Le Bolchévik nº 188 |
Juin 2009 |
A bas le poison protectionniste !
Grande-Bretagne : La gauche travailliste justifie les grèves chauvines
Alors que les travailleurs du monde entier sont confrontés à la crise économique internationale la plus grave depuis la crise de 1929, une vague de grèves contre les ouvriers étrangers, d’un chauvinisme virulent, se répand sur les chantiers des raffineries de pétrole et des centrales électriques britanniques. Ces actions ont pour revendication « les emplois britanniques pour les ouvriers britanniques », un mot d’ordre depuis longtemps associé aux fascistes ; elles font le jeu des patrons en rangeant les ouvriers du côté du Premier Ministre Gordon Brown et de la classe dirigeante capitaliste britannique contre les travailleurs immigrés.
Il faut être aveugle pour ne pas voir le caractère réactionnaire de ces mobilisations, comme le montre l’accord qui a été signé en février dernier à la raffinerie de Lindsey, dans le Lincolnshire. Négocié sous l’égide de l’organisme de médiation ACAS (Service de conseil, de conciliation et de médiation), cet accord incluait un engagement de la direction de réserver à des ouvriers britanniques 102 emplois qui devaient précédemment aller à des ouvriers italiens. Le Socialist Party de Peter Taaffe [dont l’organisation sur en France est la Gauche révolutionnaire, un courant du NPA d’Olivier Besancenot] salue cet accord scandaleux comme une victoire ; il le brandit comme un modèle pour la centrale électrique de Staythorpe, dans le Nottinghamshire, où se déroulent actuellement des mobilisations contre des ouvriers espagnols et polonais. Des mobilisations contre des ouvriers polonais ont également eu lieu à l’Ile de Grain, dans le Kent. Le résultat des grèves à Lindsey confirme notre appréciation : « Ces grèves n’avaient pas pour but d’obtenir davantage d’emplois, ni en réalité aucune sorte d’acquis pour la classe ouvrière dans son ensemble, ni de défendre des emplois existants. Elles visaient à repartager les emplois existants en fonction de la nationalité des ouvriers » (Workers Vanguard n° 930, 13 février).
Cette croisade pour les « emplois britanniques » est tellement étrangère aux intérêts de la classe ouvrière multiethnique qu’elle a été soutenue par la presse de caniveau xénophobe et anti-ouvrière. Par exemple, le 16 février, l’Evening Standard de Londres dénonçait en termes hystériques les ouvriers d’origine étrangère qui sont enregistrés comme main-d’uvre « locale » et travaillent sur les chantiers des Jeux olympiques de 2012 : « L’Evening Standard a découvert des gens originaires de différentes régions d’Europe de l’Est employés sur le site de Stratford, ainsi que des ouvriers d’origine indienne, pakistanaise et népalaise. » Pendant la grève de Lindsey, des grévistes racistes ont dit à des ouvriers italiens qui craignaient pour leur vie de rentrer dans leur pays. Quant au gouvernement, il envisage de durcir les lois racistes sur l’immigration en imposant des restrictions supplémentaires aux droits des immigrés.
Ce mois de mars marque le 25e anniversaire du déclenchement de la grève des mineurs de 1984-1985, et le contraste entre les grèves actuelles dans le bâtiment et le combat héroïque des mineurs est frappant. Les mineurs en grève avaient face à eux toute la puissance de l’Etat capitaliste, et la presse capitaliste continue encore aujourd’hui à les traîner dans la boue. A l’époque, les mineurs en lutte étaient devenus les tribuns des couches opprimées de la société : les femmes des bassins miniers, les minorités opprimées noires et d’origine indo-pakistanaise en Grande-Bretagne, ainsi que les organisations gay et lesbiennes, soutenaient la grève contre le gouvernement honni de Thatcher. Contrairement au vil nationalisme qui prévaut à Lindsey et à Staythorpe, la grève des mineurs avait inspiré de splendides manifestations d’internationalisme prolétarien, au-delà des frontières : des syndicats français ainsi que des travailleurs d’Irlande, d’autres pays d’Europe, d’Afrique du Sud et d’Union soviétique avaient envoyé une aide matérielle aux mineurs et à leurs familles.
