Le Bolchévik nº 201

Septembre 2012

 

PSA Aulnay : Hollande élu pour gérer les fermetures d’usines

Pour une lutte de classe contre les capitalistes et leur gouvernement !

Moins de quatre semaines après les élections législatives et la victoire définitive du PS de François Hollande tombait l’annonce par Peugeot SA (PSA) de la fermeture de son usine d’Aulnay-sous-Bois en région parisienne. Plus de 3 000 ouvriers ont la tête sur le billot du Capital, sans compter une dizaine de milliers de travailleurs chez les sous-traitants. Il s’agit de la plus grosse usine de tout le département du 9-3, déjà sinistré par le chômage et la désindustrialisation. La misère et l’oppression raciste n’y font que s’aggraver depuis la révolte des banlieues de 2005, qui avait commencé à Clichy-sous-Bois, non loin d’Aulnay.

Il semblerait qu’en France il faille des gouvernements dirigés par le Parti socialiste pour gérer de grandes fermetures d’usines automobiles. En 1989 c’était sous un gouvernement Mitterrand-Rocard qu’avait été annoncée la fermeture de l’usine de Renault-Billancourt, fermée en 1992. En 1997 c’était au tour du gouvernement Jospin (avec participation du PCF) de faire passer la fermeture par Renault de son usine de Vilvorde, dans la banlieue de Bruxelles. Et maintenant c’est Hollande qui commence son quinquennat avec la fermeture de l’usine d’Aulnay.

Et ce n’est que le hors-d’œuvre des attaques prévues par ce gouvernement. Il a déjà annoncé une série de hausses d’impôts notamment sur les heures supplémentaires et sur le tabac, en attendant d’ici la fin de l’année une augmentation substantielle de la CSG payée par les travailleurs. Il taille à la hache dans les emplois de fonctionnaires. Il procède à la destruction systématique et sans précédent des abris précaires des Roms. Les déportations de sans-papiers se poursuivent par milliers, tout particulièrement à Mayotte où un bébé est mort dans un camp de rétention au mois d’août.

Manuel Valls, nouveau ministre des flics, a décrété des « zones de sécurité prioritaire », autrement dit le renforcement de la terreur policière raciste dans les banlieues ouvrières. Et il a eu du résultat immédiatement : à la mi-août, une violente émeute de flics, commencée par l’attaque policière d’une cérémonie de deuil d’une famille d’origine maghrébine, a secoué pendant plusieurs jours les quartiers d’Amiens. Comme sous Sarkozy, le gouvernement vise deux franges de la population que bien peu sont prêts à défendre, les Roms et les jeunes de banlieue, pour renforcer l’appareil de répression capitaliste contre toute la classe ouvrière. A bas la terreur raciste des flics contre les jeunes de banlieue ! Pleins droits de citoyenneté pour tous ceux qui sont ici, y compris les Roms !

Comme nous l’avions fait avec Mitterrand ou Jospin, nous avons fait campagne au début de l’année contre tout vote pour le candidat Hollande. Si Hollande s’était présenté en son propre nom comme candidat du PS, nous nous serions aussi opposés à son gouvernement capitaliste et nous aurions appelé à ne pas voter pour lui. Le PS est un parti ouvrier-bourgeois, c’est-à-dire qu’il se revendique encore (du bout des lèvres) du mouvement ouvrier et s’appuie sur les bureaucraties syndicales, mais sa direction et son programme sont totalement procapitalistes.

En France un gouvernement « de gauche », cela veut dire un bloc de partis sociaux-démocrates, comme le PS ou le PCF, avec des forces bourgeoises pour gérer ensemble le capitalisme – un « front populaire ». Avec un tel bloc, les réformistes donnent des garanties par avance que les Peugeot, les Bettencourt et les autres quelques centaines de familles qui forment la bourgeoisie française seront fidèlement servis, avec austérité anti-ouvrière, privatisations et terreur raciste. Hollande poursuit cette tradition en gouvernant avec les Verts de Duflot, les Radicaux de gauche de Baylet et le Mouvement républicain et citoyen de Chevènement. Les travailleurs doivent rompre avec les traîtres sociaux-démocrates et la collaboration de classes. Ils ont besoin de leur propre parti révolutionnaire, agissant dans leur intérêt de classe et s’engageant à lutter pour le renversement de ce système capitaliste pourri. A bas le front populaire !

