Le Bolchévik nº 197 |
Septembre 2011 |
Hongkong : Les pseudo-trotskystes encensent Liu Xiaobo,laquais des impérialistes
Comme toujours, plus les impérialistes se livrent à des déprédations éhontées et sanglantes, plus ils font du tapage sur les « droits de l’homme » là où le capitalisme a été renversé. C’est ainsi qu’au printemps dernier, la secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a tenu des propos virulents lors de discussions au sommet avec des représentants du gouvernement chinois à Washington. En référence à une récente vague de répression contre des dissidents, elle a fulminé que si les dirigeants chinois « essaient d’arrêter l’histoire, ils se font des illusions ». Les éditorialistes libéraux font leur part du boulot en attaquant la Chine sur les « droits de l’homme ». Tout ceci alors que la bourgeoisie américaine mène une brutale occupation de l’Irak et de l’Afghanistan et bombarde la Libye, et alors que l’usage de la torture dans la « guerre contre le terrorisme » ne provoque qu’un débat feutré sur la seule question de son efficacité.
Un des thèmes centraux du tapage récent sur les « droits de l’homme » en Chine est l’emprisonnement de l’intellectuel anticommuniste Liu Xiaobo. Depuis notamment qu’il a reçu le prix Nobel de la paix l’année dernière, les médias bourgeois occidentaux l’encensent comme un vaillant défenseur de la « démocratie » et des « droits de l’homme » à l’exception notable d’un article du Guardian, un quotidien libéral londonien (15 décembre 2010), qui le présentait comme un partisan acharné du militarisme impérialiste US d’hier et d’aujourd’hui. Dans un article intitulé « Les partisans de Liu Xiaobo, lauréat du Nobel, connaissent-ils vraiment ses positions ? », Barry Sautman et Yan Hairong écrivent :
« Si l’on connaissait les positions politiques de Liu, la plupart des gens ne lui donneraient pas un prix, car c’est un partisan de la guerre, pas de la paix. Il a soutenu l’invasion de l’Irak et celle de l’Afghanistan, et il a applaudi rétrospectivement les guerres du Vietnam et de Corée dans un essai publié en 2001. Tous ces conflits ont entraîné des violations massives des droits de l’homme. Et pourtant, dans son article “Les leçons de la guerre froide”, Liu argumente que “le monde libre, mené par les Etats-Unis, a combattu presque tous les régimes qui foulaient aux pieds les droits de l’homme [ ]. Les principales guerres dans lesquelles les Etats-Unis ont été impliqués sont toutes défendables du point de vue éthique. ” Pendant les élections présidentielles [américaines] de 2004, Liu a fait l’éloge de George Bush pour son effort de guerre contre l’Irak, et il a condamné le candidat démocrate John Kerry pour n’avoir pas suffisamment soutenu les guerres des Etats-Unis. »
Pour recevoir le prix Nobel de la paix, il est pratiquement indispensable d’être un criminel de guerre impérialiste (par exemple Henry Kissinger ou Barack Obama) ou une créature des impérialistes (par exemple le dalaï-lama).
Parmi ceux qui joignent leur voix à celles des impérialistes pour acclamer Liu figurent les pseudo-trotskystes qui publient October Review à Hongkong, un territoire capitaliste et la seule partie de la République populaire de Chine (à part la minuscule enclave de Macao) où le Parti communiste chinois (PCC) n’exerce pas un monopole de l’activité politique. Dans un article intitulé « Liu Xiaobo doit être libéré immédiatement ! Les droits de l’homme doivent être rétablis en Chine ! », October Review (31 décembre 2010) décrivait cet apologiste déclaré du militarisme impérialiste américain comme une personne qui « s’est battue pour la démocratie par des moyens pacifiques ». Cet article reprenait à l’envi les mots de code anticommunistes que sont les « droits de l’homme » et la « démocratie » (comme si elle n’avait pas un caractère de classe). Il nous informait que « Liu, à qui a été décerné le prix Nobel de la paix, est aussi critique des autorités chinoises », et que « de ce fait, ceci peut encourager le développement du mouvement démocratique en Chine ». Dans la même veine, le Washington Post (30 janvier 2009), organe autorisé de l’impérialisme américain, saluait le mouvement de la « Charte 08 » de Liu comme un « mouvement pour une nouvelle démocratie ».