Aujourd’hui, face à des attaques contre l’emploi dans le monde entier, il est urgent de mobiliser la puissance des syndicats pour lutter avec les armes de la lutte de classes contre les patrons capitalistes, contre le gouvernement travailliste de Brown et en opposition à la bureaucratie syndicale. Une véritable lutte pour défendre les intérêts de la classe ouvrière multiethnique aurait comme revendications une réduction de la durée hebdomadaire du travail sans perte de salaire, et une échelle mobile des salaires et des heures de travail. Ceci est à l’opposé de la campagne actuelle qui dresse les ouvriers britanniques contre les ouvriers étrangers et qui attise le racisme anti-immigrés. Il est scandaleux que Derek Simpson, codirigeant du syndicat Unite, ait soutenu cette campagne et se soit répandu en discours venimeux en prenant la pose à côté de l’Union Jack [le drapeau britannique], l’emblème raciste de l’Empire à l’époque coloniale et aujourd’hui le symbole de l’asservissement des catholiques en Irlande du Nord et de l’occupation sanglante de l’Irak et de l’Afghanistan. Comme nous l’écrivions dans le dernier numéro de notre journal :
« Que les syndicats combattent le racisme, c’est une nécessité vitale. La tant vantée “économie flexible” du Parti travailliste est très dépendante des ouvriers immigrés, qui travaillent pour des salaires de misère et sont confrontés à un climat d’hostilité raciste. La “guerre contre le terrorisme” du gouvernement a provoqué une intensification du racisme à l’encontre des musulmans, qui sont concentrés dans les couches les plus pauvres de la classe ouvrière. En particulier dans un contexte de récession, les attaques contre les immigrés se multiplient. Le syndicat Unite a récemment protesté contre la décision de sous-traitants travaillant à la centrale électrique de Staythorpe, près de Newark, d’employer uniquement des ouvriers étrangers tout en refusant d’embaucher des ouvriers locaux. Une manifestation devant la centrale électrique a rappelé que Brown avait réclamé en 2007, lors de la conférence du syndicat GMB, “les emplois britanniques pour les ouvriers britanniques” un mot d’ordre associé aux fascistes. Nous nous opposons avec la plus grande force à ces tentatives de diviser pour régner, qui dressent les uns contre les autres les ouvriers de différents pays. Nous disons que les syndicats doivent se battre pour les pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés ! »
Workers Hammer n° 205, hiver 2008-2009
Loin d’organiser une défense de l’emploi, plus ou moins la seule chose que la bureaucratie syndicale ait à offrir à la classe ouvrière, c’est sans cesse des discours chauvins sur les emplois britanniques, mais pas un combat utilisant les armes de la lutte de classe contre l’ordre capitaliste qui a plongé le monde dans cette terrible situation économique. Au moment où les grands constructeurs automobiles annoncent des dizaines de milliers de licenciements dans le monde entier, la bureaucratie d’Unite appelle le gouvernement britannique « à soutenir la production industrielle au Royaume-Uni et le secteur automobile au Royaume-Uni » (tgwu.org.uk). En février dernier, quand le constructeur automobile allemand BMW a licencié sans préavis 850 ouvriers de son usine de Cowley, Tony Woodley, codirigeant d’Unite, a proclamé sa loyauté au capitalisme britannique en ces termes : « Je ne parle pas seulement au nom des membres de mon syndicat, mais je pense pour la Grande-Bretagne quand je demande à rencontrer votre société » (unitetheunion.com).
