Le Bolchévik nº 202 |
Décembre 2012 |
Les fascistes d’Aube dorée prospèrent avec la crise économique
Les capitalistes saignent la classe ouvrière grecque
A bas l’Union européenne ! Pour une Europe ouvrière !
L’article qui suit est tiré d’un tract de nos camarades du Groupe trotskyste de Grèce (TOE). Il a été écrit en introduction à l’article « Grèce : austérité accrue après les élections » (le Bolchévik n° 201, septembre). Ce tract a été distribué lors de l’anniversaire du 17 novembre 1973 ; le soulèvement des étudiants de l’Université polytechnique avait été réprimé ce jour-là par la dictature militaire, qui tomba l’année suivante.
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Suite aux élections de juin dernier a été constituée une alliance de gouvernement comprenant la Nouvelle Démocratie, le PASOK (Mouvement socialiste panhellénique, un parti bourgeois) et la Gauche démocratique (DIMAR). Ils cherchent grâce à de nouvelles mesures barbares d’austérité à verser 13,5 milliards d’euros supplémentaires aux capitalistes grecs et à leurs patrons impérialistes de l’Union européenne (UE) et du Fonds monétaire international (FMI). Le FMI exige les privations les plus draconiennes pour les travailleurs et les opprimés en échange d’une soi-disant « aide financière », c’est-à-dire de l’argent pour maintenir à flot les banques internationales et sauver la bourgeoisie grecque de la faillite. Non content d’amputer de plusieurs milliards supplémentaires la santé, l’éducation, les retraites et les salaires, les impérialistes exigent que la Grèce mène une « réforme du travail ». Cette réforme est tellement vicieuse que même un lèche-botte des capitalistes comme Photis Kouvelis, dirigeant de la Gauche démocratique, a dit que cela « démolirait ce qui reste des droits des travailleurs ».
Le taux de chômage officiel atteint 25 % de la population active et plus de 50 % pour les jeunes. Près de 60 % des chômeurs sont des femmes. Il est prévu que 25 000 emplois supplémentaires soient supprimés dans le secteur public d’ici un an. La bourgeoisie grecque a réduit en même temps d’environ 12 % le coût de la main-d’uvre en Grèce, rien que l’année dernière, tandis que l’inflation continue d’augmenter. La troïka (Union européenne, Banque centrale européenne BCE et FMI) exige que les conventions collectives ne s’appliquent qu’aux travailleurs syndiqués, de façon que la bourgeoisie puisse affamer les travailleurs les plus vulnérables et diviser et affaiblir davantage le mouvement ouvrier.
Non seulement la classe ouvrière doit faire face à une situation sans espoir, mais une partie de la substantielle petite bourgeoisie grecque est menacée de ruine, en particulier les petits commerçants et les entreprises familiales. Un magasin sur quatre a fermé ses portes depuis un an, et 42 % des boutiques à Athènes ont mis la clef sous la porte. La crise sociale généralisée se traduit également par un quasi-effondrement du système de santé publique ; il y a régulièrement des pénuries de médicaments et de fournitures essentielles. Des centaines de milliers de chômeurs sont totalement privés de soins médicaux. Comme le disait un cancérologue d’Athènes cité dans le New York Times (24 octobre) : « Etre au chômage en ce moment en Grèce signifie la mort. »
L’aggravation continue des conditions de vie pour les travailleurs et leurs familles a déjà provoqué de nombreuses grèves de protestation dans différents secteurs cet automne ; il y a eu plusieurs grèves générales d’un ou deux jours à l’appel des syndicats de la Confédération générale des travailleurs grecs (GSEE) et de la Confédération des fonctionnaires (ADEDY). Il y a eu d’énormes manifestations lors de la visite de la chancelière allemande Angela Merkel à Athènes en octobre, et la tentative du gouvernement de les interdire a fait long feu. Malgré la colère et la combativité affichées par la classe ouvrière, les impérialistes et leurs serviteurs locaux au sein de la bourgeoisie grecque sont déterminés à utiliser la crise financière pour retourner en arrière en détruisant ce qui restait des quelques acquis que les travailleurs avaient gagnés par leurs luttes contre une exploitation sans frein.
