Le Bolchévik nº 186 |
Décembre 2008 |
La crise capitaliste menace la classe ouvrière d’une catastrophe
La classe ouvrière doit avoir le pouvoir : pour une économie planifiée socialiste internationale!
PS, PCF, LO en crise, Besancenot rêve pour son NPA d’une social-démocratie du XXIe siècle Mais ce dont les travailleurs ont besoin, c’est d’un parti léniniste d’avant-garde !
Nous reproduisons ci-après la présentation de notre camarade Alexis Henri, abrégée et revue pour publication, lors du meeting de la LTF du 19 novembre à Paris.
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Depuis la contre-révolution capitaliste en URSS en 1991-1992, ces dernières années ont été marquées par le triomphalisme capitaliste prétendant que la vision même d’une société socialiste était irréaliste et qu’il n’y a pas d’au-delà au capitalisme. Et pourtant nous sommes aujourd’hui au début d’une crise économique qui s’annonce d’ampleur exceptionnelle, une de ces crises cycliques dont Marx avait décrit les ressorts intimes il y a près de 150 ans. Elle a commencé comme une crise dans la banque et l’immobilier, et elle s’étend maintenant à l’ensemble de l’économie. D’ores et déjà de nombreuses entreprises du secteur automobile sont en chômage technique une semaine sur deux en France, alors que les trois constructeurs automobiles américains sont au bord de la faillite. Cette crise est spectaculaire par son ampleur, et elle pourrait s’avérer d’une importance comparable à celle de 1929. Elle montre la faillite non pas du capitalisme libéral, mais du capitalisme tout court.
La contre-révolution capitaliste en Union soviétique était une défaite sans équivalent pour les travailleurs du monde entier. En Russie l’effondrement économique a été sans précédent pour une société moderne : entre 1991 et 1997, le produit intérieur brut a diminué de plus de 80 %. En 2000 l’espérance de vie était plus basse qu’à la fin du XIXe siècle. La contre-révolution avait ouvert la voie à une croissance soi-disant sans fin des profits, basée sur une aggravation des conditions d’exploitation dans le monde, non seulement dans les pays de l’Est et l’ex-URSS où les travailleurs ont subi une dégradation qualitative de leur niveau de vie mais aussi au-delà, y compris en Europe occidentale. Dans ces pays, les classes capitalistes, sous la pression de la concurrence avec leurs rivales étrangères, qui s’est accrue avec la disparition de l’ennemi commun soviétique, ont fondé l’augmentation de leurs profits sur l’exploitation toujours plus agressive de leurs néocolonies, en Afrique notamment, ainsi que sur des attaques redoublées contre les travailleurs dans les usines et sur le démantèlement des services sociaux comme l’éducation et la santé à bas coût et des retraites. Ce sont ces défaites matérielles, dans le monde réel, qui se reflètent idéologiquement dans l’acceptation aujourd’hui, même par les couches politiquement les plus avancées du prolétariat, que soi-disant le communisme serait mort. L’idée même que l’on puisse parvenir à une société communiste débarrassée des classes sociales et où les besoins matériels de l’humanité seraient satisfaits, cette idée est considérée peut-être avec sympathie, mais en tout cas comme irréalisable et utopique. La destruction de l’URSS est vécue comme la preuve qu’en réalité le communisme ne marcherait pas.
Dans chaque manifestation nous rencontrons des militants qui nous expliquent, parfois gentiment, que nous sommes des rêveurs et qu’eux en sont revenus de ces belles idées ; en réalité ce sont eux les impressionnistes qui, sous le poids des défaites, dénoncent la théorie même du socialisme scientifique. Du fait même de l’exploitation capitaliste il y aura un renouveau des luttes de la classe ouvrière, et ces luttes constituent la base objective pour la régénération du marxisme en tant que théorie du socialisme scientifique et de la révolution prolétarienne. Comme nous le disons dans notre déclaration de principes :
« C’est donc la tâche du parti révolutionnaire de transformer le prolétariat en une force politique à la hauteur de sa tâche, en lui inculquant la conscience de sa situation réelle, en l’instruisant sur les leçons historiques de la lutte de classe, en le trempant par des luttes de plus en plus profondes, en détruisant ses illusions, en armant sa volonté révolutionnaire et sa confiance en lui-même, et en organisant le renversement de toutes les forces qui font obstacle à la conquête du pouvoir. »
Notre tâche, en ce point bas de la lutte de classe révolutionnaire, est de maintenir un programme révolutionnaire pour être prêts, lorsque le flot de la lutte de classe remontera, à lutter pour la direction de la classe ouvrière et pour la conduire à la victoire dans une révolution socialiste. Ce n’est pas chose facile de maintenir un programme révolutionnaire dans cette période postsoviétique réactionnaire. Je vous invite à lire ou relire l’article sur notre dernière conférence internationale paru dans le nouveau numéro de notre revue internationale Spartacist. Maintenir un programme révolutionnaire ne veut pas dire rester purs et durs dans notre tour d’ivoire et en dehors du temps, cela veut dire intervenir dans les luttes sociales avec ce programme. Les marxistes comprennent que nous ne pouvons connaître le monde que dans la mesure où nous agissons pour le transformer.
Bureaucratie syndicale et protectionnisme
La faiblesse de nos forces limite notre capacité à connaître le monde. Mais nous savons que les organisations comme Lutte ouvrière (LO), LCR-NPA, Parti de gauche, Parti socialiste, Parti communiste, etc., sont des obstacles à la lutte pour la révolution socialiste. Le réformisme de ces organisations reflète le fait qu’elles sont le pendant au niveau politique de la bureaucratie syndicale, qui elle-même s’appuie sur les couches supérieures d’ouvriers relativement privilégiés qui ont d’habitude un emploi stable, des papiers d’identité en règle, et aussi le plus souvent un sexe masculin. La bourgeoisie, notamment dans un pays impérialiste comme la France, jette quelques miettes à ces travailleurs, quelques menus privilèges pour leur faire croire qu’ils auraient objectivement un intérêt à défendre le capitalisme français contre ses rivaux.
