Le Bolchévik nº 193

Septembre 2010

 

Le prolétariat doit défendre les retraites, les Roms, les jeunes de banlieue !

Comment PS et PC, NPA et LO capitulent aux campagnes racistes que mène Sarkozy pour diviser la classe ouvrière

2 septembre – La crise économique mondiale entre maintenant dans sa troisième année. C’est la crise économique la plus grave depuis celle de 1929, avec des conséquences dévastatrices pour les travailleurs dans le monde entier. L’impérialisme français, pour tenir le coup face à son rival allemand plus performant, doit détruire en masse les acquis ouvriers (voir l’article de nos camarades allemands en dernière page de ce journal). Le gouvernement, qui doit mener contre la classe ouvrière l’une des attaques majeures de la mandature, la mise en pièces du système de retraites, s’est lancé dans une fuite en avant sécuritaire raciste pendant l’été : mise en état de siège permanent de cités ouvrières tout entières comme le quartier de la Villeneuve à Grenoble, criminalisation de toutes les communautés de gens du voyage et Roms, avec expulsions massives à la clé vers la Roumanie, campagne pour réviser le droit de la nationalité.

Comme souvent, le gouvernement a agité comme bête noire un réactionnaire islamiste peu susceptible de susciter la sympathie des travailleurs et des femmes, un certain Liès Hebbadj, pour menacer de déchéance de nationalité, et donc potentiellement d’expulsion du territoire, toute personne « d’origine étrangère » polygame, qui aurait « attenté à la vie d’un policier », ou plus vaguement qui aurait commis des actes de délinquance graves. Le récent procès de Villiers-le-Bel montre que n’importe quel jeune de banlieue avec la « mauvaise » couleur de peau qui se trouve au mauvais endroit au mauvais moment peut se retrouver derrière les barreaux pour des années (voir la déclaration du Comité de défense sociale page 2). Demain cela pourrait faciliter l’expulsion de nombreux jeunes vers le pays d’origine de leurs parents, dont ils ne parlent aucune langue et où ils n’ont peut-être même jamais mis les pieds. Cela représenterait aussi une menace directe contre les militants syndicaux d’origine maghrébine et africaine qui oseraient défendre leur piquet de grève contre une brutale attaque de flics.

Le mouvement ouvrier doit combattre en bloc et repousser les campagnes racistes du gouvernement, que les victimes fassent ou non elles-mêmes partie de la classe ouvrière. Le poison du racisme est l’une des principales armes de la bourgeoisie et de ses lieutenants sociaux-démocrates dans la classe ouvrière pour attaquer le mouvement ouvrier en le divisant selon des lignes ethniques, raciales et religieuses, selon le vieux principe « diviser pour mieux régner ».

La lutte contre la terreur raciste du gouvernement est non seulement indispensable à l’autodéfense du mouvement ouvrier, elle est nécessaire pour que la classe ouvrière dépasse le cadre étroit de ses luttes économiques. La lutte économique a pour objet de défendre ou augmenter les salaires directs ou indirects perçus par les travailleurs ; il s’agit de préserver ou augmenter la part revenant aux travailleurs de la plus-value qu’ils ont eux-mêmes intégralement créée par leur travail ; la lutte économique, quoique nécessaire, reste donc dans le cadre du système capitaliste. Les réformistes cherchent constamment à limiter la perspective des travailleurs à ces luttes économiques. Ils ne cessent de parler de « diversion » à propos des attaques racistes du gouvernement. Olivier Besancenot, porte-parole du Nouveau Parti anticapitaliste (NPA), a ainsi déclaré (l’Humanité, 25 août) : « le vrai piège serait de faire la rentrée sur l’insécurité, alors que la question numéro un, c’est l’insécurité sociale et la délinquance financière, à laquelle on ne s’attaque pas ».

