Le Bolchévik nº 184 |
Juin 2008 |
Campagne internationale du Partisan Defense Committee
Rassemblements pour exiger la libération de Mumia
Le 27 mars, le troisième circuit de la cour d’appel fédérale a confirmé la condamnation de Mumia Abu-Jamal, ancien membre des Black Panthers, partisan de l’organisation MOVE et journaliste primé, surnommé « la voix des sans-voix », et victime d’une machination : il a été accusé mensongèrement du meurtre, en 1981, de l’agent de police de Philadelphie Daniel Faulkner, et envoyé dans le couloir de la mort uniquement pour ses convictions politiques. La décision du tribunal, qui confirme un jugement rendu en 2001 par un tribunal de district fédéral, signifie soit qu’une nouvelle audience aura lieu pour fixer la peine, au cours de laquelle la condamnation à mort pourra être rétablie, soit que Mumia sera condamné à la prison à vie. C’est un scandale ! Il existe une montagne de preuves, que les tribunaux ont rejetées ou refusé d’examiner, qui démontrent que Mumia Abu-Jamal est un innocent qui n’aurait jamais dû passer un seul jour en prison !
Anticipant la décision du tribunal, le Partisan Defense Committee [PDC] une organisation de défense légale et sociale, non sectaire, associée avec la Spartacist League/U.S. et les Labor Black Leagues [Ligues ouvrières noires] avaient appelé l’été dernier à des rassemblements de protestation immédiatement après l’annonce du jugement. Ces rassemblements, qui ont eu lieu les 28 et 29 mars derniers, ont été suivis par des manifestations de front unique appelées par le PDC, qui depuis plus de 20 ans a pris fait et cause pour Mumia, avec le soutien actif de la Spartacist League et des autres sections de la Ligue communiste internationale (LCI). Le 19 avril, environ 200 manifestants se sont mobilisés pour un rassemblement de front unique à Oakland, en Californie, tandis que plus de 100 personnes manifestaient à Londres et à Toronto. Des rassemblements de front unique ont aussi été organisés le 23 avril à Sydney, en Australie, le 24 avril sur le campus de l’Université nationale autonome (UNAM) à Mexico, et le 26 avril à Chicago et à Los Angeles.
Outre ces rassemblements de front unique, le PDC et la Labor Black League for Social Defense [Ligue ouvrière/noire pour la défense sociale] de New York ont mobilisé un cortège lutte de classe d’environ 150 personnes pour la manifestation organisée le 19 avril à Philadelphie, à l’appel d’International Concerned Family and Friends of Mumia Abu-Jamal (ICFFMAJ), qui a réuni quelque 600 personnes. Le même jour, le Comité de défense sociale (CDDS), l’organisation sur du PDC en France, a également mobilisé un cortège d’environ 60 personnes dans un rassemblement qui a réuni environ 200 manifestants à Paris, tandis que nos camarades du Grupo Espartaquista de México, section de la LCI, participaient à un rassemblement d’environ 50 personnes à Mexico. Le 12 avril, en Allemagne, le Komitee für soziale Verteidigung (KfsV) a mobilisé un cortège de 80 personnes dans une manifestation organisée à l’appel de la Coalition « Libérez Mumia Abu-Jamal » de Berlin qui a rassemblé environ 300 personnes. Ces cortèges avaient pour mots d’ordre : « Mumia Abu-Jamal est innocent ! Libération immédiate de Mumia ! Abolition de la peine de mort raciste ! Il n’y a pas de justice dans les tribunaux capitalistes ! Mobilisez la puissance de la classe ouvrière Pour des manifestations de masse ! »
Les rassemblements de front unique organisés à l’initiative du PDC avaient comme mots d’ordre : « Mumia Abu-Jamal est innocent ! Libération immédiate de Mumia ! Abolition de la peine de mort raciste ! » Plus de 500 individus et organisations, dont des syndicats représentant des centaines de milliers de travailleurs, ont soutenu ces rassemblements (pour la liste des soutiens, voir www.partisandefense.org). Un des premiers soutiens a été celui du Congress of South African Trade Unions (COSATU) du Cap-Occidental (Afrique du Sud) qui a publié une déclaration affirmant que : « le COSATU soutient la campagne pour libérer le camarade ABU JAMAL [ ]. Nous serons aux côtés des millions de personnes, dans le monde entier, qui réclament que justice soit rendue et nous participerons aux rassemblements contre cette parodie de justice. » Parmi les autres soutiens, citons l’OPZZ Konfederacja Pracy (Confédération polonaise des syndicats ouvriers) et la fédération syndicale grecque Front ouvrier militant (PAME), alliée au Parti communiste. En Ecosse, le Conseil des syndicats d’Aberdeen et le Conseil écossais des syndicats ont apporté leur soutien, et Grahame Smith, le secrétaire général du Conseil écossais des syndicats, a déclaré, dans les salutations qu’il a adressées aux rassemblements, que Mumia « doit être libéré immédiatement de prison. Il est innocent, et la peine de mort, intrinsèquement raciste, doit être abolie. »
En outre, 40 sections locales syndicales, aux Etats-Unis et dans le monde entier, ont soutenu les rassemblements de front unique. Ces sections locales représentent des travailleurs dans des secteurs tels que les transports, les ports, la sidérurgie, l’automobile, les industries électriques et les communications, ainsi que les postiers, les enseignants et les employés des universités. De très nombreux dirigeants syndicaux ont aussi apporté leur soutien à titre individuel, ainsi que des représentants d’organisations comme la Coalition of Black Trade Unionists (Coalition des syndicalistes noirs), la Coalition of Labor Union Women (Coalition des femmes syndicalistes) et le Latino Caucus (Comité latino-américain) de la section locale 721 du syndicat des employés SEIU à Los Angeles.
Le PDC a aussi cherché des soutiens à la cause de Mumia parmi les étudiants, les militants antiguerre et pour les droits des homosexuels, les minorités, les communautés immigrées, les organisations de gauche et d’autres personnalités. Ont apporté leur soutien aux rassemblements de front unique les anciens dirigeants des Black Panthers Elaine Brown et David Hilliard, le responsable de la VVN-BdA (Association des victimes du régime nazi Coalition des antifascistes) à Berlin, de l’acteur sud-africain Dr. John Kani, de Cynthia McKinney (candidate du Parti vert américain à la présidence) et des écrivains Cornel West, Gilles Perrault, Robert Allen, Michael Eric Dyson et Manning Marable. De Cuba, nous avons reçu les soutiens de l’écrivaine Celia Hart et de la fille de Che Guevara, Aleida Guevara March. Une déclaration de solidarité a été envoyée par Leonard Peltier, dirigeant de l’American Indian Movement, en prison depuis longtemps mais dont la détermination reste entière après des dizaines d’années d’acharnement du gouvernement américain contre lui. Ont aussi construit et participé à ces rassemblements des groupes nationalistes noirs à Londres, Chicago et Oakland, des militants pour les droits des homosexuels à Chicago, et bien d’autres. Parmi ceux qui ont pris la parole figuraient des syndicalistes, des parents de militants des Black Panthers assassinés et d’anciens membres des Black Panthers aujourd’hui inculpés suite à des machinations.