C’est cela qui explique la réaction des réformistes à la crise économique. Ils se sont précipités au chevet de leur propre capitalisme national lorsque la crise financière a éclaté. Face aux fermetures d’usines et aux plans de licenciements, on voit de plus en plus nettement une montée du protectionnisme et du chauvinisme national, qui signifie faire bloc avec sa propre bourgeoisie nationale ou européenne pour protéger l’accès de celle-ci au marché local contre ses concurrents. Au nom de la défense de l’industrie locale les ouvriers ici sont ainsi mobilisés contre les ouvriers des pays tiers et détournés de la lutte de classe contre leurs propres exploiteurs. Ainsi, les articles protectionnistes se multiplient dans l’Humanité contre les délocalisations.
La LCR n’est pas mieux : suite à une réunion des comités NPA en juin dernier, Rouge avait publié une photo proéminente d’un délégué au T-shirt « N’achetez plus les stylos Reynolds Désormais fabriqués en Chine » (Rouge, 3 juillet). Reynolds, c’est l’une des luttes emblématiques de la LCR où ils sont impliqués. Avec ce genre de mots d’ordre la LCR prône l’unité avec la bourgeoisie française contre les travailleurs chinois. Comme nous l’expliquons dans l’article du dernier Spartacist que j’ai mentionné :
« Pour la bourgeoisie, le protectionnisme et le “libre-échange” sont des options à discuter. Pour le prolétariat, choisir le protectionnisme c’est rejeter le programme de l’internationalisme, c’est-à-dire renoncer à la révolution. La seule solution aux crises que produit le capitalisme, c’est une économie socialiste planifiée au niveau international. »
Face aux fermetures d’usines, la classe ouvrière doit évidemment se défendre. Mais nous n’avons aucune recommandation à faire aux capitalistes sur s’ils doivent investir et exploiter des travailleurs ici ou ailleurs. Comme le disait Marx dans le Manifeste du Parti communiste, « les ouvriers n’ont pas de patrie ». Voici un exemple du contraire : au début de l’année les bureaucrates syndicaux de chez Renault n’ont presque rien fait pour soutenir la grève combative des ouvriers roumains de Dacia, à part une petite collecte parmi les travailleurs. La seule façon pour la classe ouvrière de se défendre internationalement contre les patrons qui cherchent à jouer les ouvriers d’un pays contre un autre est de lutter pour des salaires et des conditions de travail égaux par-delà les frontières, pour la solidarité de classe internationale.
Cette question du protectionnisme est d’autant plus importante que ce genre de politique se place dans le cadre de rivalités interimpérialistes croissantes pour le repartage des marchés, qui en général d’un point de vue historique se résolvent par des guerres. Au début de la Première Guerre mondiale, la Deuxième Internationale, l’internationale des partis ouvriers de l’époque, a montré sa faillite : presque chaque section avait soutenu sa propre bourgeoisie dans la boucherie impérialiste dès le début de la guerre en août 1914. Les bolchéviks russes de Lénine constituaient pratiquement la seule exception, ils ont dénoncé la faillite de la Deuxième Internationale et trois ans plus tard ils ont dirigé la Révolution russe puis fondé la Troisième Internationale.
Avec la montée du chauvinisme et du protectionnisme la classe ouvrière doit se préparer à une montée de la terreur raciste dont le but est de diviser et d’affaiblir le prolétariat en dressant les travailleurs « français français » contre tous les autres, comme si, du fait de la couleur de leur peau ou de leur passeport, ils avaient davantage en commun avec leurs propres exploiteurs qu’avec leurs frères de classe immigrés ou « non blancs ». La classe ouvrière doit lutter pour les pleins droits de citoyenneté pour tous ceux qui sont ici, c’est-à-dire pas seulement des autorisations de séjour d’un mois ou d’un an qui permettent à la préfecture et aux patrons de continuer à agiter le spectre de la déportation et, en attendant, d’exploiter les travailleurs à fond. Elle doit lutter contre les rafles et les déportations de sans-papiers. Elle doit lutter contre toutes les formes de discrimination ethnique ou raciale qui sont omniprésentes sur le lieu de travail, dans l’éducation, dans les offices de HLM ou dans les boîtes de nuit.
Dans des pays d’Europe du Sud comme l’Espagne, l’Italie, la Grèce, qui sont des pays d’immigration récente, la bourgeoisie se prépare à des déportations massives. 100 000 Polonais immigrés récemment en Grande-Bretagne auraient déjà quitté le pays. En France les frontières sont fermées depuis des années à l’exception d’une mince couche d’immigration familiale ; le nombre de non citoyens français présents en France stagne depuis une trentaine d’années autour de 3 à 3,5 millions de personnes, il est aujourd’hui plus faible qu’en 1982. La part des immigrés dans la population en France est plus ou moins constante depuis plus de 30 ans maintenant. Ce qui est posé pour le mouvement ouvrier c’est de lutter contre la discrimination raciste qui vise les descendants, en général citoyens français, des immigrés considérés comme ayant la peau foncée venus principalement d’Afrique de l’Ouest et du Nord, des Caraïbes, de la Réunion et de Turquie. Ces nouvelles générations, comme celles de leurs pères et grands-pères auparavant, forment une composante importante de la classe ouvrière industrielle, dans les usines automobiles par exemple. Il y a trois ans, lors de la révolte des banlieues, nous avions lutté pour que le mouvement ouvrier défende les jeunes contre la terreur raciste des flics. Pendant ce temps le PCF et LO soutenaient le rétablissement de « l’ordre » par les flics de l’Etat capitaliste français. Et cette question conserve toute son acuité tandis qu’on ne compte plus les jeunes tués alors qu’ils fuyaient une rafle policière dans les quartiers populaires.
