Le Bolchévik nº 196 |
Juin 2011 |
Mensonges et terreur impérialistes sous prétexte « humanitaire »
La guerre impérialiste contre la Libye sintensifie
24 mai Après deux mois de bombardements aériens de l’OTAN qui n’ont pas réussi à renverser le régime bourgeois autoritaire de Mouammar Kadhafi, les puissances impérialistes, avec en première ligne les Etats-Unis, la France, la Grande-Bretagne et l’Italie (l’ex-puissance coloniale à Tripoli et Benghazi) continuent à faire pleuvoir la mort et la destruction sur la Libye. A Tripoli, les avions de l’OTAN multiplient les raids meurtriers sur le complexe résidentiel de Bab al-Aziziya, où habitent le dirigeant libyen ainsi qu’une partie de sa famille. Le 30 avril, un de ces raids avait tué son fils cadet Saif Al-Arab Kadhafi et trois de ses petits-enfants. Ces tentatives d’assassinat rappellent l’image des bombardements américains contre Tripoli de 1986, où la fille de Kadhafi, âgée d’un an, avait été tuée.
L’intensification de la guerre contre la Libye discrédite chaque jour un peu plus les grossiers mensonges auxquels les impérialistes et leur presse aux ordres ont eu recours pour justifier leur campagne de bombardements. Cette intervention a été présentée initialement comme une action limitée dans le temps et visant à instaurer une « zone d’exclusion aérienne » pour « protéger les civils » (selon les termes exacts de la résolution 1973 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui a servi de couverture à la campagne de bombardements). Elle a en réalité pour objectif de permettre aux impérialistes d’imposer leurs diktats à ce pays riche en pétrole. Les impérialistes ont pris pour cible d’abord les forces gouvernementales libyennes, puis très rapidement les bastions pro-Kadhafi comme sa ville natale de Syrte. Les seuls civils menacés étaient ceux qui avaient la malchance de se retrouver à l’endroit où explosaient les bombes de l’OTAN.
Avant l’attaque impérialiste contre la Libye, ce pays était déchiré par une guerre civile de faible intensité opposant le gouvernement de Kadhafi, qui depuis des années négociait avec les impérialistes et collaborait avec eux, et une opposition soutenue par les impérialistes. Le prolétariat n’avait pas à prendre parti dans le conflit entre ces deux forces bourgeoises. Mais quand les bombardements impérialistes ont commencé, cette guerre civile s’est retrouvée subordonnée à l’intervention militaire impérialiste. Comme nous l’expliquions dès le début des bombardements impérialistes : « Dans le conflit actuel, le prolétariat international doit choisir son camp : la défense militaire du pays semi-colonial qu’est la Libye contre l’impérialisme et les forces de l’opposition, qui agissent pour le compte des impérialistes » (« La guerre contre la Libye de Kadhafi : terrorisme et mensonges impérialistes », Workers Vanguard n° 977, 1er avril).
Pour nous marxistes, la défense militaire de la Libye contre les impérialistes n’implique pas le moindre soutien politique au régime bourgeois sanguinaire de Kadhafi. Il faut s’opposer à toutes les occupations et agressions militaires perpétrées par les impérialistes pour renforcer leur domination sur cette planète. Chaque revers qu’ils pourront subir affaiblira les ennemis de classe du prolétariat international et constituera un encouragement pour les luttes des travailleurs et des opprimés. Le prolétariat d’Egypte, de Tunisie et du reste de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient possède la puissance sociale pour se placer à la tête de tous les déshérités et de tous les opprimés dans la lutte pour la révolution sociale, contre tous les régimes meurtriers de la région ce qui va dans le sens de ses intérêts de classe. Il faut construire des partis ouvriers révolutionnaires, qui feront le lien entre la lutte pour des fédérations socialistes de l’Afrique du Nord et du Proche-Orient et le combat pour la révolution prolétarienne dans les métropoles impérialistes.