Nous avions mis en garde qu’un gouvernement Hollande allait attaquer les travailleurs tout comme celui de Sarkozy, à la différence que Hollande allait bénéficier du soutien des bureaucrates syndicaux : Bernard Thibault, chef de la CGT, a ainsi appelé directement à voter pour lui. Alors que de nombreuses usines se retrouvent confrontées à des plans de licenciements, voire la fermeture pure et simple, avec PSA Aulnay en première ligne, la direction de la CGT laisse chaque syndicat se débrouiller seul. Ainsi, la hiérarchie de la CGT boycotte depuis avril toute mobilisation de sa base parisienne contre le plan de suppressions d’emplois de PSA, que ce soit pour les rassemblements du 28 juin et du 25 juillet à Paris ou du 12 juillet à Aulnay. Le soutien au gouvernement des chefs syndicaux contribue à faire dérailler les luttes des travailleurs.

Crise de l’automobile et crise du capitalisme

La crise de l’industrie automobile est profonde dans toute l’Europe, et elle reflète la crise de l’Union européenne (UE) elle-même. La crise financière mondiale, qui a éclaté en 2008 dans le secteur financier, a débouché en Europe sur une crise de surproduction tout à fait classique. Y compris en Allemagne, pratiquement le seul pays de l’UE où les ventes automobiles ne se sont pas effondrées ces derniers mois, General Motors s’apprête à fermer son usine de Bochum dans la Ruhr, une région sinistrée depuis des décennies par la crise de la sidérurgie et la désindustrialisation. Les ventes d’automobiles sont en recul de 40 % en Grèce sur les cinq premiers mois de l’année suite à l’austérité drastique imposée par Merkel et Sarkozy (maintenant aggravée par Merkel et Hollande) – tout cela dans le but de renflouer notamment les banques allemandes et françaises « victimes », par effet boomerang, de leur propre spéculation effrénée sur la dette des Etats les plus faibles de l’UE.

Nous sommes depuis toujours opposés à l’Union européenne et à ses prédécesseurs. L’UE est un consortium impérialiste instable composé d’Etats-nations distincts, dirigé par l’Allemagne et de façon subordonnée par la France. Le but de ces Etats dans l’alliance est de mieux saigner leur propre classe ouvrière au nom de la « concurrence libre et non faussée », de mutualiser partiellement la chasse raciste aux immigrés et de faire front commun si possible contre leurs rivaux impérialistes américains et japonais ainsi que contre l’Etat ouvrier déformé chinois. Nous écrivions déjà en janvier 1973 (Workers Vanguard n° 15) : « A l’époque impérialiste, les alliances entre Etats capitalistes, y compris sous leurs aspects économiques, sont tournées contre d’autres Etats, qu’ils soient des Etats avancés ou retardataires. Le Marché commun est fondamentalement une alliance instable entre le capitalisme français et le capitalisme allemand basée sur les politiques économiques les plus réactionnaires. »

Chaque gouvernement capitaliste de l’UE est le comité exécutif de sa propre classe capitaliste nationale, et ces classes se livrent entre elles une concurrence aujourd’hui exacerbée par la crise économique. L’aiguisement de ces contradictions internes à l’UE pousse inexorablement cette dernière vers l’implosion, et c’est aux ouvriers qu’est présentée la facture. Nous disons : A bas l’Union européenne capitaliste-impérialiste ! A bas la Banque centrale européenne et l’euro !

Peugeot n’a de son point de vue d’autre solution que de saccager ainsi la vie de milliers de travailleurs : les pertes sont énormes ces derniers mois ; le marché européen, qui est le principal marché de PSA, est en pleine déconfiture et cela ne peut que s’aggraver au fur et à mesure que la spirale récessionniste happe davantage de pays. Peugeot est « trop petit », c’est-à-dire que la concentration du capital se poursuit au niveau international à un niveau jamais vu et que Peugeot figure aujourd’hui parmi les perdants de cette lutte impitoyable. Un cartel de plus en plus restreint de compagnies contrôle une part croissante du marché, et ces cartels eux-mêmes ne font que préparer de nouvelles luttes plus féroces encore pour la suprématie mondiale. Ce processus inexorable, broyant les vies, broyant au passage des sociétés capitalistes séculaires, résulte de la nature même du capitalisme en tant que système irrationnel de production : la production est socialisée et centralisée dans d’immenses entreprises planifiant la production internationalement, mais la production est déterminée non par les besoins objectifs de l’humanité mais par le taux de profit qu’une entreprise peut tirer ou pas de l’exploitation de sa main-d’œuvre salariée.