Il faut avancer un programme pour la survie même du prolétariat menacé par les licenciements en masse, les baisses de salaires, les déportations racistes, les expulsions locatives, etc. Nous luttons pour une échelle mobile des salaires et des heures de travail, ce qui veut dire qu’il faut partager le travail entre toutes les mains ouvrières sans perte de salaire. Contre le licenciement des intérimaires, qui sont le plus souvent des femmes, des immigrés ou des jeunes de banlieue, il faut lutter pour leur embauche à plein temps et avec le même statut que les autres travailleurs, ce qui doit être lié à une campagne massive pour les organiser dans les syndicats. Il faut un plan massif de reconstruction des banlieues, que ce soit des logements décents ou la modernisation d’un système de transport de plus en plus décrépit. Evidemment Bouygues dira qu’un tel plan ne lui rapporte rien, et la direction de Renault dira qu’elle ne peut de toutes façons pas vendre ses voitures. Mais pour les travailleurs le point de départ ne doit pas être ce qui est possible sous le capitalisme, mais ce qui est nécessaire pour assurer la survie du prolétariat. Comme le disait Trotsky, le dirigeant avec Lénine de la Révolution russe de 1917, puis de l’Opposition de gauche internationale qui s’est battue contre les traîtres staliniens pour restaurer les principes révolutionnaires, prolétariens et internationalistes qui avaient animé la révolution d’Octobre :
« C’est une question de vie ou de mort pour la seule classe créatrice et progressiste et, par là même, c’est l’avenir de l’humanité qui est en jeu. Si le capitalisme est incapable de satisfaire les revendications que font surgir de façon inéluctable les maux qu’il a lui-même engendrés, qu’il périsse ! »
Les revendications que nous mettons en avant doivent ainsi servir, non pas simplement à essayer d’améliorer de façon éphémère le sort des travailleurs dans cette période de crise, mais à montrer de façon de plus en plus nette que la seule issue pour mettre en uvre ces revendications indispensables, c’est de lutter pour renverser tout ce système agonisant par une révolution ouvrière. Les attaques actuelles montrent que tous les acquis des travailleurs, obtenus de haute lutte, sont toujours réversibles tant que le capitalisme existera. Nous luttons pour construire le parti léniniste d’avant-garde qui est indispensable à la victoire, comme l’a montré la Révolution russe. Pendant ce temps nos opposants prêchent qu’on pourrait même « interdire les licenciements », un mécanisme fondamental du capitalisme comme on peut le voir en ce moment, sans renverser tout le système.
Les réformistes et le keynésianisme
De Sarkozy à Besancenot, tout le monde parle aujourd’hui face à la crise du retour du rôle régulateur de l’Etat. On parle de la faillite du monétarisme et du retour en grâce de Keynes. Le keynésianisme est généralement associé à la politique du New Deal du démocrate Franklin Roosevelt dans les Etats-Unis des années 1930, qui soi-disant aurait sorti le pays de la crise en pratiquant une politique de grands travaux avec pour effet de réduire le chômage et d’augmenter les salaires. C’est une mystification. Trotsky écrivait dans le Programme de transition en 1938 :
« La crise actuelle, qui est encore loin d’avoir dit son dernier mot, a déjà pu montrer que la politique du New Deal aux Etats-Unis, pas plus que la politique du Front populaire en France, n’ouvre aucune issue qui permette de tirer l’économie de son impasse. »
En fait la crise a duré toute la décennie. Encore en 1938 il y avait eu une nouvelle dépression. Ce qui a vraiment sorti les Etats-Unis de la crise c’est un programme de grands travaux d’un genre particulier, qui a fait revenir la confiance en l’avenir, donc le crédit et l’expansion capitaliste : des cuirassés, des bombardiers, des chars, des transporteurs de troupes, et des bombes atomiques. Et ces armes ont toutes été utilisées lors de la Deuxième Guerre mondiale pour asseoir la domination mondiale de l’impérialisme américain, sous la direction des démocrates de Roosevelt et Truman. C’est à cela qu’a servi l’unité nationale derrière le New Deal de Roosevelt.
Aujourd’hui l’impérialisme américain est en déclin ; l’énorme machine militaire américaine, plus considérable que toutes les autres armées impérialistes réunies, est en contradiction avec la décrépitude de l’appareil de production américain, en comparaison avec l’industrie japonaise ou allemande. Cela annonce de nouvelles luttes pour un repartage du monde plus en rapport avec les forces relatives de chaque nation capitaliste-impérialiste, des luttes qui en dernier ressort ne peuvent être décidées que dans une nouvelle conflagration mondiale qui risque d’anéantir l’humanité, si le prolétariat ne peut arrêter par une révolution la main de ces docteurs Folamour avant qu’il ne soit trop tard.
Le devoir des révolutionnaires est de s’opposer à leur propre impérialisme et à ses exactions à l’extérieur. Nous exigeons le retrait des troupes françaises d’Afghanistan, du Liban, de toute l’Afrique et du reste du monde. C’est à contraster avec la LCR ou le PCF qui, lorsqu’ils parlent des troupes impérialistes françaises à l’étranger, le font souvent pour dénoncer leur subordination aux Américains, et non sur le fait qu’elles commettent leurs déprédations au service de la bourgeoisie française et de ses systèmes d’alliances. Le pire exemple à ce propos c’était le Liban, une création artificielle de l’impérialisme français. Marie-George Buffet avait carrément accompagné Sarkozy en soutien à Beyrouth en juin dernier. Le fait qu’aujourd’hui les réformistes soient déjà ouvertement du côté de leur propre bourgeoisie montre où ils seront lorsque les rivalités interimpérialistes s’aggraveront avec l’approfondissement de la crise.
Défense de la Chine contre l’impérialisme et la contre-révolution !
