Le Bolchévik nº 206

Décembre 2013

 

Après le meurtre de Pavlos Fyssas par les fascistes

Grèce : Pour un front unique ouvrier pour stopper Aube dorée !

Non aux illusions réformistes dans l’Etat capitaliste !

Le rappeur Pavlos Fyssas a été agressé à la mi-septembre à Athènes par des nervis en noir et poignardé à mort par un sympathisant notoire de l’organisation fasciste Aube dorée. Cet assassinat a provoqué une vague de protestations dans tout le pays. Les fascistes multiplient les attaques meurtrières contre les immigrés, les minorités ethniques et les militants de gauche ; ils recrutent et s’enhardissent au fur et à mesure que les mesures d’austérité brutales imposées par les impérialistes attisent le nationalisme et plongent plus de Grecs dans le désespoir. Les manifestations contre l’assassinat de Pavlos Fyssas ont coïncidé avec des grèves des travailleurs du secteur public ; ceci montre bien la nécessité et l’urgence de faire le lien entre la lutte contre les déprédations capitalistes et le combat contre la terreur fasciste.

Des milliers de personnes ont répondu le 5 octobre à l’appel de PAME (tendance syndicale du Parti communiste de Grèce, le KKE) en manifestant dans toute la Grèce contre la politique d’austérité et de licenciements du gouvernement et pour protester contre l’assassinat de Pavlos Fyssas. Ce qu’il faut, c’est un programme qui permettra de débarrasser les rues d’Aube dorée grâce à des mobilisations ouvrières unissant le mouvement ouvrier dans son ensemble et les immigrés et autres victimes désignées des fascistes. C’est cette perspective que nos camarades du Groupe trotskyste de Grèce ont mise en avant dans le tract daté du 1er octobre que nous reproduisons ci-dessous, et qu’ils ont diffusé dans les manifestations à Athènes avec l’article « Les capitalistes saignent la classe ouvrière grecque » (reproduit dans le Bolchévik n° 202, décembre 2012).

* * *

Pavlos Fyssas, un rappeur et militant de gauche de 34 ans, a été assassiné de sang-froid le 17 septembre à Keratsini par un sympathisant notoire d’Aube dorée. Ce meurtre montre le danger mortel que ces adeptes de la terreur raciste représentent pour les immigrés, les minorités ethniques et le mouvement ouvrier tout entier. Des milliers de manifestants sont descendus dans les rues du quartier ouvrier où vivait Fyssas et où il est mort, et dans toute la Grèce ; il faut orienter cette colère vers une lutte sans concession contre la menace fasciste et le système capitaliste qui la nourrit. L’urgence, c’est de stopper les fascistes par des mobilisations de front unique de masse, centrées sur la puissance du prolétariat organisé !

Le gouvernement de droite Nouvelle démocratie-PASOK fait actuellement mine de réprimer Aube dorée. Le chef d’Aube dorée ainsi que plusieurs de ses députés et responsables ont été arrêtés le 28 septembre et inculpés pour appartenance à une organisation criminelle. Les travailleurs et les opprimés ne doivent pas se laisser abuser par cette comédie ! Devons-nous croire que ce même Etat qui rafle et malmène les immigrés dans les cellules de commissariat et les camps de réfugiés surpeuplés s’inquièterait tout d’un coup des centaines d’agressions racistes perpétrées par les fascistes ? Quand Shehzad Luqman, un travailleur immigré pakistanais, a été tué par des racistes en janvier 2012 à Athènes, le Premier ministre n’a pas fait de discours à la télévision pour condamner les « successeurs des nazis ».

Si le gouvernement a agi contre Aube dorée, c’est à la fois pour désamorcer les protestations et parce que la multiplication des agressions fascistes et le meurtre de Fyssas sont embarrassants sur la scène internationale. Ces attaques et les protestations qui ont suivi mettent à mal les efforts du gouvernement pour faire croire que la Grèce serait sur la voie de la stabilisation et qu’elle serait en train de sortir de la crise économique. En réalité, des millions de travailleurs grecs ont leur existence ravagée par une succession sans fin de plans d’austérité sauvages dictés par les maîtres impérialistes de l’Union européenne (UE), et principalement par l’impérialisme allemand. Le désespoir des masses prolétariennes et petites-bourgeoises précipitées dans la misère par la crise constitue le terreau fertile sur lequel prospère Aube dorée. En l’absence d’une direction prolétarienne révolutionnaire qui puisse offrir une issue grâce à la lutte contre l’ordre capitaliste, les fascistes ont conquis une véritable audience en désignant les immigrés et la gauche comme bouc émissaire.