Tant que la révolution ouvrière ne la leur aura pas arrachée des mains, l’industrie britannique appartiendra aux sangsues capitalistes. La classe ouvrière n’a pas de patrie ! Le protectionnisme nationaliste ne sauvera pas un seul emploi, comme peuvent vous le dire les ex-ouvriers de Rover trahis par Woodley. En 2000, quand BMW avait annoncé son intention de fermer son usine Rover de Birmingham, Woodley avait défilé en tête d’une manifestation anti-allemande chauvine, avec des pancartes comme « Nous avons gagné deux guerres mondiales gagnons la troisième ! »
Le Socialist Party se vautre dans le social-chauvinisme
Il n’est pas surprenant que le Socialist Party de Peter Taaffe, tristement célèbre pour sa propension à s’adapter au niveau de conscience le plus arriéré, ait assumé un rôle de premier plan comme porte-parole de ces mobilisations réactionnaires en affirmant de façon mensongère que ces grèves n’étaient pas anti-immigrés. Keith Gibson, militant du Socialist Party et membre du comité de grève de Lindsey, affirmait ainsi lors d’un meeting le 13 février dernier à Londres : « Nous avons réorienté ce conflit, de là où les médias voulaient le mener vers un programme raciste vers ce que nous avons mis en avant, à travers des discussions avec d’autres militants du Socialist Party, un programme de classe clair » (Socialist, 19-25 février). Taaffe prétend que le mot d’ordre « les emplois britanniques pour les ouvriers britanniques » était « un aspect mineur de la grève » (Socialism Today, mars), tandis qu’on peut lire dans un récit de la grève de Lindsey publié dans le Socialist (5-11 février) que le BNP [British National Party, le groupe fasciste le plus important en Grande-Bretagne] « a été éjecté de cette grève ». Là n’est pas la question. Pourquoi le BNP soutenait-il la grève ? Le Socialist Party a sa part de responsabilité pour avoir mené une campagne chauvine qui a reçu le soutien enthousiaste des fascistes du BNP !
La contribution spécifique du Socialist Party à la grève de Lindsey a consisté à remplacer la revendication « les emplois britanniques pour les ouvriers britanniques » par celle-ci : « Recensement sous contrôle syndical des ouvriers syndiqués au chômage et qualifiés qui sont présents localement, avec priorité à l’embauche quand des emplois sont disponibles. » En l’occurrence, « ouvriers syndiqués locaux » signifie « ouvriers britanniques ». Comme nous le faisions remarquer dans notre article sur la grève de Lindsey, d’autres groupes de gauche travaillistes, comme Workers Power et le Socialist Workers Party (SWP) sont arrivés à adopter une position correcte en opposition à ces grèves réactionnaires. Mais, pour le SWP, cela n’a pas duré. Après avoir commencé par déclarer, à juste titre, que « ces grèves sont basées sur les mauvais mots d’ordre et visent les mauvaises personnes » (Socialist Worker, 31 janvier), le SWP a ensuite fait circuler une pétition tant malhonnête qu’opportuniste. D’un côté, cette pétition déclare :
« Le mot d’ordre “les emplois britanniques pour les ouvriers britanniques” qui est arrivé au premier plan dans ce conflit ne peut que conduire à de profondes divisions au sein des communautés ouvrières. Ce mot d’ordre, lancé par Gordon Brown dans son discours à la conférence du Parti travailliste de 2007, est repris par la presse de droite et les nazis du BNP. Ce sont des forces qui ont toujours été violemment hostiles au mouvement syndical. »
Mais on lit plus loin : « Nous soutenons les revendications du comité de grève de la raffinerie de pétrole de Lindsey » (« Pétition pour l’unité dans la lutte pour l’emploi », sur petitiononline.com).
