Le Bolchévik nº 181 |
Septembre 2007 |
La vie de Mumia est menacée - Mobilisons-nous !
Libérez Mumia Abu-Jamal immédiatement !
Abolition de la peine de mort raciste !
30 juillet 2007 Mumia Abu-Jamal, le prisonnier politique le plus connu aux Etats-Unis, est dans le couloir de la mort depuis un quart de siècle, isolé dans une cellule, ce qu’il compare à vivre dans des toilettes. Tous les acteurs de la « justice pénale » ont comploté pour truquer les procédures et faire condamner Mumia, cette imposante « voix des sans-voix ». Ancien porte-parole du Parti des Black Panther, partisan de l’organisation MOVE et journaliste primé, Mumia a été victime d’une machination en 1982, faussement accusé d’avoir tué un agent de police de Philadelphie. Militant ayant toujours passionnément combattu la discrimination raciale, ethnique et de classe, la terreur policière et pour la justice sociale, Mumia a été condamné à mort sur la base de son passé politique et de ses convictions. Albert Sabo, le juge qui avait présidé à son procès, avait été entendu par une sténographe du tribunal en train de dire : « Je vais les aider à faire griller le n---e. » La machination contre lui montre ce que signifie la peine de mort aux Etats-Unis. Raciste et barbare, c’est la corde à lyncher rendue légale, l’arme ultime de la répression contre la classe ouvrière et les opprimés.
La lutte pour Mumia est à un tournant crucial.La Cour d’appel fédérale américaine se prononcera très bientôt sur le destin de Mumia. Mais il ne faut se faire aucune illusion dans ces procédures. Depuis 25 ans tant les tribunaux de Pennsylvanie que les tribunaux fédéraux ont rejeté ou même refusé de prendre en considération la montagne de preuves de l’innocence de Mumia, y compris les aveux sous serment d’Arnold Beverly, qui affirme que c’est lui, et non pas Mumia, qui a tiré sur le policier. L’Etat voit en Mumia le spectre de la révolte noire. L’Etat est déterminé à mener à son terme le lynchage légal de Mumia ou de l’enterrer dans le véritable enfer de la prison à vie. Il ne faut pas que cela se produise !
Le Comité de défense sociale (CDDS) une organisation de défense légale et sociale qui se base sur la lutte de classe, et dont l’objectif est en accord avec les conceptions politiques de la Ligue trotskyste de France est pour utiliser tous les moyens légaux en défense de Mumia, tout en ne plaçant aucune confiance dans la « justice » des tribunaux capitalistes. Il faudra une mobilisation internationale des masses, centralement du mouvement ouvrier, pour obtenir la libération de Mumia. Lorsque en 1995 son exécution avait été ordonnée, c’est un déferlement de protestations à travers le monde, y compris venant de syndicats représentant des millions de personnes, qui a retenu la main du bourreau. Cette lutte a été démobilisée par ceux qui ont alimenté les illusions dans le système de justice capitaliste en subordonnant l’appel à libérer Mumia à l’appel à un nouveau procès. En France, le Parti communiste (PC) appelle à la « libération de Mumia », mais il le fait conjointement avec son appel à un « nouveau procès ». Voyez par exemple l’appel dans l’Humanité du 4-5 février 2006, signé par des centaines de personnalités et d’hommes politiques, entre autres Marie-George Buffet du PC, Olivier Besancenot de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) et Arlette Laguiller de Lutte ouvrière (LO) soutenant un « nouveau procès équitable ». Derrière ces tentatives de dévier la lutte pour Mumia vers le système d’injustice bourgeois, il y a un programme politique basé sur la confiance dans l’Etat capitaliste un programme qui va directement à l’encontre de mobiliser la puissance de la classe ouvrière pour libérer Mumia. Il faut relancer des protestations de masse exigeant la libération de cet homme innocent !
La procédure d’appel de Mumia prend place dans le contexte de la « guerre contre le terrorisme », au nom de laquelle des droits gagnés par des luttes de classe tumultueuses sont liquidés, dans le but de terroriser quiconque se mettrait en travers de la course aux profits de la bourgeoisie et ses aventures impérialistes telles que l’occupation de l’Irak ou l’assujettissement brutal de l’Afghanistan, auquel prennent part les forces spéciales françaises. La « guerre contre le terrorisme » prend pour cible en premier lieu la population musulmane, mais elle est dirigée en dernier ressort contre l’ensemble de la classe ouvrière. On a pu le voir ici l’automne dernier à l’aéroport de Roissy, où des dizaines de bagagistes se sont vus retirer leur badge au cours d’une chasse aux sorcières raciste qui visait à saper la puissance sociale potentielle qu’ont ces travailleurs quand ils s’unissent contre les patrons.
