Le Bolchévik nº 201

Septembre 2012

 

Opportunistes en manque d’opportunité

Les rats de la GR quittent le navire du NPA

La Gauche révolutionnaire (GR), section française du Comité pour une Internationale Ouvrière (CIO) a voté lors de sa dernière conférence nationale (4-5 février) son départ du NPA, le Nouveau Parti anticapitaliste qu’elle avait elle-même aidé à fonder en 2009 dans la foulée du succès électoral d’Olivier Besancenot lors des présidentielles de 2007. Ce petit groupe de sociaux-démocrates anticommunistes s’était à l’époque enthousiasmé (comme tant d’autres : lambertistes du CRI, morénistes, barciaïstes de l’ex-minorité de Lutte ouvrière…) pour l’aubaine électorale que représentait alors le NPA à « gauche de la gauche ». La GR a donc construit cette organisation dont elle a été un courant actif et loyal pendant trois ans – deux de ses membres faisant même partie de la direction nationale du NPA – jusqu’à ce que la décomposition progressive du NPA et la déculottée électorale annoncée pour les présidentielles de 2012 détruisent les espoirs de la GR de pouvoir nager dans un vrai parti social-démocrate de masse.

La Ligue « communiste révolutionnaire » d’Alain Krivine et Olivier Besancenot dont est issu le NPA avait soutenu (et le CIO tout autant)la destruction contre-révolutionnaire de l’URSS il y a 20 ans ainsi que la campagne idéologique de la bourgeoisie sur la « mort du communisme » qui s’en est suivie. La LCR cherchait donc depuis longtemps à se débarrasser officiellement de tout verbiage et toute prétention « communiste », « révolutionnaire » ou « trotskyste » afin d’être reconnue véritablement comme un partenaire institutionnel dans le cadre de la démocratie capitaliste française. Le fondement du NPA, c’était donc la dénonciation de la Révolution russe et de la dictature du prolétariat ; il s’agissait d’être reconnus comme les « socialistes du XXIe siècle » français, c’est-à-dire remplaçant les « socialistes du XXe siècle » du PS et du PC.

Mais en cette période de réaction, où le niveau des luttes sociales est faible depuis des années (à part l’explosion épisodique des retraites en 2010, sabotée par la bureaucratie syndicale), la situation n’est pas propice à la formation de nouveaux partis de masse de la classe ouvrière, même réformistes. Le NPA est phagocyté par le Front de gauche de Jean-Luc Mélenchon, qui lui-même ne décolle pas vraiment malgré la performance électorale de Mélenchon aux présidentielles de cette année. Après trois ans d’efforts pour tenter de maintenir à flot le navire NPA, la GR a donc décidé de sauter par-dessus bord. Elle a appelé du bout des lèvres à voter Philippe Poutou sans interdire toutefois le vote Mélenchon, des candidats qui faisaient tous deux campagne pour « battre Sarkozy », c’est-à-dire voter François Hollande au deuxième tour – c’était logique pour la GR qui elle-même a appelé à ce que « Sarkozy dégage » (supplément à l’Egalité, mai 2012).

Sortant du NPA, la GR ne fait même pas mine d’avoir des remords tardifs sur toutes les trahisons commises ces dernières années par cette organisation, pas même le soutien du NPA aux « révolutionnaires » de Sarkozy en Libye, qui mettent en œuvre aujourd’hui les formes les plus extrêmes de la charia dans ce pays. Ainsi, dès mars 2011 le NPA demandait la reconnaissance du CNT libyen et reprochait même aux impérialistes, dans un appel signé le 19 mars, d’hésiter et de tergiverser face aux crimes de Kadhafi.

Ce genre de trahison n’a pas grande importance pour la GR. Cela va même de pair avec leur volonté de construire « un nouveau parti des travailleurs ». Cette conception est l’exact opposé de celle qu’avait Lénine de construire un parti révolutionnaire d’avant-garde, l’outil indispensable dont la classe ouvrière a impérativement besoin pour aller vers la prise du pouvoir et l’expropriation de la bourgeoisie. Lénine avait compris que, pour que le prolétariat mène à bien sa mission historique d’émancipation de l’humanité tout entière, il fallait scissionner de toutes les forces qui cherchent à maintenir la classe ouvrière dans le giron de la démocratie capitaliste, qu’il fallait scissionner de toutes les formes de « parti de toute la classe », « social-démocrate » ou « parti des travailleurs ».

Les camarades britanniques de la GR ont eux, avec leur dirigeant Peter Taaffe, passé des décennies dans le Parti travailliste en le soutenant loyalement et avec persistance en dépit du fait que le Parti travailliste défendait indéfectiblement l’impérialisme britannique avec ses crimes sanglants. Ils ont fini par en sortir il y a une vingtaine d’années. Les partis de la Deuxième Internationale, y compris ceux qui ont maintenu des liens avec la classe ouvrière comme le SPD allemand, étaient passés du côté de la bourgeoisie le 4 août 1914 au moment du vote des crédits de guerre par ces partis pour la première boucherie interimpérialiste mondiale. Et Lénine en avait alors tiré la conclusion que la social-démocratie était finie pour la révolution mondiale et qu’il fallait construire une nouvelle internationale.

La liquidation de la GR dans le NPA social-démocrate n’était donc pas le coup d’essai des taaffistes ; c’est au contraire l’essence même de leur politique – et d’ailleurs Alex Rouillard, dirigeant de la GR, a promis, sans regrets, de recommencer : « bien des militants du NPA ou qui y ont été seront disponibles pour une nouvelle tentative » (l’Egalité, mars-avril). Leurs camarades brésiliens se sont ridiculisés dans le P-SOL au début des années 2000, un parti dont la dirigeante Eloísa Elena était une catholique pratiquante (voir le Bolchévik n° 171, mars 2005). Leurs camarades grecs, après s’être liquidés pendant des années dans SYRIZA, en sont ressortis début 2012 ; ils s’en sont mordu les doigts quand SYRIZA a commencé à caracoler dans les sondages et ils ont fait en conséquence une grande campagne pour le vote SYRIZA, une coalition explicitement favorable au maintien de la Grèce dans l’Union européenne impérialiste (voir nos articles dans ce numéro, y compris notre appel à voter pour les staliniens du KKE, contre tout vote à SYRIZA).

Nous considérons avec dédain les pérégrinations de la GR et autres groupes de ce genre. Leurs échecs multiples à vouloir construire des obstacles entre la classe ouvrière et la révolution doivent pointer la voie pour eux : droit vers la poubelle de l’histoire !