Cette pétition constitue une capitulation en rase campagne devant le Socialist Party et la bureaucratie syndicale. La véritable signification, anti-étrangers, des revendications mises en avant par les grévistes de Lindsey qui réclamaient la préférence à l’embauche pour les ouvriers syndiqués « locaux », apparaît sans ambiguïté dans les articles du bulletin d’Unite consacrés à cette grève. Le numéro du printemps 2009 cite favorablement Steven Bright, un ouvrier au chômage de Newark spécialisé dans l’assemblage des structures métalliques, qui « pense que les ouvriers étrangers envoient de l’argent chez eux au lieu de le dépenser dans la communauté sur place » et estime que le gouvernement doit « stopper l’arrivée de la main-d’uvre étrangère qui vient faire un travail pour lequel nous sommes qualifiés et disponibles ». Ce même article cite Simpson qui déclare « ce sera une honte si les ouvriers du Royaume-Uni sont exclus de la construction de leurs propres centrales électriques ».
Nous disons que le mouvement syndical ne doit pas se préoccuper de savoir qui les entreprises du bâtiment embauchent, mais sur quelle grille salariale et dans quelles conditions de travail. Les patrons cherchent à « niveler par le bas » les salaires et les conditions de travail de tous les ouvriers en dressant les nationalités les unes contre les autres ; une grève digne de ce nom devrait contrer ces tentatives patronales en exigeant : Tout travail doit être rémunéré au tarif syndical en vigueur, quelle que soit la personne qui occupe l’emploi ! A travail égal, salaire égal !
Une grève pour un emploi pour tous dans le bâtiment c’est-à-dire y compris pour les ouvriers immigrés serait nécessairement menée en opposition à la campagne actuelle, qui a montré son vrai visage lors de la manifestation des ouvriers de Staythorpe le 24 février à Newark, dans le Nottinghamshire, où au moins un manifestant était habillé aux couleurs de l’Union Jack et où un groupe de manifestants scandaient « les étrangers dehors ». Quand une vidéo de cette manifestation a été postée sur YouTube, le Socialist Party a dû piteusement admettre la présence d’individus racistes : « De façon troublante, une petite minorité d’ouvriers, en tête du défilé, ont scandé “Les étrangers dehors !” » (socialist-party.org.uk, 4 mars). Le Socialist Party ne prétend pas que ses militants présents auraient protesté de quelque manière que ce soit, et encore moins qu’ils auraient essayé de chasser ces nervis de la manifestation. Il faut remarquer que la pétition diffusée par le SWP a été signée par plusieurs personnalités de la « gauche » travailliste et des bureaucrates syndicaux, comme John McDonnell, Tony Woodley et Mark Serwotka, mais pas par Keith Gibson, ni par aucune autre personnalité du Socialist Party. On peut supposer que c’est parce qu’elle s’oppose (mollement) au mot d’ordre « les emplois britanniques pour les ouvriers britanniques ».
Pour s’opposer de façon conséquente à ces grèves réactionnaires, il faut un programme internationaliste révolutionnaire, et la perspective de mobiliser la classe ouvrière multiethnique de Grande-Bretagne dans une lutte pour le renversement révolutionnaire du système capitaliste raciste. C’est totalement à l’opposé du programme du Socialist Party (et du SWP), dont le « socialisme » est simplement le vieux programme social-démocrate travailliste, basé sur la promesse de nationaliser l’industrie sous le capitalisme tout en laissant intact l’Etat capitaliste. Le réformisme travailliste est intrinsèquement protectionniste, comme on le voit bien aujourd’hui avec les appels à renflouer l’emploi « britannique » et à minimiser les pertes du capitalisme britannique.
Les travailleurs de ce pays ont besoin d’un parti qui lutte pour leurs intérêts de classe, un parti ouvrier déterminé à balayer le système capitaliste en faillite par une révolution socialiste, pour renverser l’ordre capitaliste dans le monde entier. Nous luttons pour un parti ouvrier révolutionnaire multiethnique, partie intégrante d’une internationale léniniste-trotskyste. La révolution socialiste instaurera un Etat ouvrier, gouverné non par un parlement mais par des soviets (conseils ouvriers), et elle jettera les bases d’économies rationnellement planifiées basées sur la production pour les besoins et non pour le profit. Ceci permettra du coup le développement des forces productives de sorte que la pauvreté, la pénurie et le besoin seront éliminés, jetant ainsi les bases pour créer une société socialiste égalitaire.
