Le Bolchévik nº 189

Septembre 2009

 

Pour un parti ouvrier révolutionnaire qui se batte pour la révolution socialiste !

Capitalisme en crise : la matraque pour les ouvriers et les opprimés

Le mouvement ouvrier doit protester contre la répression qui frappe les jeunes de banlieue – A bas l’interdiction raciste du hidjeb et de la burqa !

Alors même que ferment les usines l’une après l’autre et que pleuvent les licenciements, le gouvernement et les médias bourgeois prétendent que la crise économique touche à sa fin et que la France s’en est bien sortie dans cette crise internationale. Allez dire cela aux milliers de travailleurs qui ont déjà perdu leur emploi ou sont en train de le perdre. Allez le dire à ceux qui subissent le chômage partiel ou à ceux qui ne peuvent plus payer leurs traites ou leur loyer, aux millions de personnes touchées par les coupes sombres du gouvernement dans les retraites, la santé, les conditions de travail, etc. !

Les statistiques officielles montrent que ce sont les jeunes qui sont les plus frappés par la crise. 24 % des jeunes de 15 à 24 ans, et le chiffre est encore plus élevé pour les hommes, sont maintenant sans emploi. Dans les quartiers pauvres où l’oppression raciste et de classe s’y ajoute, le chiffre approche ou dépasse les 50 %. Il n’est pas facile de trouver des chiffres pour le chômage dans les banlieues, mais d’après un rapport gouvernemental le nombre de personnes à la recherche d’un emploi vivant dans les « zones urbaines sensibles » avait augmenté en janvier 2009 de 57 % sur un an, et de 100 % pour les jeunes « plus qualifiés » (Mediapart, 21 mars).

De nombreux jeunes dans les cités-ghettos sont les descendants des immigrés qui ont créé les richesses du pays après la Deuxième Guerre mondiale, les travailleurs les plus exploités et les moins payés. Mais ces jeunes aujourd’hui, contrairement à leurs parents ou grands-parents, ne trouvent plus de travail et ils ont peu de chances d’obtenir un emploi stable en cette période de déclin impérialiste. Beaucoup des usines où avaient travaillé leurs parents sont fermées depuis longtemps ou ont vu leurs effectifs dramatiquement réduits ; même l’intérim est en chute libre.

La bourgeoisie utilisait autrefois les immigrés et leurs enfants comme armée de réserve de chômeurs ; elle essayait ainsi de tirer les salaires vers le bas et menaçait ceux qui avaient un emploi de les remplacer sans difficulté ; aujourd’hui les queues au « Pôle emploi » sont si longues que les capitalistes ne pensent plus avoir besoin de ces travailleurs. Les jeunes d’origine immigrée à la deuxième ou troisième génération deviennent aux yeux des capitalistes une population excédentaire inutile. On voit ainsi le gouvernement tailler dans le budget de l’éducation, supprimant des dizaines de milliers de postes d’enseignants ainsi que les programmes d’aide scolaire individualisée.

Vu le désespoir et la colère qui règnent parmi les jeunes dans les quartiers, pour qui le capitalisme ne prévoit que le chômage ou la prison, la bourgeoisie craint une nouvelle explosion à l’échelle de la révolte de l’automne 2005. Elle craint aussi, à juste titre, qu’une telle révolte ne provoque une riposte plus large de la part de la classe ouvrière multiethnique et des pauvres contre les capitalistes et leurs gouvernements – qu’ils soient de droite ou de gauche. Face au spectre de la révolte la réponse du gouvernement est toujours la même : plus de répression dans les banlieues, plus de raids au petit matin de centaines de flics en tenue de combat bouclant des quartiers entiers, plus de harcèlement quotidien.

Parmi les nouvelles lois qui risquent d’être mises en œuvre d’ici l’année prochaine pour criminaliser et emprisonner les jeunes, si les luttes ne l’empêchent pas, il y a le nouveau code pénal pour les mineurs. Les conseillers policiers du gouvernement ont recommandé l’emprisonnement dès l’âge de dix ans ; actuellement la proposition est de 13 ans avec accélération des procédures conduisant à l’emprisonnement des jeunes. En dessous de 13 ans l’Etat peut déjà envoyer les enfants dans des centres « ouverts » ; les enfants de sans-papiers peuvent être mis derrière les barreaux dès l’âge du berceau dans onze camps de rétention. D’après le ministre de l’Immigration Besson c’est dans l’intérêt de l’« unité familiale ». L’Etat dépense l’argent pour enfermer les jeunes au lieu de les éduquer : c’est dire la dépravation du système capitaliste, mais c’est ainsi que la bourgeoisie française voit les choses afin de préserver son système.

Le ministère de l’« Education » a son propre programme de répression. Le ministre sortant, Xavier Darcos, a proposé une nouvelle force policière consacrée aux écoles avec « les moyens juridiques et matériels d’agir », c’est-à-dire l’autorisation de fouiller le sac d’école des enfants et d’envoyer ceux-ci directement au commissariat. On risque de voir de plus en plus souvent ce qui s’est passé à Floirac, près de Bordeaux, en mai dernier : six flics ont fait une descente dans une école primaire pour arrêter deux enfants de six et dix ans en les accusant à tort d’avoir volé une bicyclette ; ils les ont amenés au poste de police et les ont interrogés pendant deux heures avant de les relâcher. La mère de l’un des garçons exprimait très bien l’hypocrisie de cette classe dirigeante qui se berce de grands mots d’égalité, de fraternité et de liberté tout en écrasant les travailleurs, les pauvres et les opprimés : « Où est-on ? En France, pays des droits de l'homme ? Bientôt ils vont venir chercher nos enfants à la crèche ! » (la Dépêche, 22 mai).