Les fascistes ont pu y parvenir parce qu’ils détournent du système capitaliste la responsabilité pour la crise ; c’est bien commode : eux-mêmes ont été entretenus par l’Etat capitaliste, notamment la police. Aube dorée bénéficie d’un ample soutien dans la police, comme l’a révélé la vague récente de démissions et de mutations de hauts responsables de la police suspectés de collusion avec ces fascistes. En fait, les capitalistes aident et soutiennent Aube dorée parce qu’ils cherchent toujours à garder les troupes de choc fascistes en réserve pour les utiliser contre une éventuelle lutte révolutionnaire des travailleurs. C’est par conséquent une illusion mortelle de croire qu’on pourrait utiliser l’Etat capitaliste pour combattre les fascistes, et ce, qu’il s’agisse des flics, des tribunaux ou du parlement. Ceci devrait être particulièrement évident en Grèce, étant donné son histoire sanglante de dictatures bonapartistes, de régimes militaires et de guerre civile.

Démocratie et fascisme

Il n’est pas surprenant qu’Alexis Tsipras, le dirigeant de [l’organisation de gauche] Syriza, ait réagi à l’assassinat de Pavlos Fyssas en déclarant qu’« il est temps que l’Etat, à travers ses institutions démocratiques, s’attaque de façon décisive à ce phénomène » (ekathimerini.com, 23 septembre). Des illusions suicidaires de ce genre dans l’Etat capitaliste et la « démocratie » bourgeoise sont aujourd’hui colportées par une grande partie de la gauche. L’exemple le plus frappant est probablement le Parti ouvrier socialiste (SEK), qui est dans la direction du Mouvement unité contre le racisme et la menace fasciste (KEERFA). Sa réaction à l’arrestation de dirigeants d’Aube dorée a été de « célébrer » cela comme un premier pas « vers le démantèlement de la machine meurtrière néonazie », et d’appeler à étendre cette « épuration antifasciste » pour « inclure les officiers de la police hellénique » (déclaration du comité central du SEK, 28 septembre, npa2009.org).

La coalition Antarsya, dont le SEK est partie prenante, colporte aussi l’illusion qu’on pourrait faire pression sur les forces de l’Etat capitaliste pour qu’elles rompent les liens avec les fascistes : elle a publié une déclaration datée du 23 septembre appelant à des grèves « avec comme revendication d’isoler les fascistes d’Aube dorée et d’exiger qu’il soit mis fin au soutien multiforme qu’ils reçoivent de leurs protecteurs d’Etat ». Quant au Parti communiste grec, il a beau déplorer à juste titre que Syriza colporte des illusions dans la démocratie bourgeoise, son propre secrétaire général, Dimitris Koutsoumpas, a fait la même chose lors d’une interview où on l’interrogeait sur les mesures judiciaires à prendre à l’encontre d’Aube dorée : « Donc ici il y a un problème : le cadre juridique actuel n’a pas été utilisé, et donc on peut voir à partir de là qu’il est bien sûr nécessaire de faire aussi quelques corrections ou d’ajouter certaines mesures supplémentaires […]. Il y a des initiatives en cours au parlement, pour étudier la législation » (Rizospastis, 21 septembre). Toutes ces déclarations dénotent une foi touchante dans les oripeaux « démocratiques » de l’Etat capitaliste, qui sont en fait le meilleur déguisement de la dictature de la bourgeoisie.