Ce genre de crise économique et de concentration des monopoles a déjà conduit par deux fois l’humanité dans des guerres mondiales où des millions de travailleurs ont péri sur l’autel du profit. Une nouvelle guerre mondiale risquerait de finir avec l’annihilation de l’humanité tout entière. Lénine, le révolutionnaire bolchévique russe, l’avait déjà expliqué dans l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, un ouvrage d’une actualité brûlante encore aujourd’hui alors qu’il avait été écrit en pleine boucherie impérialiste de la Première Guerre mondiale, en 1916. Il n’y a pas de solution pour les travailleurs sous le capitalisme. Il faut le renverser par la révolution socialiste. L’entremêlement des économies au niveau européen ne rend que plus urgente l’extension d’une telle révolution à tout le continent pour exproprier les capitalistes et réorganiser l’économie sur la base d’une planification internationale pour répondre aux besoins de l’humanité et non à la soif de profit des capitalistes. Pour les Etats-Unis socialistes d’Europe !

Pour un programme de transition vers la révolution socialiste

L’ampleur de la crise ne fait que souligner la nécessité d’une issue révolutionnaire internationaliste. Le reste n’est que « panacée » de charlatan réformiste. Ainsi, la revendication du « partage du travail entre les usines du groupe PSA » que met en avant Lutte ouvrière (Lutte de Classe, juillet-août 2011) face au plan de fermeture de l’usine d’Aulnay, est en elle-même qualitativement insuffisante pour répondre aux attaques que subissent ces travailleurs, car le problème ne peut être résolu seulement dans le cadre de PSA. Soit ce partage se ferait avec diminution de salaire, ce que ne peuvent accepter des travailleurs qui déjà végètent au bord de la misère, soit il amènerait Peugeot, en piètre situation financière sur les marchés des capitaux, à la faillite.

Il faudrait élargir la mobilisation non seulement à tout le groupe PSA mais au-delà, y compris à l’ensemble de l’industrie automobile. Il faut lutter pour le partage du travail entre toutes les mains, sans perte de salaire, en étendant cette revendication à tous les travailleurs : non seulement tous les intérimaires doivent obtenir des contrats en CDI, mais aussi ceux qui travaillent chez les sous-traitants comme ceux de Magnetto sur le site de PSA Aulnay, ainsi que dans les usines sous-traitantes externes aux sites de PSA, où les syndicats sont encore plus faibles qu’à Aulnay et où règne souvent l’arbitraire patronal ; ces entreprises doivent être intégrées ou réintégrées dans PSA, sur la base de la meilleure grille de salaires et d’avantages sociaux. Cela pose la question d’un syndicat industriel regroupant dans une même organisation tous les travailleurs employés dans la branche et luttant pour imposer une convention collective qui soit digne de ce nom. Et cela non seulement au niveau français mais européen : les travailleurs de Trnava en Slovaquie (où le chômage des jeunes est de 40 % depuis la contre-révolution capitaliste), de Bochum (Opel) en Allemagne et de Vigo (PSA, Denso...) en Espagne doivent aussi avoir la même grille de salaires. C’est ainsi qu’on peut stopper l’offensive des patrons pour diviser entre eux les travailleurs d’Europe et les dresser les uns contre les autres.

Des milliers d’emplois d’intérimaires notamment ont déjà été supprimés à PSA ces dernières années. Le chômage ronge les quartiers de banlieue comme la cité des 3000 à Aulnay, où le chômage des jeunes avoisine les 50 % ; les enfants, les petits-enfants des travailleurs marocains ou turcs qui ont fait la fortune de Peugeot et d’autres trusts capitalistes eux aussi ont droit à un emploi décent. A travail égal, salaire égal, quel que soit le sexe ou l’origine ethnique !

Ce sont des revendications minimales pour la survie de la classe ouvrière. Les capitalistes disent évidemment qu’ils n’en ont pas les moyens, et ils n’en ont pas l’intention non plus. Pour mettre en œuvre une telle perspective, ce qui est nécessaire c’est que les travailleurs eux-mêmes prennent en charge l’organisation de l’embauche et du travail. Cela pose la question du contrôle ouvrier sur la production, et en fait du renversement de tout le système capitaliste. Cela pose la question d’exproprier les capitalistes et de réorganiser toute l’économie européenne et mondiale sur une base collectivisée, avec une planification internationale centralisée.