Le PDC a encouragé toutes les organisations qui soutenaient les rassemblements à publier leur propre appel. Toutes les organisations qui soutenaient les rassemblements étaient aussi invitées à prendre la parole. Là où les participants ont accepté l’invitation du PDC à exprimer leurs propres positions, y compris en soulevant des divergences politiques avec d’autres participants, un large éventail de points de vue politiques a pu s’exprimer, ce qui n’a fait que renforcer la détermination commune à mener la bataille urgente pour la libération de Mumia.
Les réformistes ont démobilisé un mouvement de masse reconstruisons le mouvement pour Mumia !
Dans la lutte pour libérer Mumia, il est vital de transformer en actions ouvrières les soutiens et les déclarations de soutien venus du mouvement ouvrier international. Nous luttons pour une stratégie de défense lutte de classe, qui doit se baser sur la compréhension que la société capitaliste est fondamentalement divisée en deux classes sociales hostiles les exploiteurs capitalistes et la classe ouvrière et que l’Etat capitaliste et ses tribunaux sont des organes de répression contre les travailleurs et les opprimés. Comme le soulignait Rachel Wolkenstein, conseillère juridique du PDC, lors du rassemblement de front unique de Mexico :
« Il y a une force qui peut lutter contre la vendetta de l’Etat contre Mumia. La puissance pour faire plier les tribunaux, la puissance pour libérer Mumia, réside dans la classe ouvrière internationale, multiraciale, multiethnique, qui peut stopper la production, les transports et les communications ! [ ] Cette puissance est représentée, sous forme embryonnaire, par le soutien qu’a reçu cette manifestation et par ceux qui se sont mobilisés ici aujourd’hui ! Cette puissance doit être utilisée pour lutter pour Mumia, pour tous les prisonniers de la guerre de classes, et ceci fait partie intégrante de la transformation des luttes économiques des travailleurs en luttes politiques conduisant à des révolutions socialistes dans le monde entier. »
Dans le cadre de cette stratégie lutte de classe, le PDC se bat pour de véritables actions de front unique en défense de Mumia. Le front unique est une tactique pour des actions communes, menées sous la devise « marcher séparément, frapper ensemble ». Cela signifie l’unité d’action, basée sur des mots d’ordre acceptés par tous et sur une complète liberté de critique c’est-à-dire le débat ouvert sur quelle stratégie est nécessaire pour reconstruire le mouvement pour Mumia et lutter pour sa libération. En tant que communistes participant à des actions de front unique, nous n’abdiquons jamais devant l’obligation de dire la vérité, telle que nous la percevons. Mais les staliniens et les sociaux-démocrates, au fil des décennies, ont perverti le terme de front unique au service de la collaboration de classes, en l’utilisant pour désigner un bloc politique entre opportunistes qui n’imaginent pas se critiquer mutuellement de façon ouverte. Aujourd’hui, cela signifie esquiver la bataille politique nécessaire pour aller de l’avant dans la lutte pour libérer Mumia.
Dans sa « Lettre ouverte à tous ceux qui luttent pour la libération de Mumia » du 8 avril (reproduite dans Workers Vanguard n° 912, 11 avril), le PDC notait que la décision du tribunal du 27 mars montrait de façon tellement claire que Mumia ne pourra pas obtenir justice dans les tribunaux capitalistes que « même ceux qui, depuis des années, s’étaient mobilisés sur la base que Mumia pourrait avoir un “nouveau procès équitable” proclament maintenant qu’il ne faut pas entretenir d’illusions dans le système de justice américain ». Avant la manifestation d’ICFFMAJ du 19 avril à Philadelphie et le front unique à l’initiative du PDC à Oakland, le PDC avait approché la San Francisco Mobilization to Free Mumia Abu-Jamal et la Free Mumia Abu-Jamal Coalition de New York pour que celles-ci soutiennent les rassemblements organisés à l’initiative du PDC, et pour transformer le rassemblement de Philadelphie en véritable front unique. Mais ces propositions furent rejetées catégoriquement. Comme l’explique le PDC dans sa « Lettre ouverte » :
« La machination contre Mumia Abu-Jamal exprime avec acuité la partialité de classe et de race des tribunaux capitalistes, et souligne la nécessité pour la classe ouvrière multiraciale de se faire le champion de la libération des Noirs [ ].
« L’appel à un “nouveau procès” est basé sur un programme politique de confiance dans la classe capitaliste, ses politiciens et ses tribunaux pour qu’ils rendent justice à ceux qui combattent pour les opprimés. Personne n’avait jamais appelé à un “nouveau procès” pour Angela Davis, Huey Newton ou Nelson Mandela. Si l’opposition politique entre notre appel à la “libération de Mumia” et ceux qui préconisent un “nouveau procès” avait été ouvertement débattue il y a dix ans et depuis lors, le mouvement pour Mumia serait aujourd’hui beaucoup plus fort et solidement basé sur la nécessité de nous mobiliser pour libérer cet innocent [ ].
« En rejetant notre appel urgent à une action de front unique, la Mobilization et la Coalition de New York font preuve de lâcheté politique. Dans la situation d’urgence où nous nous trouvons, ils subordonnent la lutte pour la libération de Mumia à leur peur du débat politique. »
De fait, alors que beaucoup d’organisations et d’individus ont soutenu les rassemblements de front unique, la plus grande partie de la gauche a brillé par son absence à quelques exceptions près, comme le Freedom Socialist Party et l’Internationalist Group (IG) , alors même que nous avions activement cherché à obtenir leur soutien, et que nous les avions encouragés à aider à construire les rassemblements. Des sympathisants du Party for Socialism and Liberation (PSL), de la League for the Revolutionary Party (LRP) et de la Campaign to End the Death Penalty (dominée par l’International Socialist Organization) sont venus au rassemblement de front unique de Chicago, et des sympathisants de Spark (l’organisation sur de Lutte ouvrière aux Etats-Unis) à Los Angeles. Mais toutes ces organisations (et d’autres encore) ont refusé de soutenir les rassemblements de front unique qui réclamaient simplement la libération d’un prisonnier politique noir innocent et l’abolition de la peine de mort raciste (toutes choses qui devraient être du b.a.-ba pour tout libéral décent, et à plus forte raison pour qui se proclame socialiste). En tant que marxistes, nous sommes contre la peine de mort partout, y compris dans les Etats ouvriers déformés comme la Chine que nous défendons militairement de façon inconditionnelle contre les agressions impérialistes et la contre-révolution capitaliste.
