il est impossible à la Grèce, tant qu’elle reste dans l’UE, de s’affranchir de la spirale de la dette et du pillage impérialiste à grande échelle. La Grèce doit sortir de l’UE et de l’euro.

Le contrôle de la monnaie est un des éléments constitutifs de la souveraineté nationale. Normalement, un pays endetté peut obtenir un certain allègement et rétablir sa compétitivité économique en dévaluant sa monnaie. Mais ce n’est pas possible au sein de l’euro. Comme le montrent les expériences récentes de l’Argentine et de l’Islande, refuser de payer les créanciers et dévaluer est douloureux sur le moment, mais cela peut rapidement conduire à une reprise économique et à une diminution du chômage, une fois que la dévaluation a rendu les exportations plus compétitives.

Un certain nombre de personnalités bourgeoises, dont le ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble, argumentent que la Grèce doit quitter la zone euro parce qu’ils voient là un moyen de préserver les profits capitalistes. Notre opposition à l’UE et à l’euro est au contraire basée sur les intérêts de la classe ouvrière au niveau international. Bien sûr, répudier la dette et sortir de l’UE ne mettrait pas fin à l’exploitation de la classe ouvrière par les capitalistes grecs et ne libérerait pas ce pays dépendant des ravages du système impérialiste mondial. Mais cela créerait des conditions plus favorables pour que la classe ouvrière puisse lutter pour ses propres intérêts. De plus, la sortie de la Grèce de l’UE porterait un coup à l’existence même de ce bloc dominé par les impérialistes. Ce qu’il faut, ce sont des Etats-Unis socialistes d’Europe !

La catastrophe en Grèce fait partie intégrante d’une crise économique capitaliste mondiale. Elle ne pourra être surmontée dans les limites des frontières d’un seul pays, et encore moins d’un pays comme la Grèce, qui possède très peu d’industrie et de ressources naturelles. Pour construire une société libérée de la faim, du besoin et de l’oppression, il faudra une série de révolutions socialistes qui exproprieront la bourgeoisie, y compris dans les centres impérialistes comme les Etats-Unis et l’Allemagne, et instaureront une économie internationalement planifiée basée sur le pouvoir ouvrier. Ce qu’il faut, c’est construire des partis ouvriers révolutionnaires, sections d’une Quatrième Internationale reforgée, pour conduire la classe ouvrière vers le pouvoir et se débarrasser de tout ce système capitaliste-impérialiste pourri.

– Traduit de Workers Vanguard n° 1072, 7 août