Les réformistes au chevet du système capitaliste en pleine putréfaction

L’obstacle à la lutte pour ce programme, le seul qui corresponde aux intérêts véritables de la classe ouvrière, ce sont les directions traîtresses de la classe ouvrière qui sont aujourd’hui complètement prostrées devant le gouvernement des patrons. Le mouvement ouvrier ici ne s’est toujours pas remis de la destruction contre-révolutionnaire de l’Union soviétique il y a 20 ans, une immense défaite qui pèse sur le moral des travailleurs en permettant aux capitalistes de poursuivre une campagne déchaînée sur la « mort du communisme », c’est-à-dire la soi-disant indépassabilité du capitalisme.

Commençons par les discours protectionnistes du ministre du Redressement du taux de profit, Arnaud Montebourg : en préconisant de plutôt fermer des usines dans d’autres pays Montebourg pousse les travailleurs de France à penser qu’ils auraient des intérêts communs plutôt avec la famille française Peugeot qu’avec les travailleurs de l’automobile dans d’autres pays. Peugeot joue d’ailleurs là-dessus en prétendant qu’il a déjà trop sacrifié à l’unité nationale en ne délocalisant pas suffisamment. La vérité c’est que les capitalistes n’investissent que selon le taux de profit qu’ils peuvent en retirer ; c’est en fonction de cela qu’ils choisissent là où ils investissent. Les travailleurs ont une arme pour contrer cette politique capitaliste du diviser pour mieux régner, c’est l’unité internationaliste de la classe ouvrière, ce qui pose la nécessité de reforger une internationale révolutionnaire, la Quatrième Internationale de Léon Trotsky.

En cherchant à empêcher la solidarité internationale des travailleurs, les sociaux-démocrates préparent de nouvelles défaites. On voit à PSA SevelNord à Hordain dans le département du Nord les premiers résultats de cette politique dévastatrice des acquis ouvriers avec l’accord signé le 26 juillet par Force ouvrière, la CGC et le SIA, un syndicat-maison à la solde de Peugeot, pour diminuer les salaires et augmenter le temps annuel de travail en échange d’un maintien de la production sur place au lieu de son transfert à Vigo en Espagne ; ce qu’il faut au contraire, c’est une lutte commune des travailleurs de Peugeot de Vigo et Madrid à Aulnay, Sochaux et Trnava (Slovaquie).

Quant au PCF, il fait maintenant le service après-vente de la promesse de Hollande/Montebourg de fermer l’usine d’Aulnay sans trop de troubles sociaux. On n’attendait rien d’autre d’un parti qui se considère comme faisant partie de la majorité présidentielle. Là où Hollande a expliqué dans son interview du 14 juillet qu’il allait offrir des subventions à Peugeot pour faire passer le plan de licenciements, Marie-George Buffet, députée PCF, s’est empressée de prétendre dans l’Humanité (16 juillet) que « l’intervention de François Hollande redonne un peu d’espoir ». Elle a osé qualifier de « phrase forte » la déclaration de Hollande que « ce plan est inacceptable », alors que Hollande avait immédiatement ajouté « en l’état » : autrement dit il est acceptable moyennant quelques pilules soporifiques comme de vagues promesses de reclassement et de formation ainsi que la création d’un « parc industriel » sur le site.

Prenons le NPA qui promeut dans ses colonnes à l’occasion la « décroissance », une idéologie capitaliste et chrétienne réactionnaire d’abstinence répandue par des curés comme Ivan Illich (voir par exemple Tout est à nous ! La revue, mai). Ces gens-là, qui souvent mènent une petite existence confortable dans des appartements bien chauffés et qui utilisent le dernier cri des communications modernes, expliquent au fond qu’après tout les travailleurs pourraient un peu, voire totalement, se passer de voiture. Ils sont la quintessence même de la régression du niveau de conscience du mouvement ouvrier ; ils expriment ouvertement l’opposition à la conception marxiste du socialisme, basée sur un développement énorme des forces productives permettant enfin de libérer l’humanité du besoin matériel.

Il reste dans le NPA quelques petits groupes qui se prétendent à gauche, par exemple la « tendance claire » dirigée par d’ex-lambertistes. C’est tout dire de leur pseudo radicalisme qu’ils cherchent à construire une organisation commune avec les « décroissants » réactionnaires et les partisans du « Conseil national de transition » libyen installé au pouvoir l’année dernière par les bombardements de l’OTAN et de l’impérialisme français.

