Le Bolchévik nº 205 |
September 2013 |
Débat à la fête de LO sur les Antilles
Capitulation au nationalisme petit-bourgeois : Combat ouvrier persiste et signe
A l’occasion de la fête annuelle de Lutte ouvrière (LO), son organisation sur antillaise Combat ouvrier (CO) organisait le 19 mai un débat intitulé « Guadeloupe et Martinique : après un an de politique du gouvernement Hollande-Ayrault et de ses relais locaux », où cette organisation a montré une nouvelle fois que, sous des abords prolétariens de classe intransigeants, LO et CO ne sont au fond pas différents de leurs rivaux du NPA.
Le débat faisait suite à un article intéressant publié dans Lutte de classe n° 151 (avril 2013), intitulé « Guadeloupe Les “Forces patriotiques” et les intérêts des travailleurs », qui traitait d’un nouveau regroupement, les FPAC (Forces patriotiques anticolonialistes et anticapitalistes) créé à l’initiative du Parti communiste guadeloupéen (PCG) et rassemblant plusieurs organisations nationalistes. Comme l’a fait remarquer notre camarade dans son intervention, Combat ouvrier attaque politiquement à juste titre les FPAC qui « s’adressent au “peuple guadeloupéen”, [ ] sans aucune distinction de classe », et CO affirme que sa préoccupation prioritaire est « de faire en sorte qu’au travers de cette lutte [pour la révolution sociale] se forge une avant-garde de travailleurs conscients de leurs intérêts de classe ».
Mais notre camarade a insisté que le rôle d’un parti révolutionnaire véritable est de propager la conscience révolutionnaire parmi les travailleurs, et il a ajouté :
« Il faut contraster ce que vous dites aujourd’hui avec ce que vous avez fait dans la réalité au moment où ça comptait, c’est-à-dire pendant la grève générale de 2009. A ce moment-là, vous étiez à l’intérieur du LKP qui était rien moins qu’un front populaire petit-bourgeois nationaliste, avec un programme nationaliste. Ses 149 propositions s’adressaient au “peuple de Guadeloupe, ouvriers, paysans, artisans, retraités, chômeurs, entrepreneurs (c’est moi qui souligne), jeunes” et comprenaient dans ses revendications par exemple la “Priorité et facilité d’accès au marché et aux aides publiques pour les entreprises Guadeloupéennes”. Et d’autres revendications du même type, donc typiquement du nationalisme petit-bourgeois. Et vous n’aviez aucun mot de critique contre ça. »
Autrement dit, Combat ouvrier avait alors été coupable exactement du même délit de collaboration de classes dont il accusait maintenant le Parti communiste guadeloupéen.
Combat ouvrier persiste et signe
La réponse ne s’est pas fait attendre. Un dirigeant de CO, piqué au vif, a protesté que bien qu’étant dans le LKP, son organisation « gardait son indépendance politique totale ». Il s’est écrié, de la même façon que l’aurait fait n’importe quel militant du NPA ou son prédécesseur la LCR, qui depuis des décennies se liquident dans toute masse petite-bourgeoise en mouvement (peu importe d’ailleurs la direction du mouvement) :
« Il y avait tout le monde, tous les syndicats, toutes les organisations de gauche et d'extrême-gauche qui étaient présentes, surtout d'extrême-gauche, si on pense que le Parti communiste est comme d'extrême-gauche, il n’y avait pas les socialistes, ils étaient plutôt contre nous. Mais le Parti communiste et tous les groupes de carnaval de la population. Alors nous on serait resté en dehors, petit groupe comme ça, hein ? Du haut de notre marxisme, en donnant des leçons. On réunit 70 personnes dans une salle, au mieux. Voilà, ça ne veut rien dire, ça. Si vous voulez même gagner des gens politiquement, dans un mouvement, il faut être dedans, il faut être dedans. Et c'était ça notre politique, être parmi les gens [ ]. »
En matière d’« indépendance politique totale », le militant de Combat ouvrier a lâché le morceau concernant le LKP, rebaptisé « regroupement de masse » pour l’occasion :
« On leur a même proposé au moment des élections régionales de faire une liste commune, avec Domota [porte-parole nationaliste dans le LKP] en tête de liste, qui était le plus populaire, admiré de tous. Notre camarade Jean-Marie Nomertin, on mettait la déléguée syndicale de l’enseignement en deuxième position, Jean-Marie Nomertin en troisième position, ainsi de suite. [ ]
« C’est vrai que par souci d’unité, on a accepté de signer parfois des tracts, effectivement c’était à la limite-limite, insignables, qui étaient pas terribles [ ]. »
C’est ce qu’un autre de nos camarades a qualifié lors du débat de « capitulation à plat ventre devant le nationalisme petit-bourgeois ».