Les adorateurs du nazisme prospèrent avec la réaction capitaliste
La classe ouvrière restant indocile, les capitalistes sont prêts à mettre en branle contre elle non seulement les forces de répression de l’Etat capitaliste les flics et les tribunaux mais aussi les troupes de choc de la réaction chauvine, comme Aube dorée. Alors que la colère augmente de jour en jour contre les partis au pouvoir, les derniers sondages montrent un soutien accru à la fois pour la coalition (de gauche) SYRIZA et pour les fascistes d’Aube dorée qui occupent une menaçante troisième place. La désintégration de la société grecque alimente une profonde polarisation politique. La réaction fasciste se développe dans le contexte d’une intensification de la répression contre les immigrés, les militants de gauche et les travailleurs, et dans le contexte de l’absence d’une direction révolutionnaire qui puisse sortir la classe ouvrière de cette impasse.
La croissance rapide des pronazis d’Aube dorée n’est pas une aberration : les capitalistes gardent les fascistes en réserve, car ces derniers sont une arme utile contre les travailleurs en période d’instabilité. Et la sauvagerie de la bourgeoisie grecque contre le prolétariat a une longue histoire : elle a eu recours à la terreur d’extrême droite, à des dictatures bonapartistes et des régimes militaires pour écraser le mouvement ouvrier. Aube dorée est la dernière incarnation de cette tradition grecque. Dans un pays où des centaines de milliers de personnes ont péri sous l’occupation nazie pendant la Deuxième Guerre mondiale, Aube dorée nie parfois son inspiration nazie ; ses militants distribuent ostensiblement des colis alimentaires aux Grecs pauvres et « protègent » des personnes âgées contre les crimes soi-disant commis par les immigrés. Mais leurs saluts hitlériens et leurs emblèmes et mots d’ordre d’inspiration nazie sont sans équivoque. Leur succès électoral en juin et leur popularité croissante depuis ont enhardi ces terroristes racistes qui se déchaînent régulièrement contre les immigrés et leurs défenseurs.
Le gouvernement déclare hypocritement qu’il est contre Aube dorée, mais ces hordes de fascistes s’inspirent directement de l’Etat capitaliste grec, qui a arrêté plus de 16 000 immigrés rien qu’au mois d’août. Le gouvernement est en train d’achever une clôture le long de la frontière avec la Turquie pour bloquer les immigrés, dont beaucoup sont des réfugiés à bout d’espoir, rescapés de l’enfer créé par les impérialistes dans des endroits comme l’Irak, l’Afghanistan, le Pakistan et la Libye. Aube dorée va plus loin en proposant de miner la frontière. Les capitalistes et leurs larbins d’Aube dorée tentent de faire porter le chapeau aux immigrés pour une crise que les capitalistes eux-mêmes ont infligée aux masses. Contre cela, le mouvement ouvrier doit se battre pour les droits de citoyenneté pour tous les immigrés ! Halte aux expulsions !
Il n’est pas surprenant que 50 à 60 % des policiers, selon les estimations, sympathisent politiquement avec Aube dorée : réprimer les militants de gauche et terroriser les immigrés est une partie essentielle du travail de la police. Le Guardian de Londres en a donné un exemple frappant en rendant public le fait que la police avait torturé 40 militants antifascistes arrêtés le 30 septembre et le 1er octobre. 15 d’entre eux avaient été arrêtés après avoir courageusement défendu des immigrés contre la vermine d’Aube dorée dans les rues d’Athènes ; les 25 autres pour avoir protesté en défense de leurs camarades. L’un des militants interrogés par le Guardian a expliqué : « Ils m’ont craché dessus et m’ont dit que nous allions mourir comme nos grands-pères dans la guerre civile. » Nous, le Groupe trotskyste de Grèce, exigeons la levée immédiate de toutes les inculpations retenues contre les militants antifascistes ! Le ministre de l’Ordre public a menacé de poursuivre le Guardian en justice, et deux journalistes de la télévision, Kostas Arvanitis et Marilena Katsimi, ont été brutalement suspendus parce qu’ils avaient eu le courage de laisser entendre que le ministre ne pouvait pas donner suite à sa menace, car les témoignages sur les tortures de la police étaient crédibles.