Loin de simplement considérer ces attaques racistes comme « la vieille recette de la diversion » (titre de Tout est à nous, le journal du NPA, le 29 juillet), la classe ouvrière doit riposter de front, prenant la tête de toutes les luttes contre l’oppression pour rallier derrière elle les opprimés dans une lutte générale pour renverser le capitalisme tout entier. Il faut forger, dans les luttes des ouvriers et des opprimés, le parti ouvrier révolutionnaire multiracial et multiethnique dont a besoin la classe ouvrière pour mener à bien une révolution socialiste victorieuse, comme la Révolution russe de 1917, la première révolution ouvrière victorieuse qui renversa la dictature du capital et instaura celle du prolétariat. La Ligue trotskyste représente le noyau dont émergera un tel parti, modelé sur le parti bolchévique de Lénine. Comme l’écrivait celui-ci 15 ans avant 1917 :

« Tout secrétaire de trade-union [syndicat] mène et aide à mener la “lutte économique contre le patronat et le gouvernement”. Et l’on ne saurait trop insister que ce n’est pas encore là du social-démocratisme [comme on appelait à l’époque le marxisme révolutionnaire] ; que le social-démocrate ne doit pas avoir pour idéal le secrétaire de trade-union, mais le tribun populaire sachant réagir contre toute manifestation d’arbitraire et d’oppression, où qu’elle se produise, quelle que soit la classe ou la couche sociale qui ait à en souffrir, sachant généraliser tous ces faits pour en composer un tableau d’ensemble de la violence policière et de l’exploitation capitaliste, sachant profiter de la moindre occasion pour exposer devant tous ses convictions socialistes et ses revendications démocratiques, pour expliquer à tous et à chacun la portée historique de la lutte émancipatrice du prolétariat. »

Que faire ?

Pour une lutte de classe contre le démantèlement des retraites !

Les bureaucraties syndicales se sont jusqu’à présent contentées d’appeler à une journée d’action le 7 septembre. Mais il n’est pas dit qu’elles parviendront à éviter ainsi une lutte de classe de grande ampleur, tant la colère des travailleurs est grande contre ce gouvernement et ses attaques. Les bureaucrates, eux, sont convaincus que les travailleurs devront faire des sacrifices : la CGT est depuis le printemps prête à accepter une augmentation des cotisations retraite des salariés, c’est-à-dire une diminution des salaires (voir les déclarations d’Eric Aubin, responsable du dossier retraites à la CGT au monde.fr le 4 mai, disponible sur le site de la CGT). Quant à la CFDT, elle a accepté lors de son congrès de juin l’augmentation de la durée de cotisation, c’est-à-dire une diminution des retraites (le Monde, 12 juin).

FO et SUD se sont prononcés pour le retrait pur et simple du projet, le SUD ayant déposé un préavis de grève illimitée à partir du 7 septembre à la RATP, un secteur où il est faiblement représenté. FO et SUD cherchent à se donner un profil plus combatif à un moment où les nouvelles règles de représentativité syndicale menacent dans de nombreux cas d’éliminer ces deux fédérations, au profit de la CGT et de la CFDT, de la course aux mandats électoraux et aux subsides patronaux et gouvernementaux qui leur sont associés.

Lors de la grève de novembre 2007 en défense des retraites à la SNCF, où SUD est beaucoup mieux implanté, SUD-Rail avait en réalité pour objectif principal d’être reconnu comme un « partenaire social » à part entière. Dès le premier jour de la grève, SUD-Rail avait déclaré que « le but n’est pas de s’installer dans la grève mais de donner un message fort au gouvernement » (le Monde, 14 novembre 2007). Pourtant les cheminots ont poursuivi héroïquement la grève pendant près de dix jours, face à une violente campagne anti-grève du gouvernement et de la bourgeoisie. Comme nous le soulignions dans notre article « Collaboration de classes et trahison de la grève des cheminots par la bureaucratie syndicale » (supplément au Bolchévik n° 182, mars 2008) : « tandis que dans les AG les petits bureaucrates de SUD parlaient de continuer la grève, leurs dirigeants magouillaient avec les patrons et le gouvernement en faisant des propositions sur “le cadrage de la réforme”, c’est-à-dire acceptaient le principe de l’attaque contre les retraites. »

Les syndicats sont l’organisation élémentaire de défense des travailleurs contre leurs patrons. Mais, notamment en France, ils n’organisent qu’une petite fraction de la classe ouvrière, essentiellement dans les grandes entreprises, le secteur semi-public et le secteur public. Ce sont des secteurs où il reste encore des acquis des luttes passées, qui sont aujourd’hui dans le collimateur des capitalistes déchaînés dans leur soif de profit depuis la contre-révolution capitaliste en Union soviétique il y a près de 20 ans.

