Le Bolchévik nº 189 |
Septembre 2009 |
A bas la persécution des militants de l’ETA !
Libération immédiate des militants nationalistes basques, au Sud et au Nord des Pyrénées !
Pour le droit à l’autodétermination du peuple basque !
Paris, le 2 septembre Le 19 août, Alberto Machain Beraza, Beraza Aitzol Etxaburu et Andoni Sarasola ont été arrêtés en Savoie lors d’une opération conjointe des flics français et espagnols. Tous trois sont soupçonnés d’appartenir au groupe indépendantiste basque Euskadi Ta Askatasuna (Patrie basque et liberté, ETA) et de lui avoir fourni des armes et des explosifs. Actuellement 172 personnes sont emprisonnées en France dans le cadre de la répression du mouvement nationaliste basque (le Figaro, 1er septembre). L’Etat français se targue d’avoir livré depuis le début de l’année 15 autres militants à la police espagnole du gouvernement social-démocrate de José Luis Zapatero ; ils sont venus grossir les rangs des centaines de prisonniers politiques qui croupissent aujourd’hui dans les prisons espagnoles ; en février 2008 il y avait d’après le journal nationaliste basque Gara (25 mars 2008) 739 prisonniers nationalistes basques en France et en Espagne, pour une population de peut-être deux millions de Basques ; il faut remonter à 1969, au plus sombre des années du franquisme, pour trouver un chiffre équivalent ! Nous exigeons la libération immédiate de tous les militants nationalistes basques et la levée des poursuites contre eux !
Ces arrestations surviennent quelques semaines après plusieurs attentats notamment contre une caserne de gardes civils espagnols où deux gardes civils ont trouvé la mort et par ailleurs, sans faire de victime, contre le siège du Parti socialiste à Durango ainsi que contre des installations touristiques à Majorque. Ces attaques montrent que, malgré les rodomontades des flics français et espagnols, l’ETA, qui existe depuis maintenant 50 ans, est loin d’avoir été démantelée. Le mouvement nationaliste lutte contre une oppression nationale de plus en plus féroce. L’organisation politique Batasuna, présentée comme la vitrine politique de l’ETA, est interdite dans toute l’Europe, et toute organisation soupçonnée de lui être apparentée ou de ne pas lui être hostile est régulièrement interdite et ses listes électorales sont écartées des scrutins « démocratiques » espagnols.
La Cour européenne des droits de l’homme vient d’accorder officiellement son soutien à ces mesures d’Etat policier, les qualifiant de « besoin social impérieux » et « nécessaire dans une démocratie » (el País, 1er juillet). On ne peut montrer plus clairement que la démocratie capitaliste n’est qu’un voile parlementaire commode pour masquer la dictature de la classe capitaliste sur les travailleurs et les opprimés. Les « droits de l’homme », c’est le droit de la classe capitaliste d’exploiter la classe ouvrière et d’envoyer ses flics contre ceux qu’elle déclare représenter un danger pour sa domination. Face à la répression des Etats capitalistes espagnol et français, le mouvement ouvrier doit s’opposer à l’interdiction des organisations nationalistes et lutter pour le droit d’autodétermination du peuple basque. C’est le seul antidote au poison chauvin qui divise les travailleurs basques et non basques et qui est crucial à la bourgeoisie espagnole pour perpétuer son système capitaliste d’oppression.
Suite aux dernières arrestations le flic en chef espagnol, le social-démocrate Alfredo Pérez Rubalcaba, est venu à Paris le 26 août pour célébrer avec le nouveau ministre des flics français Brice Hortefeux la collaboration policière entre la France et l’Espagne. Cette collaboration avait été cimentée dans le sang dans les années 1980 sous les gouvernements sociaux-démocrates de Mitterrand et Felipe González, avec la formation d’escadrons de la mort, les GAL, qui ont assassiné au moins 27 nationalistes basques présumés. Cette collaboration s’est poursuivie fructueusement depuis, y compris sous le gouvernement Jospin-Buffet-Mélenchon il y a une dizaine d’années. Aujourd’hui elle vise non seulement les nationalistes basques mais aussi notamment les travailleurs sans papiers qui ont réussi à passer en Espagne depuis l’Afrique au péril de leur vie et qui essaient de remonter vers le reste de l’Europe. Les mesures se multiplient pour expulser les travailleurs immigrés, y compris ceux qui avaient légalisé leur résidence. Nous exigeons, en Espagne et en France : Pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés ! A bas les déportations !