En ce qui concerne l’affaire Reynolds dont je parlais, il y a un autre aspect. La production de ces stylos a été délocalisée en Chine, c’est-à-dire dans un Etat ouvrier bureaucratiquement déformé. Je n’ai pas le temps ici de développer beaucoup la question de la Chine [voir notre article en dernière page]. Je dirai simplement que le noyau de l’économie demeure collectivisé : la bourgeoisie chinoise a été expropriée en tant que classe dominante, dépossédée de sa mainmise privée sur les moyens de production, suite à la Révolution de 1949. C’est cela que nous défendons contre l’impérialisme et la contre-révolution, tout en luttant pour une révolution politique prolétarienne pour remplacer le régime arbitraire de la bureaucratie stalinienne nationaliste par une démocratie ouvrière véritable basée sur une politique d’internationalisme prolétarien révolutionnaire.
Ceci dit il y a aujourd’hui une pénétration capitaliste en Chine continentale plus importante qu’elle n’avait jamais été en URSS avant la contre-révolution de 1991-1992. L’économie chinoise est aujourd’hui beaucoup plus intégrée à l’économie mondiale qu’en 1997 lors de la crise économique en Asie, qui avait largement épargné la Chine ; cette fois-ci ce sera plus difficile, d’autant que la crise est maintenant mondiale et qu’elle affecte notamment les Etats-Unis qui absorbent une quantité importante d’exportations chinoises. La victoire de Barack Obama, qui a été assurée non seulement grâce au soutien de Wall Street mais aussi grâce à celui de la bureaucratie syndicale américaine, annonce une montée brutale du protectionnisme aux USA, visant notamment la Chine. On le voit aussi en France avec l’hostilité croissante contre les importations de jouets chinois.
LO et la LCR prétendent que la Chine est capitaliste, mais en avril dernier, quand il y a eu la campagne anticommuniste pour le « Tibet libre », ils ont repris leurs habits de combattants de la guerre froide des années 1980 quand ils soutenaient toutes sortes de réactionnaires anticommunistes qui visaient l’Union soviétique, des mollahs de la CIA en Afghanistan aux cléricaux-réactionnaires catholiques de Solidarnosc. D’ailleurs Sarkozy doit rencontrer le dalaï-lama le 6 décembre en Pologne, où ils se déplaceront tous deux pour honorer le dirigeant de Solidarnosc Walesa.
Nous avions défendu l’Etat ouvrier bureaucratiquement dégénéré soviétique, et les Etats ouvriers déformés d’Europe de l’Est, contre l’impérialisme et la contre-révolution interne. En RDA [Allemagne de l’Est] nous avions jeté nos forces internationalement pour intervenir dans la révolution politique naissante contre la bureaucratie stalinienne qui était en pleine déconfiture et a fini par livrer la RDA à l’impérialisme allemand en 1990. Nous étions les seuls à lutter pour une Allemagne rouge des conseils ouvriers, pour une réunification révolutionnaire de l’Allemagne sur une base socialiste, contre une réunification capitaliste. Prenez au contraire Daniel Bensaïd, l’intello en chef de la LCR. Dans son autobiographie parue en 2004, Une lente impatience, Bensaïd dit ouvertement dans son style inimitable de philosophe et de contre-révolutionnaire :
« Champagne, pour célébrer la mort d’un cadavre dont la décomposition corrompait depuis longtemps l’atmosphère. Alka-Seltzer, parce que les gravats du mur ne nous épargneraient pas. »
Et un peu plus loin :
« Ce n’est pas une raison, bien sûr, pour regretter un vieux temps qui n’avait pas grand-chose de bon et un système social qui ne constituait en rien un modèle enviable. Empoisonné ou poignardé par la contre-révolution bureaucratique des années trente, l’idéal révolutionnaire avait connu une lente agonie. Pour qu’il devînt possible de recommencer, il fallait d’abord qu’elle parvînt à son terme. »
14 ans après la restauration du capitalisme, Bensaïd ne regrettait toujours rien, et n’avait toujours rien appris alors que la classe ouvrière est-allemande ne s’est toujours pas remise de la destruction de ses acquis. Quant à LO ils s’étaient prononcés pour la réunification inconditionnelle, c’est-à-dire capitaliste, de l’Allemagne, prétendant qu’« elle donnera au moins les avantages de la liberté de parole [ ]. Car l’Allemagne de l’Est s’intégrerait dans un pays qui a, au moins provisoirement, les moyens économiques d’assurer un système plus démocratique » (brochure du 10 novembre 1989 dans la série « Exposés du Cercle Léon Trotsky »).
Il n’est donc pas étonnant que LO ou la LCR hurle à nouveau avec les loups impérialistes, cette fois-ci contre l’Etat ouvrier déformé chinois. Nous défendons au contraire la Chine, de même que le Vietnam, Cuba ou la Corée du Nord, contre l’impérialisme et la contre-révolution.
« Plan d’urgence » à la NPA ou LO : programme minimum dans le cadre du capitalisme
Le journal de la LCR proclamait le 9 octobre, au plus fort de la crise financière : « Il n’y a donc pas lieu de s’opposer, sur le principe, au sauvetage des banques. » La LCR mégote simplement sur les conditions de ce sauvetage, revendiquant des sièges dans les conseils d’administration capitalistes pour les bureaucrates syndicaux, en enrobant cela avec quelques prêches sur le « contrôle ouvrier » (voir notre supplément sur la crise paru en octobre). Quant à leur revendication de l’expropriation des banques par l’Etat (capitaliste), l’assureur américain AIG a été dans les faits exproprié par le ministre des Finances de Bush, Henry Paulson. Le véritable programme de la LCR est de toutes façons nettement plus modeste, comme le montre la déclaration suivante parue dans Rouge le 23 octobre :
« des collectifs citoyens pourraient suggérer aux élus de leur conseil municipal de réclamer aux banques qui auraient été de mauvais conseil des “gestes commerciaux”, afin de réduire les charges financières excessives et injustifiées de leur commune. »
Certaines de leurs « recettes » pour combattre la récession semblent directement recopiées des discours de Sarkozy, comme par exemple « subordonner le système financier aux besoins de l’économie réelle. Pour cela, il faut rétablir, par Etat ou si possible par grandes régions (Europe, Amérique latine ), un contrôle des mouvements de capitaux » ou « obliger les banques centrales à orienter leur action dans le sens d’un soutien de l’activité » (Rouge, 13 novembre).