Les dirigeants syndicaux s’appuient sur une mince couche de travailleurs relativement privilégiés, qui du coup identifient faussement leurs intérêts à ceux des capitalistes. Près de 30 % des membres de la CGT seraient aujourd’hui dans la catégorie des ingénieurs, techniciens et cadres. La bureaucratie syndicale tire de plus en plus ses revenus, ses permanents syndicaux, ses sinécures dans des organes de gestion et de consultation divers, des subventions directes des patrons et de l’Etat capitaliste lui-même. Qui paie les violons choisit la musique : les bureaucrates se préoccupent moins de recruter de nouveaux militants et de ramasser leurs cotisations que d’obtenir des voix aux élections organisées par les patrons, sur la base desquelles sont répartis les subsides capitalistes. Aussi dans les journées d’action contre les attaques gouvernementales, loin de chercher à organiser de véritables grèves qui bloquent la production, ils se contentent de faire du chiffre dans la rue, pour monnayer le nombre de manifestants comptabilisés contre quelques concessions à la table de négociations.

Il faut lutter pour syndiquer les non-syndiqués, c’est-à-dire notamment les intérimaires, CDD, sous-traitants et autres travailleurs à statut précaire, qui sont en majorité des femmes, des immigrés avec ou sans papiers, des jeunes de banlieue. Cela implique de lutter contre les discriminations qui frappent ces couches de travailleurs. Pleins droits de citoyenneté pour tous ceux qui sont ici ! Pour rompre avec la politique de collaboration de classes des bureaucrates où chaque appareil syndical brise alternativement la grève appelée par l’autre, il faut lutter pour une direction révolutionnaire des syndicats, à la tête de véritables syndicats industriels, c’est-à-dire regroupant tous les travailleurs d’une même industrie dans un seul syndicat.

Le « front populaire » : une alliance avec la bourgeoisie qui enchaîne la classe ouvrière

Cette perspective pose la nécessité d’un programme politique révolutionnaire, et donc d’une lutte politique contre les organisations réformistes qui représentent un obstacle à la prise de conscience révolutionnaire du prolétariat et qui cherchent inlassablement à canaliser les luttes vers les prochaines élections. A un an et demi des élections présidentielles, le Parti socialiste (PS) est en train de se positionner pour reprendre des mains de Sarkozy le flambeau du gouvernement capitaliste. Les dernières élections régionales ont tracé les contours d’un nouveau « front populaire », c’est-à-dire une nouvelle alliance de collaboration de classes entre les Verts (un parti totalement bourgeois), le Parti socialiste et le Front de gauche ; ce dernier est constitué d’un bloc du PCF, du Parti de gauche (PG), lui-même issu du PS avec le renfort notamment de bourgeois républicains de type chevènementiste, et de quelques groupuscules petits-bourgeois. PS, PCF, PG ont un programme bourgeois de gestion du capitalisme, une direction complètement dédiée à l’ordre bourgeois, mais ils conservent des liens avec la classe ouvrière à travers la bureaucratie syndicale et continuent à prétendre, plus ou moins, qu’ils défendent les intérêts des travailleurs contre les riches capitalistes.

Depuis 100 ans en France les réformistes qui dirigent le mouvement ouvrier ont maintes fois pris part à la gestion de l’appareil d’Etat capitaliste, donc inévitablement contre les travailleurs. Ils ne l’ont jamais fait de façon indépendante : ils l’ont toujours fait dans le cadre d’un « front populaire », en alliance avec des partenaires ouvertement bourgeois, ce qui leur permettait à la fois vis-à-vis de la bourgeoisie de garantir qu’ils n’allaient jamais transgresser les intérêts bien compris de la classe capitaliste, et vis-à-vis de leur base ouvrière de prétendre que leurs mesures anti-ouvrières étaient dues aux vicissitudes de l’alliance avec ces bourgeois « progressistes ».