L’impérialisme des « droits de l’homme » contre la Chine
Liu est devenu le « dissident » anticommuniste chinois favori de Washington il y a un peu plus de deux ans, en sa qualité de principal rédacteur de la Charte 08, un manifeste qui, comme nous l’écrivions à l’époque, était « un programme explicite pour la contre-révolution capitaliste dans l’Etat ouvrier déformé chinois » « sous l’emballage de la “démocratie” » (le Bolchévik n° 188, juin 2009). La Charte 08 exigeait la privatisation des entreprises d’Etat (le cur collectivisé de l’économie chinoise) et des terres agricoles. C’était un programme pour renverser les acquis sociaux de la Révolution de 1949, programme qui, s’il était appliqué, plongerait à nouveau la Chine sous le joug impérialiste et une exploitation sans entraves. On ne s’étonnera pas que les organisations dans lesquelles Liu est impliqué sont financées par le National Endowment for Democracy [Fondation nationale pour la démocratie], une officine bien connue de la CIA.
Tout en reconnaissant que la Charte 08 représentait un programme contre-révolutionnaire, nous n’avons pas soutenu la répression de ses inspirateurs et signataires par la bureaucratie stalinienne, laquelle défend sa position privilégiée par une répression politique féroce et tous azimuts. A l’époque comme aujourd’hui, Liu et les autres intellectuels de droite ne dirigeaient pas un mouvement menaçant l’existence de l’Etat ouvrier chinois, comme ce fut le cas par exemple de Solidarność en Pologne en 1981. En tant que marxistes révolutionnaires (trotskystes), nous appelions alors à « écraser la contre-révolution de Solidarność » et nous luttions pour gagner les ouvriers polonais à un programme de défense des Etats ouvriers soviétique et polonais contre la contre-révolution capitaliste et pour une révolution politique afin de chasser les bureaucraties staliniennes parasitaires.
En Chine aujourd’hui, ce programme est essentiel pour vaincre politiquement le mouvement pour la Charte 08 et ses apologistes dans la gauche, comme October Review. La Charte 08 prenait rétrospectivement parti pour le régime du Guomindang (Parti nationaliste) de Chiang Kai-shek, soutenu par les impérialistes, contre le PCC pendant la guerre civile de la fin des années 1940. La Révolution chinoise de 1949 a été une révolution sociale progressiste d’une portée historique mondiale. Des centaines de millions de paysans se sont soulevés et ont pris possession des terres sur lesquelles leurs prédécesseurs étaient exploités depuis des temps immémoriaux. La création d’une économie centralisée, planifiée et collectivisée a jeté les bases d’un progrès social énorme.
Cependant cette révolution était déformée depuis le début sous le régime du PCC de Mao Zedong, une caste bureaucratique nationaliste reposant sur l’Etat ouvrier. Contrairement à la Révolution d’octobre 1917 en Russie, qui avait été menée par un prolétariat politiquement conscient et guidé par l’internationalisme bolchévique de Lénine et Trotsky, la Révolution chinoise a été l’aboutissement d’une guerre de guérilla paysanne dirigée par les forces staliniennes-nationalistes de Mao. Sur le modèle de la bureaucratie stalinienne de Staline qui avait usurpé le pouvoir en URSS, Mao et ses successeurs, y compris le régime actuel de Hu Jintao, ont entretenu l’idée profondément antimarxiste que le socialisme (une société sans classes égalitaire basée sur l’abondance matérielle) pourrait être construit dans un seul pays. Dans la pratique, le « socialisme dans un seul pays » a signifié une politique de conciliation avec l’impérialisme mondial et d’opposition à la perspective d’une révolution ouvrière internationale, essentielle pour avancer vers le socialisme.
Il arrivera un moment où les tensions sociales explosives que connaît la Chine feront voler en éclats la structure politique de la caste bureaucratique au pouvoir. Quand cela se produira, le destin du pays le plus peuplé au monde se réduira à l’alternative : soit une révolution politique prolétarienne qui instaurera un gouvernement basé sur des conseils ouvriers et paysans élus et ouvrira la voie au socialisme, soit l’esclavage capitaliste et le joug impérialiste.
A leur manière, les dirigeants staliniens chinois sentent qu’ils sont assis sur un volcan social. On le voit de façon évidente dans leur réaction aux manifestations de masse qui ont renversé le despote égyptien Moubarak. Les bulletins d’information de la télévision d’Etat montraient des images de manifestations filmées de loin, sur lesquelles on ne pouvait pas voir un seul manifestant. Au lieu de cela, on insistait sur les vitrines brisées des banques, les camions en feu et les pillages, avec des commentaires expliquant comment le gouvernement s’évertuait à rétablir l’ordre. Après les troubles politiques en Afrique du Nord, la répression contre les voix dissidentes s’est intensifiée (arrestation et emprisonnement d’activistes, d’artistes et d’avocats, et renforcement de la censure d’Internet).