Le sectarisme des réformistes n’est pas fortuit. Ils portent la responsabilité de la démobilisation du mouvement en défense de Mumia qui auparavant mobilisait des manifestations de dizaines de milliers de personnes. Ce sont les actions de protestation internationales, incluant le soutien de syndicats du monde entier, qui ont été cruciales pour retenir la main du bourreau en 1995, quand un ordre d’exécution de Mumia avait été signé. Mais depuis 1995, des groupes comme Socialist Action, qui avant 1995 n’avaient pratiquement rien dit sur le cas de Mumia, ont subordonné la lutte pour sa libération à l’appel à un « nouveau procès », en prêchant le mensonge que Mumia obtiendrait justice des mêmes tribunaux qui le maintiennent derrière les barreaux.
A mesure que s’accumulaient les preuves de l’innocence de Mumia, dont la plupart ont été découvertes par Rachel Wolkenstein et Jonathan Piper qui faisaient partie de l’équipe d’avocats de Mumia de 1995 à 1999, la gauche réformiste a de plus en plus abandonné l’idée de l’innocence de Mumia et s’est enfermée dans son insistance à colporter des illusions dans la « justice » américaine. Ceci est devenu explicite lors d’une « réunion au sommet d’urgence de la direction » en janvier 1999, où des représentants de Socialist Action, de Solidarity, du Workers World Party (WWP), du Revolutionary Communist Party (RCP), de Refuse & Resist, d’ICFFMAJ et d’autres groupes ont adopté une stratégie qui rejetait explicitement l’appel à la libération de Mumia et à l’abolition de la peine de mort en faveur de l’appel à un nouveau procès.
Cela s’inscrivait dans une stratégie de main tendue « à l’opinion publique américaine », comme l’écrivait pour s’en féliciter le porte-parole de Solidarity Steve Bloom dans Against the Current (mars/avril 1999). Les réformistes ont activement escamoté et dénigré les preuves de l’innocence de Mumia, notamment les aveux d’Arnold Beverly où celui-ci affirme que c’est lui, et non Mumia, qui a tué Faulkner. En décembre 2001, le juge du tribunal de district William Yohn a annulé la condamnation à mort de Mumia tout en confirmant le verdict de culpabilité basé sur une machination. C’était un coup dur démoralisant pour ceux qui prônaient un « nouveau procès ». Mais au lieu de se mobiliser autour de l’appel à libérer Mumia, ils ont dit aux militants de se tourner vers la cour d’appel fédérale suivante. Cette ligne a trouvé un écho chez des forces réformistes plus importantes au niveau international, comme le Parti communiste français (PCF), ainsi que chez les bureaucrates syndicaux aux Etats-Unis.
Les effets ont été dévastateurs ; un mouvement de masse a été démobilisé. Pourquoi se mobiliser dans la rue ou dans les syndicats si Mumia peut obtenir justice de la part des tribunaux ? Comme l’expliquait le KfsV, l’organisation sur du PDC en Allemagne, dans une polémique contre la Coalition pour Mumia basée à Berlin (voir « Pour une défense lutte de classe pour libérer Mumia », Spartakist n° 169, hiver 2007/2008) :
« Faire de la revendication d’un “nouveau procès équitable” une perspective pour le mouvement pour la libération de Mumia signifie tendre la main aux libéraux qui doutent de l’innocence de Mumia, qui seraient satisfaits s’il était condamné à la mort lente, qui veulent juste donner à la machination les apparences de “l’équité” et du “respect du droit”. La Coalition cherche à en appeler à la partie de “l’opinion publique” qui voit dans l’enfer judiciaire où Mumia a été précipité une tache sur l’image de la “justice” américaine, ou une violation de la démocratie “constitutionnelle” européenne. Prêcher que le prochain tribunal sera le tribunal qui accordera à Mumia un nouveau procès équitable démoralise aussi les jeunes et les travailleurs qui avaient initialement rejoint la lutte pour Mumia parce qu’ils y voyaient leur propre lutte contre “le système”, tel qu’ils le perçoivent et dont ils ont fait personnellement l’expérience. »
Une part cruciale de la campagne actuelle du PDC consiste à réparer les dommages provoqués par les réformistes et à reconstruire le mouvement pour Mumia. Quand nous avons porté la campagne Mumia dans les campus, nous nous sommes aperçus qu’aujourd’hui la plupart des jeunes, et même des étudiants noirs, n’avaient même pas entendu parler de lui, ce qui n’était pas le cas il y a dix ans. Il est tout aussi révélateur que la plupart de ceux qui avaient entendu parler de lui pensaient qu’il avait déjà été libéré, qu’il était sur le point d’être libéré, ou même qu’il avait été exécuté.
Quand elle subordonne la lutte pour Mumia aux libéraux bourgeois et aux Démocrates « progressistes », la gauche réformiste n’applique pas une approche fondamentalement différente que dans les autres luttes sociales comme celle contre l’invasion et l’occupation de l’Irak, le combat pour les droits des immigrés, le droit à l’avortement, etc. Ces luttes, et d’autres encore, ont été dévoyées pour déloger la majorité républicaine au Congrès ce qui a été fait en 2006 et, cette année-ci, pour envoyer un démocrate à la Maison Blanche.
Ceci découle de l’opposition des réformistes à la lutte pour une révolution socialiste qui renversera l’ordre capitaliste, et de leur insistance à colporter le mensonge que le capitalisme, par des actions de protestation et de pression, pourrait être réformé pour servir les intérêts des travailleurs et des opprimés. C’est ainsi qu’aujourd’hui les réformistes, explicitement ou implicitement, cherchent à favoriser le politicien capitaliste pro-peine de mort Barack Obama (ou, dans une bien moindre mesure, la politicienne capitaliste pro-peine de mort Hillary Clinton). De leur côté, d’autres favorisent la politicienne capitaliste « progressiste » Cynthia McKinney, la candidate annoncée des Verts, un parti capitaliste de troisième ordre.