Toutes ces propositions viendraient s’ajouter à l’arsenal étatique déjà en vigueur, sans compter la loi « contre les gangs » d’Estrosi approuvée par le parlement fin juin. Cette loi crée une nouvelle infraction, la participation à un groupe avec l’intention de soi-disant commettre un acte violent, qui serait punissable d’une amende de 45 000 euros et de trois ans d’emprisonnement. Si les pensées sont répréhensibles, l’Etat n’a plus besoin de fournir aucune preuve matérielle de culpabilité ; on peut voir que cela s’appliquera non seulement contre les jeunes mais contre tout opposant au système, notamment les grévistes qui menacent directement les profits des patrons.

Seule la classe ouvrière a la puissance sociale pour en finir avec l’oppression capitaliste

Les jeunes de banlieue, quand ils sont à l’école, à l’université ou au chômage, n’ont pas la puissance sociale pour imposer des changements substantiels. La révolte de 2005, qui avait été provoquée par la mort de Ziad Benna et Bouna Traoré, tués alors qu’ils fuyaient une rafle policière, a mis à nu l’oppression raciste et de classe que subissent les jeunes de banlieue, mais elle n’a apporté aucune amélioration aux conditions de vie des jeunes ; elle a au contraire été suivie d’une répression accrue. Nous sommes marxistes : nous insistons que seule la classe ouvrière, du fait de son rôle dans la production, est en mesure de retirer sa force de travail en faisant grève, et ainsi de fermer le robinet des profits capitalistes. C’est cela qui donne à la classe ouvrière le potentiel pour prendre la tête de tous les opprimés afin de détruire le système capitaliste par une révolution socialiste, mettre la main sur les moyens de production et construire une économie socialisée et planifiée au niveau international, ayant pour but de satisfaire les besoins humains et non de produire des profits.

Malgré la crise, les travailleurs d’origine immigrée, y compris des jeunes ouvriers des banlieues, occupent toujours une place importante dans le prolétariat industriel ainsi que dans la construction, les transports urbains, etc. Ce sont ces travailleurs qui en général ont le moins d’illusions dans la « démocratie » républicaine française ; ils joueront un rôle spécial, disproportionné, dans la future avant-garde prolétarienne. Il faut combattre les attaques de la bourgeoisie, notamment sa politique d’alimenter l’« unité nationale » contre les jeunes des minorités et ainsi de diviser le prolétariat pour mieux régner ; pour cela, tout le mouvement ouvrier doit se mobiliser pour les défendre. Il doit aussi se mobiliser en défense des travailleurs des Antilles et de Nouvelle-Calédonie qui font face à une répression coloniale sans précédent depuis des années (voir page 2 de ce numéro ainsi que notre article dans le Bolchévik de mars sur la grève générale de février en Guadeloupe).

Cette perspective exige une lutte politique contre la direction actuelle des syndicats ; celle-ci a pour rôle d’imposer la paix de classe, de supprimer la lutte de classe. Il faut forger une direction révolutionnaire, notamment en s’opposant à la bureaucratie qui distille dans les syndicats l’arriération raciste, le chauvinisme et le protectionnisme – comme l’unité des chefs de la CGT derrière Sarkozy pour une politique industrielle en France, c’est-à-dire défendre les unités de production capitaliste dans l’Hexagone au lieu de défendre les intérêts des travailleurs ici et ailleurs. Une telle direction lutterait pour syndiquer les non-syndiqués, y compris les jeunes en contrat précaire et les sans-papiers, et elle mettrait en avant le mot d’ordre élémentaire à travail égal salaire égal. Elle défendrait les femmes et les minorités contre la discrimination et se battrait pour les pleins droits de citoyenneté pour tous ceux qui sont ici. La classe ouvrière de France ne peut se défendre et en fin de compte se libérer que si elle prend aussi en main la lutte pour briser les chaînes de l’oppression raciste.

Les bureaucrates de la CGT expulsent manu militari les sans-papiers de la Bourse du travail

L’expulsion des sans-papiers de la Bourse du travail à Paris par les bureaucrates de la CGT est contraire à cette perspective. Cette expulsion scandaleuse et brutale fin juin ne servait qu’à faciliter les projets racistes du gouvernement et à discréditer encore davantage les syndicats parmi les travailleurs immigrés. D’après la Coordination des sans-papiers (CSP 75), neuf personnes, y compris un enfant de trois ans, ont été envoyées aux urgences suite à l’expulsion.