Tandis que Samaras et compagnie multipliaient les prêches indignés contre Aube dorée après l’assassinat de Pavlos Fyssas, le principal conseiller du Premier ministre, Chrysanthos Lazaridis, publiait le 18 septembre une déclaration où il renvoyait dos-à-dos Syriza et Aube dorée en les accusant d’inciter à la « violence politique ». Cette déclaration est conforme à la théorie de Lazaridis sur « les deux extrêmes », qui affirme contre toute vraisemblance que Syriza, une force d’opposition pour le moins modérée, serait un « parti non démocratique » comparable à Aube dorée. Il faut voir que toute mesure répressive du gouvernement à l’encontre d’Aube dorée servira de base pour écraser la gauche. A cet égard, l’action de la police est particulièrement éloquente : les flics attaquent violemment les protestations antifascistes et ils ont arrêté des dizaines de manifestants. Nous exigeons la levée de toutes les inculpations contre les manifestants antifascistes ! Pendant ce temps, la police s’est bien sûr mobilisée massivement pour protéger le quartier général d’Aube dorée à Athènes quand des manifestants antifascistes ont voulu marcher sur lui dans la nuit du 25 septembre.

Le gouvernement a évoqué plusieurs mesures destinées soi-disant à affaiblir Aube dorée, y compris une extension de la définition juridique d’une organisation criminelle aux groupes non armés. Il ne faut pas s’y tromper : toute extension des pouvoirs répressifs de l’Etat capitaliste lui permettant de s’en prendre à des organisations ou à des individus pour des raisons politiques, y compris les lois « antiracistes », sera utilisée contre les organisations de la classe ouvrière et la gauche. Le mouvement ouvrier doit s’y opposer.

Pour un front unique ouvrier contre le fascisme !

Si les fascistes ont pu devenir plus forts et plus agressifs depuis l’entrée d’Aube dorée au parlement l’année dernière, c’est précisément dû à l’absence d’une lutte déterminée de la part des organisations de masse de la classe ouvrière. Les syndicats sont la cible ultime des fascistes, mais ils ont aussi la puissance nécessaire pour les stopper, en réalisant l’unité du prolétariat dans la lutte. Mais cette puissance est complètement sapée par les dirigeants traîtres des syndicats et de la gauche réformiste, qui tous colportent des illusions dans la « démocratie » bourgeoise et dans le nationalisme grec. Les travailleurs et les pauvres font face à la fois à la crise économique et à la menace fasciste ; ces problèmes ne peuvent être résolus ni dans le cadre capitaliste, ni en dernière analyse à l’intérieur des frontières de la Grèce, un petit pays dépendant. Il faut lutter pour une révolution socialiste internationale et pour les Etats-Unis socialistes d’Europe si l’on veut sortir de la crise non seulement les travailleurs grecs mais aussi ceux de l’ensemble des Balkans et de toute l’Europe.

Le problème, c’est que la gauche grecque s’oppose à une telle perspective. Il y a pour commencer les soi-disant marxistes incrustés dans Syriza, une formation pro-UE qui fait des pieds et des mains pour prouver aux impérialistes et aux capitalistes grecs qu’elle sera un gestionnaire responsable du capitalisme. Ensuite il y a les soi-disant marxistes à l’intérieur d’Antarsya, qui se présentent volontiers comme la gauche « révolutionnaire » et comme l’alternative à la fois au KKE et à Syriza. En réalité, Antarsya cherche simplement à faire pression, de la gauche, sur Syriza, et sa posture d’opposition n’est qu’un faux-semblant. En voici une preuve : les salutations adressées par le comité central d’Antarsya à la conférence nationale de Syriza en juillet dernier ne contenaient pas un mot critiquant l’illusion largement répandue qu’un gouvernement capitaliste « de gauche » (c’est-à-dire un gouvernement Syriza) constituerait un pas en avant.