Dans le cadre de la mobilisation pour le rassemblement Mumia du 19 avril à Philadelphie, le PDC, le 18 avril, a accroché, à proximité du rassemblement pour Obama, une banderole appelant à la libération de Mumia. Les camarades spartacistes ont clairement affiché notre combat pour l’indépendance politique de la classe ouvrière par rapport à la classe capitaliste en diffusant l’article « Obama et Clinton ne sont pas les amis des travailleurs, des Noirs et des opprimés Rompez avec le Parti démocrate, parti de la guerre impérialiste et du racisme ! Pour un parti ouvrier lutte de classe ! » (publié le 17 avril et reproduit dans Workers Vanguard n° 913, 25 avril). Cet article expliquait que nous « n’accordons par principe aucun soutien politique à aucun politicien capitaliste démocrate, républicain, vert ou indépendant ».
En allant à ce rassemblement, nous cherchions à populariser la cause de Mumia et à toucher de jeunes libéraux attirés par Obama pour les intéresser à la cause de Mumia. Depuis que nous nous sommes engagés au côté de Mumia, en 1987, nous avons toujours cherché à impliquer dans la lutte pour Mumia des forces plus larges qui ne partagent pas notre vision marxiste. En se tournant vers « l’opinion publique », les réformistes ont cherché à construire un « mouvement » qui prendrait une position agnostique sur l’innocence de Mumia. Ce sont le PDC et la SL/U.S. qui ont fait connaître le cas de Mumia y compris auprès des forces les plus larges possibles, et nous l’avons fait avec nos mobilisations, nos rassemblements et nos publications (par exemple, dernièrement l’exposé des faits Mensonges au service d’un lynchage légal) sur la base que c’est un homme innocent, victime d’une machination raciste et politique, qui doit être immédiatement libéré.
On peut voir la différence entre les rassemblements organisés à l’initiative du PDC et les autres rassemblements récents en défense de Mumia. Ces derniers ont cherché à exclure nos positions communistes de la « diversité » autorisée à s’exprimer à la tribune. Lors du rassemblement du 19 avril à Philadelphie, les organisateurs avaient fait en sorte que les différents groupes de manifestants manifestent séparément chacun dans son petit bantoustan : le contingent mobilisé par le PDC dans un coin, et dans l’autre coin les sympathisants d’organisations comme l’ICFFMAJ, le WWP, le PSL et la Coalition du 22 octobre du RCP. Cette division n’a fait qu’encourager des provocateurs fascistes et d’autres partisans des flics racistes à mettre à exécution les menaces de harcèlement et de violence contre les défenseurs de Mumia qu’ils avaient proférées auparavant.
Au contraire, les rassemblements organisés à l’initiative du PDC ont uni des forces avec des points de vue politiques divers derrière l’appel à libérer Mumia, tout en permettant à chaque groupe de mettre en avant ses propres positions. A Oakland ont pris la parole notamment Richard Brown, Hank Jones, Francisco Torres et Ray Boudreaux qui font partie des « 8 de San Francisco », un groupe d’anciens Black Panthers aujourd’hui traînés devant les tribunaux sur la base d’accusations fabriquées de toutes pièces qu’ils auraient tué un flic, et qui avaient été rejetées par un tribunal il y a 30 ans.
A Londres ont pris la parole un certain nombre de nationalistes noirs, comme Brother Omowale qui s’est exprimé au nom de Galaxy Radio, une station qui avait diffusé l’appel au rassemblement organisé à l’initiative du PDC. Jessica Huntley, l’une des fondatrices de Bogle-L’Ouverture Publications, a évoqué de façon très émouvante et évocatrice le professionnalisme et la culture politique de Mumia en tant que journaliste, quand elle l’avait rencontré en 1981. Elle se souvenait que Mumia l’avait appelée après son arrestation pour lui dire qu’il était en prison pour un crime qu’il n’avait pas commis. (Pour davantage d’informations sur les rassemblements de front unique d’Oakland, de Toronto et de Londres, voir « Des rassemblements internationaux exigent : libération immédiate de Mumia ! », Workers Vanguard n° 913, 25 avril).
Et le débat politique a eu lieu. Notre perspective lutte de classe, qui s’oppose à la confiance de la gauche réformiste dans le système de la « justice » américaine, était controversée. Lors du rassemblement de front unique de Chicago, Bernard Branche, qui parlait au nom de la Labor Black Struggle League, a souligné la nécessité d’une lutte de classe intégrée pour se battre pour la libération de Mumia ; un sympathisant du Black Panther Party, dont le porte-parole Jokarhi Shakur-El s’était déjà adressé aux manifestants, a essayé de l’interrompre en déclarant « Il ne faudra pas seulement la classe ouvrière ». En réponse, Branche a déclaré :
« Ils ont eu leur orateur [ ]. Ils ont leur propre stratégie. Ils la mettent en avant. Cette stratégie [ ] n’a aucun espoir qu’il puisse y avoir une lutte de classe unie contre la bourgeoisie raciste, qui transcende les lignes de fracture raciales [ ]. Ils n’ont aucun espoir qu’il soit possible de gagner la direction de la classe ouvrière, donc par conséquent la seule chose [ ] qui reste c’est de soutenir le Parti démocrate. Ici, c’est un front unique. Donc, liberté de critique. C’est pourquoi Jokarhi a pu se lever et indiquer sa perspective. Et c’est pourquoi j’indique la mienne. »
De Mexico à Sydney : Libération immédiate de Mumia !