La « tendance claire » demande dans un tract (diffusé lors du rassemblement devant le siège de PSA du 25 juillet) la nationalisation de PSA « sous contrôle des travailleurs », présentée comme la seule « solution durable ». Ce tract de 4 pages ne mentionne même pas le socialisme ou la révolution, pas même comme perspective lointaine, autrement dit il se présente explicitement dans le cadre du système capitaliste existant. Trotsky polémiquait dans le Programme de transition contre ce genre de « mot d’ordre réformiste bien vague de “nationalisation” » en précisant que l’expropriation de certains groupes capitalistes ne peut être une revendication des révolutionnaires que dans la mesure où :

« 1) Nous repoussons le rachat ;
2) Nous prévenons les masses contre les charlatans du Front populaire qui, proposant la nationalisation en paroles, restent en fait les agents du capital ;
3) Nous appelons les masses à ne compter que sur leur propre force révolutionnaire ;
4) Nous relions le problème de l’expropriation à celui du pouvoir des ouvriers et des paysans. »

La « tendance claire », elle, a non seulement fait campagne pour Philippe Poutou qui faisait campagne pour « dégager Sarkozy » (c’est-à-dire élire le front populaire de Hollande), elle refuse de relier l’expropriation de Peugeot au pouvoir ouvrier. En demandant la nationalisation par l’Etat capitaliste, elle demande simplement à celui-ci de fournir au Français Peugeot les capitaux nécessaires aux investissements de modernisation indispensables pour faire face à l’Allemand Volkswagen. Hollande/Montebourg s’est dépêché à sa manière de cracher au bassinet avec son plan de soutien à la filière automobile.

Le NPA va jusqu’à exiger de l’Etat capitaliste l’« interdiction des licenciements » (une revendication phare de Lutte ouvrière également). Mais le chômage est inhérent au capitalisme ; s’il a trop tendance à baisser les capitalistes n’ont de cesse, par divers moyens, qu’il ne remonte pour faire pression sur les salaires. De prôner l’« interdiction des licenciements », c’est faire croire que l’Etat peut servir aux travailleurs contre les capitalistes. Les marxistes au contraire expliquent que l’Etat, c’est essentiellement des bandes d’hommes armés, les flics, l’armée, les matons, dont la fonction est de maintenir par la force le système d’exploitation capitaliste. On ne peut l’utiliser pour satisfaire les besoins des travailleurs, il faut le détruire par une révolution socialiste et le remplacer par le pouvoir des travailleurs organisés en conseils ouvriers ou soviets.

Lutte ouvrière en première ligne à PSA Aulnay

Lutte ouvrière (LO) a été plus critique du plan gouvernemental, dénonçant l’hypocrisie de Hollande qui « fait semblant de s’indigner de l’attitude de PSA » (éditorial de Lutte Ouvrière du 16 juillet). A qui le disent-ils ? Lutte ouvrière déclare maintenant qu’ils se sont abstenus il y a deux mois lors de l’élection présidentielle ; ils ont peut-être dit cela confidentiellement à leur périphérie, mais par contre devant les millions de téléspectateurs, dans leur presse, dans leurs journaux d’entreprise, ils se sont contentés de parler d’un « choix personnel » entre voter Hollande ou s’abstenir (éditorial de Lutte Ouvrière du 23 avril), donnant ainsi à penser que de donner un soutien politique à Hollande par son vote était une simple question de goût. Ils ont ainsi encouragé indirectement les travailleurs à penser que l’élection de Hollande pouvait représenter un moindre mal, et ils portent ainsi eux-mêmes une part de responsabilité pour les attaques qui pleuvent maintenant. Et ceci est d’autant plus vrai pour ceux qui ont directement appelé à voter pour Hollande sous prétexte de se débarrasser de Sarkozy, que ce soit Jean-Luc Mélenchon et le Front de gauche ou le NPA de Philippe Poutou.

A Aulnay, le rôle principal dans la partition réformiste, c’est Lutte ouvrière qui est en train de le jouer. LO contrôle depuis des années le principal syndicat ouvrier de l’usine d’Aulnay, la CGT, et ils ont de l’influence dans la CGT d’un grand nombre d’autres usines du groupe. Il y a un an ils ont rendu publics les plans de PSA pour fermer l’usine d’Aulnay, des plans qui sont maintenant mis en œuvre jusque dans les détails. A sa fête en mai dernier, LO a tenu un grand meeting sur l’automobile où ils se sont vantés d’avoir révélé les plans des patrons et d’avoir patiemment construit depuis un an une mobilisation de jusqu’à 800 ouvriers prêts à se battre. Jean-Pierre Mercier, dirigeant de la CGT dans l’usine et candidat de Lutte ouvrière à toutes les élections (sauf aux présidentielles où il était porte-parole de Nathalie Arthaud), s’est vanté que la situation était « vraiment saine », que les travailleurs ont depuis un an en permanence « un coup d’avance » sur les patrons, etc.

