Le Bolchévik nº 201

Septembre 2012

 

Judith Szathmari-Lécuyer, 1944-2012

Notre chère sympathisante Judith Szathmari-Lécuyer est décédée le 12 juin des suites d’un cancer, après avoir lutté courageusement jusqu’au bout contre la maladie. Nos pensées vont à sa famille, et en particulier à son mari, Jean Lécuyer.

Judith était née en Hongrie d’où sa famille avait fui en 1956 aux Etats-Unis, quand elle avait 12 ans ; c’était au moment de l’intervention soviétique pour écraser dans l’œuf une révolution politique prolétarienne dans ce pays, et Judith se souvenait encore distinctement d’un soldat de l’armée soviétique qui pleurait parce qu’il ne voulait pas tirer sur ses frères de classe hongrois. Cette expérience lui donnait une compréhension profonde de ce que veut dire une révolution politique et elle avait joué un rôle important dans son évolution plus tard vers le trotskysme.

Elle a passé son adolescence à Washington, puis en Californie. Elle a été gagnée au trotskysme au début des années 1970 à l’université de Davis en Californie et a milité dans divers locaux de notre section américaine. Elle a notamment fait partie des camarades qui sont allés à Detroit, le centre de l’industrie automobile américaine à l’époque, alors que nous construisions une section locale tournée vers la classe ouvrière noire combative.

Elle a ensuite milité à New York où elle a joué un rôle important dans la mise en place de notre centre international au moment où nos camarades américains se battaient pour rompre leur isolement national et pour une extension internationale de notre tendance. Elle a ainsi contribué à nos efforts pour nous transformer d’un sous-groupe de propagande instable en un groupe de propagande international qui est devenu la tendance spartaciste internationale, puis la Ligue communiste internationale (quatrième-internationaliste).

Judith est venue en France à partir de 1977, notre section française ayant été fondée en 1975 ; elle était ainsi l’une des camarades qui ont contribué à réimplanter le trotskysme en France, dans la continuité directe du SWP américain de James P. Cannon puis de nos camarades de la Spartacist League/U.S. qui avaient maintenu son héritage contre la dégénérescence pabliste du SWP au début des années 1960.

Judith avait connu Jean lors d’un camp d’été de notre tendance internationale en Autriche en 1975, et ils ont formé un couple pendant 37 ans, jusqu’à son décès. Elle a joué un rôle crucial pour vérifier les traductions de lettres et documents en hongrois de Michel Varga, ce qui nous a permis de porter nos conclusions sur la commission d’enquête internationale établie au milieu des années 1970 à propos de cet individu. Dans la LTF, Judith a eu pendant plusieurs années la charge du secteur diffusion de notre journal; elle a fait partie aussi de l’équipe de production du Bolchévik.

Puis Jean et Judith sont partis au Mexique en 1989, dans des conditions très difficiles. Ils ont véritablement contribué à jeter les bases pour le développement de notre section dans ce pays : en 1990 le Grupo espartaquista de México (GEM) a fusionné avec des cadres se réclamant du trotskysme qui avaient rompu avec les partisans de l’aventurier argentin Nahuel Moreno à propos du soutien des morénistes à la réunification capitaliste de l’Allemagne. Ce renforcement du GEM allait permettre la publication de notre journal mexicain, Espartaco.

Les camarades se rappellent la très grande patience de Judith pour recruter au parti et pour expliquer notre programme pédagogiquement aux jeunes camarades. Ils se rappellent ses cours d’anglais pour donner la possibilité aux camarades de lire les journaux et les différents documents internationaux du parti. Ils se rappellent ses conseils de lecture, notamment des romans sur la question noire aux Etats-Unis par exemple, et ses recommandations pour la visite de différents musées.

Judith a quitté le parti dans les années 1990, mais elle est restée proche et fidèle à notre programme. Elle a continué à travailler pour le parti et notamment dans le secteur photo du journal où elle a donné son temps et son énergie tout en se battant contre la maladie dévastatrice. Un de ses derniers travaux avait été la traduction en anglais d’une thèse universitaire sur le trotskysme grec pendant la Deuxième Guerre mondiale. Elle continuait à s’instruire sur tout, allant aux universités populaires encore après avoir pris sa retraite. Elle fréquentait assidument les cinémas parisiens et avait toujours un commentaire sur les derniers films. Véritable parisienne d’adoption, elle en connaissait tous les recoins, les salles obscures et les musées et elle était toujours au courant de la dernière exposition.

Judith était proche de sa famille dont elle s’occupait vraiment en dépit de la dispersion dans plusieurs pays. Elle avait gardé des liens avec certains membres de sa famille restés en Hongrie et elle était très préoccupée ces dernières années par la montée de la réaction dans ce pays. Elle était aussi très appréciée par ses collègues de travail, notamment par ses jeunes collègues qui ont été nombreux à venir lui rendre hommage après son décès.

Tous les camarades qui la connaissaient et qui ont eu la chance de travailler avec elle, et il y en a dans toute notre internationale, admiraient sa force, son talent, son charme, son intelligence et son sens de l’humour ; elle adorait rire.

Nous ne l’oublierons pas, et pour lui rendre hommage nous continuons la lutte pour la renaissance de la Quatrième Internationale, le parti de la révolution, pour lequel elle a donné son temps et son énergie.