Devant la centaine de manifestants qui s’étaient mobilisés à Mexico pour le rassemblement de front unique appelé par le GEM le 24 avril, Rachel Wolkenstein soulignait que « Nous sommes ici pour proclamer notre opposition à la détermination de l’Etat américain à exécuter Mumia ou à le maintenir en prison pour le reste de sa vie. Le seul crime de Mumia a été d’être un adversaire inflexible du racisme, de la brutalité policière, de la guerre impérialiste et des exactions coloniales. » Elle ajoutait : « Le pouvoir américain raciste voit dans Mumia le spectre de la révolte noire [ ]. A l’âge de 14 ans seulement, Mumia a rejoint le Black Panther Party, et il est rapidement devenu ministre de l’Information dans sa section locale [ ]. Mumia s’est retrouvé à 15 ans sur une liste du gouvernement pour le crime, selon les mots du FBI, d’être un “porte-parole efficace”. » Wolkenstein déclarait ensuite :
« La lutte pour la libération de Mumia est une lutte pour nous tous aux Etats-Unis, au Mexique, dans le monde entier. Aux Etats-Unis, la machination à son encontre incarne tous les aspects de l’injustice capitaliste raciste. Elle met à nu l’essence de l’Etat capitaliste, en tant qu’instrument de répression contre les travailleurs et les opprimés. Le développement du capitalisme américain s’enracine dans l’esclavage des Noirs. La peine de mort est l’héritage de l’esclavage quand les Noirs pouvaient être torturés et assassinés en tant que possessions de leurs propriétaires. La peine de mort, c’est la corde à lyncher légalisée. »
Parmi les participants au rassemblement de Mexico figuraient des étudiants et des travailleurs de l’UNAM. Il y avait des militants de gauche, dont la Liga de los Trabajadores por el Socialismo-Contracorriente (Ligue des travailleurs pour le socialisme-contre le courant, LTS, affiliée à un courant moréniste qui se déclare trotskyste) et l’IG, qui tous deux ont pris la parole pendant le rassemblement. Et il y avait des porte-parole de groupes de défense, dont ¡Eureka! et le Front national contre la répression (FNCR). Inti Martínez, de ¡Eureka!, a apporté les salutations de la sénatrice Rosario Ibarra, coordinatrice nationale de ¡Eureka!, qui soutenait le rassemblement de front unique. Evoquant les décennies de lutte d’Ibarra et de ¡Eureka! pour récupérer leurs enfants, leurs conjoints et leurs camarades que l’Etat mexicain a fait disparaître, il a déclaré : « Ils les ont pris vivants, nous voulons qu’on nous les rende vivants ! Libérez tous les prisonniers politiques, libérez Mumia ! »
Le porte-parole de la Juventud Espartaquista [JE], le groupe de jeunesse du GEM, a rappelé que la veille c’était le neuvième anniversaire du début de la grève combative des étudiants de l’UNAM en défense de l’éducation publique, « une lutte très combative qui avait le potentiel pour devenir l’étincelle d’une révolution ouvrière au Mexique. Pour réaliser ce potentiel, une direction révolutionnaire était nécessaire. » Cette grève a été brisée par une répression sanglante dirigée par les trois partis bourgeois du Mexique, le PRI (Parti révolutionnaire institutionnel), le PAN (Parti d’action nationale) et le PRD (Parti de la révolution démocratique), et le porte-parole de JE a fait le lien entre cette répression et les agressions contre des étudiants de gauche perpétrées aujourd’hui sur les campus par des nervis d’extrême droite. Il a aussi évoqué la campagne actuelle pour faire passer des porte-parole connus de la gauche mexicaine ainsi que des étudiants de l’UNAM et des militants ouvriers pour des « terroristes », au lendemain de l’attaque meurtrière menée début mars par le gouvernement colombien sur un camp de guérilleros des FARC en Equateur, qui a tué 22 personnes, dont plusieurs étudiants de l’UNAM.
Le thème de la solidarité ouvrière au-delà des frontières a été évoqué à plusieurs reprises. Le porte-parole de l’Assemblée ouvrière de l’Ecole des sciences politiques et sociales, qui fait partie du syndicat STUNAM, a proclamé : « Mort à la tyrannie ! Mort à la peine de mort ! » Il a réclamé la libération de Mumia et de « tous les Mexicains et les Latino-américains injustement poursuivis » par le gouvernement américain. Le porte-parole de la LTS a salué le PDC pour cette campagne internationale, et a insisté sur la puissance de la classe ouvrière américaine et sur la nécessité que les travailleurs américains s’unissent aux travailleurs du monde entier. Dénonçant la confiance dans les Partis démocrate ou républicain aux Etats-Unis, il a appelé les syndicats à prendre la tête de la lutte pour la libération de Mumia. Le porte-parole du GEM a répondu qu’avec ses appels à la « dissolution des forces répressives de l’Etat », la LTS partage les mêmes illusions dans l’Etat capitaliste qui ont démobilisé le combat pour la libération de Mumia.
Celia Hart avait envoyé un message de solidarité qui faisait le lien entre le cas de Mumia et celui des Cinq de Cuba, victimes d’accusations d’espionnage bidon à Miami à cause de leur solidarité avec Cuba. Elle écrivait : « Avec beaucoup d’honneur et de détermination, je soutiens la campagne pour la libération immédiate de notre frère Mumia [ ]. Nos cinq compañeros cubains, combattants révolutionnaires, ont subi des peines inacceptables, tout comme Mumia. Ce sont six combattants pour le bonheur de leurs peuples (deux des camarades cubains sont aussi américains). Ces deux campagnes doivent n’en faire qu’une [ ]. Nous avons besoin que ces six combattants internationalistes sortent de derrière les barreaux [ ]. »
Dans chacun des rassemblements de front unique, le lien a été fait entre l’injustice infligée à Mumia et l’oppression et la terreur raciste dans le pays où le rassemblement avait lieu. Lors du rassemblement de front unique du 23 avril à Sydney, en Australie, où environ 55 manifestants ont réclamé la libération de Mumia, la porte-parole de la Spartacist League, Margaret Rodda, déclarait : « Nous sommes par principe contre la peine de mort, et nous exigeons son abolition. Nous n’accordons pas à l’Etat le droit de décider qui doit vivre et qui doit mourir. Bien que la peine de mort soit officiellement abolie en Australie [ ], elle est appliquée en pratique, dans les prisons et les cellules des commissariats, contre la population aborigène profondément opprimée. Cela fait que le cas de Mumia trouve un écho profond dans ce pays. » Dénonçant la saisie par l’armée et la police de terres aborigènes dans les Territoires du Nord australiens, elle ajoutait : « On ne doit pas laisser les Aborigènes se battre seuls mobilisons le mouvement ouvrier organisé dans un combat lutte de classe pour les droits des Aborigènes ! »
Chicago : « La place de Mumia est ici, dehors, avec le peuple. »
La manifestation de Chicago a rassemblé plus de 200 personnes, et 13 orateurs représentant un large éventail d’organisations politiques et syndicales ont pris la parole. Parmi les soutiens du rassemblement de front unique de Chicago figuraient les sections locales 241 et 308 de l’Amalgamated Transit Union [syndicat des transports publics], la section locale 3212 de l’United Auto Workers [UAW syndicat des ouvriers de l’automobile] et la section locale 3506 de l’AFSCME [syndicat des employés de la fonction publique et des hôpitaux]. Des étudiants de différents campus de Chicago s’étaient mobilisés, notamment la University of Illinois à Chicago, la University of Chicago, la DePaul University, la Chicago State University et la North-Eastern University. Parmi les soutiens venus des campus figuraient la Black Student Union [Union des étudiants noirs] à DePaul, ainsi que la MEChA [une association d’étudiants latino-américains] et Students for a Democratic Society [Etudiants pour une société démocratique] de la University of Chicago.