Parmi les défenseurs des droits des immigrés visés par Aube dorée figure Gianna Kourtovik, une avocate qu’Aube dorée a attaquée en lui jetant des ufs et tabassée le 25 septembre à la sortie du commissariat de police d’Agios Panteleimon, sous les yeux de la police quelle surprise ! Kourtovik est connue pour défendre des militants de gauche et des immigrés ; elle est provoquée dans la rue par des policiers qui l’apostrophent en hurlant « Sang ! Honneur ! Aube dorée ! » C’est un secret de polichinelle que les flics et les tribunaux sont de mèche avec les fascistes ; d’après les journaux, la police dit aux habitants qui viennent se plaindre des immigrés dans leur quartier de s’adresser à Aube dorée pour que celle-ci s’en charge.
La touchante confiance du KKE dans l’Etat capitaliste
Le TOE s’oppose aux illusions mortelles que répand le Parti communiste de Grèce (KKE) et d’autres groupes de gauche dans l’Etat capitaliste et ses forces de police. Le KKE a publié le 7 septembre dans Rizospastis un article qui dressait un bilan positif de sa participation à une manifestation organisée par la Fédération nationale des fonctionnaires de police. L’article citait la déclaration aux flics de Spyros Chalvatzis, un dirigeant de premier plan du KKE :
« Nous croyons que les travailleurs dans les forces de sécurité ne doivent pas permettre à l’Etat bourgeois de se servir d’eux pour écraser la classe ouvrière, le mouvement syndical. Ce qu’il faut, c’est s’unir, se rassembler et agir en commun avec le reste des travailleurs. »
Cet appel grotesque à l’unité avec la police est aux antipodes d’une conception marxiste de l’Etat. Le dirigeant bolchévique Lénine expliquait dans son ouvrage clé, l’Etat et la révolution, que l’Etat capitaliste est « ce “pouvoir spécial de répression” exercé contre le prolétariat par la bourgeoisie ». Lénine expliquait que ce pouvoir de l’Etat consiste « en des détachements spéciaux d’hommes armés, disposant de prisons, etc. » En d’autres termes, les forces de sécurité de l’Etat ont pour raison d’être de briser les reins à la classe ouvrière et aux syndicats quand ils constituent une menace pour la classe capitaliste. En appeler aux flics pour qu’ils cessent d’être les chiens de garde du capital, c’est ni plus ni moins se faire l’avocat d’une réforme démocratique et pacifique de la dictature du capital. En faisant cela, les dirigeants du KKE colportent le mensonge que l’Etat capitaliste pourrait être utilisé pour servir les intérêts de la classe ouvrière.
Lors de la même manifestation, un syndicaliste du KKE, Ilias Stamelos, a déclaré : « PAME [l’organisation syndicale du KKE], par sa présence, tient à exprimer sa solidarité avec les justes revendications de ceux qui portent l’uniforme, dont la majorité vit avec des salaires de misère. » Le TOE ne verse aucune larme sur la « misère » de ceux dont le travail consiste à attaquer les travailleurs et les opprimés ; il se bat au contraire pour : Flics, gardiens de prison et vigiles, hors des syndicats ! Comme l’écrivait Léon Trotsky : « L’ouvrier, devenu policier au service de l’Etat capitaliste, est un policier bourgeois et non un ouvrier » ( « La révolution allemande et la bureaucratie stalinienne Problèmes vitaux du prolétariat allemand », 27 janvier 1932). La direction du KKE n’a aucun problème pour se solidariser avec la police grecque infestée de fascistes quand celle-ci revendique de meilleurs salaires, par contre elle traite les manifestants anarchistes d’alliés des fascistes : « N’oublions pas que ce type de forces fascistes a agi conjointement avec les anarcho-autonomes encagoulés, forces obscures de l’Etat » (Rizospastis, 16 octobre). C’est scandaleux.