Pour les Etats-Unis socialistes d’Europe !
La crise économique mondiale a créé de profondes divisions au sein de l’Union européenne (UE). On l’a bien vu lors du sommet extraordinaire du 1er mars au cours duquel le président tchèque Mirek Topolanek, qui occupe actuellement la présidence tournante de l’UE, aurait exprimé son irritation face à la proposition du président français Nicolas Sarkozy d’exiger des constructeurs automobiles français, en échange d’une aide gouvernementale, qu’ils ferment leurs usines en Europe de l’Est et rapatrient leur production en France. Le lendemain du sommet, le Times écrivait dans un article intitulé « Un nouveau “rideau de fer” va séparer les riches et les pauvres de l’UE » : « Vingt ans après la chute du mur de Berlin, les dirigeants occidentaux se sont vu expliquer hier que cinq millions d’emplois pourraient être perdus dans les “nouveaux” pays de l’Est de l’Union européenne si des mesures radicales n’étaient pas prises pour les renflouer » (Times, 2 mars).
En tant que partisans de l’internationalisme prolétarien, nous sommes contre l’UE, un consortium impérialiste destiné à améliorer la compétitivité des impérialistes européens face à leurs rivaux américain et japonais et en même temps à pressurer les classes ouvrières en Europe, y compris par l’intensification du racisme visant leurs composantes minoritaires. Nous étions aussi contre l’extension de l’UE aux ex-Etats ouvriers déformés d’Europe de l’Est, qui a mis à la disposition des bourgeoisies européennes un vaste réservoir de main-d’uvre très bon marché. En même temps, nous sommes contre les restrictions au droit à travailler mises en place par les gouvernements d’Europe de l’Ouest contre les ouvriers originaires des « nouveaux » pays membres de l’UE.
L’extension de l’UE vers l’Est est une conséquence des contre-révolutions capitalistes qui ont frappé l’Europe de l’Est et l’Union soviétique entre 1989 et 1992. Ces contre-révolutions ont engendré chômage de masse et misère dans ces pays et dans le monde entier. Nous, les trotskystes de la Ligue communiste internationale (LCI), nous sommes battus pour mobiliser la classe ouvrière en défense des acquis que ces Etats incarnaient. Cette défaite historique pour les travailleurs et les opprimés a été soutenue par le SWP et le Socialist Party. Les taaffistes étaient sur les barricades d’Eltsine : le titre de première page de leur journal Rabotchaya Demokratiya (octobre 1991) proclamait : « Là où nous étions » « Sur les barricades à Moscou » « Et à Léningrad » (voir Workers Vanguard n° 828, 11 juin 2004).
Le rôle sordide des taaffistes dans la campagne pour des « emplois britanniques » a conduit Workers Power à quitter leur « campagne pour un nouveau parti ouvrier » (CNWP). C’est vraiment « trop peu et trop tard ». Workers Power a claqué la porte le 1er mars quand la majorité a voté pour une motion du Socialist Party qui saluait dans la grève de Lindsey une « victoire pour la classe ouvrière ». C’est alors seulement que ce pauvre Workers Power s’est rendu compte que le CNWP « est devenu simplement un paravent du SP et une caisse de résonance pour sa politique » (bulletin Internet de Workers Power, 10 mars).