Ces alliances, du fait qu’elles enchaînent la classe ouvrière à l’ennemi de classe, conduisent toujours à la défaite pour les travailleurs, et c’est pourquoi nous nous y opposons par principe. Dans les meetings du Front de gauche au contraire, les orateurs se succèdent pour revendiquer un nouveau front populaire (voir par exemple l’Humanité du 9 juin) en se référant à Juin 36. Mais justement en Juin 36 il y avait la possibilité d’une révolution ouvrière. Les staliniens du PCF, loin de créer des conseils ouvriers (soviets) pour préparer la prise du pouvoir prolétarien comme en 1917 en Russie, mirent en avant la nécessité de ne pas effrayer leurs alliés radicaux dans le Front populaire et canalisèrent la grève générale vers quelques réformes votées au parlement ; ils firent retourner les ouvriers au travail et les démoralisèrent petit à petit, au fur et à mesure que les quelques acquis de la grève étaient remis en cause et qu’approchait la guerre. Le parlement du Front populaire (moins les députés du PCF, qui avait été interdit lors de la déclaration de guerre) finit par voter les pleins pouvoirs à Pétain.

Que ce soit un gouvernement capitaliste de droite réactionnaire ou que ce soit un gouvernement capitaliste de gauche, son boulot est nécessairement de cogner sur les travailleurs. Le bilan des sociaux-démocrates sur la question des retraites est particulièrement lourd. La première grande attaque contre les retraites en 1993, après le retour de la droite, avait été d’abord formulée en 1991 dans le « livre blanc » du gouvernement PS de Mitterrand-Rocard ; la droite revenue au pouvoir n’avait fait que mettre en œuvre ce que la gauche avait mis dans les cartons gouvernementaux. Puis en 1999, sous le gouvernement PS-PCF-Verts de Jospin-Buffet, c’est le rapport Charpin qui avait annoncé le report de l’âge de départ à la retraite allant jusque 65 ans et l’allongement de la durée de cotisation jusqu’à 42 ans et demi, des propositions encore plus drastiques que l’actuel plan de Sarkozy-Woerth ! Jospin avait reculé devant les protestations ; il voulait attendre d’être élu président pour mettre en œuvre le rapport Charpin ; c’est la droite qui l’a ensuite mis en œuvre après 2002, en deux temps : 2003 puis aujourd’hui.

C’est dire qu’il n’y a rien à attendre d’un gouvernement de front populaire en 2012, alors que les réformistes se mettent déjà à chercher à canaliser les luttes vers le « battre Sarkozy ». Le PS accepte ainsi aujourd’hui un allongement de la durée de cotisation, c’est-à-dire un abaissement du montant des retraites à durée de travail égale. C’est dire aussi le cynisme des organisations à gauche du PS qui ces jours-ci parlent de faire l’unité avec ce même PS en manipulant l’aspiration légitime à l’unité ouvrière dans la lutte pour faire reculer le gouvernement. Besancenot s’adressait ainsi au PS (l’Humanité, 9 juin) : « Les conneries, ça suffit, on y va ensemble […], en parlant d’une seule voix et sans trembler, pour la retraite à soixante ans et à taux plein ! »

PCF ou NPA reparlent du CPE comme d’un modèle de lutte qui avait fait reculer le gouvernement. Il est vrai que la mobilisation ouvrière avait forcé le gouvernement à retirer cette attaque début 2006. Mais, un an plus tard, toute la gauche, y compris la LCR (prédécesseur du NPA de Besancenot) et Lutte ouvrière (LO), appelait à « battre Sarkozy », c’est-à-dire voter Ségolène Royal du PS. Ces organisations n’ont au fond aucune autre perspective politique à proposer qu’une nouvelle mouture du front populaire, car toute leur vision du monde est fermement limitée par le cadre du capitalisme. Ils veulent simplement un front populaire « de combat », surfant sur une mobilisation ouvrière (type Juin 36 ou CPE), mais avec le même résultat : que les partis ouvriers prennent part à la gestion du capitalisme. Besancenot soulignait à l’université d’été du NPA le 27 août : « l’issue des retraites ne se joue pas en 2012 mais, en revanche, beaucoup de l’issue de 2012 se joue dans la bataille des retraites. C’est maintenant qu’il faut affaiblir le gouvernement et la droite » (Tout est à nous, 2 septembre).