Un camarade de la LTF est alors intervenu lors du débat en dénonçant la stratégie de LO de faire pression sur le gouvernement : ils venaient de passer un an à demander des entrevues à Sarkozy, champion de la promesse solennelle non tenue, pour essayer d’obtenir son « engagement écrit » en faveur des travailleurs de PSA. Mercier était tout nu. Dans son discours de conclusion du meeting, changeant complètement de registre, il s’est d’un seul coup lancé dans une diatribe contre les travailleurs d’Aulnay, les accusant de ne pas être « en colère » et de ne pas être prêts à lutter. C’est l’argument classique du bureaucrate syndical qui rejette sur les travailleurs le fait que lui-même casse toute mobilisation lutte de classe.

A Aulnay, la CGT a construit sous la direction de LO toute son activité depuis un an autour d’un bloc avec le syndicat maison, le SIA (« Syndicat indépendant de l’automobile »). A la fête de LO, Jean-Pierre Mercier insistait ainsi que le SIA est un « vrai syndicat », même si LO sait pertinemment qu’il s’agit d’une créature de la direction des « ressources humaines », celle qui maintenant met en œuvre la fermeture de l’usine. Encore il y a un an LO dénonçait le SIA dans la revue destinée à ses cadres Lutte de Classe (juillet-août 2011) : « la présence des militants du SIA est pesante » à Aulnay ; et maintenant le SIA va « peser » avec LO contre les patrons ?

Le prédécesseur direct du SIA, la CSL de sinistre mémoire, s’était livré à de brutales attaques physiques contre les militants de la CGT dans les usines de Poissy et d’Aulnay lors des grandes grèves du début des années 1980. Que ce genre de « syndicat » soit entièrement d’accord avec les tactiques préconisées par la direction de la CGT en dit long sur l’abject réformisme de Lutte ouvrière. En toute une année ils se sont contentés de faire quelques actions ponctuelles, y compris une manifestation un samedi après-midi dans la ville d’Aulnay avec le maire PS de la ville. LO donne ainsi au SIA une légitimité auprès des ouvriers, un crédit dont le SIA aura bien besoin pour casser une mobilisation ouvrière sérieuse pour défendre les emplois cet automne.

Le SIA est la continuation directe de la CSL et avant elle de la CFT et, indirectement, si l’on remonte aux origines du « syndicalisme » propatronal français au début du XXe siècle, de la Fédération nationale des jaunes de France (par opposition aux rouges de la CGT). C’est de là que vient l’appellation de « jaunes » pour dénoncer les briseurs de grève. Des militants de la CFT (Confédération française du travail) avaient en 1977 assassiné sur un piquet de grève Pierre Maître, un syndicaliste des Verreries mécaniques champenoises à Reims. La CFT s’était alors renommée CSL (Confédération des syndicats libres) et elle avait fait le coup de main contre les grandes grèves de l’automobile des premières années Mitterrand. Nous écrivions dans un article « Chassez la CSL » (le Bolchévik n° 34, juillet-août 1982) : « La CFT/CSL, c’est une organisation explicitement anti-ouvrière. Elle existait avant, mais elle a crû surtout en réaction à Mai 68. Elle est explicitement anticommuniste, anti-CGT, anti-CFDT, explicitement destinée à chasser les organisations ouvrières des usines. » La CSL a ainsi physiquement attaqué les grévistes de la CGT notamment lors de la grande grève de Talbot-Poissy (aujourd’hui PSA) en 1983-1984 (voir le Bolchévik n° 44, janvier 1984).

