Le Bolchévik nº 200 |
Juin 2012 |
Lutte ouvrière a encouragé le vote Hollande en refusant dappeler à labstention au deuxième tour
La campagne électorale de Nathalie Arthaud pour Lutte ouvrière (LO) était bien terne, se soldant par le plus mauvais résultat de toute l’histoire de LO, mais au moins, contrairement au NPA de Philippe Poutou, elle ne s’est pas désolidarisée explicitement de la Révolution russe (voir leurs prestations respectives à la télévision dans l’émission des Paroles et des actes sur France 2) ; poussée dans ses retranchements, Arthaud a même consenti à défendre la dictature du prolétariat le 12 avril. Cela ne fait en réalité que souligner les contradictions de Lutte ouvrière, car pendant toute la campagne, avant et après le premier tour des élections, elle s’est refusée à appeler les travailleurs à ne donner aucun soutien à Hollande. C’est typique de leur conception d’un parti antiléniniste d’arrière-garde, se plaçant à la traîne des ouvriers qui plieraient sous la pression pour soutenir le front populaire bourgeois de Hollande. Effectivement pour LO ce n’est nullement une question de principe d’accorder ou non un soutien politique à une coalition bourgeoise (ils avaient par exemple appelé à voter Royal en 2007). Ils le montrent tous les jours depuis quatre ans en participant aux municipalités capitalistes où ils se sont placés dans la majorité municipale de maires PCF ou chevènementistes pour gérer localement le capitalisme.
Cela fait des années que nous les dénonçons pour leur vote du budget dans ces municipalités. Cette année, grande nouvelle, Jean-Pierre Mercier, l’un de leurs principaux porte-parole, qui est aussi bureaucrate syndical à l’usine de PSA Aulnay, s’est abstenu le 12 avril lors du vote du budget de Bagnolet, dont il est conseiller municipal. Voici l’argumentation de Geneviève Reimeringer, la camarade de Mercier au conseil municipal, pour justifier leur abstention :
« Le problème n’est pas à l’échelle de Bagnolet. En même temps, tout le monde dans cette salle fait semblant de croire qu’on vit sur une planète séparée. C’est le village gaulois, Bagnolet. Et ce n’est pas vrai. Il n’y a pas de solution dans une seule ville. [ ] Ca ne sert à rien de se cacher derrière son petit doigt, de déclarer budget après budget qu’il est équilibré. Ce n’est pas vrai. La crise s’approfondit. Et par contre les responsables de la crise, à commencer par les banquiers, eux ils en profitent. [ ] C’est la raison pour laquelle nous ne voterons pas le budget. Mais ce n’est pas parce qu’on essaie de faire croire à la population qu’il y a une bonne gestion de possible. [ ] Car on n’a jamais vu gérer autrement. »
Si LO sait tout cela, est-ce qu’ils viennent de le découvrir le mois dernier ou est-ce qu’ils le savaient déjà toutes ces années où ils votaient le budget du maire PCF, Marc Everbecq ? Ou lorsque Nathalie Arthaud votait le budget du maire PCF de Vaulx-en-Velin près de Lyon, comme par exemple en 2009 où elle déclarait : « Nous allons voter bien sûr ce budget présenté par la majorité municipale car nous sommes solidaires des orientations et des choix proposés que ce soit à travers la politique éducative, le soutien aux associations, la politique tarifaire des services rendus ou les orientations générales. » Ou en 2010 à Bagnolet, à peine quelques semaines après l’éviction à la tractopelle par les services du maire de travailleurs africains et de leurs familles (voir le Bolchévik n° 192, juin 2010) ? En tout cas leurs réticences face au budget capitaliste, avec ses flics municipaux, ses tractopelles anti-immigrés, etc., ne vont pas jusqu’à voter contre, encore aujourd’hui. Ce que montre la déclaration de Reimeringer, c’est qu’ils savent bien que leur réformisme municipal est un crime du point de vue de la classe ouvrière.
LO n’a pas jugé bon non plus de faire savoir son changement de tactique municipale à ses partisans. Il n’y a pratiquement pas eu un seul mot dans leur journal hebdomadaire ces quatre dernières années sur ce que font leurs conseillers municipaux, et il faut assister aux conseils municipaux ou en consulter les archives en mairie pour connaître les petites magouilles parlementaires de leurs élus.
Les militants de Lutte ouvrière sont de plus en plus profondément impliqués dans la gestion quotidienne du capitalisme, que ce soit en tant que bureaucrates syndicaux dans les grandes entreprises ou en tant que conseillers municipaux « responsables ». LO le justifie en disant : « Par définition, l’activité municipale comme l’activité syndicale ne peuvent être révolutionnaires, mais sont réformistes » (Lutte de classe, février 2008). Cet opportunisme de plus en plus affiché est lui-même une expression de la régression du niveau de conscience des travailleurs en conséquence de l’immense défaite qu’ont subie les travailleurs il y a 20 ans avec la contre-révolution capitaliste dans les pays de l’Est puis en Union soviétique. Pour reforger un véritable parti communiste dans ce pays, LO, loin de représenter la solution, comme elle le prétend à l’occasion, représente une partie du problème. C’est la Ligue communiste internationale et sa section française qui représentent l’embryon du parti révolutionnaire d’avant-garde dont a besoin la classe ouvrière dans ce pays.