Intrigues et terrorisme impérialistes
Le Premier ministre libyen, Baghdadi Mahmoudi, a dénoncé les « abus et violations » commis par l’OTAN, citant notamment « des assassinats politiques, le siège maritime injuste, le bombardement de sites civils et la destruction de l’infrastructure », et proposait « un cessez-le-feu immédiat qui coïnciderait avec un arrêt des bombardements de l’OTAN » (lemonde.fr, 16 mai). Cette offre de cessez-le-feu, comme toutes celles faites précédemment par Kadhafi, a été immédiatement et dédaigneusement rejetée. A vrai dire, les dirigeants de l’OTAN et leurs chefs militaires s’embarrassent de moins en moins de précautions de langage « humanitaire » et proclament à qui veut l’entendre que leur objectif est de provoquer au plus vite la chute du régime libyen, et que le moyen le plus sûr d’y parvenir est la liquidation physique de son chef. Ainsi un officier français déclarait : « Si Kadhafi se trouve dans un bunker visé, tant pis » (le Monde, 25 mai).
Et comme les bombardements aériens n’ont pour l’instant réussi ni à assassiner Kadhafi ni à permettre aux opposants pro-impérialistes de Benghazi de prendre le dessus sur les forces gouvernementales, les impérialistes pourraient bien être tentés de franchir une nouvelle étape dans leur aventure néocoloniale meurtrière. Malgré la supériorité de la puissance de feu impérialiste, la situation en Libye représente un dilemme difficile pour les puissances impérialistes, alors que les Etats-Unis sont enlisés dans d’autres bourbiers, l’occupation de l’Irak et de l’Afghanistan (où sont aussi lourdement engagées les armées française et britannique). L’opposition libyenne est un ramassis de forces hétéroclites, sans commandement unifié, et les puissances occidentales elles-mêmes, du fait de leurs intérêts divergents, sont loin de s’accorder sur la conduite à tenir.
L’Allemagne, qui en mars s’était abstenue sur le vote de la résolution du Conseil de sécurité autorisant la guerre contre la Libye, a retiré ses navires de guerre de la flottille de l’OTAN chargée de faire respecter l’embargo sur les armes à destination de ce pays. Elle a ensuite proposé de participer à une force de combat de 1 000 soldats dont la création a été approuvée le 1er avril par l’Union européenne (UE), avec comme mission officielle d’acheminer, si l’ONU le demande, une « aide humanitaire » à Misrata assiégée par les forces kadhafistes. Misrata où les impérialistes en plus d’avoir contribué à la destruction de la ville ont, à grand renfort de publicité, affrété des car-ferries pour évacuer vers Benghazi plusieurs milliers de travailleurs immigrés. Cette hypocrite sollicitude « humanitaire » ne s’étend évidemment pas aux réfugiés qui, fuyant la guerre civile libyenne, cherchent désespérément à atteindre les côtes de l’Union européenne. Pour eux, il n’est plus question de ferries ostensiblement protégés par les navires de guerre de l’OTAN : ils doivent s’entasser sur de petits bateaux de pêche surchargés et braver la faim, la soif, en risquant à chaque instant le naufrage.
Au large des côtes libyennes patrouillées en tous sens par les navires, les avions et les hélicoptères de l’OTAN, les scènes d’horreur se multiplient depuis des semaines au point que quelques-unes finissent par capter l’attention des médias. Le 10 avril, un petit bateau s’échouait sur une plage de la côte libyenne près du petit port de Zilta, après avoir passé 16 jours à dériver en mer. Sur les 72 personnes qui avaient embarqué à Tripoli dans l’espoir de rejoindre l’île italienne de Lampedusa, 62 étaient mortes de faim et de soif. D’après les témoignages des survivants recueillis par le Guardian de Londres (guardian.co.uk, 8 mai), le 29 ou le 30 mars, alors que depuis plusieurs jours les réfugiés n’avaient plus ni carburant, ni nourriture ni eau, leur bateau s’était retrouvé à proximité d’un porte-avions, « si près qu’il était impossible qu’il n’ait pas été repéré », et « deux jets ont décollé du navire et ont survolé le bateau, tandis que debout sur le pont les immigrés tenaient à bout de bras deux bébés mourants. Mais après cela, aucune aide n’est arrivée ». Les journalistes du Guardian, après une « enquête approfondie pour établir l’identité du porte-avions », concluent « qu’il s’agit probablement du navire français Charles de Gaulle, en opération dans la Méditerranée à ces dates ».
Et de nombreux bateaux transportant des réfugiés coulent sans laisser de trace : le Haut commissariat de l’ONU pour les réfugiés estime ainsi que 10 % des réfugiés qui fuient la Libye par la mer trouvent la mort pendant la traversée ; sachant que 12 000 d’entre eux sont arrivés jusqu’ici en Italie et à Malte, il évalue donc à 1 200 le nombre de réfugiés morts de faim, de soif ou par noyade (le Figaro, 14-15 mai) ! Nous disons : A bas la « forteresse Europe » raciste ! A bas la chasse aux « immigrés clandestins » ! Non aux expulsions ! Pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés !
Le Figaro (23 mai) vient de reconnaître que « depuis le début du conflit, des forces spéciales françaises sont à l’uvre en Libye », et qu’elles vont être renforcées sur place alors que l’armée française se prépare à utiliser des hélicoptères d’attaque contre l’armée libyenne.
La Grande-Bretagne, la France et l’Italie ont expédié des militaires à Benghazi pour encadrer et entraîner les forces de l’opposition anti-Kadhafi qui jouent désormais le rôle de troupes au sol pour le compte des impérialistes. Côté français, des « instructeurs » militaires étaient déjà à pied d’uvre à Benghazi pour entraîner les forces opposées à Kadhafi au maniement d’armes livrées « clandestinement » par les services secrets français plus d’une semaine avant le début des bombardements (le Canard enchaîné, 23 mars).
Le NPA fait la promotion des « révolutionnaires » anti-Kadhafi de Sarkozy
Comme on pouvait s’y attendre, les médias capitalistes, en France comme ailleurs, ont abondamment relayé les récits de massacres de civils par le régime de Kadhafi. Le professeur Alan Kuperman, de l’Université du Texas, faisait remarquer dans un article du Boston Globe (14 avril) que « si Kadhafi visait de façon indiscriminée les civils, la moitié environ des victimes seraient des femmes », mais des données fournies par Human Rights Watch indiquent que moins de 3 % des blessés à Misrata sont des femmes.
Les forces qui composent l’opposition libyenne n’ont jamais fait mystère de leur souhait d’une intervention impérialiste pour les aider à chasser Kadhafi. Pourtant, ces forces monarchistes, groupes tribaux mécontents, personnalités du régime ayant fait défection et autres (dont des bénéficiaires des subsides de la CIA) ont été dépeintes comme la composante libyenne du « printemps arabe ». De prétendus « socialistes » dont le Nouveau Parti anticapitaliste (NPA) en France ou le Socialist Workers Party (SWP) en Grande-Bretagne leur ont emboîté le pas en se faisant les apologistes de l’opposition libyenne.
Dès le début de la guerre civile, le NPA social-démocrate avait apporté « son soutien total aux insurgés dans leur lutte pour la démocratie et la chute de la dictature » (communiqué du NPA, 21 février). Ils ont continué à soutenir inconditionnellement les opposants alors même que le pays sombrait dans une guerre civile de basse intensité entre deux camps également réactionnaires. Lorsque Sarkozy a lancé l’intervention impérialiste contre la Libye, le NPA se retrouvait ainsi à soutenir ceux qui étaient devenus de simples pions de l’intervention militaire impérialiste et le NPA n’a pas changé de ligne. Le 17 mars, le jour du vote à l’ONU des mesures de guerre impérialiste contre la Libye, un article non signé paru dans Tout est à nous, hebdomadaire du NPA, inventait pour se couvrir l’absurde fiction d’une « collusion entre l’impérialisme et le pouvoir libyen » de Kadhafi. Le NPA a signé l’appel à une manifestation ayant lieu à Paris l’après-midi du 19 mars demandant la « reconnaissance du Conseil national de transition [CNT] intérimaire, seul représentant légitime du peuple libyen » ; l’appel reprochait aux impérialistes d’hésiter et de tergiverser face aux crimes de Kadhafi, autrement dit leur demandait d’intervenir ; effectivement, les bombardiers français lançaient les frappes à 17h45 contre leurs victimes libyennes.
A ce jour et à notre connaissance, la dernière prise de position publique officielle du NPA sur l’intervention impérialiste en Libye figure dans un communiqué daté du 18 mars qui affirme que « l’intervention militaire n’est pas la solution » pour chasser Kadhafi, mais qu’il faudrait donner au peuple libyen « les armes dont il a besoin pour chasser le dictateur, conquérir la liberté et la démocratie ». Quelques jours à peine après le début des bombardements français, britanniques et américains, le NPA signait un appel à une « marche de solidarité avec le peuple libyen » à Paris le 26 mars, non pas pour s’opposer à l’agression impérialiste et défendre ce pays semi-colonial attaqué par Sarkozy, Cameron et Obama, mais pour défiler en « solidarité » avec leurs comparses de Benghazi. Cet appel, après une exhortation à faire preuve de « vigilance sur l’escalade de guerre, et sur tous les dévoiements possibles [!] de la résolution 1573 [sic] votée par le Conseil de sécurité de l’ONU », demandait à nouveau que le CNT soit reconnu comme « seul représentant légitime du peuple libyen » ce que Sarkozy en personne venait précisément de faire (l’Humanite.fr, 26 mars) !