Pratiquement tous les orateurs ont dit leur colère après l’acquittement, la veille du rassemblement, des flics de New York qui avaient abattu Sean Bell de 50 balles. Bernard Branche, le porte-parole de la LBSL, a déclaré que « deux des flics qui ont tué Sean Bell étaient noirs, et en abattant un jeune Noir, aux yeux du pouvoir raciste, ils ne faisaient que leur boulot. Nous cherchons à mobiliser le mouvement ouvrier pour protester contre ces affronts, tout en expliquant aux masses qu’on ne mettra fin à des choses comme la terreur raciste des flics que quand la classe que les flics protègent sera chassée du pouvoir par la classe ouvrière. »
Branche a appelé à des mobilisations de protestation de masse centrées sur le pouvoir du mouvement ouvrier pour libérer Mumia, en soulignant que l’oppression raciste a été un aspect fondamental du fonctionnement du capitalisme américain, « depuis l’esclavage, en passant par la défaite de la Reconstruction radicale [la période qui a suivi la guerre civile américaine, dite de Sécession] et jusqu’à aujourd’hui, avec des exemples comme Katrina et les “Six de Jena”. » Il ajoutait :
« La division de la classe ouvrière suivant des clivages raciaux et ethniques est utilisée pour entraver la classe ouvrière dans sa lutte contre les patrons corrompus et racistes. Notre perspective est celle de l’intégrationnisme révolutionnaire. Nous cherchons à combattre chaque manifestation de l’oppression raciale des Noirs. Nous savons que c’est seulement en construisant une société socialiste égalitaire que l’on pourra arracher la libération des Noirs. Cette stratégie s’oppose à la fois au rêve libéral-intégrationniste fumeux d’un rapprochement lent et progressif vers l’égalité, et au nationalisme noir qui accepte la ghettoïsation et la séparation, aspect clé de l’oppression raciale des Noirs. »
Branche déclarait ensuite : « Nous cherchons à gagner la classe ouvrière, y compris les ouvriers blancs ainsi que le nombre croissant des Latino-américains et des autres immigrés, au combat pour la libération des Noirs. Nous savons aussi qu’il faut que les militants noirs et ouvriers luttent pour les pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés, pour préparer les masses travailleuses à combattre leur ennemi capitaliste commun. Une attaque contre un est une attaque contre tous ! » Pour la Spartacist League, Paula Daniels a désigné la bureaucratie syndicale procapitaliste comme l’obstacle à la mobilisation pour la libération de Mumia dans le mouvement ouvrier, en affirmant que « Le mouvement ouvrier a besoin d’une direction basée sur l’indépendance de la classe ouvrière par rapport à l’Etat et aux partis politiques des patrons ».
Bob Schwartz, porte-parole du Gay Liberation Network (Réseau de libération gay), a déclaré : « Hier, j’ai vu à la télévision un politicien connu déclarer que nous devons respecter la décision du tribunal qui a disculpé les assassins de Sean Bell. Alors, qui était ce politicien ? C’est exact, c’était Barack Obama. Ce n’était pas George Bush, ni John McCain, même si ça aurait pu être lui, mais c’était Barack Obama. Je suis sûr que personne ici, ou j’espère que personne ici, n’a d’illusions qu’Obama, ou aucun autre politicien capitaliste, va apporter la libération. »
S’exprimant devant les participants au rassemblement, Rachel Wolkenstein déclarait :
« Même s’il vise Mumia, le jugement de la cour d’appel est une attaque contre nos droits à tous. Le tribunal a approuvé l’exclusion des jurés noirs, approuvé le comportement scandaleusement raciste du juge Sabo, et entériné l’argument anticonstitutionnel utilisé par le procureur pour convaincre le jury qu’il pouvait condamner Mumia parce qu’il aurait “appel après appel”. Le troisième circuit a concocté des “règles Mumia” afin de saper les droits qui sont censés figurer dans la Déclaration des droits pour tout le monde [ ].
« Le jugement dans le cas de Mumia confirme une fois encore qu’on ne peut attendre aucune justice des tribunaux capitalistes. Toutes les voies judiciaires possibles doivent être exploitées vigoureusement pour contester cette récente décision du tribunal. Mais nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir la moindre illusion dans des audiences équitables et des juges impartiaux. »
Glenna Swinford a pris la parole au nom des « 5 de Freightliner », des membres de la section locale 3520 de l’UAW en Caroline du Nord qui ont été licenciés pour avoir dirigé une grève. Elle a expliqué en détail comment les bureaucrates de la direction internationale de l’UAW avaient déclaré la grève « illégale », exposant ainsi les travailleurs à la répression. « Mumia se bat pour sa vie, pour sa liberté, contre son emprisonnement injuste », a-t-elle déclaré. « C’est une bataille qu’il mène depuis plus de 25 ans. Le système judiciaire l’a laissé tomber, mais il continue toujours à se battre pour sa libération, et les “5 de Freightliner” continueront à se battre pour la nôtre. »
« Nous savons que Mumia est innocent. Nous savons que sa place est ici, dehors, avec le peuple. Il fait partie du peuple », a déclaré Bill Hampton, le frère de Fred Hampton, le dirigeant du Black Panthers Party de Chicago assassiné, avec Mark Clark, par les flics de Chicago en 1969. Delbert Tibbs, ex-prisonnier du couloir de la mort aujourd’hui innocenté, soutenait aussi le rassemblement et y a participé. « Si quiconque croit qu’il y aura la justice dans ce système, laissez-moi vous dire, je suis désolé, mais vous avez tort », a déclaré Jorge Mujica, co-coordinateur du Comité du 10 mars. Mujica a fait référence à l’exécution, en 1927, à la suite d’une machination, des ouvriers immigrés anarchistes Sacco et Vanzetti, et à l’exécution en 1953 des communistes Julius et Ethel Rosenberg. Il a fait le lien entre la lutte pour libérer Mumia et la lutte pour les droits des immigrés, en mettant l’accent sur la combativité que les travailleurs immigrés apportent au mouvement ouvrier américain.
Earl Silbar, aujourd’hui retraité et ancien membre de la section locale 3506 de l’AFSCME, a rendu hommage à la force du journalisme de Mumia. Il a aussi noté que « Le fait est que je n’aurais jamais été impliqué là-dedans si je n’étais pas abonné au journal spartaciste [ ]. Malgré tout ce qu’il peut y avoir de désaccords, la Spartacist League continue, depuis de longues, longues années [ ] à soulever le cas de Mumia, à garder les gens informés, et à faire descendre les gens dans la rue, donc je veux leur rendre hommage pour cela, et pour ce rassemblement. »
Au début du rassemblement, les manifestants ont écouté un enregistrement émouvant de la fille de Mumia, Goldii, au rassemblement du PDC du 28 mars à New York, où elle soulignait que le pouvoir veut tuer Mumia « parce qu’il a peur de lui, à cause de son éloquence, de son intelligence » (cet enregistrement est disponible à l’adresse www.partisandefense.org/ pubs/ articles/ videos0408.html). Ont été lues des salutations du fils de Mumia, Jamal Hart, emprisonné depuis 1997 pour des accusations bidon de port d’arme illégal, en fait en représailles pour avoir défendu son père.
