Le Bolchévik nº 213 |
Septembre 2015 |
Mer de Chine méridionale
Défense de la Chine contre les provocations militaires impérialistes !
L’article ci-dessous est adapté de Workers Vanguard, le journal de nos camarades de la Spartacist League/U.S. (12 juin).
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Les provocations militaires de l’impérialisme américain contre l’Etat ouvrier bureaucratiquement déformé chinois deviennent de plus en plus belliqueuses. Depuis janvier dernier, les Etats-Unis envoient régulièrement des avions-espions effectuer des vols de reconnaissance au-dessus des îles Spratly en mer de Chine méridionale où la Chine a engagé d’importants travaux d’aménagement. A la mi-mai, l’USS Fort Worth un des navires de guerre les plus modernes de l’US Navy, conçu pour la lutte anti-sous-marine et l’appui aux opérations amphibies a patrouillé pendant une semaine à proximité des chantiers chinois. La semaine suivante un P-8 Poseidon (un avion de patrouille maritime et de lutte anti-sous-marine de dernière génération) a emmené une équipe de tournage de la chaîne d’information CNN survoler le récif Croix de feu, où la Chine a construit une piste d’atterrissage. Cet avion avait pour mission de réaffirmer la « liberté de navigation » américaine dans ces territoires contrôlés par la Chine la marine de guerre chinoise a de son côté demandé à huit reprises à l’appareil américain de « bien vouloir se dérouter ».
Depuis le début de l’année, les travaux de dragage et de remblayage chinois ont permis de créer 800 hectares de nouvelle terre, et de transformer sept îlots et récifs en îles dotées de pistes d’atterrissage, de ports en eau profonde et de phares. Ces transformations des récifs et des îles de la mer de Chine méridionale représentent une importante mesure défensive pour la Chine, le plus puissant des pays restants où le capitalisme a été renversé, contre les impérialistes américains et japonais qui cherchent à l’encercler militairement. Le Ministère des Affaires étrangères chinois a fait remarquer que ces travaux, à proximité d’une voie maritime essentielle pour l’économie chinoise, vont améliorer la sûreté de navigation dans cette zone et faciliter les opérations de sauvetage en mer.
Nous défendons les travaux entrepris par la Chine dans les Spratly contre les impérialistes américains et japonais et leurs laquais capitalistes locaux dans la région, comme les Philippines, la Malaisie, Brunei et Taïwan, qui tous ont leurs propres revendications territoriales sur les Spratly. Nous dénonçons aussi le rôle traître joué par la bureaucratie stalinienne vietnamienne, qui s’est alignée avec l’impérialisme américain contre la Chine.
Les machinations des impérialistes visent à détruire l’Etat ouvrier déformé chinois et à réimposer une exploitation capitaliste et un asservissement impérialiste dévastateurs comme avant la Révolution de 1949. Une armée de guérilla paysanne sous la direction du Parti communiste chinois (PCC) avait alors renversé la domination des capitalistes et des propriétaires fonciers et libéré la Chine de la domination étrangère. Cette révolution créa un Etat ouvrier, avec une économie qui repose sur des formes de propriété collectivisées. Cependant, cet Etat ouvrier était déformé dès sa création, avec un pouvoir politique monopolisé par une bureaucratie stalinienne nationaliste et parasitaire.
La création de l’Etat ouvrier chinois fut un acquis historique pour la classe ouvrière du monde entier. Nous sommes pour la défense militaire inconditionnelle de la Chine et de tous les autres Etats ouvriers déformés : le Vietnam, la Corée du Nord, le Laos et Cuba. En même temps, nous ne donnons aucun soutien politique aux bureaucraties staliniennes au pouvoir, qui sapent ces Etats ouvriers en réprimant politiquement le prolétariat et en cherchant à se concilier les bonnes grâces des impérialistes.
Le ministre de la Défense américain, Ashton Carter, martèle sur un ton menaçant que les Etats-Unis continueront leurs opérations militaires dans les Spratly. Avec une arrogance impérialiste éhontée, il déclarait le 13 mai dernier : « Nous demeurerons dans les prochaines décennies la principale puissance capable d’assurer la sécurité dans la région Asie-Pacifique. » Carter démarrait à ce moment-là une tournée asiatique dont l’objectif était de négocier des pactes militaires, des ventes d’armes et un renforcement de la présence militaire américaine dans la région. Carter agitant le chiffon rouge d’une prétendue menace chinoise à la liberté de navigation, le chroniqueur [du journal satirique] CounterPunch Mike Whitney a fait remarquer en réponse que « la Chine n’a jamais bloqué les couloirs maritimes ni arraisonné des bateaux qui naviguaient dans les eaux internationales. Jamais. On ne peut pas en dire autant des Etats-Unis, qui encore récemment ont refoulé un navire iranien qui transportait de l’aide humanitaire vivres, eau et matériel médical vital destiné aux réfugiés affamés du Yémen » (29 mai).
