Le Bolchévik nº 183 |
Mars 2008 |
Nouveau bulletin de la LCI
Le dossier Logan
Nous reproduisons ci-dessous la préface de la brochure The Logan Dossier, publiée en août 2007 par le secrétariat international de la Ligue communiste internationale. Toutes les références non indiquées correspondent à des documents publiés dans cette brochure.
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Cette brochure rassemble les preuves qui ont conduit à l’exclusion de Bill Logan de la Tendance spartaciste internationale (TSI), aujourd’hui Ligue communiste internationale (quatrième-internationaliste) [LCI], lors de notre Première Conférence internationale déléguée, en août 1979. Logan avait été secrétaire politique de la Spartacist League of Australia and New Zealand (SL/ANZ, aujourd’hui Spartacist League/Australia) pendant ses premières années d’existence, de 1972 à 1977, secrétaire politique de la Spartacist League/Britain à l’époque de sa fondation en 1978, et membre du Comité exécutif international (CEI), l’organe dirigeant de la TSI/LCI. L’enquête sur Logan a été menée par une Commission de contrôle internationale ; il a été jugé et reconnu coupable de crimes contre la morale communiste commis pendant la période où il était secrétaire politique de la SL/ANZ ; il a été démontré qu’il était un « menteur à grande échelle patenté, et un sociopathe sexuel qui manipulait la vie privée des camarades pour des jeux de pouvoir et pour satisfaire ses propres appétits et pulsions aberrants, sous couvert de marxisme » (« Motion et vote sur les faits établis par le tribunal »). A l’unanimité, les délégués de la conférence ont décidé que Logan n’avait pas sa place dans la TSI, et qu’il « ne pouvait pas et n’aurait jamais dû être membre d’une organisation ouvrière ».
Après l’exclusion de Logan, nous avons pris l’initiative inhabituelle de mettre à la disposition du public trois bulletins intérieurs intitulés « On the Logan Regime » [Sur le régime Logan] (International Discussion Bulletin n° 10, parties I et II, janvier 1979 ; partie III [International Information Bulletin n° 16], novembre 1983). Les parties I et II traitent de la bataille contre les abus du régime de Logan dans la SL/B et contiennent un premier réexamen de la période où Logan dirigeait la section australienne. La partie III contient des documents relatifs aux accusations concernant la SL/ANZ et au procès, dont les rapports du tribunal devant la conférence et des extraits du tour de discussion. Une partie des documents figurant dans la présente brochure avaient été initialement rassemblés pour être publiés dans un ou plusieurs bulletins qui devaient être publiés à l’époque, mais ils n’ont pas été publiés jusqu’à maintenant. Les autres documents de la brochure proviennent des archives de notre parti, ou sont des transcriptions des minutes du procès.
Ce que Logan a fait aux camarades australiens a été révélé pour la première fois lors d’une conférence nationale de la SL/ANZ en janvier 1979. Quelques mois plus tôt, en octobre 1978, Logan avait été évincé du poste de secrétaire politique de la SL/B, dont il démissionna après une rude confrontation politique. Pendant les 18 mois qu’il avait passés en Grande-Bretagne, Logan s’était révélé incapable de diriger la section. Il faisait preuve de duplicité dans ses rapports avec le centre de la TSI, le secrétariat intérimaire (SI aujourd’hui secrétariat international), et avec ses pairs du CEI ; il maltraitait les camarades, en particulier les femmes, et avait la main lourde quand il réagissait à des critiques ou à des désaccords exprimés par des membres de la SL/B. A cette époque, le régime Logan en Grande-Bretagne était vu comme une aberration bureaucratique, le fait d’un dirigeant manquant de confiance en lui, à la gâchette facile et dépassé par la situation. Logan restait membre du CEI et, avec sa femme et collaboratrice Adaire Hannah, avait été transféré à New York pour travailler dans le SI, et ce à grands frais pour le parti.