Une menace mortelle pour les immigrés, les homosexuels, les ouvriers
Aube dorée a récemment uni ses forces avec les réactionnaires de l’Eglise orthodoxe grecque, un pilier central de l’ordre capitaliste en Grèce qui alimente la réaction sociale et le chauvinisme sous tous ses aspects, en particulier contre la Turquie et les musulmans, afin d’enchaîner les exploités à la bourgeoisie grecque. Des membres d’Aube dorée et une bande de fanatiques religieux brandissant des icônes et des croix ont terrorisé le 11 octobre à Athènes les spectateurs et les acteurs d’une pièce de théâtre où Jésus et les apôtres sont des homosexuels. Un journaliste a été violemment agressé par des membres d’Aube dorée qui hurlaient des insultes racistes et homophobes sous les yeux de la police. Un certain nombre d’homosexuels ont été attaqués ces derniers temps. Il est dans l’intérêt de la classe ouvrière de défendre les homosexuels contre cette engeance réactionnaire. Comme nous l’écrivions dans « Fondation du Groupe trotskyste de Grèce » (publié en novembre 2004) :
« Un groupe trotskyste doit être un “tribun du peuple” léniniste. Et en Grèce, où l’église orthodoxe ultra-réactionnaire a une énorme influence, l’oppression des femmes est extrême. La “sainte trinité” grecque, “patrie-religion-famille”, dont l’Etat capitaliste fait la promotion, est étroitement liée à la question nationale et à la question de la femme. La lutte pour l’émancipation des femmes par la révolution socialiste, et l’opposition à l’oppression des femmes, doivent être une question centrale pour les trotskystes. Nous luttons pour les pleins droits démocratiques pour les homosexuels, en opposition à la société grecque homophobe et machiste et à la gauche. Nous sommes pour la séparation de l’Eglise et de l’Etat. »
Spartacist édition française n° 37, été 2006
La récente arrestation d’un homme originaire de l’île d’Eubée, accusé de blasphème, montre bien pourquoi nous appelons à la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Cet homme est accusé du « crime » d’avoir caricaturé sur Facebook un moine célèbre en l’appelant le vieux Pastitsios [un jeu de mots sur un plat de pâtes populaire], suite à une intervention au parlement d’un député d’Aube dorée ; il est passible de deux ans de prison !
Pour des mobilisations ouvrières de front unique contre les fascistes !
Aujourd’hui, Aube dorée s’en prend essentiellement aux immigrés, aux homosexuels et aux militants de gauche, mais au bout du compte son but est d’écraser les organisations de la classe ouvrière afin de sauver les capitalistes, comme l’avaient fait les bandes de Mussolini en Italie dans les années 1920, et celles d’Hitler en Allemagne dans les années 1930. Léon Trotsky, qui avait dirigé la révolution d’Octobre aux côtés de Lénine en 1917, a cherché au début des années 1930 à transmettre les leçons de cette lutte au prolétariat allemand alors confronté à la montée du nazisme. Trotsky expliquait dans « La révolution allemande et la bureaucratie stalinienne (Problèmes vitaux du prolétariat allemand) » les racines sociales du fascisme :
« A travers les agents du fascisme, le capital met en mouvement les masses de la petite bourgeoisie enragée, les bandes des lumpen-prolétaires déclassés et démoralisés, tous ces innombrables êtres humains que le capital financier a lui-même plongés dans la rage et le désespoir.