Los Angeles : « Le combat pour libérer Mumia est un combat pour la libération des Noirs »
A Los Angeles, jusqu’à 150 personnes ont participé au rassemblement de front unique organisé au Westwood Federal Building, dont un cortège marchant depuis la fac de l’UCLA. La composition de cette manifestation refltait celle de la classe ouvrière multiraciale de la ville. Rosie Martinez, entourée à la tribune par plusieurs de ses camarades syndicalistes, a pris la parole en tant que présidente du Comité latino de la section locale 721 du SEIU, comité qui représente les employés des collectivités locales de la Californie du Sud. « Le Comité latino », a-t-elle déclaré, « est solidaire de la revendication de libérer Mumia Abu-Jamal ». Elle a poursuivi : « Nous autres, dans le mouvement syndical, nous savons que les capitalistes racistes essaient de diviser et d’opprimer les travailleurs, ici aux Etats-Unis et dans le monde entier ». Elle a ajouté : « Nous continuerons le combat, chers camarades, jusqu’à ce que nous libérions Mumia et tous les prisonniers politiques, et que nous mettions fin à la peine de mort raciste. »
James Lafferty, directeur exécutif de la section locale de Los Angeles de la National Lawyers Guild (NLG Association nationale des avocats), a noté avec fierté que « Mumia Abu-Jamal est vice-président pour les avocats défendant les prisonniers » au titre de la NLG depuis plus de 25 ans. Il a ajouté : « Je vous apporte aussi les salutations de la KPFK », où « nous sommes fiers d’avoir diffusé les chroniques de Mumia ». La KPFK, a-t-il ajouté, a été la première radio à diffuser les aveux d’Arnold Beverly.
Le révérend Richard Byrd a déclaré devant le rassemblement de Los Angeles que « 35 % des jeunes hommes noirs entre 19 et 29 ans sont incarcérés ou impliqués d’une manière ou d’une autre dans le système d’injustice criminelle. C’est du lynchage. » Il a aussi évoqué Sean Bell, abattu par des flics. « Le mouvement ouvrier doit s’impliquer », a souligné Jesse Smith, président du Comité africain-américain du United Healthcare Workers-West [syndicat des travailleurs de la santé de la côte Ouest], affilié au SEIU. « Dans le 13e amendement de la Constitution des Etats-Unis, on vous dit que l’esclavage et la servitude involontaire sont abolis », a-t-il déclaré, mais ça ne s’applique pas aux « près d’un million d’hommes et de femmes noirs » aujourd’hui derrière les barreaux. Mumia « est une victime de l’esclavage dans ce système de justice criminel », a-t-il ajouté.
Parmi les autres orateurs figuraient Don White, coordinateur du Comité de solidarité avec le peuple du Salvador (CISPES) de Los Angeles, et Sherman Austin, un jeune anarchiste noir envoyé en prison pendant un an pour le « crime » d’avoir hébergé un site internet anarchiste. Austin a chanté ses chansons hip-hop engagées « Raise the Fist » [lève le poing] et « Freedom » [liberté]. Walter Lippman, rédacteur en chef du journal en ligne CubaNews, a aussi pris la parole. Il a noté que la traduction espagnole du livre de Mumia We Want Freedom est disponible partout à Cuba, où le cas de Mumia est suivi de près, et où il est vu comme un dirigeant de la lutte pour la justice aux Etats-Unis.
Don Cane, porte-parole de la Spartacist League, a déclaré : « Notre tâche est d’aider la classe ouvrière internationale à faire sienne la cause de ce prisonnier de la lutte de classe, de sorte que la revendication “Libérez Mumia” résonne dans les manifestations ouvrières du monde entier ! [ ] Le mouvement ouvrier doit exiger la libération de Mumia Abu-Jamal ! Cela fera éprouver au mouvement ouvrier son propre pouvoir. Le combat pour libérer Mumia est un combat pour la libération des Noirs, l’émancipation du travail, et il fait partie intégrante de la lutte pour la révolution socialiste. »
Des réformistes aux éléments douteux
Un certain nombre de groupes réformistes ont cherché à dépeindre la décision du tribunal fédéral du 27 mars comme une « victoire ». L’Humanité, le quotidien du Parti communiste français réformiste, titrait ainsi le 28 mars « Mumia Abu-Jamal quitte le couloir de la mort ». Mais comme l’expliquait Mumia le 7 avril dans une interview radiodiffusée : « Si l’on examine ce que le tribunal a dit et ce qu’il a fait, ce qu’il a fait c’est créer de nouvelles règles, cela n’est pas une victoire. C’est encore la règle Mumia [ ]. Donc c’est une fois encore la nouvelle règle. Quand un tribunal doit inventer de nouvelles règles et inventer de nouvelles lois pour confirmer quelque chose qui auparavant était injuste, ce n’est pas une victoire. Ce n’est pas une victoire. Mais nous continuons le combat. »
En France, le CDDS, l’organisation sur du PDC, s’est battu pour dénoncer le caractère mensonger des proclamations de « victoire » du PCF. Ceci a provoqué la colère du Collectif unitaire national « Ensemble, sauvons Mumia », soutenu par le PCF, qui a publié une déclaration où, entre autres choses, il condamnait comme une « calomnie » le fait que le CDDS ait noté à propos du collectif que « leur confiance dans l’Etat capitaliste découle de leur conviction que les tribunaux et la police sont une espèce de service public neutre, comme la poste ».
Le CDDS a répondu dans une lettre ouverte datée du 17 avril (voir page suivante) : « Le PCF administre l’Etat capitaliste depuis des décennies au niveau municipal, ainsi qu’au niveau national dans des gouvernements de front populaire comme sous Mitterrand et Jospin. La LCR aspire à faire de même [ ]. LO vient de faire campagne aux élections municipales sur des listes avec le PC [ ]. Un point programmatique central dans plusieurs de ces listes portait sur le rétablissement de la “police de proximité” [ ]. D’alimenter les illusions dans le système raciste de la police et des tribunaux dans la France capitaliste-impérialiste va de pair avec prêcher le besoin d’un “nouveau procès équitable” pour Mumia, comme l’ont fait ces groupes. »
Alors que la gauche réformiste cherche à éviter comme la peste nos rassemblements de front unique, la douteuse International Bolshevik Tendency (BT) a cherché a être le microbe qui empoisonne les actions de protestation de masse centrées sur la classe ouvrière qui sont nécessaires pour libérer Mumia. Après s’être impliquée dans les rassemblements de front unique de Toronto et de Londres, la BT a ensuite annoncé des rassemblements dans des villes où nous n’avons pas de sections locales actives : Dublin en Irlande, Cologne en Allemagne, et Vienne en Autriche. Ces trois « rassemblements » en forme de villages Potemkine ont attiré au total moins de 35 personnes. Le « rassemblement » de Dublin incluait un porte-parole du groupe anarchiste Workers Solidarity Movement [mouvement de solidarité ouvrière] qui a mis en doute l’innocence de Mumia sans que cela ne suscite la moindre réponse de la part de la BT. D’autre part, des sympathisants de la BT se sont présentés au rassemblement de front unique d’Oakland du 19 avril ; tout en affirmant en soutenir les mots d’ordre, ils ont refusé de donner leur signature. Qu’est-ce que tout cela signifie ?