Prétendant qu’il s’opposait à l’intervention impérialiste, le NPA ne pouvait pourtant cacher son soulagement à la nouvelle que l’attaque impérialiste avait empêché la chute de Benghazi lors de l’offensive de l’armée libyenne mi-mars. Un article de première page (Tout est à nous, 24 mars), signé Yvan Lemaître, déclarait ainsi :
« A l’annonce de l’intervention militaire, les insurgés de Benghazi se sont réjouis. Cette dernière contraignait les mercenaires de Kadhafi à relâcher leur pression, elle était pour eux un soulagement attendu. »
C’est du journalisme à la BHL (le pseudo-intellectuel bourgeois qui se vante partout d’avoir convaincu Sarkozy d’attaquer la Libye). « Les mercenaires de Kadhafi », c’est le cri de guerre de l’opposition pour lancer des pogroms racistes contre les travailleurs africains noirs qui n’ont pas réussi à fuir et qui sont soupçonnés d’être des mercenaires à la solde de Tripoli. En matière de mercenaires, le mal nommé « Secrétariat unifié de la Quatrième Internationale » (SU), la tendance internationale dont font partie nombre de dirigeants du NPA comme Olivier Besancenot, a fait une déclaration publiée le 23 mars appelant de ses vux une intervention militaire étrangère à défaut des impérialistes, tout au moins de leurs laquais régionaux égyptiens et tunisiens. Tout en réclamant pour la forme l’« arrêt immédiat de l’intervention impérialiste », il réaffirmait en même temps :
« En Libye, cette politique nous a conduit [sic], dès le début, à soutenir les mobilisations puis l’insurrection populaire pour renverser la dictature de Kadhafi. En Libye, la solidarité avec les mobilisations populaires signifie tout mettre en uvre pour aider le peuple contre Kadhafi : embargo total sur les ventes d’armes à la dictature, gel des avoirs du régime libyen à l’étranger, organisation de l’aide médicale, alimentaire, humanitaire aux centaines de milliers de Libyens persécutés par le régime Soutenir le peuple libyen et protéger les civils, c’est lui donner les moyens militaires de se défendre contre les massacres des mercenaires de Kadhafi et de se libérer lui-même de la dictature. Les peuples et les armées arabes, en premier lieu les Tunisiens et Egyptiens, peuvent jouer un rôle décisif dans cette aide militaire. »
Inprecor, mars-avril
En faisant ainsi croire que les armées bourgeoises tunisienne et égyptienne à la solde de leurs parrains impérialistes pourraient jouer un quelconque rôle progressiste en Libye ou ailleurs dans la région, les charlatans du SU caressent dans le sens du poil le nationalisme bourgeois qui enchaîne les exploités et les opprimés aux classes capitalistes du Proche-Orient et de l’Afrique du Nord. C’est au nom de ce nationalisme qu’en Egypte des gens qui se prétendent socialistes magouillent avec les Frères musulmans réactionnaires et renforcent les illusions mortelles dans l’armée qui serait « du côté du peuple ».
De façon plus explicite, un intellectuel en vogue dans la mouvance du SU, Gilbert Achcar, a ouvertement soutenu la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l’ONU autorisant l’intervention impérialiste, disant que « personne ne peut raisonnablement s’y opposer » (interview à Znet, diffusée sur le site du NPA). Et le 31 mars Tout est à nous avait un article titré « Une révolution à l’ombre des bombardiers de l’Otan ? » et répondait en substance « oui » à sa propre question.
Il n’est donc nullement surprenant que dans Tout est à nous se sont multipliés les courriers de lecteurs qui tous se plaignaient que la ligne du NPA n’était pas assez favorable aux opposants libyens et/ou aux bombardiers impérialistes. Ainsi Marie-Do Bartoli expliquait sans détour qu’on ne peut pas « demander aujourd’hui l’arrêt de l’application de la résolution 1973 des Nations Unies », puisqu’il n’y a pas d’autre moyen pour aboutir à l’objectif : « nous voulons d’abord et avant tout sa défaite [de Kadhafi] » (Tout est à nous, 31 mars).