L’occupation de la Bourse du travail, qui a duré 14 mois, avait commencé suite à la mobilisation initiale de la CGT pour les sans-papiers mi-avril 2008, qui a permis d’obtenir des titres de séjour temporaires pour un certain nombre de travailleurs. Sur la base de ce premier succès, d’autres travailleurs sans papiers isolés sont également allés déposer leur dossier en préfecture. Celle-ci leur a dit d’aller voir la CGT. Comme nous l’écrivions dans le Bolchévik en juin 2008 : « Mais les bureaucrates à la tête de la CGT, au lieu de prendre la direction de la lutte pour les droits de ces travailleurs, ont tout bonnement dit aux sans-papiers d’aller se faire voir ! Les bureaucrates refusaient de prendre la défense de ces travailleurs sans papiers parce que, dans les faits, la CGT avait passé un accord avec l’Etat bourgeois, acceptant de limiter la mobilisation aux 1 000 premiers sans-papiers mobilisés le 15 avril ! » Nous mettions en garde que « tôt ou tard les bureaucrates syndicaux risquent de faire appel aux flics pour chasser les sans-papiers de la Bourse du travail, comme ils l’avaient déjà fait à Paris le 6 avril 2007 ». En fin de compte les gros bras du syndicat ont fait le sale travail eux-mêmes, sans l’aide des flics.

Mais une partie du PCF, ainsi que Lutte ouvrière (LO), ont pris là-dessus la défense des bureaucrates ! LO écrivait : « après de multiples tentatives de conciliation pour faire libérer pacifiquement les locaux syndicaux, des militants CGT ont évacué de force les travailleurs sans papiers […]. L'occupation de la Bourse du Travail, qui empêchait l'utilisation normale de ses salles de réunion, était une impasse allant à l'encontre de l'intérêt et de la lutte des sans-papiers et a considérablement affaibli l'engagement des soutiens sur Paris » (Lutte Ouvrière, 3 juillet).

Cette action de la bureaucratie syndicale n’est pas une aberration, ni la défense qu’en fait LO et qui montre qu’un nombre croissant de militants de LO sont devenus eux-mêmes des bureaucrates syndicaux. Ce qui détermine le programme politique des bureaucrates, c’est qu’ils se basent sur une couche de travailleurs relativement bien payés qui, avec l’âge, l’ancienneté et la qualification, deviennent plus conservateurs. De plus les patrons jettent aux bureaucrates quelques miettes (et la nouvelle loi de Sarkozy sur la représentativité syndicale garantit des miettes supplémentaires aux appareils de la CGT et de la CFDT). Tout cela conduit la bureaucratie syndicale à identifier ses intérêts à ceux de ses propres capitalistes et contre leurs rivaux étrangers. Selon l’expression qu’appréciait Lénine, le dirigeant de la Révolution russe, ils agissent comme des « lieutenants ouvriers du capital ».

En période de guerre ou de crise économique, les rivalités s’aiguisent entre les puissances impérialistes. C’est alors que la collaboration des bureaucrates avec les patrons, et leur servilité envers eux deviennent encore plus grotesques, comme on le voit aujourd’hui avec Thibault et Cie. Depuis le début de la crise en septembre 2008, la réponse des bureaucrates a été en tout et pour tout de convoquer quatre « journées d’action » en douze mois, en laissant aux fédérations ou aux sections d’entreprise le choix d’appeler ou non à la grève. La dernière de ces journées a eu lieu le 13 juin, un samedi. Tout cela s’ajoute pour démoraliser et démobiliser les travailleurs, au goût de Sarkozy et de ses chefs capitalistes.

Avec la crise économique le chômage monte en flèche et de plus en plus de familles, de jeunes et de personnes âgées doivent mener une lutte quotidienne pour la survie. Pour combattre la catastrophe du chômage, les travailleurs doivent mobiliser leur puissance sociale en mettant en avant des revendications essentielles, à commencer par la réduction de la durée de travail sans perte de salaire ; il faut répartir le travail entre toutes les mains. Les salaires doivent suivre l’augmentation des prix. Il faut un programme massif de travaux publics, avec des grilles de salaires au taux syndical, pour reconstruire les infrastructures qui se dégradent et pour construire des logements sociaux de qualité, en particulier dans les cités-ghettos où même les infrastructures de base comme les liaisons en transport en commun vers les centres-villes sont minimales, ce qui renforce l’isolement et accroît les difficultés quotidiennes. Il faut aussi lutter contre la discrimination raciste à l’embauche, dans le secteur public comme dans le secteur privé, et il faut combattre les nouvelles attaques contre le système de santé, l’enseignement et les retraites. Les travailleurs doivent exiger que les capitalistes ouvrent leurs livres de compte, ce qui montrera à tous comment les capitalistes exploitent, volent et fraudent, et dévoilera les escroqueries des banques.

Ces revendications ont été développées dans le Programme de transition de 1938, le document de fondation de la Quatrième Internationale. Les capitalistes ne voudront pas céder sur ces revendications, car ils comptent au plus juste ce qu’il faut payer pour maintenir les travailleurs en état de se faire exploiter. Même pour ces revendications essentielles à la survie du prolétariat, la classe ouvrière a besoin d’une direction lutte de classe qui s’engage à lutter pour en finir une bonne fois pour toutes avec l’exploitation capitaliste.