« [ ] l’essence et le rôle du fascisme visent à liquider totalement toutes les organisations ouvrières et à empêcher toute renaissance de ces dernières. Dans la société capitaliste développée cet objectif ne peut être atteint par les seuls moyens policiers. La seule voie pour y arriver consiste à opposer à la pression du prolétariat - lorsqu’elle se relâche - la pression des masses petites bourgeoises en proie au désespoir. »
Trotsky mettait en garde sans relâche que les dirigeants réformistes traîtres du Parti social-démocrate (SPD) et du Parti communiste stalinien (KPD) minimisaient le danger représenté par la menace fasciste. Il exhortait le KPD à prendre l’initiative d’actions de front unique de masse, conjointement avec les ouvriers du SPD, pour défendre les travailleurs et les opprimés contre les troupes de choc nazies et détruire celles-ci tant qu’elles étaient encore petites.
Hier comme aujourd’hui, pour combattre le fascisme il faut comprendre le rôle central de la classe ouvrière. Trotsky faisait remarquer en 1931 :
« L’armée principale du fascisme est toujours constituée de la petite bourgeoisie et d’une nouvelle couche moyenne [ ]
« Sur la balance de la statistique électorale, 1 000 voix fascistes pèsent aussi lourd que 1 000 voix communistes. Mais sur la balance de la lutte révolutionnaire, 1 000 ouvriers d’une grande entreprise représentent une force cent fois plus grande que celle de 1 000 fonctionnaires, employés de ministères, avec leurs femmes et leurs belles-mères. »
« La clé de la situation internationale est en Allemagne »
Si les manifestants antifascistes subissent toutes ces violences ces derniers temps de la part de la police à Athènes, cela souligne que la stratégie de mobiliser des militants de gauche par petits groupes pour défendre les immigrés contre les fascistes a beau être courageuse, elle n’est pas un moyen efficace pour détruire la menace d’Aube dorée.
Les bandes de nervis fascistes d’Aube dorée mènent de violentes attaques racistes contre les immigrés et d’autres victimes. Il faut en réponse immédiatement mobiliser des contingents ouvriers, basés sur les syndicats, pour défendre les immigrés et balayer des rues la vermine fasciste. Il faut lutter pour éliminer les barrières politiques qui empêchent de mobiliser la puissance des syndicats contre Aube dorée. Le KKE a le poids social dans les syndicats pour le faire, mais les illusions dans la démocratie bourgeoise dont il fait la promotion y font obstacle, ainsi que son populisme nationaliste. Les organisations réformistes qui composent des groupes tels qu’Antarsya renforcent elles aussi les obstacles politiques, dans la mesure où elles se mettent à la traîne de la coalition pro-UE de SYRIZA : celle-ci promet d’offrir aux immigrés des conditions de détention plus « humaines » et de mettre plus de flics dans les rues pour lutter contre « la criminalité ». Les groupes d’Antarsya peuvent toujours prétendre être contre l’UE (ou pour que la Grèce sorte de l’UE), mais leur préférence pour un gouvernement capitaliste de « gauche » dirigé par SYRIZA, et le fait qu’ils aspirent à faire pression sur un tel gouvernement, montrent à quel point leur posture anti-UE sonne creux. Dimitris Hilaris, de l’OKDE-Spartakos (qui fait partie de la coalition Antarsya), a déclaré dans une interview à International Viewpoint (juin 2012) : « Syriza est en mesure d’offrir une solution crédible à la situation grâce au mot d’ordre d’un gouvernement de gauche » (« Vers un gouvernement rompant avec la troïka ? ») Etant donné que l’UE est responsable de l’abaissement des conditions de vie en Grèce et de la montée des fascistes, on ne peut pas mener la lutte contre le fascisme sans s’opposer frontalement à l’UE capitaliste.