Lors du sommet policier du 26 août, Rubalcaba a notamment insisté que la persécution de l’ETA est « le problème le plus important en Espagne en ce moment » (vidéo de sa conférence de presse sur www.interieur.gouv.fr). Et cela au moment où la crise économique dévaste l’Espagne avec une violence encore pire que dans la plupart des pays d’Europe ! Il y a officiellement près de 4 millions de chômeurs en Espagne, un cinquième de la population active. La déclaration de Rubalcaba sert d’exemple pour montrer comment la bourgeoisie espagnole utilise la répression contre le peuple basque afin de faire des Basques le bouc émissaire de la crise capitaliste et ainsi empêcher toute mobilisation prolétarienne face aux plans de licenciements massifs et aux expulsions de leur logement de ménages surendettés. C’est un exemple classique de comment la bourgeoisie divise pour mieux régner. Aussi, il est indispensable pour l’unité révolutionnaire du prolétariat en Espagne et des deux côtés des Pyrénées que le mouvement ouvrier se mobilise en défense du peuple basque et défende son droit à l’autodétermination, allant y compris jusqu’à l’indépendance, vis-à-vis de l’Espagne et/ou de la France. Mais la gauche réformiste espagnole, totalement dévouée à la défense des intérêts de sa propre bourgeoisie capitaliste, se retrouve ouvertement ou implicitement du côté de sa propre bourgeoisie et du gouvernement social-démocrate contre les militants nationalistes basques.
Quant à l’ETA, en déposant de façon criminelle des bombes dans des restaurants et autres installations touristiques (le tourisme étant un pilier de l’économie du pays qui fournit une proportion importante des emplois), elle vise potentiellement n’importe qui. Le 30 décembre 2006 ce sont deux jeunes immigrés équatoriens qui ont ainsi été tués lors d’un attentat revendiqué par l’ETA à l’aéroport de Madrid. En déchaînant la violence entre les peuples, l’ETA alimente les peurs et les haines de tous les nationalismes et aide les réformistes espagnols à souder la classe ouvrière non basque derrière la bourgeoisie espagnole. Ce que veulent simplement les nationalistes basques, c’est la formation d’un Etat national basque séparé (par rapport aux oppresseurs espagnol et français), un Etat bourgeois défendant les intérêts spécifiques de la bourgeoisie basque à l’étranger et au Pays basque lui-même contre les travailleurs basques et issus de l’immigration vers ce pays.
L’enlèvement et l’exécution de flics, de politiciens bourgeois et de patrons d’industrie ne sont pas des crimes contre la classe ouvrière, mais ce sont des actes vains qui découlent aussi de la perspective nationaliste des militants de l’ETA, à l’opposé d’une stratégie de mobilisation de la masse des opprimés (notamment dans ce cas ceux de nationalité espagnole ou catalane) et à la perspective de révolutions socialistes des deux côtés des Pyrénées. En tant que marxistes-léninistes, nous nous opposons à la stratégie petite-bourgeoise du terrorisme individuel dans la lutte contre l’oppression capitaliste : nous partons du point de vue des intérêts historiques du prolétariat, qui sous le capitalisme est la seule classe sociale à détenir la puissance sociale pour renverser le système capitaliste en raison de ses rapports avec les moyens de production. Néanmoins, quand les opprimés agissent contre la bourgeoisie et son Etat, nous prenons leur défense contre la répression des capitalistes.