Gouvernement « de gauche » : un front populaire qui continuerait le sale travail d’administrer le capitalisme

Les dirigeants syndicaux utilisent les « journées d’action » pour aider à redorer le blason du PS et du PC qui luttent pour reconstituer un bloc crédible lors des prochaines élections. Le NPA et LO ont joué aussi leur rôle pour aider à légitimer les prétentions nouvelles du PS à apporter son « appui du mouvement social » lorsqu’ils ont signé une déclaration commune d’« unité dans la lutte » avec le PS, le PC, les chevènementistes et diverses associations féministes et écologistes petites-bourgeoises au lendemain de la journée d’action du 29 janvier. Depuis les élections européennes avec la débâcle du PS et le score peu encourageant du NPA, les magouilles ont commencé pour les élections régionales. Pour les réformistes, toutes les élections mènent à 2012 ; leur objectif est de « battre la droite » en installant un gouvernement capitaliste « de gauche », une alliance de front populaire s’étendant du PS, du Parti de gauche et du PCF aux partis bourgeois, y compris les Verts, les chevènementistes et les Radicaux de gauche. Comme le disait Lénine dans l’Etat et la révolution : « Décider périodiquement, pour un certain nombre d’années, quel membre de la classe dirigeante foulera aux pieds, écrasera le peuple au Parlement, telle est l’essence véritable du parlementarisme bourgeois. »

Un tel gouvernement ferait tout comme avant lui ceux de Jospin-Buffet-Mélenchon ou de l’Union de la gauche de Mitterrand : il administrerait l’Etat capitaliste raciste français en protégeant les intérêts des entreprises françaises contre leurs rivales étrangères – tout cela au détriment des travailleurs. C’est le gouvernement Jospin qui avait fait plus de privatisations que tous les gouvernements de droite précédents, y compris celle d’Air France, et qui a expulsé des milliers de travailleurs sans papiers et lancé des attaques racistes contre les jeunes de banlieue, que le ministre des flics Chevènement appelait des « sauvageons ». C’est ce qui a pavé la voie au score de Le Pen en 2002 et au retour de la droite. Le front populaire, depuis Juin 36 lorsque le PCF avait bradé le potentiel pour une révolution ouvrière, est en France le mécanisme classique de subordination de la classe ouvrière à ses exploiteurs capitalistes.

NPA et LO : obstacles à la révolution ouvrière

Quant au NPA, il continue à prendre des airs de combativité en se prétendant « indépendant du PS » et en refusant en ce moment de se joindre à un gouvernement capitaliste « de gauche », ce qui dans sa bouche n’est qu’opportunisme hypocrite. Lors des négociations en juillet avec le PC pour discuter les manœuvres électorales pour les régionales, le NPA a déclaré : « Au second tour, ces listes unitaires auront la volonté de battre la droite et pour cela pourront être amenées à faire des “fusions techniques” des listes de gauches sauf en cas de présence du Modem » ; autrement dit ils appelleront une nouvelle fois à soutenir, par leur vote et leur participation, des listes de front populaire pour administrer le capitalisme dans les régions. Pour les marxistes, le terme « la gauche » n’a aucune signification de classe. Parmi les partis « de gauche » pour lesquels le NPA est prêt à voter, il y a aussi des partis bourgeois comme les Verts, les Radicaux de gauche, etc., qui n’ont jamais prétendu agir dans l’intérêt de la classe ouvrière. Ils n’ont aucun lien avec les syndicats et ils défendent les intérêts de la bourgeoisie française. Quant au PS et au PCF, ils ont encore des liens avec les syndicats (des liens qui ont toujours été ténus pour le PS, et le sont de plus en plus) et demeurent des partis sociaux-démocrates, mais ils se présentent aussi avec un programme bourgeois pour gérer le capitalisme et nous n’aurions aucune base pour voter pour eux même s’ils se présentaient aujourd’hui indépendamment de leurs partenaires bourgeois.

Si le NPA refuse aujourd’hui de prendre part à un exécutif capitaliste national ou régional « de gauche », c’est afin de donner une couverture de gauche plus efficace à un tel exécutif. Le NPA agirait de l’extérieur comme opposition loyale, offrant des conseils et des critiques sur comment « leur » gouvernement pourrait mieux servir les ouvriers et s’engageant à ne pas le faire tomber (leur journal Tout est à nous du 3 septembre précise que « nous ne prendrons aucune responsabilité dans une victoire de la droite aux prochaines élections »).

Ils disent qu’ils sont et resteront blancs comme neige par rapport au MoDem, mais encore une fois il faut les juger à leurs actes. Dès que le premier tour des élections municipales était passé à Marseille et que le PS venait de fusionner ses listes avec le MoDem, la LCR (l’incarnation antérieure du NPA) a appelé à infliger « une défaite à la droite ». Leur liste locale « Marseille contre-attaque à gauche » a publié un communiqué qui « réaffirme l’intérêt qu’aurait au plan national la défaite dimanche prochain de Jean-Claude Gaudin, n° 2 de l’UMP », c’est-à-dire qu’ils appelaient à voter au second tour pour la liste PS-MoDem dont s’était retirée LO.

Le NPA a dès sa fondation dénoncé toute prétention au trotskysme et à se revendiquer de la Révolution russe d’octobre 1917. Du coup Lutte ouvrière se fabrique depuis un vernis de gauche et se présente comme les derniers communistes. Mais ce vernis ne peut cacher leur vraie nature réformiste sur les questions clés de l’Etat capitaliste et de la gestion du capitalisme. Lors des municipales de 2008, LO, qui venait de voter Royal « sans réserve mais sans illusion », a pris part à des dizaines de listes communes avec le PCF et le marais du front populaire. Ils ont ainsi gagné plusieurs dizaines de conseillers municipaux, dont leur principale porte-parole nationale Nathalie Arthaud, élue à Vaulx-en-Velin près de Lyon. Ils font maintenant partie de majorités municipales qui gèrent le capitalisme et sa pénurie de logements et de services sociaux ; ils doivent prendre la responsabilité pour la discrimination raciste que pratiquent ces municipalités afin de partager un gâteau qui s’amenuise constamment. Les élus de LO ont récemment voté le budget municipal de 2009-2010, ce qui comprend selon les municipalités des augmentations d’impôts, la privatisation de services publics, des flics supplémentaires pour terroriser les jeunes et les minorités, etc.