Le KKE, un parti ouvrier de masse qui dirige des secteurs clés de la classe ouvrière grecque, a récemment mobilisé par l’intermédiaire de sa tendance syndicale PAME des syndicats (notamment les métallurgistes et les marins) au Pirée et dans les environs pour empêcher Aube dorée de se réunir et d’organiser ses soupes populaires racistes « réservées aux Grecs ». C’est là un fait significatif. L’assassinat de Pavlos Fyssas avait été précédé, une semaine auparavant, par l’agression violente de partisans d’Aube dorée contre le KKE lui-même à Perama – neuf sympathisants du KKE avaient été hospitalisés suite à cette agression. Les mobilisations derrière les syndicats appelées par PAME pour stopper Aube dorée se faisaient attendre depuis longtemps. Ces actions reflètent à n’en pas douter la détermination de la base du KKE à défendre son parti et les syndicats contre les fascistes. Mais cette détermination va à l’encontre des conseils répétés que donne la direction du KKE contre la formation d’un « front » contre le fascisme, et des illusions ridicules qu’elle alimente dans la possibilité de vaincre Aube dorée « par l’arme du bulletin de vote », comme l’avait déclaré l’ex-secrétaire générale du KKE Aleka Papariga (kke.gr, 7 juin 2012).

Le KKE, de par son influence sur les secteurs combatifs de la classe ouvrière, a objectivement la capacité de prendre l’initiative pour mobiliser des contingents ouvriers basés sur les syndicats pour chasser les fascistes des rues. Mais il n’a pas le programme nécessaire pour cela. En lieu et place d’un front unique ouvrier contre le fascisme, le KKE parle aujourd’hui d’une « alliance populaire » contre les fascistes. Ceci sert à dissimuler le fait que la Grèce est une société divisée en classes, où « le peuple » comprend à la fois les exploités et les opprimés et leurs exploiteurs et oppresseurs. Cela va de pair avec l’appel du KKE à un « pouvoir des ouvriers et du peuple ».

Au début des années 1930, Léon Trotsky, qui aux côtés de Lénine avait dirigé la Révolution d’octobre 1917, s’était battu avec acharnement pour changer la politique suicidaire de la direction du Parti communiste allemand (KPD), qui refusait de lutter conjointement contre les nazis avec le Parti social-démocrate allemand (SPD), qui bénéficiait toujours de l’allégeance d’une grande partie de la classe ouvrière. Les trotskystes, qui se considéraient à cette époque comme une fraction exclue de l’Internationale communiste, lançaient une mise en garde : les dirigeants du KPD mettaient en péril la lutte contre la montée des nazis lorsqu’ils appelaient à une « révolution populaire » au lieu d’une révolution prolétarienne. Trotsky écrivait :

« Pour que la nation puisse effectivement se reconstruire autour d’un nouveau noyau de classe, elle doit être reconstruite idéologiquement, et ceci ne peut être réalisé que si le prolétariat ne se dissout pas dans le “peuple”, dans la “nation”, mais au contraire développe un programme pour sa révolution prolétarienne et contraint la petite bourgeoisie à choisir entre deux régimes […]. Dans la situation actuelle en Allemagne, le mot d’ordre d’une “révolution populaire” efface la démarcation idéologique entre marxisme et fascisme et réconcilie une partie des ouvriers et la petite bourgeoisie avec l’idéologie du fascisme, leur permettant ainsi de penser qu’ils ne sont pas contraints de faire un choix, parce que dans les deux camps il n’est question que d’une révolution populaire. »

– « Thälmann et la “révolution populaire” », 14 avril 1931

En réaction à la montée du nazisme et au fait que beaucoup d’ouvriers étaient encore liés politiquement aux réformistes du SPD, Trotsky enjoignait le KPD d’utiliser la tactique du front unique ouvrier, telle que formulée par l’Internationale communiste des premières années : « la lutte unitaire des communistes et de tous les autres travailleurs, qu’ils appartiennent à d’autres groupes ou partis ou qu’ils soient sans parti, pour défendre les intérêts élémentaires vitaux de la classe ouvrière contre la bourgeoisie » (résolution du comité exécutif de l’Internationale communiste, « Thèses sur le front unique », 1922). Les trotskystes savaient que seule l’unité la plus large des travailleurs en lutte, qui ont la puissance sociale nécessaire pour bloquer le système du profit capitaliste, permettrait aux organisations ouvrières de se défendre et de défendre les opprimés contre les nazis. Mais le front unique n’était pas un pacte de non-agression politique avec les réformistes – il reposait à la fois sur la liberté de critique et sur l’indépendance politique des communistes, de sorte que les révolutionnaires puissent chercher à gagner les travailleurs en démasquant les dirigeants traîtres réformistes.