et aggrave son cas
Comme si cela ne suffisait pas, le dirigeant de CO a tenu à traîner le nom de Lénine dans la boue. Il a affirmé que « même au sein des soviets » où ils étaient « extrêmement minoritaires », Lénine et les bolchéviks ont fait des « alliances » avec « toute une série de nationalistes qui étaient présents dans les soviets ». Qu’est-ce que les soviets ont à voir là-dedans ? Voilà ce que Trotsky, président du soviet de St-Petersbourg au cours de la Révolution russe de 1905, disait des soviets :
« Qu’était-ce donc que le soviet ?
« Le conseil des députés ouvriers fut formé pour répondre à un besoin pratique [
] : il fallait avoir une organisation jouissant d’une autorité indiscutable [
] un confluent pour tous les courants révolutionnaires à l’intérieur du prolétariat [
] » (souligné par nous).
1905, « Formation du soviet des députés ouvriers »
Alors où est le rapport entre les soviets russes, qui devinrent l’armature du premier Etat ouvrier de l’histoire, et le LKP, qui était une coalition de type front populaire incluant des nationalistes petits-bourgeois ? Combat ouvrier s’est bien gardé de l’expliquer, et aussi de donner des exemples d’« alliances » entre les bolchéviks de Lénine et les nationalistes bourgeois russes.
Nous avons en tout cas protesté avec fermeté lors du débat en insistant : « Le léninisme, c’est l’indépendance de classe du prolétariat contre toutes les forces de la bourgeoisie. » L’essence même de la politique de Lénine, à partir des Thèses d’avril 1917, avait été le refus de donner le moindre soutien au gouvernement provisoire de coalition et de faire la moindre « alliance », dans ou en dehors des soviets, avec les Cadets ou autres « nationalistes » bourgeois russes.
Lénine insistait de même que les communistes ne doivent pas « fusionner » avec les courants de libération démocratiques bourgeois des pays arriérés et qu’ils doivent « maintenir fermement l’indépendance du mouvement prolétarien, même sous sa forme la plus embryonnaire » (« Première ébauche des thèses sur les questions nationale et coloniale [pour le Deuxième Congrès de l’Internationale communiste] », 1920).
Nous sommes à des années-lumière des entrepreneurs capitalistes chéris du LKP ! Face aux capitulations de Combat ouvrier devant le LKP guadeloupéen ou le Collectif du 5 février (K5F) martiniquais comme lors du référendum du 10 janvier 2010 (voir le Bolchévik n° 191), ou celles de Lutte ouvrière devant le front populaire (vote Royal en 2007, refus d’appeler les ouvriers à l’abstention vis-à-vis de Hollande en 2012), la Ligue trotskyste se bat pour l’indépendance de classe, condition nécessaire pour propager la conscience révolutionnaire.
Ce n’est qu’en détruisant l’influence de tous les courants de la bourgeoisie au sein de la classe ouvrière, qu’il s’agisse de nationalistes petits-bourgeois du LKP ou du K5F, ou qu’il s’agisse des partisans du front populaire de Hollande, que l’on jettera les bases de la construction du parti révolutionnaire qui est nécessaire à la révolution socialiste.