Le PCF et Lutte ouvrière ont au fond le même programme de nationalisation du système bancaire par l’Etat capitaliste ; la seule chose qui distingue LO du PC et de la LCR c’est que LO prétend ces derniers temps se placer dans la tradition du Programme de transition de Trotsky en citant ce que Trotsky écrit sur l’expropriation des grands monopoles capitalistes comme les banques. Voici en réalité ce que Trotsky y écrivait :
« Ce qui distingue ces revendications du mot d’ordre réformiste volontairement flou de “nationalisation”, c’est que :
1) Nous excluons le rachat ;
2) Nous prévenons les masses contre les charlatans du Front populaire qui, tout en prônant la nationalisation, restent en fait les agents du capital ;
3) Nous appelons les masses à ne compter que sur leur force révolutionnaire ;
4) Nous relions le problème de l’expropriation à la question du pouvoir ouvrier et paysan. »
J’attire votre attention sur le 2) et le 3). Trotsky s’est toujours battu avec acharnement contre la politique de collaboration de classes où des organisations réformistes, basées sur la classe ouvrière, font un bloc politique pour gérer le capitalisme avec des représentants attitrés de la bourgeoisie que ce soit dans les années 1930 les Radicaux ou aujourd’hui des Radicaux de gauche, des Verts ou des chevènementistes. Le fait que les réformistes s’attachent à un tel bloc avec ces partenaires bourgeois leur sert à la fois de garantie vis-à-vis de la bourgeoisie qu’ils vont gérer loyalement le capitalisme, et de paravent vis-à-vis de leur propre base pour justifier leurs trahisons par la nécessité de faire une alliance large avec des « progressistes » et les concessions qui vont avec. C’est pourquoi les marxistes s’opposent irréconciliablement à toute alliance politique avec des politiciens capitalistes. L’indépendance de classe face aux organisations bourgeoises était fondamentale pour les bolchéviks, et elle a été une condition essentielle pour la victoire de la Révolution russe.
De telles alliances, on les appelle depuis les années 1930 des « fronts populaires » : en 1936 le PCF a trahi au nom du Front populaire avec le Parti radical la possibilité d’une révolution ouvrière. Plus récemment il y a eu la « Gauche plurielle » de Jospin, Buffet et Voynet. En général on pense au PS et au PCF qui sont des partis de masse mais Lutte ouvrière et la LCR ont les mêmes principes politiques de collaboration de classes ; lors des élections municipales au début de cette année il y a eu toute une série de fronts populaires locaux où par exemple Lutte ouvrière s’est fait élire sur la liste du maire sortant chevènementiste de Belfort. La LCR s’est fait élire aussi sur de telles listes, comme à Gentilly sur une liste PCF comprenant des Radicaux de gauche. En ce sens, pour reprendre l’expression de Trotsky dans le Programme de transition, LO et la LCR ne sont que des « charlatans du Front populaire ».
Depuis 35 ans la LCR n’a jamais manqué de soutenir le front populaire au deuxième tour des élections (si l’on excepte l’anomalie des présidentielles de 2002 où la LCR avait appelé à voter Chirac), y compris quand le front populaire s’élargit au MoDem, comme aux dernières municipales où ils ont voté à Marseille pour les bourgeois de droite du MoDem alliés au PS, au PC et aux bourgeois de gauche. Besancenot a beau prendre des airs d’« indépendance » par rapport au PS, il ne manque jamais de faire appel à l’union dans les luttes de toutes les forces de gauche, y compris non seulement le PS mais aussi les partis bourgeois ; ils répandent ainsi des illusions que les partis bourgeois pourraient aider les travailleurs du moment que les organisations du mouvement ouvrier parviennent à signer un bout de papier avec ces partis. Voyez par exemple les mobilisations contre la privatisation de la Poste avec toutes sortes d’élus locaux, y compris même des élus de droite comme le gaulliste-gaulliste Dupont-Aignan, et où Besancenot et son fan-club sont lourdement investis. Nous disons : la classe ouvrière doit rompre avec le front-populisme !
Dans cette citation de Trotsky, je voudrais aussi revenir sur le 4) où il dit « Nous relions le problème de l’expropriation à la question du pouvoir ouvrier et paysan. » Là où les réformistes demandent à l’Etat capitaliste de nationaliser les banques, avec ou sans compensation, afin de sauver le système capitaliste, Trotsky au contraire place la question de l’expropriation explicitement dans le cadre de la perspective de la prise du pouvoir, c’est-à-dire de la destruction de l’Etat capitaliste lors d’une révolution socialiste instaurant le pouvoir de la classe ouvrière, autrement dit la dictature du prolétariat.
La question de l’Etat c’est la ligne de démarcation entre réforme et révolution entre la stratégie réformiste qui consiste à prendre le contrôle de l’appareil d’Etat bourgeois et l’administrer, et la stratégie révolutionnaire qui veut détruire les organes d’Etat existants et les remplacer par des organes de pouvoir ouvrier.
L’Etat est un appareil de domination de classe, avec ses bandes armées chargées de maintenir la structure sociale en place, en l’occurrence l’exploitation de la classe ouvrière par la classe capitaliste. Dans ce but les flics, les juges et les matons ont un monopole de la violence contre les travailleurs et les opprimés. Ils ne peuvent pas, du fait d’un changement de gouvernement suite à des élections, se mettre à défendre la propriété collectivisée. Les flics qui aujourd’hui bastonnent les piquets de grève, qui raflent les sans-papiers, qui quadrillent les banlieues et harcèlent les jeunes pour la seule raison qu’ils ont la peau foncée ou portent une capuche, ces flics ne peuvent pas passer de l’autre bord. Ils sont dédiés à la défense de la propriété privée.