Il est évident que, de leur côté, certains éléments des cercles dirigeants américains ont vu là l’occasion d’encourager certains intellectuels chinois et d’autres éléments de la petite bourgeoisie éduquée (et matériellement privilégiée) à descendre dans la rue au nom de la « démocratie ». Ces événements ont été baptisés « révolution de jasmin ». Des émigrés anticommunistes aux Etats-Unis, groupés autour du « Parti démocratique de Chine », se sont mis devant leur clavier pour lancer dans le monde virtuel d’Internet des appels à manifester à Pékin, à Shanghai et dans d’autres villes chinoises. Ce que résume ainsi ce titre du New York Times du 29 avril : « Comment essayer de stimuler la protestation populaire en Chine depuis sa chambre à coucher de Manhattan ». La « révolution de jasmin » a fait long feu. Seule une poignée de personnes ont répondu à ces appels, dont l’ambassadeur des Etats-Unis qui s’est « trouvé par hasard » à l’un des endroits annoncés. Les lieux mêmes de ces manifestations pour la « démocratie » en disaient long sur leur caractère privilégié : des Starbuck cafés, des McDonald et Wangfujing, un quartier commerçant huppé de Pékin fréquenté par les touristes étrangers et les nouveaux riches chinois.
Les pseudo-trotskystes encouragent la contre-révolution « démocratique »
On pourrait argumenter que les participants éventuels à la « révolution de jasmin » ont été intimidés par la répression policière. Pourtant dans la même période ont eu lieu à Shanghai une grève de trois jours et des manifestations de chauffeurs routiers en colère, la plupart propriétaires de leur camion, contre l’envolée des prix de l’essence et les taxes élevées. Les mécontents ne manquent pas dans la population chinoise ouvriers des entreprises publiques et privées, fermiers, certains éléments de la petite bourgeoisie urbaine. La question est la direction politique que prendra l’opposition à la bureaucratie stalinienne. Un facteur décisif sera le caractère et les buts des dirigeants de cette opposition.
Quand la situation politique en Chine sera plus ouverte, les révolutionnaires marxistes seront confrontés à des tendances prônant la « démocratie » sans caractère de classe tout en prétendant défendre les intérêts des travailleurs et même le socialisme. Parmi ceux-ci se trouveront des groupes se réclamant frauduleusement du trotskysme, comme October Review. Ce groupe est affilié internationalement au Secrétariat unifié (SU), qui a une longue histoire au service de la contre-révolution « démocratique bourgeoise », prostituant l’opposition révolutionnaire de Trotsky au stalinisme. Durant la dernière phase de la guerre froide, à la fin des années 1980 et au début des années 1990, le SU, dirigé par feu Ernest Mandel, a soutenu toutes les forces pro-impérialistes et anticommunistes dans la sphère d’influence soviétique, de Solidarność en Pologne aux « démocrates » autour de Boris Eltsine en Russie. October Review est peut-être encore plus véhément dans l’expression de son hostilité anticommuniste envers la Chine que ne l’étaient les mandéliens envers l’Union soviétique. Mais ce n’est qu’une question de degré.
Le trotskysme authentique consiste à porter haut l’étendard prolétarien et internationaliste de la Révolution d’octobre 1917. En conclusion de l’article sur la Charte 08, nous écrivions :
« Une révolution politique prolétarienne d’où émergera une Chine des conseils ouvriers et paysans sera un flambeau pour les masses ouvrières opprimées d’Asie et du monde entier ; elle donnera le coup de grâce à la propagande de la “mort du communisme” de la bourgeoisie, fera relever la tête aux masses opprimées de l’ex-Union soviétique et d’Europe de l’Est, et sera une source d’inspiration pour les ouvriers des métropoles impérialistes. Au bout du compte, c’est là la seule perspective qui pourra contrer le chant des sirènes de la “démocratie” qu’entonnent les officines soutenues par les impérialistes ainsi que les pseudo-“socialistes”, les ennemis des acquis de la Révolution chinoise. »
— Traduit de Workers Vanguard n° 981, 27 mai