Ce genre d’immondice pro-impérialiste n’a fait l’objet d’aucune protestation ou « mise au point » dans les colonnes de Tout est à nous : il ne faisait qu’expliciter ce que voulait dire au fond la ligne majoritaire dans le NPA et le SU. Mais il y a un certain inconfort parmi quelques militants du NPA, embarrassés de s’être fait prendre publiquement avec une ligne aussi favorable au gouvernement Sarkozy. Le « processus révolutionnaire en cours » en Libye a subrepticement disparu de la propagande du NPA ces dernières semaines. Le NPA a même mis en ligne un article d’un certain Bertold du Ryon, daté du 11 mai, évoquant la soi-disant évolution des rebelles « de compromis en compromissions » avec les impérialistes, du Ryon ajoutant que cela « pose un énorme problème politique pour l’avenir de la Libye » et surtout pour la couverture « anti-impérialiste » des sociaux-démocrates du NPA (le NPA n’a toutefois pas publié cet article dans son journal).
Inutile de dire qu’aucun des groupuscules soi-disant « trotskystes » qui sont liquidés dans le NPA, que ce soit les taaffistes de la « gauche révolutionnaire », les morénistes liés au PTS argentin, les barciaïstes de l’ex-minorité de LO, les lambertistes de la tendance « claire » (!), ni non plus les cliffistes liés au SWP britannique, n’ont jugé que « trop c’est trop » à propos de la position pro-impérialiste du NPA sur la Libye et n’en ont profité pour quitter le navire en perdition électorale de Besancenot. Autant pour les « principes » de ces soi-disant « oppositions ».
Et encore le NPA pourrait paraître faire bonne figure par rapport au Parti socialiste et à Jean-Luc Mélenchon du Parti de gauche qui ont applaudi des deux mains les bombardements français. De même, le PCF a fait une déclaration au parlement le 22 mars soutenant toutes les mesures de la résolution 1973 de l’ONU qui soi-disant étaient « légitimes pour étouffer le régime libyen et protéger les populations civiles », y compris la « zone d’exclusion aérienne » impérialiste contre l’aviation libyenne ; les réticences du PCF face aux bombardements proprement dits rappellent ceux qui défendent le capitalisme sans les licenciements, ou ceux qui veulent se baigner sans se mouiller.
Les embarras de LO face aux sociaux-impérialistes du PCF et du NPA
Dans un tel contexte, les prises de position de Lutte ouvrière (LO) pourraient paraître presque rafraîchissantes. Evidemment ils n’ont ni organisé de manifestations contre les bombardements impérialistes, ni pris la défense de la Libye contre leur propre impérialisme. Mais ils ont mis par écrit et de façon répétée leur opposition aux bombardements impérialistes et n’ont pas versé dans l’apologie des rebelles libyens qui leur servent de troupes terrestres. Ils ont même fait remarquer que l’intervention impérialiste s’appuie toujours « sur les forces les plus réactionnaires, sur différents clans militaires et religieux, sur de petits potentats seigneurs de guerre. Il en sera de même en Libye » (déclaration du 31 mars parue dans Lutte de Classe, avril).
Leurs divers articles sur la Libye n’en laissent pas moins transparaître en filigrane leur sympathie pour les rebelles alliés de Sarkozy. Ils ne font en effet nulle part la distinction entre les soulèvements en Tunisie et en Egypte qu’ils ont soutenus et la guerre civile réactionnaire en Libye. Au passage, LO, qui prétend sans cesse s’intéresser au sort des ouvriers, se montre incapable de distinguer entre des soulèvements populaires où la classe ouvrière a joué un rôle actif, même s’il restait subordonné au nationalisme bourgeois, et la Libye où la classe ouvrière, qui était largement composée d’immigrés venant des pays voisins et du reste de l’Afrique, de Turquie, du Bangladesh ou de Chine, a été dévastée par les effets de la guerre civile et se retrouve aujourd’hui complètement atomisée et bien souvent acculée à la fuite face aux bombardements impérialistes et aux pogroms dont elle est victime de tous côtés (notamment du côté de l’opposition).