Un Etat ouvrier, comme en URSS à l’époque, ou aujourd’hui encore en Chine ou à Cuba, repose sur d’autres bandes armées qui en dernier ressort défendent la propriété collective contre les tentatives des capitalistes de remettre la main sur les moyens de production pour s’approprier à titre individuel les profits qu’ils extorquent de la sueur et du sang des travailleurs. Et c’est pourquoi nous défendons bec et ongles les Etats ouvriers, même bureaucratiquement déformés.
A bas les postes exécutifs de l’Etat capitaliste !
De notre position sur la nature de l’Etat capitaliste et la nécessité de son renversement découle que non seulement nous refusons de gérer l’Etat capitaliste mais nous refusons aussi de nous présenter aux postes exécutifs de l’Etat. Quand on se présente au poste de président de la République, ou à celui de maire, on légitime l’autorité exécutive, ce qui est directement un obstacle à la tâche fondamentale pour les révolutionnaires de tremper la classe ouvrière dans la conviction qu’on ne peut pas faire fonctionner l’Etat bourgeois pour le compte des travailleurs. Si vous vous présentez pour devenir chef des armées, comment pouvez-vous prétendre que vous désirez en réalité les détruire ? C’est très différent du Parlement, ou d’un conseil municipal, qui sont des boîtes à parlote pour masquer la dictature de la bourgeoisie sous un masque démocratique, mais que l’on peut utiliser comme tribune en tant qu’opposants au pouvoir en place pour y faire de la propagande révolutionnaire.
Pendant des années la LCR nous a bassinés avec la gestion exemplaire par ses camarades brésiliens de la municipalité de Porto Alegre où ils avaient mis en place un « budget participatif ». Ils ont laissé tomber le budget participatif maintenant que Ségolène Royal a repris l’idée et montré ainsi à quel point cela n’a rien d’« anticapitaliste ». Comme le dit Krivine dans son autobiographie Ca te passera avec l’âge, à Porto Alegre ils donnaient aux assemblées de quartier un pouvoir, dans les faits consultatif, sur 10 ou 15 % du budget. Ils sont ensuite parvenus à la direction de l’Etat du Rio Grande do Sul (le Brésil est un Etat fédéral), où ils ont notamment brisé une « grève massive des enseignants », comme le reconnaît à mots couverts Krivine lui-même, ce qui finalement leur a fait perdre la mairie de Porto Alegre en 2004.
En tout cas cela leur a servi de tremplin pour obtenir en 2002 un « camarade ministre » dans le gouvernement fédéral, un dénommé Miguel Rossetto. Il a servi de couverture de gauche pendant plusieurs années aux « sociaux-libéraux » de Lula pour amadouer les paysans sans-terre en butte aux exactions de la police militaire envoyée par les propriétaires fonciers latifundistes exactement comme sous un gouvernement de droite. Maintenant la LCR fait disparaître toute cette histoire, de même que le soutien de ses camarades italiens depuis le Parlement au gouvernement Prodi dont le fiasco a mené à un nouveau gouvernement Berlusconi. Mais ils répondront « présents » dès qu’une occasion se présentera, comme ils le font dans les municipalités françaises aujourd’hui.
La recomposition de la social-démocratie
Aujourd’hui la social-démocratie est en crise, en Europe en général et en France en particulier. Cela ne veut pas dire que le réformisme social-démocrate soit en perte de vitesse. Il reste plus que jamais un obstacle à la prise de conscience révolutionnaire du prolétariat. En Grande-Bretagne le Parti travailliste paraît moribond en tant que parti basé sur la classe ouvrière, mais le travaillisme vieille manière, c’est-à-dire le réformisme basé sur la bureaucratie syndicale, demeure l’idéologie dominante de la gauche britannique. En Italie les démocrates de gauche, le plus gros résidu de l’ancien PCI stalinien, se sont fondus avec les chrétiens-démocrates de Romano Prodi pour créer un nouveau parti capitaliste, le Parti démocrate, mais le front-populisme continue d’imbiber complètement le mouvement ouvrier italien ; y compris le Parti communiste des travailleurs, un groupe issu de Rifondazione comunista, qui se réclamait autrefois du trotskysme, a pris part en grande pompe le 8 juillet à une manifestation anti-Berlusconi dirigée par Di Pietro, ex-juge anticorruption et politicien bourgeois de droite.
En Allemagne l’ex-ministre social-démocrate de l’économie de Schröder et ex-ministre-président de la Sarre, Oskar Lafontaine, a fait une OPA sur un ramassis de bureaucrates syndicaux et de militants sociaux-démocrates de gauche ouest-allemands, puis sur les ex-staliniens est-allemands du PDS, pour créer un nouveau parti, le Parti de gauche. Ce Parti de gauche se développe du fait que le SPD, après avoir passé sept ans au gouvernement central où des attaques sans précédent ont massivement réduit le niveau de vie des travailleurs, est depuis trois ans dans une coalition avec la droite d’Angela Merkel. Beaucoup de travailleurs et de bureaucrates syndicaux se détournent du SPD et ont de nouveaux espoirs dans des succès électoraux du Parti de gauche. Mais la vérité c’est que ce parti est aux affaires en coalition avec le SPD à Berlin, où ils administrent ensemble depuis des années une sauvage austérité capitaliste, et en Hesse une coalition du même type n’a échoué que du fait de l’anticommunisme viscéral de l’aile droite du SPD.
Et donc en France on a la crise du PS. Ces dernières années sous Sarkozy le PS, quand il n’était pas silencieux, a pris position au fond pour les attaques du gouvernement comme la loi LRU, qui ouvre la voie à la privatisation des universités, la liquidation des régimes spéciaux de retraites, ou plus récemment s’est abstenu sur les centaines de milliards pour les banques. Ce n’est pas par hasard qu’il a des dirigeants connus qui sont passés dans le gouvernement Sarkozy et d’autres qui ne rêvent que de faire alliance avec le politicien capitaliste de droite Bayrou.