Contrairement à ce que dit sans relâche la propagande américaine, l’armée chinoise a réagi d’une manière remarquablement mesurée, sans toutefois céder un pouce de terrain. On imagine la réaction de Washington si des avions chinois se livraient à des vols de reconnaissance au-dessus de l’île californienne de Santa Catalina ! En même temps qu’il accroît la pression militaire contre la Chine, l’impérialisme américain exerce aussi une pression économique et encourage des forces politiques contre-révolutionnaires comme le « mouvement des parapluies » à Hongkong [voir « Manifestations à Hongkong : fer de lance pour la contre-révolution capitaliste », le Bolchévik n° 210, décembre 2014].
Les impérialistes japonais participent avec agressivité aux provocations militaires américaines. Les bourgeoisies américaine et japonaise ont chacune leurs intérêts propres et conflictuels, mais elles sont unies dans une même détermination à faire triompher la contre-révolution capitaliste en Chine. En avril dernier, les Etats-Unis et le Japon ont annoncé un accord qui accroîtra l’engagement de l’armée japonaise dans les conflits régionaux. Les Etats-Unis encouragent le Japon à étendre ses patrouilles maritimes en mer de Chine méridionale, et en juillet le Japon a participé à des manuvres guerrières conjointes avec les Etats-Unis et l’Australie dans cette zone.
Quels sont les enjeux en mer de Chine méridionale ?
Les îles Spratly sont situées à proximité de la route maritime qui relie l’Extrême-Orient au sous-continent indien, et au-delà au Proche-Orient. La moitié du trafic maritime mondial emprunte cette route, dont 80 % des importations chinoises de pétrole brut. De plus, la mer de Chine méridionale contient des réserves confirmées d’au moins sept milliards de barils de pétrole et une quantité de gaz naturel estimée à 25 000 milliards de mètres cubes, ainsi que de riches zones de pêche qui représentent 10 % des prises au niveau mondial. L’archipel des Spratly se compose principalement de minuscules îlots et récifs, donc beaucoup sont submergés à marée haute, et il n’abrite aucune population indigène ; pourtant ces îles sont revendiquées par quatre pays capitalistes ainsi que par les Etats ouvriers déformés vietnamien et chinois. Presque tous ces pays ont effectué des travaux d’aménagement dans les Spratly.
Au sujet des conflits autour des Spratly et d’autres îles en mer de Chine méridionale, nous avons dans le passé écrit à tort que « nous ne prenons pas parti dans ces litiges territoriaux et nous condamnons en particulier les chamailleries criminelles sur les droits de pêche et d’exploration qui opposent entre eux les régimes staliniens de Pékin et de Hanoi » (« L’étau militaire de l’impérialisme US se resserre sur la Chine », le Bolchévik n° 201, septembre 2012). Rester neutre, c’était faire peu de cas de l’importance militaire de ces îles, ce qui allait à l’encontre de notre engagement de principe à défendre la Chine et minimisait le rapprochement croissant entre le Vietnam et les Etats-Unis.
Les îles Spratly font partie intégrante d’un périmètre militaire stratégique, la « première chaîne d’îles », qui s’étend depuis la côte de la péninsule indochinoise jusqu’au Japon, en passant par les Spratly et les Philippines. De nombreuses sources militaires expliquent que dans l’éventualité d’une guerre avec la Chine, les Etats-Unis prévoient d’instaurer un blocus naval le long de ce périmètre, bloquant les routes maritimes et empêchant la Chine d’accéder à l’océan Pacifique. La Chine s’emploie à développer des forces suffisantes pour établir le long de ces mêmes îles une barrière permettant de garder ouvertes les routes maritimes et d’empêcher des forces hostiles d’approcher de ses côtes.