En France la peine de mort a été officiellement abolie, mais pour les jeunes de banlieue, la mort peut toujours être au bout du chemin lorsque les flics les poursuivent, comme pour Zyad Benna et Bouna Traoré, les deux jeunes de Clichy-sous-Bois électrocutés en essayant d’échapper à une razzia policière en octobre 2005. A l’époque, leur mort avait provoqué la révolte de la jeunesse des banlieues. Alors que la Ligue trotskyste et le CDDS appelaient le mouvement ouvrier à se mobiliser en défense des jeunes, la plupart de la gauche, notamment le PS, le PC et LO soutenaient à ce moment-là le rétablissement de l’ordre par les flics. Dans le sillage de cette révolte, des dizaines de peines de prison ferme ont été prononcées à l’encontre de jeunes lors de parodies de procès à la chaîne où la « défense » n’avait même pas la possibilité de se préparer face aux accusations de la police.
Le cas de Mumia montre la nature de classe de l’Etat capitaliste. Son système de justice a fondamentalement un parti pris de classe et de race. Les flics et les tribunaux qui ont monté cette machination contre un homme innocent, le système carcéral, le bourreau, tous sont des instruments de la violence organisée utilisée pour préserver la domination de la classe capitaliste par la répression de la classe ouvrière et des opprimés. Pour détruire cet organe de répression il faudra une révolution socialiste qui renverse le système capitaliste aux Etats-Unis, en France et dans les autres centres impérialistes.
Il est urgent de relancer des mobilisations de masse aux Etats-Unis et dans le monde. Il faut unir la puissance de la classe ouvrière aux jeunes antiracistes dans la lutte pour exiger la libération de cet homme innocent. On n’obtiendra pas sa liberté en prêchant la confiance dans le système de « justice » truquée ou les politiciens capitalistes. Le seul moyen de renverser la vapeur est la mobilisation du mouvement ouvrier qui a la puissance sociale d’arrêter la production. Il faut des actions et des protestations de front unique centrées sur les syndicats, représentant toute une gamme d’opinions politiques, tout en assurant à chacun le droit d’exprimer ses propres vues. Organisez-vous dans votre syndicat, sur votre fac, dans votre quartier, pour exiger : Abolition de la peine de mort raciste ! Liberté immédiate pour Mumia Abu-Jamal ! n
Londres
Le meeting du 5 mai, qui s’est tenu à l’University of London Union, a rassemblé plus de 90 personnes. Parmi les orateurs figuraient trois représentants syndicaux : Paul Moffat, secrétaire pour la région est du Communication Workers Union ; Glenroy Watson, président de l’union locale de Finsbury Park du syndicat Rail, Maritime and Transport (RMT) et secrétaire général du Global Afrikan Congress ; et Stephen Hedley, lui aussi membre du RMT. Moffat a souligné le « devoir de dénoncer le complot pour perpétrer le meurtre de sang-froid, prémédité, de Mumia Abu-Jamal ». Témoignant du large écho que rencontre le cas de Mumia parmi les syndicalistes, le Scottish Trade Union Congress a adopté en avril dernier une motion qui déclarait : « Que ce congrès est convaincu que Mumia Abu-Jamal doit être libéré immédiatement de prison, car il est innocent, et que la peine de mort, intrinsèquement raciste, doit être abolie. »
Parmi les autres orateurs figuraient Gareth Peirce et Matthew Ryder, deux avocats spécialistes de la défense des droits civiques. Tous les deux sont aujourd’hui connus en particulier pour s’être opposés à la répression menée au nom de la « lutte contre le terrorisme », sous l’étendard de laquelle les gouvernements américain et britannique mènent des guerres dévastatrices en Afghanistan et en Irak, en même temps qu’ils sabrent les droits démocratiques à « l’intérieur ».
Le meeting, sous la présidence de Kate Klein, du PDC [Partisan Defence Committee], commençait par l’écoute de salutations pré-enregistrées de Mumia et la projection de la vidéo du PDC From Death Row, This is Mumia Abu-Jamal. Klein expliquait qu’en Grande-Bretagne, le PDC avait été créé en 1989, avec la campagne pour récolter des fonds pour les victimes civiles de Jalalabad, en Afghanistan, suite à la trahison que représentait le retrait des troupes soviétiques décidé par Mikhaïl Gorbatchev, qui avait laissé les civils face à la soif de revanche des moudjahidin soutenus par la CIA. Au sujet de Mumia, Klein a déclaré que « le genre de pression qui aura un impact sur les tribunaux, c’est la puissance sociale du mouvement ouvrier multiracial, dans le monde entier, exigeant la libération de cet innocent ». Plus tard, Eihblin McDonald, de la Spartacist League/Britain, soulignait que la campagne pour Mumia est une occasion de porter un coup à la fois contre la bourgeoisie américaine qui veut sa mort et contre la « relation spéciale » qui unit les impérialismes britannique et américain.