Le congrès de Reims vient de se terminer ce week-end par une lutte au couteau entre Ségolène Royal, qui se propose de composer une grande alliance avec le parti de droite de François Bayrou, et Martine Aubry, qui a été élue maire de Lille aux dernières municipales grâce à une alliance avec le même MoDem de Bayrou ; Aubry compte dans sa fraction le directeur du FMI Dominique Strauss-Kahn. La crise du PS se conjugue au déclin apparemment terminal du PCF, qui risque de connaître une ou plusieurs scissions d’ici son congrès le mois prochain. Donc dans ce contexte on a l’apparition du nouveau Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon et le développement du NPA de Besancenot, dont le congrès de fondation est prévu fin janvier.
Comme Lafontaine, Mélenchon emmène une petite fraction de la social-démocratie traditionnelle, et il compte mettre la main sur les restes du PCF ou au moins une partie d’entre eux. Il a un il sur l’aile de la LCR dirigée par Christian Picquet et tout le milieu anticommuniste que courtise la LCR pour lancer le NPA, et qui trouve les roses de la LCR encore trop rouges. Mélenchon a un point commun avec Royal qui les différencie tous deux d’Aubry : Mélenchon et Royal étaient tous deux sous-ministres à l’Education nationale sous Jospin, qui a mis en place le LMD et autres mesures contre les étudiants, alors qu’Aubry était ministre de plein droit de Jospin, où elle a mis en place les lois sur les 35 heures qui portent son nom et qui se sont le plus souvent, notamment dans l’industrie, traduites par une aggravation des conditions de travail, une augmentation de la flexibilité et un blocage des salaires pendant plusieurs années.
Mélenchon fait un cinéma sur la politique de Royal, ou par extension d’Aubry, de faire alliance avec le MoDem bourgeois de droite. Lui ne fait alliance qu’avec des partis bourgeois de gauche, comme le MARS-Gauche républicaine, et il envisage aussi un bloc avec les chevènementistes. Sauf qu’un parti bourgeois de gauche reste un parti bourgeois au même titre qu’un parti bourgeois de droite, et c’est une trahison de classe de faire une alliance politique avec lui.
Dans une interview de Mélenchon publiée le 13 novembre dans l’Humanité, il déclare de son Parti de gauche qu’« Il se définira dans un projet de rupture avec le capitalisme et son horizon sera “la république sociale” suivant la formule de Jean Jaurès. » Comme le Parti de gauche allemand, le Parti de gauche français a en réalité pour raison d’être de faire pression sur le PS pour le pousser un tout petit peu à gauche. Ainsi, dans cette interview, Mélenchon déclare : « Je considère que le PS n’évoluera pas, sauf s’il y est contraint par un rapport de force électoral [ ]. Si nous sommes reconnus comme les meilleurs dans ce combat, la gauche sera rééquilibrée et le PS devra bouger. »
Le « nouveau parti anticommuniste » de Besancenot
Quand Mélenchon parle de « rupture avec le capitalisme », on pense à Olivier Besancenot dont c’est l’une des formulations les plus radicales depuis que la LCR dénonce la dictature du prolétariat. Tout comme Mélenchon, Besancenot se réclame des « meilleures traditions » du socialisme français, sous-entendu le réformisme de Jaurès. L’ancienne Ligue communiste révolutionnaire est maintenant au terme d’un processus qui a duré plus de 50 ans et qui l’a menée du trotskysme au début des années 1950, quand les ancêtres de Besancenot et Krivine ont détruit la Quatrième Internationale qu’avait construite Trotsky, jusqu’à la social-démocratie 100 % « mainstream » ; ils dénoncent maintenant toute identification au communisme, à la révolution et à la Quatrième Internationale de Trotsky pour fonder le « nouveau parti anticapitaliste ».
Sur les origines de la LCR et du pablisme, dont le nom vient de la doctrine de Michel Raptis, dit Pablo, qui dirigeait le secrétariat international de la Quatrième Internationale à Paris à la fin des années 1940 et au début des années 1950, je vous recommande notre article publié en 1974 dans Spartacist, « Genèse du pablisme ».
Les trotskystes avaient été considérablement affaiblis pendant la Deuxième Guerre mondiale, du fait de la répression des fascistes et des staliniens, et ils étaient désorientés par le fait que les staliniens avaient exproprié la bourgeoisie en Europe de l’Est en l’absence de toute révolution ouvrière et qu’ils avaient établi des Etats ouvriers bureaucratiquement déformés, qui étaient fondamentalement analogues au régime en vigueur dans l’URSS de Staline. Là où les ancêtres de LO ont nié cette réalité, et la nient d’ailleurs toujours, les pablistes en ont faussement déduit que les staliniens pouvaient jouer un rôle approximativement progressiste sous la pression des événements objectifs. A partir de là le rôle des trotskystes devenait pour Pablo de devenir une tendance de gauche faisant partie intégrante des partis staliniens. C’est ce qu’ils ont fait en France en entrant dans le PCF.
Mais ce qui marquait la dégénérescence centriste du pablisme, plus fondamentalement que leur capitulation au stalinisme, c’était la négation du rôle du parti. Dans les pays où le stalinisme était faible ils se sont liquidés dans d’autres forces ennemies de la révolution socialiste, comme le SPD en Allemagne de l’Ouest ; en Belgique leur intellectuel principal, Ernest Mandel, était conseiller du bureaucrate syndical André Renard qui a trahi la grève générale belge de 1960-1961.
