Le Bolchévik nº 184

Juin 2008

 

Pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés ! Aucune déportation !

Afrique du Sud : il faut mobiliser les syndicats contre la terreur anti-immigrés !

Johannesburg, le 19 mai – Les attaques pogromistes contre les immigrés se poursuivent maintenant pour la deuxième semaine. D’après les chiffres officiels, 22 personnes ont été tuées dans la région de Johannesburg, et de nombreuses autres ont été mutilées et violées. Des milliers de personnes ont été chassées de leur maison, de leur cabane ou de leur échoppe. Trois personnes ont été brûlées vives. Les attaques ont commencé le 11 mai à Alexandra, une township noire miséreuse où vivent plusieurs centaines de milliers de personnes. Des bandes d’émeutiers prenaient pour cible les immigrés, originaires principalement du Zimbabwe, du Mozambique et du Malawi. Plus tard dans la semaine, les attaques se sont étendues à Diepsloot et d’autres townships, puis hier au quartier central des affaires de Johannesburg.

En pleine terreur anti-immigrés, Spartacist South Africa, la section sud-africaine de la Ligue communiste internationale, a diffusé un tract appelant les puissants syndicats de ce pays à se mobiliser en défense des immigrés et à unir tous les pauvres dans la lutte pour l’emploi et pour un logement décent pour tous. Ce tract a été diffusé à un rassemblement qui, le 17 mai, a réuni quelques centaines de personnes pour protester contre l’augmentation des prix des produits alimentaires, contre les élections au Zimbabwe et la xénophobie. Ce rassemblement était organisé à l’appel du Congress of South African Trade Unions (COSATU, la centrale syndicale), et était soutenu aussi par le Parti communiste sud-africain (SACP), le Forum anti-privatisations et d’autres organisations réformistes et libérales.

Même les porte-parole du gouvernement reconnaissent que la cause profonde des pogromes est la colère contre les conditions de vie dans les townships, qui demeurent sans espoir 14 ans après la fin de l’apartheid. Mais c’est le gouvernement de l’Alliance tripartite, composée du Congrès national africain (ANC) et ses partenaires du SACP et de la bureaucratie syndicale du COSATU, qui est responsable de cette situation. Il y a en permanence des protestations dans les townships de tout le pays contre le manque de services publics – par exemple l’électricité, le logement, l’eau courante et le tout-à-l’égout. Les dirigeants traîtres du SACP et du COSATU refusent à ce jour d’organiser la moindre manifestation ou mobilisation ouvrière de masse pour combattre les attaques visant les immigrés.

Les violences sont encouragées par la police : en envahissant les townships celle-ci mène ses propres attaques dans les zones résidentielles et dans la rue. Alors que des centaines de personnes s’étaient réfugiées dans un poste de police d’Alexandra, la ministre de l’Intérieur Nosiziwe Mapisa-Nqakula a annoncé le 14 mai que le gouvernement ne déporterait pas maintenant les immigrés « illégaux ». Le lendemain même la police arrêtait à Olifantsfontein, près de la township de Tembisa, 32 immigrés qu’elle avait « sauvés » mais qui étaient sans papiers. Alors qu’on l’interrogeait sur la déclaration de la ministre, un porte-parole de la police a répondu : « Nous ne faisons que notre travail. » Deux jours plus tard, non loin de Soweto, la police arrêtait un minibus et exigeait de deux femmes, considérées comme ayant la peau « trop sombre » pour être sud-africaines, qu’elles montrent leurs cicatrices de vaccination pour soi-disant prouver leur citoyenneté.

L’ampleur des attaques montre le danger qu’éclatent des violences encore beaucoup plus sanglantes entre groupes noirs africains et entre ceux-ci et les Métis et les autres minorités. A Alexandra, des personnes parlant zoulou auraient été impliquées dans des attaques non seulement contre des immigrés mais aussi contre des Sud-Africains parlant le venda, le xhosa, le shangaan ou d’autres langues. L’hostilité interethnique avait été renforcée sous l’apartheid, le régime de la suprématie blanche. Mais la terreur anti-immigrés et les divisions intertribales demeurent des caractéristiques de l’ordre capitaliste de néo-apartheid sous l’Alliance tripartite. D’après l’Association somalienne d’Afrique du Sud, 471 Somaliens ont été assassinés depuis 1997. Dosso Ndessomin, un réfugié de Côte d’Ivoire qui représente l’Organe de coordination des communautés réfugiées, déclarait au Mail & Guardian (16 mai) : « Cela commence avec de la xénophobie et quand ils en auront fini avec les étrangers ils se tourneront vers le tribalisme. Croyez-moi, ce sera bien, bien pire que tout ce qu’on a vu jusqu’à présent. »

En appelant à un gouvernement ouvrier centré sur les Noirs, nous écrivions en 1997 dans notre brochure « La lutte pour un parti d’avant-garde révolutionnaire : polémiques avec la gauche sud-africaine » :

« Les attentes répandues en termes de logement et d’emploi ne peuvent être satisfaites ; même de simples revendications démocratiques comme le droit à l’éducation pour tous les enfants, ou le droit des femmes à la contraception et à l’avortement, sont déniés à l’immense majorité de la population du fait des inégalités sociales et du manque d’équipements. Si la frustration des masses ne trouve pas son expression sur une ligne de classe, elle alimentera toutes sortes de divisions et les rendra plus profondes. »

Traduit de Workers Vanguard n° 915, 23 mai