La direction du KKE a récemment fait valoir qu’un front contre le fascisme n’est pas nécessaire, et qu’Aube dorée doit simplement être « démasquée ». Aleka Papariga, la secrétaire générale du KKE, a reconnu lors d’un discours prononcé au Rassemblement communiste européen de Bruxelles du 1er et 2 octobre qu’Aube dorée se développe selon le modèle des « escadrons de la mort de la période hitlérienne » et que certaines unités des forces de sécurité de l’Etat capitaliste travaillent avec elle. Toutefois :
« On ne peut pas s’en occuper selon le principe d’un front antifasciste ou d’un front contre la violence en général, quelle qu’en soit la source, car une telle attitude conduira à une attaque contre le mouvement lui-même. Le mouvement organisé lui-même doit s’occuper d’Aube dorée, sur les lieux de travail, dans les secteurs, les organisations populaires, en montrant son rôle pour soutenir le système ; il doit s’occuper des crimes qu’ils commettent avec leurs attaques meurtrières, ce qu’ils appellent prendre la loi en main eux-mêmes. »
Ce que le KKE entend par « s’occuper des crimes qu’ils commettent avec leurs attaques meurtrières », c’est faire confiance à l’Etat capitaliste pour qu’il les traîne en justice. A titre d’exemple, des dirigeants du PAME ont déposé la requête suivante auprès de Nikos Dendias, le ministre de l’Ordre public : « Nous vous demandons de prendre des mesures pour mieux assurer la sécurité et la protection de tous les citoyens, grecs et immigrés » (Rizospastis, 18 juillet). En fait, croire aux prétentions démocratiques de l’Etat capitaliste représente le plus grand danger d’« attaque contre le mouvement lui-même », mais c’est exactement ce que font les traîtres du KKE quand ils demandent au ministre d’envoyer des forces de répression pour « défendre » les immigrés. Le seul moyen de s’assurer que les fascistes ne puissent pas continuer à se développer et à attaquer le mouvement ouvrier organisé, ce sont des mobilisations de front unique prolétariennes de masse contre les fascistes.
C’est le capitalisme qui engendre le fléau du fascisme ; c’est pourquoi il faut lier la lutte contre des forces comme Aube dorée à celle pour renverser la domination capitaliste en Grèce et au niveau international. En effet, la classe ouvrière ne peut gagner à sa cause la petite bourgeoisie ruinée et l’arracher aux fascistes qu’en luttant pour une solution socialiste à la crise capitaliste. Il faut se battre contre le chômage de masse en exigeant le partage du travail disponible, sans perte de salaire, et un programme massif de travaux publics. Pour stopper la dégradation des conditions de vie, les travailleurs doivent exiger que les salaires soient indexés sur l’inflation. Pour démasquer l’exploitation, le vol et la fraude des industriels et des banquiers, les travailleurs doivent exiger que les capitalistes ouvrent leurs (vrais) livres de comptes. Le prolétariat doit lutter pour exproprier les moyens de production aux mains de la classe capitaliste dans son ensemble, et pour mettre en place une économie planifiée sous contrôle ouvrier, où la production se fera selon les besoins sociaux et non pour le profit. Cette lutte doit englober les pays les plus gravement ravagés par la crise en Europe à ce jour comme la Grèce, le Portugal, l’Irlande et l’Espagne, les masses prolétariennes surexploitées des pays néocoloniaux comme l’Afrique du Sud et l’Inde, et les puissances impérialistes comme les USA, l’Allemagne et le Japon, où les travailleurs ont également le couteau sous la gorge.
L’Union européenne capitaliste sert à dresser les travailleurs des différents pays les uns contre les autres. Contre le chauvinisme attisé par la crise capitaliste, nous disons que la lutte pour la révolution socialiste internationale et les Etats-Unis socialistes d’Europe est la clé pour sortir la classe ouvrière grecque de la situation sans espoir où elle se trouve. Comme le disait Trotsky en 1930, « le mot d’ordre d’unification prolétarienne de l’Europe est [ ] une arme très importante dans la lutte contre le chauvinisme abject des fascistes » (« Le tournant dans l’Internationale communiste et la situation en Allemagne », 26 septembre 1930).