Verts, PS, PC, PG, NPA, LO : le nouveau front populaire républicain-sécuritaire

Dans toute l’Europe la bourgeoisie et les réformistes poussent le protectionnisme et le nationalisme, dressant les travailleurs derrière leur propre bourgeoisie et contre leurs frères de classe dans les autres pays de l’Union européenne et au-delà (voir l’article de nos camarades britanniques sur la grève réactionnaire de Lindsey, reproduit dans le Bolchévik n° 188). Sarkozy a ainsi mis en place avec la pleine participation de la bureaucratie syndicale des « états généraux de l’automobile » début 2009 ; il s’agissait de promettre des milliards aux grands patrons de l’automobile à condition que ne soient fermées des usines qu’à l’étranger – autrement dit, en promettant de sauver la production des trusts français (et surtout leurs profits), avec des travailleurs français. Comme le faisait remarquer l’un de nos camarades lors du grand meeting de LO sur l’automobile lors de sa dernière fête en mai dernier (malgré les vociférations des « démocrates » de LO pour faire taire notre intervenant) :

« LO a écrit à l’époque plusieurs articles sur ces états généraux mais pas un seul ne s’est opposé à ce poison chauvin qui pénètre ainsi dans les consciences des ouvriers, en particulier de l’automobile […]. En fait, c’est pour mieux défendre la politique de ses propres camarades dans les directions syndicales qui servent au final la politique de la bourgeoisie. »

Vu la capitulation des réformistes, voire leur participation active (PCF) aux campagnes protectionnistes, leur réaction n’est nullement surprenante face au déchaînement raciste du gouvernement cet été. La gauche s’est livrée à un véritable exercice de légitimation de l’offensive sécuritaire du gouvernement en dénonçant celui-ci pour avoir réduit le nombre de flics (voir par exemple l’Humanité du 16 août). Pour eux, le problème de la politique sécuritaire du gouvernement, c’est qu’elle est inefficace et ne tient pas ses promesses.

Lutte ouvrière, qui a dénoncé les déclarations du PS que la « sécurité » était bien la première des « libertés républicaines » (Lutte Ouvrière, 20 août), n’en a pas moins profité pour prendre une nouvelle fois la défense des maires de gauche, déclarant que la délinquance aurait plus baissé à Lille, dont Martine Aubry, chef du PS, est maire, qu’à Nice, dont le maire est le ministre Estrosi (ibid.) Elle a aussi mentionné positivement le maire PS de Grenoble, qui a augmenté de 41 % les effectifs de la police municipale alors que ceux de la police nationale baissaient de 17 % (ibid.)

LO, tout en se plaignant que les maires de droite et de gauche « disposent des mêmes moyens de lutte réelle contre l’insécurité, c’est-à-dire d’à peu près aucun » (ibid.), contribue à sa mesure à l’arsenal répressif des villes quand elle fait partie de la majorité, en votant régulièrement des budgets qui incluent la vidéo-surveillance, la police municipale, etc. Ils ont même voté le budget de la municipalité PCF de Bagnolet quelques semaines à peine après l’attaque à la tractopelle menée le 10 février dernier par le maire contre un squat de travailleurs africains, une opération raciste conduite bien entendu au nom de la « sécurité » contre des soi-disant trafiquants, dealers et proxénètes (voir notre article paru dans le Bolchévik n° 192) ! Le discours occasionnel de LO sur le communisme révolutionnaire et l’internationalisme n’est qu’une décoration superficielle pour une pratique totalement réformiste.

La police, qu’elle soit municipale ou nationale, a pour fonction le maintien de l’ordre bourgeois par la violence. Toutes les campagnes sécuritaires ont pour objet de renforcer l’arsenal répressif, qui vise les opprimés et en dernier ressort la classe ouvrière. L’Etat, ce sont au fond des bandes d’hommes armés dont la fonction est d’empêcher toute révolte des opprimés et, au bout du compte, de mater la lutte révolutionnaire du prolétariat pour renverser ce système. C’est pourquoi on ne peut réformer l’Etat pour qu’il serve les intérêts des travailleurs, il devra être détruit au cours d’une révolution ouvrière.

La gauche a beau se plaindre que Sarkozy fasse le jeu du Front national de Le Pen, dont les sondages indiquent effectivement une montée considérable dans l’opinion, la gauche légitime elle-même le discours sécuritaire des fascistes qui affirment être les seuls à avoir un programme réellement efficace pour la sécurité. Pour le moment, les fascistes sont en France un phénomène essentiellement électoral. Sur le fond, le fascisme, ce sont des troupes de choc basées sur la petite bourgeoisie ruinée et enragée par la crise économique, mobilisées par le capital pour écraser le mouvement ouvrier. Si la crise continue à s’aggraver et que surgissait une montée révolutionnaire dans la classe ouvrière, la bourgeoisie impérialiste décadente, y compris celle des « droits de l’homme » issue des Lumières, n’hésiterait pas une seconde à déchaîner cette racaille barbare pour sauver sa dictature sur la classe ouvrière.