La Chine a identifié un danger particulier : le goulot d’étranglement potentiel que constitue pour ses importations pétrolières le détroit de Malacca, l’étroit passage entre l’Indonésie et la Malaisie qui relie la mer de Chine méridionale et l’océan Indien. L’exploitation par la Chine des ressources pétrolières et gazières en mer de Chine méridionale pourrait permettre de réduire dans une certaine mesure cette dépendance. La Chine développe également une « nouvelle route de la soie » faite de routes commerciales terrestres, d’oléoducs et de gazoducs.
Les responsables du Pentagone qui multiplient les manuvres militaires contre la Chine comptent aussi beaucoup sur le Partenariat trans-Pacifique (PTP), un traité commercial entre les Etats-Unis et un certain nombre de pays situés à l’ouest du Pacifique, dont le Vietnam. Le PTP vise à contrer l’influence économique croissante de Pékin et à garantir des marchés pour l’industrie américaine, en renforçant davantage encore l’asservissement des pays dépendants et économiquement retardataires. A bas le PTP !
L’administration Obama cherche à faire voter en urgence le PTP par le Congrès. La bureaucratie procapitaliste de la fédération syndicale AFL-CIO, elle, s’oppose à ce traité d’un point de vue protectionniste : il n’irait pas assez loin « pour créer un avantage stratégique par rapport à la Chine » et il supprimerait des emplois américains du fait des délocalisations vers le Vietnam (« Rapports économiques américano- chinois : le PTP n’est pas la réponse », aflcio.org, non daté). Ces dénonciations de la Chine et ce chauvinisme enchaînent les ouvriers américains à leur ennemi de classe, les exploiteurs capitalistes américains, contre les travailleurs des autres pays.
Le Vietnam ne doit pas être un pion de l’impérialisme américain !
Il y a quarante ans de cela, l’impérialisme américain subissait une humiliation sur le champ de bataille au Vietnam. Les ouvriers et les paysans vietnamiens menèrent à bien une révolution sociale qui expropria les capitalistes et les propriétaires fonciers et chassa les forces américaines et leur régime fantoche de Saïgon en avril 1975. Le prix payé fut très élevé : près de trois millions de Vietnamiens tués, et beaucoup d’autres blessés. Aujourd’hui encore, 20 % du pays est inhabitable à cause des munitions américaines non désamorcées. L’embargo de famine imposé par les Etats-Unis n’a été levé qu’à la fin des années 1990.
La victoire de la révolution vietnamienne fut obtenue malgré la politique traître des bureaucraties staliniennes soviétique et chinoise, qui à plusieurs reprises forcèrent la main à leurs homologues vietnamiens pour les obliger à céder à la table de négociations ce qui avait été gagné militairement. L’hostilité nationaliste du Vietnam envers la Chine a été énormément renforcée par ce genre de trahisons : en 1972, alors qu’une pluie de bombes américaines tombait sur le Vietnam révolutionnaire, Mao scella son alliance criminelle avec les Etats-Unis contre l’Union soviétique. En 1979, c’est avec les encouragements de Washington que la Chine envahit le Vietnam, pour finalement récolter une défaite cuisante et bien méritée.
Mais ces dernières années, le Vietnam a lui aussi conclu un pacte avec le diable. Alors que les liens se renforcent entre les deux pays, des navires de guerre américains font régulièrement escale dans des ports vietnamiens. Un des facteurs qui favorisent ce dégel est que le Vietnam en appelle aux Etats-Unis dans ses conflits territoriaux avec la Chine. Le 1er juin, le ministre de la Défense vietnamien Phung Quang Thanh et son homologue américain Ashton Carter ont annoncé la conclusion d’un accord militaire élargi qui prévoit des opérations de combat conjointes. Carter a promis 18 milliards de dollars d’aide américaine pour l’achat de navires destinés aux gardes-côtes vietnamiens, qui dans le passé ont été impliqués dans plusieurs incidents avec des forces chinoises en mer de Chine méridionale.
Le fait est que les bureaucraties au pouvoir dans les Etats ouvriers chinois et vietnamien sont faites du même bois. Leurs alliances traîtresses avec les maîtres-assassins impérialistes américains découlent de leur perspective antimarxiste de construire le socialisme dans un seul pays (le leur). Ce dogme fut mis en avant pour la première fois par Staline en 1924 comme l’expression de la vision de la bureaucratie conservatrice qui était en train de se consolider en Union soviétique ; il incarnait le reniement du programme révolutionnaire internationaliste qui avait animé la Révolution bolchévique de 1917, et qui fut ensuite défendu par l’Opposition de gauche sous la direction de Léon Trotsky et plus tard par la Quatrième Internationale trotskyste. Le stalinisme, c’est chercher à se concilier les bonnes grâces des puissances impérialistes en montrant la détermination de la bureaucratie à éliminer toute menace de révolution ouvrière dans les pays capitalistes.