Jean-Pierre Mercier, qui est dans l’usine d’Aulnay depuis 16 ans, espère peut-être que les travailleurs avancés ont oublié tout cela lorsqu’il réhabilite le SIA, nouvel avatar de la CFT/CSL. Il propage ainsi l’ignorance, ce qui est typique des ouvriéristes petits-bourgeois. Mais il suffit de feuilleter quelques tracts du SIA pour voir qu’ils sont en tout point fidèles à leurs propres traditions : « Les élus SIA restent convaincus que la seule façon de nous faire entendre c’est dans le calme et la sérénité. Il est hors de question de donner l’occasion à la direction générale de dire qu’à Aulnay “c’est le bordel” car on leur rendrait service. Nous voulons conserver les emplois sur Aulnay et montrer que les salariés d’Aulnay “ne sont pas des sauvages” comme certains veulent le faire croire » (flash S.I.A./G.S.E.A. du 17 janvier 2012). On voit là tout le racisme paternaliste de ces jaunes du SIA qui enjoignent aux travailleurs marocains de montrer qu’ils sont des hommes, pas des sauvages, en aidant à sauver les profits de la famille Peugeot.

Au lieu de forger l’unité des travailleurs sur un programme de lutte de classe, contre la politique de « responsabilité » de la direction du SIA, Mercier et Cie font alliance au sommet avec celle-ci, et sur son programme de collaboration de classes avec le patron. Et cela se reflète aussi dans leur politique à l’extérieur de l’usine : toute la politique de LO à la tête de la CGT consiste à alimenter les illusions envers l’Etat capitaliste. Les opérations-spectacles envisagées avec le SIA ont elles-mêmes pour but explicite de faire pression sur le gouvernement Hollande-Montebourg. Nathalie Arthaud l’a déclaré pour LO à la télévision le 13 juillet, elle veut faire croire que l’Etat capitaliste doit et peut déclarer « nul et non avenu » le plan de Peugeot – autrement dit interdire les licenciements chez PSA.

Jean-Pierre Mercier lui-même a déclaré dans un communiqué de presse de la CGT PSA Aulnay du 15 juillet qu’au fond, à part le blabla sur une loi au parlement sur l’interdiction des licenciements (à voter par le PS, d’après Lutte Ouvrière du 20 juillet), il voudrait simplement que l’Etat capitaliste continue à subventionner le capitaliste Peugeot pour que les ouvriers soient au chômage partiel (dispositif dit APLD ou « activité partielle de longue durée ») plutôt que renvoyés directement à Pôle emploi : « L’Etat a les moyens d’intervenir : […] En imposant à PSA de respecter les accords signés comme celui sur le chômage partiel (APLD) où l’employeur s’est engagé à maintenir les emplois en contrepartie du bénéfice de subventions publiques » (en gras dans l’original).

En lui demandant d’empêcher les fermetures d’usines et de prendre ainsi une « mesure de salut public » (ibid.), LO sème la confusion parmi les travailleurs. Là où ceux-ci nous disent que Sarkozy ou Hollande c’est tout pareil et que c’est des ennemis des travailleurs, LO ramène les ouvriers à se tourner vers l’Etat capitaliste pour obtenir de l’aide de celui-ci. LO veut même utiliser l’Etat capitaliste pour régler les querelles internes au mouvement ouvrier ; la CGT de PSA-Aulnay, contrôlée par LO, est apparemment allée jusqu’à traîner le syndicat SUD devant la justice capitaliste l’année dernière ! Ce genre d’intervention de l’Etat dans les affaires du prolétariat ne peut se faire qu’au détriment de la classe ouvrière dans son ensemble. Ce n’est là qu’un exemple de comment ils alimentent les illusions dans l’Etat capitaliste. Après l’annonce des licenciements à Aulnay, leur correspondant sur place écrivait dans Lutte Ouvrière (20 juillet) : « S’il a fallu des luttes pour imposer ces acquis [comme les congés payés ou la journée de travail de sept heures], ce sont bien des lois qui ont obligé les patrons à les respecter ! Et les lois, jusqu’à nouvel ordre, c’est le Parlement qui les vote et l’Etat qui les fait appliquer. » Pour des marxistes, c’est une vérité élémentaire que les lois ne font qu’entériner le rapport des forces dans la lutte des classes et non pas l’inverse. Un parlement contrôlé par LO (hypothèse absurde pour commencer) pourrait voter toutes les lois qu’il veut, un escadron de flics viendrait un beau matin simplement disperser ces bavards le jour où la bourgeoisie déciderait que la comédie parlementaire a assez duré.