La campagne actuelle pour les « emplois britanniques » brosse un portrait fidèle du genre de « nouveau parti ouvrier » que les taaffistes cherchent à construire. Mais c’est tout sauf une nouveauté. Leur politique y compris leur soutien à la contre-révolution dans l’ex-Union soviétique et leur loyauté envers l’impérialisme britannique « démocratique », sa police et ses gardiens de prison, ainsi que son social-chauvinisme, tout cela fait partie intégrante du réformisme travailliste. C’est un programme que partage Workers Power. Comme les taaffistes, Workers Power était présent sur les barricades de la contre-révolution d’Eltsine en 1991 à Moscou. Avant la scission qui a emporté en 2006 la plupart de ses cadres fondateurs, qui ont ensuite formé le groupe Permanent Revolution (lequel aujourd’hui soutient sans vergogne les grèves pour les « emplois britanniques »), Workers Power soutenait invariablement le Parti travailliste dans les élections, une tradition que les deux fractions continuent de respecter après la scission. Au gouvernement, le vieux Parti travailliste avait en 1969 envoyé l’armée en Irlande du Nord pour renforcer le Royal Ulster Constabulary (RUC), la police férocement anticatholiques ; et dans les années 1970, le Parti travailliste avait instauré en Grande-Bretagne d’infâmes mesures anti-immigrés. Fidèle à cette tradition, le Socialist Party refuse depuis des dizaines d’années d’appeler au retrait des troupes britanniques d’Irlande du Nord.
En Grande-Bretagne, on ne pourra construire un parti révolutionnaire qu’en opposition au réformisme travailliste, qui depuis plus d’un siècle sert à enchaîner la classe ouvrière aux exploiteurs capitalistes. Tony Blair a engagé le processus de mutation du Parti travailliste, qui était ce que Lénine appelait un « parti ouvrier bourgeois ». Aujourd’hui, le Parti travailliste a déjà bien engagé sa mutation en un parti ouvertement bourgeois, et il est moribond en tant que parti réformiste. Décrivant la transformation du Parti travailliste par Blair, Peter Taaffe affirme que « des dirigeants comme Tony Blair en Grande-Bretagne et ses cousins sociaux-démocrates en Europe et ailleurs » sont passés « avec armes et bagages du côté de la bourgeoisie au lendemain de l’écroulement du stalinisme » (Socialism Today, mars).
N’en déplaise à Taaffe, les dirigeants des partis sociaux-démocrates sont passés « avec armes et bagages » du côté de la bourgeoisie au début de la Première Guerre mondiale, en août 1914. Les dirigeants des partis sociaux-démocrates sont devenus ce que Lénine appelait des sociaux-chauvins quand ils ont mobilisé la classe ouvrière derrière « leur » bourgeoisie. C’est une bonne description de ce que sont aujourd’hui les taaffistes. Lénine a lutté avec intransigeance pour gagner la base ouvrière de ces partis en cherchant à provoquer une scission politique avec le camp des sociaux-chauvins dans le mouvement ouvrier, le camp du travaillisme. Il écrivait : « Le contenu politique de l’opportunisme et celui du social-chauvinisme sont identiques : c’est la collaboration des classes, la renonciation à la dictature du prolétariat, à l’action révolutionnaire, la reconnaissance sans réserve de la légalité bourgeoise, le manque de confiance dans le prolétariat, la confiance dans la bourgeoisie. Le social-chauvinisme est le prolongement direct et le couronnement de la politique ouvrière libérale anglaise » (« L’opportunisme et la faillite de la IIe Internationale », 1916).
La LCI se fixe pour tâche de reforger la Quatrième Internationale de Trotsky, l’instrument indispensable afin de lutter pour de nouvelles révolutions d’Octobre en menant une lutte intransigeante contre la social-démocratie. Alors que le monde est aujourd’hui à nouveau frappé par une crise économique, les rivalités entre puissances impérialistes concurrentes s’exacerbent. Nous disons que le prolétariat doit s’approprier le programme de solidarité internationale et de lutte que Karl Marx et Friedrich Engels avaient inscrit il y a plus de 160 ans sur l’étendard du mouvement communiste : « Prolétaires de tous les pays, unissez-vous ! »
Traduit de Workers Hammer n° 206, printemps 2009