La contre-révolution capitaliste en Union soviétique en 1991-1992 a été une défaite historique, préparée par des dizaines d’années de pression économique et militaire mais aussi par les abus du pouvoir stalinien ; cette contre-révolution a éliminé ce qui constituait jusque-là le principal contrepoids aux ambitions de domination mondiale des Etats-Unis, et elle a encouragé les impérialistes américains à s’en prendre aux travailleurs et aux opprimés comme bon leur semble. Le soutien du régime du PCC à la croisade antisoviétique a aidé à créer un monde où la Chine est maintenant la cible stratégique numéro un de la bourgeoisie américaine. Si les forces de la contre-révolution capitaliste l’emportaient en Chine, ce serait un désastre terrible pour les ouvriers et les paysans chinois, ainsi qu’une lourde défaite pour les travailleurs du monde entier. Cela constituerait aussi une menace immédiate pour la survie de l’Etat ouvrier vietnamien.
La tâche qui incombe aux classes ouvrières chinoise et vietnamienne est de renverser les bureaucraties staliniennes par des révolutions politiques prolétariennes, d’instaurer des régimes basés sur la démocratie ouvrière, et la perspective de l’extension internationale de la révolution. Si des gouvernements ouvriers et paysans révolutionnaires étaient au pouvoir à Pékin et à Hanoi, les conflits territoriaux seraient facilement réglés : les deux pays partageraient leur technologie et leurs ressources et coopéreraient pour se défendre mutuellement contre l’impérialisme.
L’impérialisme américain, ennemi des travailleurs et des opprimés
En 2010, l’administration Obama avait annoncé qu’un « pivot vers l’Asie » serait une de ses toutes premières priorités. Ce « rééquilibrage militaire » est entravé par le fait que les Etats-Unis continuent à être impliqués dans le carnage en Afghanistan et au Proche-Orient. Néanmoins, comme en témoignent les récentes agressions américaines en mer de Chine méridionale, l’objectif stratégique de Washington est toujours de détruire les pays où le système d’exploitation capitaliste a été renversé. Nous luttons pour mobiliser la classe ouvrière américaine contre sa classe dirigeante capitaliste, et dans ce cadre nous disons : Toutes les troupes et toutes les bases américaines, hors d’Asie !
Le « pivot vers l’Asie » inclut une présence militaire américaine accrue aux Philippines. Annexées pendant la guerre hispano-américaine de 1898, les Philippines furent l’une des premières colonies de la puissance impérialiste montante qu’étaient alors les Etats-Unis. Les troupes américaines réprimèrent dans le sang les insurrections anticoloniales dans ce pays entre 1899 et 1902 elles massacrèrent plus d’un demi-million de Philippins. Après avoir obtenu sur le papier leur indépendance au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale, les Philippines sont restées un vassal semi-colonial des Etats-Unis et elles ont servi de point d’appui pour les machinations anticommunistes de Washington dans la région. Les Etats-Unis veulent faire adopter un « accord de coopération renforcée » qui leur permettrait de déployer davantage encore de soldats, d’avions et de navires dans les bases militaires aux Philippines.
Il faut faire prendre conscience aux travailleurs aux Etats-Unis, au Japon et aux Philippines que la défense des Etats ouvriers déformés fait partie intégrante de la lutte pour renverser leur propre classe dirigeante capitaliste. Pour écraser la machine de guerre de l’impérialisme américain, il faudra une révolution ouvrière américaine. La Spartacist League/U.S. s’est fixé pour tâche de construire le parti qui pourra prendre la direction de cette lutte, en tant que section américaine d’une Quatrième Internationale reforgée, le parti mondial de la révolution socialiste. La victoire de révolutions prolétariennes à l’échelle mondiale éliminera une bonne fois pour toutes le bellicisme inhérent au système capitaliste mondial ; en éliminant l’exploitation de l’homme par l’homme, ces révolutions jetteront les bases d’une abondance matérielle inimaginable qui permettra de satisfaire les besoins de l’humanité.