Le mouvement ouvrier doit défendre les nationalistes basques face à la répression qu’ils subissent, tout en s’opposant à leur idéologie. Derrière la répression au Pays basque, c’est le mouvement ouvrier multiethnique dans son ensemble que la bourgeoisie s’attache à diviser. Dans une région où la polarisation sur des lignes nationales peut mobiliser des dizaines de milliers de personnes dans des manifestations soit pour, soit contre les droits des Basques, la lutte doit être menée par une avant-garde prolétarienne luttant activement contre l’oppression nationale. Sans cet élément crucial, la puissance historique de l’idéologie du nationalisme, le poids énorme de l’oppression nationale brutale et le social-chauvinisme de la gauche française et espagnole se combinent pour pousser des ouvriers basques dans les bras des nationalistes basques, qui sont aujourd’hui la force principale dans les syndicats de la région (voir notamment notre article sur la question basque dans le Bolchévik n° 146).
La gauche réformiste française, pour commencer, considère la question basque comme un problème exclusivement espagnol ; elle défend ainsi implicitement l’unicité et l’indivisibilité de la république capitaliste française (alors même que lors des dernières élections européennes il y a quelques mois près de 10 000 voix se sont portées sur des listes nationalistes dans les Pyrénées-Atlantiques). Lutte ouvrière met sur le même plan la terreur du gouvernement capitaliste espagnol dirigé par les sociaux-démocrates et les attentats de l’ETA : « La politique de l’ETA, qui considère dans les faits tous les Espagnols, y compris les travailleurs, comme des adversaires, est évidemment criminelle. Mais elle n’est pas la seule à semer la confusion au sein de la classe ouvrière espagnole. Celle de la gauche espagnole, dont la seule ambition est de gérer au gouvernement les affaires de la bourgeoisie, et qui n’en finit pas de s’aligner sur une droite lourdement marquée par l’héritage franquiste, aboutit aux mêmes conséquences » (Lutte de Classe n° 104, avril 2007). Les réformistes de Lutte ouvrière sont bien connus pour leurs capitulations aux campagnes « antiterroristes » de la bourgeoisie, ce qui se traduit notamment dans leur refus de s’opposer au quadrillage policier raciste des gares et aéroports français sous le plan Vigipirate.
Quant au NPA d’Olivier Besancenot et Alain Krivine, il n’a à notre connaissance jamais pris position sur la question basque. Son incarnation précédente, la « Ligue communiste révolutionnaire », avait publié le 1er février 2007 dans Rouge un article disant notamment : « Les autres gauches basques doivent convaincre la gauche abertzale [nationaliste] que, si l'ETA doit abandonner les armes, ce n'est [pas] parce que l'État espagnol l'exige comme condition pour renouer le dialogue, mais parce que cet abandon est indispensable pour articuler une alliance démocratique pour l'autodétermination nationale, laquelle seule permettra de transformer en mobilisation citoyenne ce qui est aujourd'hui un sentiment majoritaire dans la société basque. » Même s’ils revendiquent occasionnellement la libération de certains militants basques, ils veulent en réalité désarmer les militants basques au nom de la « démocratie » capitaliste qui justement opprime les Basques. Il y a 36 ans les camarades espagnols de Krivine se liquidaient au Pays basque dans une branche du nationalisme basque issue de la mouvance politique de l’ETA. Aujourd’hui ils capitulent directement devant l’Etat capitaliste espagnol postfranquiste.
Les luttes ouvrières des années 1930 et des années 1970 en Espagne ont montré que la solution à la question nationale dans ce pays est inextricablement liée à la lutte pour le pouvoir ouvrier dans toute la péninsule. Nous luttons pour construire un parti ouvrier léniniste d’avant-garde défendant le droit d’autodétermination des Basques, des deux côtés des Pyrénées. Seul un tel parti sera en mesure d’unir les Basques et les Catalans aux ouvriers de tout le pays, et au-delà des Pyrénées en France, dans une lutte commune pour la révolution ouvrière qui, en Espagne, balaiera l’héritage du franquisme en renversant la bourgeoisie espagnole, y compris ses composantes basque et catalane, et en constituant un gouvernement ouvrier. A bas la chasse aux sorcières contre les nationalistes basques ! Pour des partis trotskystes en Espagne et en France, parties intégrantes d’une Quatrième Internationale reforgée !