Personne ne pouvait alors imaginer qu’un membre dirigeant de notre organisation communiste pouvait être un monstrueux sociopathe du genre que Logan allait bientôt s’avérer être. Dans la SL/B, ses pratiques abusives étaient maintenues dans des limites par les contacts fréquents qui avaient lieu entre la section et la direction internationale et son noyau de cadres expérimentés. La SL/ANZ, au contraire, était une section éloignée, avec des jeunes camarades relativement inexpérimentés. Mais la bataille en Grande-Bretagne débloqua et favorisa un processus de réexamen par les membres de la SL/ANZ. Ce processus arriva à son terme lors de la conférence nationale de la SL/ANZ, quand les camarades commencèrent à révéler les uns aux autres, et au représentant envoyé par le SI, Reuben Samuels, les expériences douloureuses qu’ils avaient longtemps gardées pour eux de crainte d’être « déloyaux ». La conférence de la SL/ANZ fut le théâtre d’une éruption de souvenirs et d’accusations traumatisants.
Ces accusations furent par la suite codifiées dans une résolution du comité central de la SL/ANZ (voir « Accusations du comité central de la SL/ANZ »). Une Commission de contrôle internationale (CCI) fut désignée par le CEI. Elle était chargée de rassembler et d’évaluer les preuves, et était constituée en tribunal pour recueillir de nouveaux témoignages et décider d’un verdict pour ce cas. Ce tribunal était composé de camarades issus de toute l’internationale hautement respectés pour leur intégrité, et qui n’avaient auparavant pas eu de relations suivies avec Logan. Il était présidé par la camarade Martha Phillips (Piper), de la SL/U.S., qui devait être assassinée à Moscou en 1992 alors qu’elle luttait pour construire un noyau trotskyste face à la vague contre-révolutionnaire qui a détruit l’Union soviétique. Le tribunal incluait d’autres camarades de la SL/U.S. et des sections canadienne et allemande de la TSI. En était également membre le vétéran trotskyste sri-lankais Edmund Samarakkody, dont l’organisation avait à cette époque et depuis quelque temps des relations fraternelles avec la TSI. Les camarades Toni R. et Rachel W. étaient respectivement greffière et conseillère juridique de la Commission. Le camarade Dave Reynolds, du comité central de la SL/ANZ, faisait office de procureur au nom des plaignants australiens.
Dans les mois précédant le procès, plus d’une trentaine de déclarations et de documents, plusieurs centaines de pages au total de témoignages détaillés sur les actes de Logan ont été présentés par des membres de la SL/ANZ et par d’autres camarades, ainsi que des documents en défense de Logan rédigés par lui-même et par Hannah. Plus de 30 témoins ont déposé personnellement lors du procès qui s’est étalé sur une période de quatre jours immédiatement avant l’ouverture officielle de la conférence internationale. Plusieurs centaines de pages de documents concernant la période du régime Logan/Hannah procès-verbaux, mémorandums, correspondance politique et extraits de certaines correspondances privées avaient été également mises à la disposition de la Commission de contrôle. Logan avait le droit de procéder à un contre-interrogatoire des témoins, et de contester les éléments à charge. Les conclusions du tribunal ont fait l’objet d’un rapport et d’une longue discussion à la conférence à laquelle ont pris part deux rapporteurs et plus de 40 intervenants.
Nous publions dans notre brochure les principaux documents présentés au tribunal comme témoignages écrits, ainsi que certaines correspondances et d’autres documents de la période du régime Logan en Australie, qui démontrent comment ce régime violait les normes spartacistes en vigueur et qui corroborent les témoignages. En outre, nous avons inclus des extraits substantiels de la transcription du procès, là où les témoignages oraux ne répètent pas en grande partie les documents écrits. Il convient d’insister, comme l’avait fait au début du procès la camarade Martha P., que dans un procès mené dans un parti léniniste un poids égal est accordé aux témoignages écrits et oraux. Pour plus de commodité, la brochure inclut aussi certains documents déjà publiés dans l’IIB n° 16 : la résolution du CC de la SL/ANZ énumérant les chefs d’accusation, le sommaire de Dave R. devant le tribunal, et la motion de la CCI excluant Logan adoptée par la conférence internationale.