LO a déclaré dans Lutte de Classe à propos des puissances impérialistes :
« Après s’être proclamées en faveur d’une transition démocratique dans tout le monde arabe, après avoir affirmé comprendre et partager les aspirations des peuples arabes à la liberté et à la démocratie, le fait de laisser les armées de Kadhafi écraser les rebelles de Benghazi aurait sonné comme l’aveu que tout cela n’était que des discours. Au contraire, voler à leur secours permettait de donner un peu de crédit aux discours démocratiques des dirigeants impérialistes, et en même temps de faire un peu oublier qu’au même moment ils couvraient la répression au Bahreïn ou au Yémen, pour ne pas parler d’Israël et de son obstination à nier les droits des Palestiniens. »
En quoi bombarder l’armée d’un peuple néocolonial peut-il « donner un peu de crédit » aux criminels en chef impérialistes ? C’est la gauche qui a « donné du crédit » aux impérialistes en appelant à soutenir l’opposition libyenne, y compris par leur propre bourgeoisie. En refusant de critiquer publiquement les prises de position du PCF et du NPA sur la Libye, LO donnait dans les faits une couverture à ces laquais patentés de l’impérialisme français.
LO refuse avec constance de prendre le côté militaire des peuples néocoloniaux attaqués par l’impérialisme. En effet, on imagine mal Nathalie Arthaud, porte-parole de LO et membre de la majorité du conseil municipal de Vaulx-en-Velin en banlieue lyonnaise, y faire un discours devant ses partenaires PCF pour expliquer que toute défaite, tout revers militaire de l’impérialisme français favoriserait la lutte des classes ici ! Cette idée même est complètement étrangère à la conception du monde de LO, pour qui c’est seulement par la lutte économique elle-même (pour ses intérêts matériels immédiats) que la classe ouvrière peut petit à petit élargir ses perspectives politiques.
La guerre impérialiste fait partie intégrante de ce même système capitaliste qui, ici, opprime la classe ouvrière, les minorités ethniques, les immigrés et pratiquement toutes les couches de la population. Comme nous l’a enseigné Lénine, l’impérialisme est le stade suprême du capitalisme, marqué par la concentration, la domination et l’exportation du capital financier. Dans leur quête insatiable du profit, les bourgeoisies impérialistes exploitent les pays retardataires pour en tirer matières premières, main-d’uvre bon marché et nouveaux marchés. A l’aube de l’époque impérialiste moderne, à la fin du XIXe siècle, cette exploitation s’effectuait dans une large mesure par l’occupation coloniale directe et l’annexion territoriale. Aujourd’hui, presque tous les pays du tiers-monde ont conquis leur indépendance formelle, mais restent subordonnés aux puissances impérialistes, à l’exception des Etats ouvriers déformés que sont la Chine, la Corée du Nord, Cuba, le Vietnam et le Laos.
Les populations de Libye subissent depuis trop longtemps les déprédations de l’impérialisme. La guerre italo-turque de 1911, durant laquelle des milliers d’Arabes ont été massacrés, avait comme enjeu la possession de ce qui allait devenir la Libye. Ce conflit fut suivi par 20 ans de résistance armée contre les impérialistes italiens, qui utilisèrent des gaz de combat contre des civils et emprisonnèrent plus de 100 000 personnes dans des camps de concentration. Après la Deuxième Guerre mondiale, pendant laquelle les puissances de l’Axe et les puissances Alliées dévastèrent le pays et sa population, les impérialistes créèrent artificiellement un Etat libyen, remplaçant la domination italienne par une monarchie imposée par les Britanniques. Cette monarchie fut à son tour déposée en 1969 par le « Mouvement des officiers libres », qui installa au pouvoir Kadhafi.
Depuis la destruction contre-révolutionnaire de l’Union soviétique en 1991-1992, les Etats-Unis et les autres puissances impérialistes dominantes ont les coudées plus franches pour se lancer dans des aventures militaires aux quatre coins du monde. Aujourd’hui, alors que le monde capitaliste reste englué dans la crise économique, ces agressions militaires se combinent avec une campagne concertée contre les syndicats, les salaires et les avantages sociaux que les travailleurs avaient arrachés par leurs luttes. Ces maux sont endémiques au système capitaliste dans sa phase de décadence. La seule issue, c’est celle inaugurée par la révolution ouvrière d’Octobre 1917, sous la direction du Parti bolchévique de Lénine et Trotsky. La Ligue communiste internationale travaille à construire des partis ouvriers de type bolchévique qui pourront inculquer au prolétariat la conscience de sa tâche historique : renverser l’ordre impérialiste et réorganiser la société à l’échelle mondiale, sur une base socialiste et égalitaire.
— Adapté de Workers Vanguard n° 979, 29 avril