A Bagnolet Jean-Pierre Mercier, dirigeant de LO et bureaucrate CGT à l’usine PSA d’Aulnay, fait partie de la majorité municipale du maire PCF, Marc Everbecq. La municipalité d’Everbecq fait campagne depuis au moins 2004 pour plus de flics à Bagnolet et dans les villes avoisinantes. Elle a distribué une déclaration insistant : « Elus locaux, nous assumons nos responsabilités devant les habitants de nos communes. L’Etat doit prendre les siennes par une augmentation significative des effectifs de notre commissariat et le rétablissement de la police de proximité. » Une nouvelle pétition a été lancée cet été, juste avant la mort tragique de Yacou Sanogo, un jeune de 18 ans mort en fuyant une poursuite policière. Dans les jours qui ont suivi la mort de Yacou, la seule mesure qu’ait proposée Everbecq face à ce qu’il appelait « un profond malaise » parmi les jeunes de Bagnolet a été plus de flics municipaux. Il disait que ces flics combattraient non seulement « la criminalité et la délinquance » mais aussi qu’ils offriraient un « volet préventif » (l’Humanité, 11 août).

A notre connaissance, et à la lecture des procès-verbaux des réunions du conseil municipal disponibles à Bagnolet, Mercier n’a jamais prononcé le moindre mot contre la campagne de la majorité municipale pour plus de flics. En effet, la position de LO n’est au fond pas différente de celle de son maire PCF. LO a, à de nombreuses reprises, critiqué de la droite la croisade de Sarkozy contre les jeunes de banlieue, l’accusant en substance de faire semblant au lieu d’y aller vraiment au Kärcher. Le plus récent de ces articles a pour titre « Sarkozy, Hortefeux et insécurité – Ni les discours ni les problèmes ne changent » ; LO écrit : « Quoique ce fût son cheval de bataille lorsqu’il était ministre de l’Interieur […] la délinquance ne recule pas, même pas dans les statistiques officielles, c’est dire. […] Alors la prétendue lutte de Sarkozy contre l’insécurité restera ce qu’elle est, une campagne publicitaire » (Lutte Ouvrière, 4 septembre).

L’Etat ne sert pas « le peuple » dans son entier. Les exploités et les opprimés ne peuvent pas l’utiliser dans leur propre intérêt. C’est une machine pour l’oppression d’une classe par une autre, une machine répressive qui se compose de soldats, de flics, de tribunaux et de prisons dont la raison d’être est de défendre la domination de classe et les profits des capitalistes contre ceux que ces derniers exploitent. Flics, matons, agents de sécurité, hors des syndicats !

Le maire PCF André Gérin se met à la tête d’une campagne raciste anti-burqa

LO a aussi une élue à Vénissieux en banlieue lyonnaise, une ville dirigée par le maire PCF André Gérin. Gérin avait placé Marie-Christine Seeman de LO en quatrième position sur sa liste, pour être « inclusif » vis-à-vis de ces soi-disant « communistes ». Pour se faire une idée de ce que cela veut dire de vivre en tant que personne d’origine immigrée dans la municipalité de Gérin, il suffit de lire son pamphlet de 2006 les Ghettos de la République, préfacé par un autre réactionnaire raciste, Eric Raoult (maire UMP du Raincy en banlieue parisienne). Gérin s’y vante d’avoir pendant des années exigé du préfet qu’il déporte les familles « à problème » d’origine étrangère, et il explique comment il a cherché à introduire le couvre-feu pour les moins de douze ans et demandé des lois contre l’islamisme au nom de la « résistance républicaine » à la « marée noire » qui menace la France.

Gérin est coutumier de la provocation raciste, ce qui lui a valu les félicitations de fascistes déclarés. Dans son livre il soutient Jacques Chirac et son infâme déclaration sur « le bruit et l’odeur » des familles d’origine immigrée : « il n’avait dit que la vérité. Mais nous étions incapables de l’entendre. » Pour Gérin « les germes d’une guerre civile » menacent, dus aux « différences culturelles entre le monde judéo-chrétien et le monde islamique » et au fait que « tout ce qui est républicain est contesté et un sentiment anti-France se développe ».

Le fait que Gérin demeure un dirigeant du PCF (« orthodoxe » !) et que LO puisse prendre part à sa majorité municipale en dit long sur le chauvinisme de la gauche en France aujourd’hui. C’est Gérin qui a ouvert la controverse sur la burqa en demandant début juin la création d’une commission parlementaire sur le soi-disant danger qu’elle représente pour la société française. Le même mois Sarkozy reprenait la balle au bond lors de son discours bonapartiste devant les deux Chambres, déclarant que « la burqa n’est pas la bienvenue en France » (le Monde, 24 juin). Nous ne savons pas à ce jour si le gouvernement et ses hommes de gauche comme Gérin vont faire adopter une loi interdisant la burqa, mais ils sont en tout cas plus désireux que jamais de mettre de l’huile sur le feu de leur « guerre contre le terrorisme » pour faire des musulmans et des personnes d’origine maghrébine des boucs émissaires représentant la « cinquième colonne » de traîtres à la patrie.