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Comme Marx en était conscient quand il laissa de côté d’autres travaux cruciaux pendant près d’un an, en 1860, afin de démasquer le douteux calomniateur Herr Vogt, les tâches nécessaires de salubrité politique ne peuvent pas être évitées longtemps sans qu’on finisse par en payer le prix. Dans les années qui ont suivi son exclusion, Logan a refait surface en Nouvelle-Zélande, et il a réussi à s’insinuer à nouveau dans la gauche internationale, en grande partie grâce aux efforts d’un ramassis d’ex-membres aigris de notre tendance en Amérique du Nord qui, en octobre 1982, s’étaient déclarés « Tendance externe de la TSI » (ET rebaptisée Bolshevik Tendency, BT, en 1985). Dans sa « Déclaration d’une tendance externe de la TSI », l’ET faisait de Logan la cause célèbre du déclenchement d’une vendetta contre notre parti, en le dépeignant comme un bouc émissaire de notre « régime » prétendument bureaucratique. Cependant, à notre connaissance, l’ET/BT a ensuite maintenu un silence public sur Logan pendant plus de huit ans, jusqu’à l’annonce soudaine, en 1991, de sa « fusion » de 1990 avec le Permanent Revolution Group (PRG) de Logan en Nouvelle-Zélande. A ce moment-là, non seulement ces desperados politiques ont publiquement fait cause commune avec Logan, mais ils l’ont bombardé dirigeant principal de leur nouvelle « Tendance bolchévique internationale ». Comme nous allons le montrer dans cette brochure, tout en menant sa propre variante de politique stalinophobe et social-démocrate, au fil des années la BT a commis toutes sortes de provocations et de calomnies à notre encontre, motivées par la volonté de détruire notre parti.
Ce même Logan qui s’affiche comme un dirigeant « bolchévique international » poursuit simultanément dans le monde réel, à Wellington (Nouvelle-Zélande), une activité d’« officiant » professionnel une version New Age de prêcheur évangéliste et de guérisseur. Comme nous l’expliquons dans le chapitre intitulé « Post-scriptum sur Bill Logan et la BT : les détritus ne marchent pas tout seuls », différents témoignages publics d’ex-membres du PRG et de la BT attestent que Logan a continué certaines des pratiques pour lesquelles nous l’avions exclu il y 28 ans. Pour plus de détails sur la physionomie politique particulière de la BT, nous renvoyons le lecteur aux bulletins cités plus haut et aux différents numéros de notre série Hate Trotskyism, Hate the Spartacist League [Haine du trotskysme, haine de la Spartacist League], qui reproduit des polémiques antispartacistes de nos opposants ; nous renvoyons aussi le lecteur à la brochure de la LCI The International Bolshevik Tendency What Is It ? [L’International Bolshevik Tendency qu’est-ce que c’est ?] (août 1995) et aux nombreux articles consacrés à la BT dans nos volumes reliés de Workers Vanguard (voir, par exemple, « A genoux devant le corps du général Wolfe sur les plaines d’Abraham », Workers Vanguard n° 827, 28 mai 2004).