La BT a été formée il y a plus de 25 ans par d’ex-membres aigris de notre tendance, et elle est marquée par un dédain total envers les oppressions spécifiques, et notamment par un mépris hautain pour le combat pour la libération des Noirs. Quand nous avons organisé une série de mobilisations ouvrières/noires pour stopper le Ku Klux Klan et les nazis dans des grands centres urbains, dans la première moitié des années 1980, la BT nous a dénoncés pour avoir abandonné le travail syndical en faveur d’« organiser les communautés ». En 1985, les flics de Philadelphie, dirigés par le maire démocrate noir Wilson Goode et en étroite collusion avec le FBI de Ronald Reagan, ont bombardé la maison de MOVE, dont Mumia est un partisan, à Osage Avenue. Ils ont tué onze personnes. La BT n’a même pas émis un mot de protestation. Au contraire, quand nous avons organisé un meeting du souvenir à New York en solidarité avec les victimes de cette atrocité raciste, la BT nous a attaqués pour ne pas avoir polémiqué contre la philosophie de MOVE !
La BT, en fait, n’a même pas publié d’article sur Mumia avant 1996. Mais elle avait été à l’origine d’un tapage médiatique autour du cas de Mumia l’année précédente, en plein milieu des protestations contre l’ordre d’exécution dans les pages du Wall Street Journal. Un article publié le 16 juin 1995 dans cet organe du capital financier américain reprenait les calomnies de la BT contre la Spartacist League, selon lesquelles nous étions une « secte » cinglée. Il s’agissait de discréditer les efforts du PDC et d’autres forces en faveur de Mumia. Comme nous l’écrivions dans « La douteuse escroquerie du “front unique” de la BT la lutte pour une défense lutte de classe de Mumia Abu-Jamal » (Workers Vanguard n° 903, novembre 2007) : « Les intentions du Wall Street Journal étaient suffisamment claires. Ce qui l’est moins, c’est comment et pourquoi la minuscule BT a été si commodément utilisée comme un instrument du Wall Street Journal. »
Nous ne pouvons que faire des hypothèses sur les raisons pour lesquelles une organisation qui se fiche totalement de l’oppression des Noirs peut s’impliquer dans le cas de Mumia. Ce que nous savons, c’est que la BT est une organisation dirigée par le sociopathe pervers Bill Logan, qui a été exclu de notre tendance en 1979 pour crimes « contre la morale communiste et la décence humaine élémentaire qui lui est sous-jacente ». Et nous savons que la BT a toujours été animée par une obsession perverse et hostile vis-à-vis de notre organisation. Dans la mesure où elle s’est impliquée dans le cas de Mumia, cela a été pour caresser dans le sens du poil les appels des réformistes à un « nouveau procès », tout en attaquant le PDC et la SL comme « sectaires » quand nous nous sommes battus pour enrayer la démobilisation des partisans de Mumia.
Mobilisons-nous maintenant pour libérer Mumia !
Le PDC a été fondé en 1974 sur le modèle de l’International Labor Defense (ILD) du mouvement communiste américain des premières années. L’ILD était dirigé par James P. Cannon, qui devait ensuite devenir le dirigeant fondateur du trotskysme américain. C’était la section américaine du Secours rouge international (MOPR), fondé par la Troisième Internationale (l’Internationale communiste) après la Révolution bolchévique de 1917. Dès sa création, le PDC a défendu des cas et des causes dans l’intérêt de la classe ouvrière, dans l’esprit d’une solidarité non sectaire. En plus des prisonniers de la guerre de classe, comme les syndicalistes persécutés pour avoir défendu leur piquet de grève, le PDC défend des militants antiracistes, des opposants à la guerre impérialiste et à l’oppression coloniale, des militants des droits des femmes et des homosexuels, et tous ceux qui sont pris pour cibles par le pouvoir capitaliste parce qu’ils défendent les opprimés. Il y a plus de 20 ans, le PDC a lancé un programme d’aide financière mensuelle pour les prisonniers de la guerre de classes, qui inclut aujourd’hui Mumia, Leonard Peltier et les prisonniers de MOVE.
Pour l’ILD des premières années, le cas de Sacco et Vanzetti a été un cas déterminant (voir « Les leçons du combat pour libérer Sacco et Vanzetti », Workers Vanguard n° 897 et 898, 31 août et 14 septembre 2007). Lors du rassemblement de protestation d’urgence de Los Angeles, le 28 mars, le porte-parole du PDC Michael Graham avait noté les parallèles frappants entre le combat de l’ILD pour sauver Sacco et Vanzetti et le cas de Mumia aujourd’hui :
« Les deux anarchistes avaient été la cible d’une machination de l’Etat capitaliste à peu près de la même manière que Mumia aujourd’hui : expertises balistiques bidon, intimidation des témoins, et utilisation du passé politique des accusés pour exciter le jury. Comme dans le cas de Mumia, un criminel avait avoué que c’était lui, et non Sacco et Vanzetti, qui était impliqué dans le crime pour lequel les deux hommes avaient été condamnés. Et comme dans le cas de Mumia, les libéraux, le Parti socialiste réformiste et les dirigeants procapitalistes de l’American Federation of Labor avaient démobilisé le combat pour la libération de Sacco et Vanzetti, en dévoyant le mouvement vers des appels à “une bonne journée au tribunal” pour redorer l’image “démocratique” de l’Amérique. »
Les rassemblements de front unique organisés à l’initiative du PDC donnent un avant-goût de ce qui est nécessaire pour arracher la libération de Mumia. Le temps presse, et le pouvoir raciste est déterminé à faire taire Mumia. La puissance du mouvement ouvrier doit être mobilisée pour combattre l’oppression raciste et libérer tous les prisonniers de la guerre de classes ! Libération immédiate de Mumia ! Abolition de la peine de mort raciste !
Traduit de Workers Vanguard n° 914, 9 mai