Le front populaire : une politique de trahison de classe

Les nazis purent s’emparer du pouvoir en 1933 sans aucune résistance, même symbolique. Ce fut une défaite historique et une trahison de la part des dirigeants staliniens et sociaux-démocrates. Pas une seule section de l’Internationale communiste n’ayant protesté contre cette trahison, les trotskystes en conclurent qu’il fallait construire une nouvelle internationale et de nouveaux partis révolutionnaires. Dans la panique qui suivit cette défaite, les staliniens, qui avaient jusque-là refusé de mener des actions de front unique conjointes avec d’autres organisations ouvrières, se lancèrent au contraire dans une politique d’alliances avec des forces bourgeoises « progressistes », selon la formule du « front populaire contre le fascisme ». C’était tout le contraire d’un front unique ouvrier : c’était un bloc politique basé sur un programme bourgeois. Cette formule du front populaire, mise en application avant et pendant la Deuxième Guerre mondiale, conduisit à faire capoter des occasions révolutionnaires dans de nombreux pays, de la France à la Grèce en passant par l’Italie. Ces défaites permirent la restabilisation après la Deuxième Guerre mondiale de l’ordre capitaliste en Europe de l’Ouest, et en Grèce après une guerre civile meurtrière.

Dans des situations révolutionnaires, le front populaire n’a conduit qu’à une longue série de défaites sanglantes pour la classe ouvrière : l’Espagne et la France dans les années 1930, l’Indonésie dans les années 1960, le Chili dans les années 1970. C’est parce que le front populaire est un bloc entre des organisations et des partis représentant différentes classes sur la base d’un programme commun – la défense de la démocratie bourgeoise. Par définition, des partis bourgeois et petits-bourgeois ne peuvent pas accepter de lutter pour un programme révolutionnaire ouvrier. C’est pourquoi le front populaire oblige la classe ouvrière à abandonner les objectifs conformes à ses intérêts de classe et à accepter les objectifs des autres forces de classe – la défense du capitalisme. Un front populaire signifie toujours l’abandon du programme de la révolution prolétarienne et la subordination des ouvriers à la bourgeoisie. Pour les ouvriers c’est une recette pour le défaite, et la direction du KKE la défend depuis plus de 70 ans.

Subordonner le prolétariat au « peuple » va de pair avec promouvoir le nationalisme – l’idée qu’il existe des intérêts communs à tous les Grecs, quelle que soit leur classe. Les mots « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous » ont beau figurer sur le titre du journal du KKE, la réaction de ce parti à la proposition de fermer trois sociétés nationalisées travaillant dans le domaine de la défense n’était que nationalisme grec pur et simple :

« Ceci se produit au moment même où les rivalités dans la région augmentent, où les droits souverains du pays sont remis en cause et où l’existence ainsi que le bon fonctionnement de l’industrie de guerre sont plus que jamais nécessaires afin de ne pas affaiblir la capacité de défense du pays. »

– Déclaration faite au parlement par le député du KKE Thanassis Pafilis, kke.gr, 12 septembre

Il n’est pas dans l’intérêt de la classe ouvrière de préserver la capacité de défense de la Grèce capitaliste, ni l’armée capitaliste. Comme le disait Lénine, « “pas un sou et pas un homme”, non seulement pour l’armée permanente, mais aussi pour la milice bourgeoise » (« Le programme militaire de la révolution prolétarienne », septembre 1916). Le rôle de l’armée capitaliste est de défendre les intérêts des capitalistes grecs en envoyant les soldats grecs tuer leurs frères de classe albanais, macédoniens, bulgares ou turcs, et se faire tuer par eux, quand les capitalistes l’estiment nécessaire. Il n’est par conséquent pas surprenant qu’on lise dans la presse bourgeoise que des membres des unités des forces spéciales de l’armée aident à entraîner des sympathisants d’Aube dorée.