Un programme de transition vers la révolution socialiste

Le NPA a tenu un grand meeting européen à Paris le 15 juin qui a bien montré la banqueroute des sociaux-démocrates de gauche dans toute l’Europe. Chacun y allait de sa petite recette (généralement une petite mesure fiscale) pour soi-disant résorber la crise de la dette des Etats et/ou sauver les retraites : taxation des transactions financières et abolition des paradis fiscaux, taxation du capital, nationalisation des banques sous contrôle démocratique des travailleurs, etc.

Pour tous ces gens-là il suffit de quelques mobilisations des travailleurs pour faire pression sur les capitalistes jusqu’à ce qu’ils lâchent une ou deux mesurettes qui feront l’affaire. Au fond Lutte ouvrière a la même perspective aussi, centrée sur le fait que l’espérance de vie a augmenté moins vite que la productivité du travail depuis la Deuxième Guerre mondiale et qu’il suffirait donc d’allouer une petite partie de l’augmentation de la productivité pour permettre de « partir à la retraite bien avant 60 ans […]. Raison de plus pour être nombreux dans la rue le 7 septembre » (Lutte Ouvrière, 13 août).

Les mesures proposées par la gauche contre les attaques du gouvernement font l’effet d’une goutte d’eau à un moment où le gouvernement essaie de parachever la destruction des acquis chèrement arrachés par la classe ouvrière depuis 50 ans. Le système capitaliste n’a pas pour objet de mettre à la disposition du peuple les objets et services dont il a besoin ; il fonctionne uniquement pour le profit, accaparé par les capitalistes sur la base de leurs titres de propriété sur les moyens de production. Si le capitaliste ne licencie pas ou ne réduit pas les salaires ou les retraites, son taux de profit reculera au point qu’il perdra la confiance des marchés financiers, etc. ; le capitaliste jurera qu’il n’agit pas le moins du monde par misanthropie, d’ailleurs lui-même participe de sa poche aux œuvres de charité de l’église locale et du comité d’entreprise, mais que s’il n’attaque pas les travailleurs c’est toute l’entreprise qui fera faillite.

Le système capitaliste aujourd’hui refuse même la retraite à des travailleurs qui sont depuis longtemps usés jusqu’au bout par une vie d’exploitation. Et il démantèle le système de santé en le rendant inabordable aux travailleurs, financièrement et même physiquement avec les fermetures massives d’établissements hospitaliers et la diminution du nombre de médecins. Pour assurer sa survie, la classe ouvrière doit avancer toute une série de revendications comme le partage du travail entre toutes les mains valides, donc avec diminution du temps de travail et de l’âge de la retraite, sans perte de salaire. Il faut des investissements massifs dans le système de santé, y compris l’embauche de milliers d’infirmières et autres personnels indispensables à des soins gratuits et de qualité, accessibles à tous. Les femmes sont parmi les premières victimes de la crise et des attaques contre les retraites et la santé ; il faut en particulier rouvrir les centaines de maternités et de centres d’IVG qui ont été fermés ces dernières années, et en créer de nouveaux dans les quartiers ouvriers !

Ce n’est là qu’une petite partie de toute une série de revendications indispensables à la classe ouvrière. Les capitalistes diront qu’ils sont incapables de les satisfaire. Eh bien, comme le disait le révolutionnaire russe Léon Trotsky, que ce système périsse ! Le Programme de transition trotskyste, formé d’un ensemble de telles revendications, a pour objectif non pas d’adresser des suppliques auprès du parlement ou du gouvernement capitaliste, mais de montrer à la classe ouvrière la nécessité d’airain de renverser tout ce système par la révolution socialiste et l’établissement d’une économie nationalisée et planifiée, et de montrer la voie dans cette direction. Comme le montrent nos camarades allemands dans l’article en dernière page de ce numéro, cette lutte doit être indissolublement liée à une perspective internationaliste, pour les Etats-Unis socialistes d’Europe.