Ce que fait Lutte ouvrière à Aulnay n’est rien de nouveau. Lors de l’importante grève d’il y a cinq ans, LO avait promené les grévistes de mairie capitaliste en mairie capitaliste pour obtenir des subsides, avec l’argument fallacieux que le travail des maires c’était soi-disant de « résoudre les problèmes sociaux » (brochure de LO sur la grève d’Aulnay) ! Le travail des maires, qui représentent à l’échelon local le pouvoir exécutif de l’Etat capitaliste, c’est de résoudre les problèmes sociaux causés aux capitalistes par les travailleurs et les opprimés qui ne veulent pas rester à leur place, ce n’est pas de résoudre les problèmes sociaux causés aux travailleurs par l’exploitation capitaliste. Pour cela il faut d’autres forces et un autre programme. Comme l’écrivait Lénine dans l’Etat et la révolution (août 1917) :

« Selon Marx, l’Etat est un organe de domination de classe, un organe d’oppression d’une classe par une autre ; c’est la création d’un “ordre” qui légalise et affermit cette oppression en modérant le conflit des classes. Selon l’opinion des politiciens petits-bourgeois, l’ordre est précisément la conciliation des classes, et non l’oppression d’une classe par une autre ; modérer le conflit, c’est concilier, et non retirer certains moyens et procédés de combat aux classes opprimées en lutte pour le renversement des oppresseurs. »

Les « politiciens petits-bourgeois » de LO avaient tellement aimé le commerce des municipalités capitalistes que l’année suivante, en 2008, ils se sont présentés dans rien moins que 168 villes et bourgades. Dans plus de 60 de ces localités, LO faisait liste commune avec le PCF ; dans plusieurs autres cas, comme à Belfort, elle se retrouvait derrière des politiciens bourgeois purs et simples (Lutte de Classe, avril 2008), tout cela dans l’objectif de faire partie d’une majorité de gestion municipale ! A Aubervilliers, LO faisait campagne sur une plate-forme électorale PCF se lamentant que « le nombre de policiers affectés à notre ville est insuffisant » ! Quiconque habite ce genre de banlieue ouvrière sait que le boulot du maire, c’est de gérer les quotas racistes dans les HLM, expliquer aux parents qu’il n’y a pas de place en crèche ni à la maternelle pour les moins de trois ans – et envoyer les flics terroriser à longueur de journée les jeunes à la peau trop foncée. Nous disons que le mouvement ouvrier doit défendre les jeunes de banlieue contre la terreur raciste des flics !

Il y a cinq ans, lors de la dernière grève significative à Aulnay, LO avait fait des pieds et des mains pour offrir à la candidate d’alors du front populaire, Ségolène Royal, une plate-forme électorale devant l’usine d’Aulnay. LO avait alors prétendu que « Ségolène Royal en tournée électorale est venue dire aux grévistes qu’ils ont raison » – alors qu’en fait elle était venue enjoindre aux travailleurs présents d’être fiers de leur entreprise et « réconcilier les Français avec l’entreprise » (voir notre article dans le Bolchévik n° 180, juin 2007). LO a cyniquement utilisé la grève d’Aulnay pour préparer sa base au fait qu’elle allait quelques semaines plus tard appeler à voter pour Ségolène Royal.

Les tactiques syndicales de LO résultent de sa politique réformiste, qui sur le fond ne se différencie pas le moins du monde de celle du NPA. Elle proclamait ainsi en février 2008 dans Lutte de Classe que « Par définition, l’activité municipale, comme l’activité syndicale ne peuvent être révolutionnaires, mais sont réformistes. » Les leurs en tout cas. Ils cherchent simplement à négocier un meilleur deal avec Montebourg, Hollande et Peugeot pour les travailleurs de PSA tout en restant dans le cadre du capitalisme français en crise : une équation qui ne peut pas avoir de solution favorable aux travailleurs.

Il faut poser carrément la nécessité de renverser ce système en pleine décomposition. La révolution socialiste paraît lointaine aujourd’hui, mais la Révolution russe de 1917 a montré que c’est possible, en dépit de sa dégénérescence ultérieure sous Staline et de sa défaite finale en 1991-1992. Les bolchéviks n’avaient pas renoncé parce que la Commune de Paris avait été noyée dans le sang en 1871. Les organisations politiques du mouvement ouvrier qui vous disent aujourd’hui que le socialisme a prouvé son échec avec l’URSS sont des agents stipendiés ou inconscients de l’ordre capitaliste. La révolution prolétarienne est la seule perspective pour les travailleurs du monde. Nous luttons pour construire le parti bolchévique multiethnique, multiracial, qui un jour renversera le capitalisme dans ce pays dans le cadre d’une lutte pour les Etats-Unis socialistes d’Europe.