Parmi les ayatollahs de la laïcité il y a aussi Fadela Amara, dont Lutte ouvrière a longtemps fait la promotion, l’invitant à sa fête chaque année comme une soi-disant défenseuse des droits des femmes. Amara est en campagne pour une loi interdisant la burqa dans les services publics (écoles, hôpitaux, mairies) et elle demande que les femmes en burqa fassent l’objet de rafles dans les gares et les aéroports. C’est le schéma classique du diviser pour mieux régner afin de détourner la classe ouvrière des crimes et de la barbarie du système capitaliste qui est la cause de l’oppression des femmes dans cette société.

A bas la loi raciste de 2004 contre le foulard ! Pour la libération des femmes par la révolution socialiste !

Fadela Amara et Lutte ouvrière ont toutes deux soutenu la loi raciste de Chirac en 2004 contre le voile. A l’époque, LO écrivait :

« Et si finalement loi il y a, tant mieux. […] Cela dit, la loi n’existerait pas si des jeunes filles ne s’étaient pas bagarrées contre la soumission qu’on veut leur imposer et si, dans les écoles et les lycées, des enseignants ne les avaient soutenues et aidées dans leur combat. »

Lutte Ouvrière, 6 février 2004

La LCR s’était déclarée opposée à la loi, mais en même temps elle laissait à ses membres et dirigeants le choix d’organiser l’expulsion de jeunes femmes dans les écoles où ils étaient profs. Ainsi à Aubervilliers Pierre-François Grond, un dirigeant central du NPA et auparavant de la LCR, a joué un rôle clé dans l’exclusion d’Alma et Lila Lévy. Chirac avait attisé l’hystérie contre le foulard et contre l’islam en 2003-2004 pour désamorcer une contre-attaque des enseignants et des travailleurs après les grèves du printemps 2003 en défense des retraites. Chirac avait habilement utilisé sa popularité sur cette question, et l’« unité nationale » sur le foulard entre tous les principaux partis, y compris LO, pour consolider l’attaque contre les retraites, et quelques mois plus tard il s’en est pris à la santé et à l’un des bastions restants du mouvement ouvrier organisé, EDF-GDF.

Nous sommes marxistes, donc athées et nous luttons pour la libération des femmes. Aussi nous sommes contre le voile, à la fois un symbole et un instrument de l’oppression des femmes. Mais nous sommes clairement contre toute interdiction ou restriction visant le voile qui seraient imposées par l’Etat ou le gouvernement car ce sont des mesures racistes et discriminatoires contre les musulmans. L’interdiction du voile, soi-disant dans le but d’intégrer les musulmans dans la société, a en réalité conduit à l’expulsion de jeunes femmes musulmanes de leur école en les isolant encore plus. Les mesures envisagées pour interdire la burqa dans les lieux publics ne feraient que renforcer cette oppression.

Dans un recueil de témoignages, les Filles voilées parlent, publié l’année dernière, des dizaines de femmes décrivent comment la loi de 2004 contre le foulard et la chasse aux sorcières qui l’a accompagnée ont aggravé l’oppression raciste et l’isolement que subissent ces femmes dans cette société. Une jeune femme, Mariame, raconte comment à la rentrée de 2004 elle avait avec trois autres jeunes femmes refusé d’ôter son voile. La nouvelle loi stipulait qu’elles devaient alors passer par une « phase de dialogue ». Ce « dialogue » consistait à les séparer de leur classe, les mettre dans un bureau poussiéreux servant de lieu de stockage, où on les avait même d’abord enfermées pour les empêcher de prendre la récréation avec leurs amis. D’autres jeunes femmes décrivent la même expérience ; elles ont aussi été séparées de leurs camarades et obligées de rater la récréation et le déjeuner, ou de prendre celui-ci toutes seules. Le livre relate aussi l’expérience de femmes voilées plus âgées, des mères d’enfants scolarisés, qui ont été bannies des sorties scolaires et autres événements et dans certains cas même empêchées de pénétrer dans les écoles.

Contrairement à LO ou à la LCR/NPA, la LTF s’est toujours farouchement battue contre le voile et la réaction islamique. Le voile de la tête aux pieds est une prison ambulante qui exclut les femmes de la société ; il incarne la soumission des femmes aux hommes et leur statut social soi-disant inférieur. Nous sommes solidaires des millions de femmes qui luttent pour échapper à la tyrannie du voile, que ce soit dans le monde islamique ou dans les centres impérialistes. Nous dénonçons les « relativistes culturels » qui scandaleusement enjolivent la burqa comme une « maison mobile », une « manière corporelle de cultiver leur vertu » (voir par exemple l’article de Lila Abu-Lughad dans la Revue internationale des livres et des idées, juillet-août 2008 – une revue dont le NPA de Pierre-François Grond fait la promotion !).