La classe ouvrière ne peut pas lutter victorieusement pour arracher les masses mécontentes et déshéritées à l’emprise de forces comme Aube dorée si elle essaie, comme le fait le KKE, de lui faire concurrence pour être le meilleur défenseur de la « nation » et de ses frontières. En Grèce, le nationalisme signifie l’oppression brutale des immigrés, des Roms et des minorités nationales comme les Macédoniens, les Valaques, les Pomaques, les Turcs et les Albanais. Ce n’est pas un hasard si Aube dorée s’est fait connaître au début des années 1990 en organisant des manifestations chauvines contre le souhait de l’ex-république yougoslave de Macédoine d’inclure le mot « Macédoine » dans son nom. Aujourd’hui, les députés d’Aube dorée se lèvent en plein parlement pour déverser des insultes racistes à l’encontre des députés musulmans de Thrace, et ils affirment qu’Istanbul est la capitale légitime de la Grèce. Contre ce genre de nationalisme répugnant, il faut que le mouvement ouvrier reprenne à son compte la lutte pour les droits démocratiques des minorités nationales en Grèce, pour le droit à l’autodétermination de la minorité macédonienne en Grèce, et pour une fédération socialiste des Balkans – la seule manière de résoudre les questions nationales sans nombre dans cette région.

Pour de nouvelles révolutions d’Octobre !

Il semble qu’il n’y ait aucune limite aux efforts de la troïka [Fonds monétaire international, Union européenne et Banque centrale européenne] et des capitalistes grecs pour décimer la classe ouvrière. Le système de santé publique, qui était déjà au bord de l’effondrement, doit maintenant subir de nouvelles réductions de personnel et de financement. Le gouvernement parle même de démanteler totalement le principal opérateur public de santé. Déjà on doit payer la visite dans un hôpital « public », et à partir de 2014 il faudra payer 25 euros pour se faire hospitaliser. Le système éducatif subit aussi des attaques – des milliers d’instituteurs sont menacés de licenciement. Les principales universités grecques ont annoncé qu’elles suspendaient toute activité du fait des réductions de personnel massives exigées par le gouvernement. Le taux de chômage officiel est de près de 30 %, et de 60 % pour les jeunes. Les vampires de la banque exigent maintenant que le gouvernement grec lève l’interdiction pour les banques de saisir le logement de ceux qui n’arrivent plus à payer les intérêts de leurs prêts. Les impérialistes et leurs hommes de main locaux ne veulent pas seulement abaisser les salaires et les conditions de vie des Grecs au niveau des autres pays des Balkans. Ils veulent aussi faire de la Grèce un cobaye pour ce qu’ils aimeraient infliger à la classe ouvrière et aux pauvres partout en Europe de l’Ouest.

Malgré toutes les manifestations et les grèves appelées par la bureaucratie procapitaliste des fédérations syndicales ADEDY et GSEE depuis le début de la crise en 2008, pas une seule mesure d’austérité n’a été mise en échec. Face à la situation de plus en plus désespérée des travailleurs grecs, il faut une direction qui, au moyen de revendications transitoires, fasse le lien entre la lutte quotidienne contre l’austérité et la nécessité de renverser l’ordre capitaliste. Par exemple, en réponse au chômage massif et à l’effondrement des salaires, une telle direction lutterait pour un emploi pour tous, sans perte de salaire, et pour l’indexation des salaires sur l’inflation. Mais la bureaucratie syndicale, dont les représentants du KKE constituent une part significative, n’est pas prête à mobiliser toute la puissance de la classe ouvrière contre les attaques des capitalistes parce que cela constituerait un défi à l’ordre capitaliste lui-même. Ce qu’il faut, c’est lutter pour une nouvelle direction des syndicats, une direction révolutionnaire qui se battra pour assurer l’indépendance complète des syndicats vis-à-vis de l’Etat capitaliste, auquel ils sont actuellement attachés par mille liens.

Contrairement au reste de la gauche, le Groupe trotskyste de Grèce n’a pas pour but de construire un mouvement qui prenne le contrôle de l’appareil d’Etat existant, sous la forme d’un gouvernement capitaliste « de gauche ». Notre but est de construire un parti ouvrier révolutionnaire internationaliste, comme le Parti bolchévique de Lénine et Trotsky – un parti qui luttera pour renverser l’Etat capitaliste, dans le cadre de la lutte pour des révolutions socialistes partout dans le monde.