Il y a eu une opposition au liquidationnisme pabliste dans les années 1950, même si elle était partielle et souvent basée sur le terrain national. Il y avait la majorité de l’organisation française, dirigée par Marcel Bleibtreu et Pierre Lambert, et surtout le parti trotskyste aux Etats-Unis, le SWP dirigé par James P. Cannon. Il y a eu scission. En France, le groupe Lambert, qui était de plus en plus incrusté dans la bureaucratie syndicale anticommuniste de FO, est devenu plus tard farouchement antisoviétique et social-démocrate, et aujourd’hui il se distingue par ses hurlements chauvins stridents contre l’Union européenne, qu’il dénonce non pas comme un consortium impérialiste instable, mais comme une marionnette des Américains et la source de tous les maux qui affectent une République française menacée d’éclatement.
Aux USA, le SWP est lui-même devenu centriste au début des années 1960, et en 1963 il est retourné dans le giron de l’organisation internationale des pablistes. Mais il y a eu une opposition à ce révisionnisme. C’est de ce groupe, dirigé par James Robertson, exclu bureaucratiquement en 1963 du SWP, qu’est issue notre tendance internationale, qui représente ainsi la continuité historique du trotskysme. Spartacist est le journal théorique international de notre tendance, paraissant en anglais depuis 1964 et en quatre langues depuis les années 1970.
Au moment de Mai 68 les pablistes français d’Alain Krivine, qui venaient peu auparavant de se faire exclure du PCF, avaient inventé une nouvelle avant-garde, à savoir la jeunesse étudiante radicale ; ils ont été pris par surprise par la grève générale ouvrière, et ils n’avaient à ce moment-là pratiquement personne dans la classe ouvrière. Encore aujourd’hui d’ailleurs leur implantation dans la bureaucratie syndicale est forte surtout dans les syndicats petits-bourgeois comme ceux de l’enseignement.
Ensuite il y a eu chez les pablistes toutes sortes de « nouvelles avant-gardes » autres que le prolétariat révolutionnaire : le mouvement féministe, le guérillisme petit-bourgeois, et surtout le front populaire de Mitterrand et Marchais dans les années 1970. Or après la fin de la guerre du Vietnam l’impérialisme américain a commencé à se réarmer idéologiquement en commençant une nouvelle guerre froide sous la présidence de Jimmy Carter avec la « campagne des droits de l’homme » en URSS et dans les pays de l’Est, qui a débouché sur les provocations militaires antisoviétiques sous la présidence de Ronald Reagan dans les années 1980. En Europe de l’Ouest c’était Mitterrand le fer de lance de la campagne antisoviétique. Et avec le soutien à Mitterrand la LCR s’est mise à soutenir toutes les forces contre-révolutionnaires possibles et imaginables. Leur revue internationale en anglais International Viewpoint avait même publié en 1989 une apologie des Frères de la forêt, un groupe terroriste anticommuniste qui opérait dans les pays baltes après que ceux-ci avaient été libérés de la barbarie nazie par l’Armée rouge.
Nos camarades sont intervenus encore récemment contre Catherine Samary à la Sorbonne où elle donnait un meeting pour dénoncer les ex-Etats ouvriers déformés d’Europe de l’Est. C’est Catherine Samary alias Verla qui en tant que dirigeante de la LCR avait pris position en août 1991 pour Boris Eltsine au moment où celui-ci, en liaison avec Washington, prenait le pouvoir pour restaurer le capitalisme en URSS. La LCR, avec son soutien au front populaire bourgeois de Mitterrand et son soutien décisif à la contre-révolution capitaliste, est définitivement devenue social-démocrate.
Pendant des années les pablistes avaient proclamé qu’ils étaient prêts à jeter par-dessus bord toute référence au trotskysme pour peu qu’ils eussent une vraie occasion de se liquider. Avec la chute de l’Union soviétique et l’effondrement du PCF, ils pensent que leur heure est finalement venue. Ils bénéficient de la promotion de Besancenot sur TF1 et les chaînes publiques de télévision, et de scores électoraux flatteurs, mais il est douteux qu’ils parviennent à mettre sur pied un nouveau parti social-démocrate de masse. Contrairement au Parti de gauche allemand, la LCR ne dispose pas d’une assise solide dans la bureaucratie syndicale, et elle ne semble pas prête de l’acquérir. L’émergence d’une nouvelle social-démocratie de masse exigera probablement des luttes sociales convulsives qui entraîneront de larges couches ouvrières dans la politique. A ce moment-là plus que jamais la LCR ou son avatar du moment représentera un obstacle à la construction du parti révolutionnaire dont a besoin la classe ouvrière.
Leur « trotskysme » n’avait jamais rien à voir avec le marxisme révolutionnaire ; pour eux aujourd’hui Trotsky c’est du passé, la lutte contre le stalinisme au nom de la démocratie, c’est-à-dire de la démocratie bourgeoise, et la contre-révolution capitaliste. Comme le stalinisme est fini, ils ne voient plus l’intérêt de se réclamer d’un individu qui après tout avait fondé et dirigé l’Armée rouge et soutenu la répression de la mutinerie contre-révolutionnaire de Cronstadt. François Sabado, l’éminence grise de Besancenot, déclarait dans le Nouvel observateur daté du 5 au 11 décembre 2002 :
« Avant Olivier [Besancenot] on était Russes, toujours définis par la révolution d’octobre, par l’URSS, notre opposition au stalinisme. Avec lui, on devient Français. On peut s’inscrire durablement dans le paysage. »
Cette citation dit tout en trois lignes. En voici une autre, extraite de la déclaration adoptée lors de la rencontre nationale des comités NPA (Rouge, 3 juillet) : « Nous n’avons pas de modèle, et surtout pas les régimes prétendument “communistes” du siècle dernier ». Nous, les trotskystes, nous avons au contraire un modèle, c’est celui de la Révolution russe dirigée par Lénine et Trotsky en 1917. Notre tâche est de maintenir un programme révolutionnaire dans cette dure période postsoviétique. Les ancêtres de Besancenot ont détruit la Quatrième Internationale au début des années 1950. Depuis, notre tâche a été et demeure de reforger la Quatrième Internationale sur une base authentiquement trotskyste pour diriger le prolétariat dans de nouvelles révolutions d’Octobre.