En publiant les documents du procès Logan, nous voulons faire savoir à la nouvelle génération de militants de gauche que des gens comme Logan n’ont pas leur place dans le mouvement ouvrier. Notre but est de dénoncer sa tendance « bolchévique » opportuniste comme l’officine douteuse qu’elle est, et de réfuter ses mensonges et ses calomnies contre notre parti. Nous espérons que la publication tardive de cette brochure permettra aussi d’atteindre un objectif plus large. Quand ils trompètent la soi-disant « mort du communisme » depuis la destruction contre-révolutionnaire de l’Union soviétique en 1991-1992, les propagandistes impérialistes qui justifient le système de meurtre de masse impérialiste, dénoncent eux-mêmes ceux qui cherchent à libérer l’humanité de l’exploitation de classe en les présentant comme le mal incarné assoiffés de pouvoir, corrompus, pathologiquement violents et hostiles à toute sensibilité humaine. Comme le montre l’histoire de notre bataille pour débarrasser le mouvement ouvrier de Logan, de tels attributs sont l’antithèse de la nature même du communisme authentique.
Mais les caractéristiques qui ont fait de Logan la créature repoussante qu’il est ne sont pas inhabituelles dans la société bourgeoise. L’accumulation des richesses et l’administration du pouvoir nécessaire pour préserver et perpétuer ce statut privilégié attirent souvent des gens qui ont des qualités du genre de celles de Logan. La classe dirigeante britannique, en particulier dans son avatar Tory (conservateur), a été longtemps célèbre pour son appétit pour les sports violents, la peine capitale (dans la période plus récente la simple pendaison), les châtiments corporels à l’école et les penchants sexuels sado-masochistes associés. Toutes ces choses, mises ensemble, servent un but social important. Elles préparent les dirigeants du pays et de son ancien empire à administrer comme il convient leurs possessions, à la fois face aux opprimés et exploités, et pour les défendre contre leurs rivaux impérialistes.
Logan était un produit de ce système dans le petit dominion néo-victorien de la Nouvelle-Zélande. Ses origines politiques, dans la radicalisation des années 1960, se trouvent à l’aile droite de la politique bourgeoise néo-zélandaise, dans le National Party alors au pouvoir (voir « Jamais exactement un des petits gars », de Bill Logan, dans One of the Boys ? [L’un des garçons ?], textes rassemblés par Michael King, éditions Heinemann, Auckland, Nouvelle-Zélande, 1988). Son profil social et éducatif s’enracine dans la culture des « public schools » (écoles privées d’élite) à l’anglaise de Nouvelle-Zélande, imprégnées d’élitisme impérialiste et de sadisme misogyne. Beaucoup de gens se sont révoltés contre ce genre de milieu pour devenir des communistes, à commencer par d’héroïques espions soviétiques comme Kim Philby. Mais même quand il se proclamait communiste, Logan se vantait d’être resté fidèle au « style d’un collégien d’une école privée néo-zélandaise qui était presque toujours chef de classe ou sizenier chez les louveteaux, ou grand élève chargé de la discipline » (« Notes personnelles en préparation d’une discussion sur le problème Sharpe », 23 août 1978, « On the Logan Regime », partie I). Il était fier d’être suffisamment rusé, tranquille et sûr de lui-même pour pouvoir jouer sur les points faibles des autres.
Nous voulons l’avènement d’une société dans laquelle toutes les formes d’oppression sociale, d’exploitation et d’humiliation les produits difformes de la pénurie matérielle appartiendront au passé. Dans ce but, nous cherchons à faire prendre conscience au prolétariat tout marqué qu’il est par les difformités dues à la domination de classe capitaliste de son rôle historique de fossoyeur du système capitaliste, et de la société de classes dans son ensemble. La politique des jeux de pouvoir, du mensonge et des manipulations sexuelles est l’antithèse de cet objectif. Le parti léniniste exige un monopole sur les activités politiques de ceux qui adhèrent à notre mouvement. Nous tirons d’autant plus nettement une ligne de démarcation contre toute ingérence dans la vie personnelle des camarades. Poussé par des considérations de pouvoir et de contrôle, Logan était un manipulateur malfaisant, qui détruisait avec sadisme la vie personnelle des gens forçant à vivre ensemble des gens qui ne le voulaient pas, amenant des gens qui voulaient vivre ensemble à rompre. Il n’y a aucune place pour des personnages comme William King Logan dans notre mouvement.