En même temps nous nous sommes opposés à l’interdiction par l’Etat du voile islamique en France et dans d’autres pays d’Europe où l’islam n’est pas la religion d’Etat mais plutôt une idéologie des opprimés dans les ghettos. Comme nous l’écrivions en 2003 dans notre article « Les femmes et l’immigration en France » (Spartacist édition française n° 35, printemps 2003) :

« En France, la population maghrébine subissait quotidiennement la ségrégation et la terreur raciste et elle était marginalisée par le chauvinisme des directions du mouvement ouvrier. On pouvait donc comprendre que certaines jeunes femmes cherchent dans la religion un refuge et une illusoire dignité retrouvée. C’est pour cela que Marx appelait la religion “le cœur d’un monde sans cœur”. Le combat des marxistes contre l’obscurantisme religieux est inséparable de la lutte pour abolir les conditions matérielles qui dans ce monde induisent le besoin de se réfugier dans des fantasmes célestes. En d’autres termes, notre combat est indissolublement lié à la lutte pour la révolution socialiste internationale. »

Nous défendons la laïcité et la séparation de l’Eglise et de l’Etat, mais le principe de la laïcité a été totalement déformé par l’Etat raciste français qui l’utilise pour attaquer les femmes musulmanes qui portent le voile. La laïcité, c’est au contraire l’idée que l’Etat ne doit pas intervenir dans les croyances personnelles. Il est également tout à fait absurde de considérer l’Etat français comme « laïc » – près du cinquième de l’enseignement primaire et secondaire en France demeure sous l’emprise des prêtres tout en étant financé par l’Etat. De plus l’école publique demeure influencée par l’obscurantisme catholique ; les écoles sont fermées le mercredi après-midi pour permettre le catéchisme. C’est une mesure anti-femmes qui oblige les femmes travailleuses soit à trouver comment faire garder leurs enfants soit à se contenter d’un emploi à temps partiel.

L’arriération anti-femmes est inséparable de toutes les religions ; elle sert à renforcer la famille patriarcale et l’institution de la famille, la source principale de l’oppression des femmes dans la société de classe. C’est par le mécanisme de la famille qu’est transmis l’héritage de la propriété et qu’a lieu la socialisation des nouvelles générations de travailleurs ; c’est par elle que la classe dirigeante inculque ses codes moraux et sexuels. Encore aujourd’hui en France, une femme qui désire se remarier dans les neuf mois suivant son divorce est obligée par la loi de présenter préalablement un certificat médical attestant qu’elle n’est pas enceinte, de façon à exclure les doutes sur la paternité de son fœtus.

Le plan « espoir banlieue » a été présenté l’année dernière par le gouvernement en réponse à la révolte de 2005 ; le secrétariat d’Etat dirigé par Fadela Amara prévoyait d’affecter un fonds spécial pour encourager l’implantation de davantage d’écoles privées catholiques dans les banlieues. Déjà en 2006 Emmanuelle Mignon, conseillère spéciale de Sarkozy, avait plaidé lors d’une convention de l’UMP pour que les « familles de banlieue puissent bénéficier du savoir-faire des établissements catholiques et d’un vrai choix entre école privée et école publique ». Gérin aussi vante les efforts de sa municipalité pour fournir des fonds publics pour des projets religieux, comme la fourniture d’un terrain pour la construction d’une « grande mosquée » à Vénissieux, tout en faisant jouer les communautés les unes contre les autres. Déjà dans le passé il avait joué un rôle important en tant que conseiller municipal et ensuite maire de Vénissieux pour promouvoir l’islam après la Marche des beurs de 1983. Une dizaine de mosquées avaient été ouvertes dans les caves des tours à cette époque, avec le soutien du maire qui jouait la « pacification cultuelle » des jeunes (voir Histoire politique des immigrations (post) coloniales, France, 1920-2008, sous la direction d’Ahmed Boubeker et Abdellali Hajjat). Les soi-disant ayatollahs de la laïcité comme Gérin et Amara sont attachés à propager l’obscurantisme religieux et le moralisme bourgeois pour « civiliser » les banlieues.

Troupes de l’OTAN, troupes françaises hors d’Afghanistan !

Ce sont les Etats-Unis et les autres impérialistes, dont la France, qui sont responsables de la croissance des forces islamistes. Dans les années 1980 la CIA avait organisé et armé les moudjahidin (combattants de la guerre sainte) qui en Afghanistan jetaient du vitriol aux femmes dévoilées et tuaient les enseignants qui éduquaient les jeunes femmes. Cette mobilisation massive de l’impérialisme US visait directement l’Union soviétique et ses alliés du gouvernement afghan.

Lorsque l’armée soviétique était entrée en Afghanistan en décembre 1979, nous avions dit « Salut à l’Armée rouge ! Etendez les acquis sociaux de la révolution d’Octobre aux peuples afghans ! » Pour nous trotskystes la question était simple : la défense de l’Union soviétique était posée contre l’impérialisme, et pour une fois la bureaucratie stalinienne soviétique menait une intervention progressiste. L’Armée rouge avait été envoyée à la demande du gouvernement nationaliste de Kaboul qui tentait de réduire le prix de l’épousée et d’introduire une réforme agraire. C’était la première guerre de l’histoire moderne où l’émancipation des femmes était une question centrale. Ces modestes mesures avaient provoqué une « guerre sainte » des islamistes réactionnaires contre le gouvernement.

A l’époque, LO avait condamné l’intervention soviétique en comparant l’Afghanistan au Vietnam martyrisé par les impérialistes français puis américains. La LCR avait aussi exigé le retrait soviétique d’Afghanistan, condamnant « la réaction » et « la répression soviétique » que représentait selon elle l’intervention de l’Armée rouge. Les pablistes de la LCR avaient alors invoqué un soi-disant « troisième camp » pour essayer de couvrir leur soutien à la contre-révolution féodaliste soutenue par les impérialistes. Ils étaient pour « Massoud l’Afghan », qu’ils décrivaient comme un progressiste afghan luttant à la fois contre les Soviétiques et les impérialistes.

C’est ce même Massoud qui a été au pouvoir à Kaboul entre 1992 et 1996 ; ses forces y ont commis d’innombrables crimes ; elles ont restauré la charia et réimposé la burqa aux femmes ! Ce sont aussi les forces de Massoud qui ont servi de forces terrestres à l’OTAN lors de l’attaque impérialiste de 2001 qui a débouché sur la mise en place du régime pro-impérialiste du président Karzaï. Les réformistes français se sont alignés derrière leur propre bourgeoisie « démocratique » parce que ce qui était en jeu, ce n’était pas seulement le progrès social en Afghanistan et l’émancipation des femmes, mais aussi la défense de l’Union soviétique. En France, c’est Mitterrand qui était le principal porte-parole de la guerre froide antisoviétique. Le soutien de l’« extrême gauche » à son gouvernement de front populaire en 1981 n’a fait que renforcer son antisoviétisme.

L’Union soviétique était un Etat ouvrier. Elle était issue de la victoire de la Révolution bolchévique d’octobre 1917 en Russie qui renversa le pouvoir des propriétaires fonciers et des capitalistes pour établir la dictature du prolétariat s’appuyant sur la paysannerie. La Russie tsariste avait été le plus arriéré des pays impérialistes, mais la Révolution russe devint un phare pour les ouvriers et les opprimés dans tous les pays capitalistes avancés et bien sûr aussi pour les masses opprimées d’Asie centrale. Malgré la dégénérescence bureaucratique stalinienne qui se produisit à partir de 1924, l’Union soviétique demeura un Etat ouvrier jusqu’à la contre-révolution capitaliste de 1991-1992.

Les acquis de la Révolution russe n’étaient nulle part plus visibles en 1979 qu’en Asie centrale soviétique. Un instituteur afghan regardant de l’autre côté de la frontière au nord pouvait voir une région qui 50 ans plus tôt avait été tout aussi misérable que l’Afghanistan, et qui maintenant constituait une société relativement moderne où les femmes n’étaient plus des esclaves. La présence de l’Armée soviétique aurait pu avoir pour résultat l’incorporation de l’Afghanistan à l’Asie centrale soviétique. La transformation sociale de l’Afghanistan serait alors devenue possible, alors que jusque-là ce n’était pas le cas du fait de l’absence de tout prolétariat significatif. Mais, au lieu de se battre pour écraser les moudjahidin, les staliniens du Kremlin dirigés par Mikhaïl Gorbatchev ont retiré les troupes soviétiques en 1989. C’était une énorme trahison, un crime notamment vis-à-vis des femmes. Ce retrait a été le prélude pour brader l’Allemagne de l’Est et l’URSS elle-même à la contre-révolution, une défaite colossale pour les masses travailleuses du monde entier.

Cette trahison a pavé la voie à la barbarie qui règne aujourd’hui pour les peuples d’Afghanistan soumis à une occupation impérialiste sanglante et aux querelles de diverses factions islamistes. La campagne contre la burqa ici est utilisée pour justifier l’occupation de l’Afghanistan – où les femmes sont soumises à la burqa par le régime pro-impérialiste ! Dans la mesure où les talibans ou d’autres forces sur le terrain dirigent leurs coups contre l’occupation impérialiste, nous appelons à leur défense militaire contre l’impérialisme américain et français, contre l’OTAN, sans leur donner le moindre soutien politique. Notre point de départ, c’est de nous opposer d’un point de vue de classe prolétarien à notre propre gouvernement capitaliste et au système impérialiste dans son ensemble. Troupes américaines, françaises, de l’OTAN, hors d’Afghanistan ! Bas les pattes devant le Pakistan !

La contre-révolution en Union soviétique a causé une grande démoralisation parmi de nombreux travailleurs qui ne voient plus d’issue révolutionnaire. Ils acceptent en grande partie la propagande de la bourgeoisie, que répandent aussi les réformistes, sur la « mort du communisme », reposant sur le mensonge que communisme égale stalinisme. Notre tâche est aujourd’hui plus difficile à cause de cette régression générale du niveau de conscience, mais elle n’a pas changé. Nous devons convaincre la classe ouvrière qu’elle seule peut et doit renverser le système capitaliste et prendre le pouvoir en son propre nom grâce à une révolution socialiste. Nous suivons en cela Trotsky qui disait que « la tâche de l’avant-garde est avant tout de ne pas se laisser entraîner par le reflux général. Il faut aller contre le courant » (Bolchévisme contre stalinisme). Seule la révolution ouvrière pourra ouvrir la voie à l’éradication du racisme et de l’inégalité, y compris à la libération des femmes, non seulement du voile mais aussi de toutes les formes de l’oppression. Nous gardons pour modèle l’expérience du Parti bolchévique qui avait dirigé les ouvriers russes à la victoire en 1917 lors de la révolution d’Octobre. Pour une Quatrième Internationale reforgée, le parti mondial de la révolution socialiste !