Plusieurs orateurs soulignaient les parallèles entre le cas de Mumia et les machinations anti-irlandaises menées par l’Etat capitaliste britannique. Gareth Peirce notait qu’elle avait « envoyé dans le passé beaucoup de fax en faveur de Mumia en pleine nuit. Pas juste de ma part. J’avais ajouté les noms de Gerry Conlon, Paddy Hill, Billy Power, Paddy Armstrong » ; elle faisait ainsi référence aux « quatre de Guildford » des innocents victimes d’une machination pour attentat à la bombe de l’IRA et condamnés en Grande-Bretagne, dans les années 1970 que Peirce avait défendus. Elle ajoutait que la campagne pour Mumia n’aurait pas pu se poursuivre pendant toutes ces années « s’il n’y avait pas eu une perception absolue de l’intégrité, et de la vérité et de la justice de ce que cette campagne affirmait, et de l’homme dont il s’agissait ».
Stephen Hedley faisait remarquer que « je viens du nord de l’Irlande, qui est toujours occupé, sous la domination britannique ». La vidéo sur Mumia, expliquait-il, « me rappelle ce qui se passe chez moi ». Hedley notait que le mouvement des droits civiques en Irlande du Nord s’était inspiré du mouvement pour les droits civiques des Noirs aux Etats-Unis, et que la détermination de l’Etat américain à tuer Mumia est similaire à la manière dont l’Etat britannique traite quiconque lève la tête. En Irlande du Nord, ceci inclut « la collusion entre la police et les paramilitaires loyalistes pour éliminer non seulement les activistes politiques, mais aussi les avocats qui défendaient ces activistes ». Tout en affirmant clairement ses désaccords politiques avec le PDC, Hedley saluait le meeting comme « un très, très bon exemple de sensibilisation ».
Plusieurs orateurs insistaient sur la nécessité de combattre l’amalgame que fait le pouvoir entre opposition politique et « terrorisme ». Wolkenstein soulignait que le PDC s’était engagé dans la défense de Mumia il y a une vingtaine d’années à la fois en raison de son opposition de principe à la peine de mort et au fait de désigner les opposants politiques comme des « terroristes ». A la fois le Black Panther Party, dont Mumia avait été un membre dirigeant dans sa jeunesse, et l’organisation MOVE, qu’il soutient, étaient considérés comme les « terroristes » de leur époque, ce qui signifiait que l’Etat pouvait simplement les abattre en pleine nuit, ou ourdir des machinations contre leurs partisans sur la base de vagues accusations d’association de malfaiteurs. Matthew Ryder, qui faisait partie de ceux qui avaient pris fait et cause pour Mumia en 1995, notait qu’invoquer le terrorisme « crée un état d’urgence permanent et un état de peur permanent. Sous prétexte de lutter contre le terrorisme, les formes les plus extrêmes d’action politique d’Etat peuvent être légitimées. »
C’est la question de la confiance dans les tribunaux capitalistes pour rendre justice à Mumia qui a suscité la controverse pendant la discussion. Wolkenstein avait noté dans sa présentation que quand le gros de la gauche opportuniste aux Etats-Unis le Workers World Party, Socialist Action, l’International Socialist Organization (affiliée à l’époque au Socialist Workers Party de Grande-Bretagne) s’était engagée en défense de Mumia, en particulier pendant et après les manifestations de masse en 1995, elle avait rejeté une mobilisation autour d’un appel à sa libération. Au lieu de cela, elle avait organisé son action essentiellement autour de la revendication d’un nouveau procès. Beaucoup de ces groupes « socialistes » réclament maintenant la « libération de Mumia » en conjonction avec la revendication d’un nouveau procès. Mais leur politique reste dans le cadre de la confiance dans l’Etat bourgeois, un programme directement opposé à la mobilisation de la puissance de la classe ouvrière pour la libération de Mumia.
Intervenant depuis la salle, Niki Adams, du groupe Legal Action for Women, argumentait qu’elle-même, avec d’autres, « appelons à un nouveau procès parce que nous faisons ce que demande Mumia, qui travaille de façon très étroite avec son avocat Robert Bryan ». Adams indiquait clairement à qui cet appel est adressé quand elle a déclaré, dans une manifestation qui a eu lieu le 17 mai dernier à Londres, le jour même de l’audience en appel de Mumia : « La revendication d’un nouveau procès rassemble des gens qui ne sont peut-être pas convaincus de l’innocence de Mumia, mais qui peuvent voir que le procès était profondément injuste. »
Les remarques d’Adams exprimaient on ne peut plus clairement la stratégie qui a déjà démobilisé les partisans de Mumia. Nous avons souligné, dans l’article « Défense lutte de classe ou foi dans la “justice” capitaliste » publié dans le dernier numéro de Workers Vanguard [et reproduit en page 23 de ce journal], que la gauche réformiste a depuis des années adopté l’approche recommandée par Adams, dans l’espoir de trouver audience dans le « courant dominant » des alliés dans le Parti démocrate capitaliste. Nous écrivions : « Au fond, le mot d’ordre du “nouveau procès” est un appel aux libéraux-bourgeois qui voient dans le cas de Mumia non pas une machination visant un innocent, mais une “erreur judiciaire” isolée [ ]. Ces groupes font obstruction au développement d’un mouvement de défense basé sur la conception que ce sont la nature de classe et les biais racistes de l’Etat capitaliste qui sont derrière la haine virulente des flics et des tribunaux contre Mumia, et que la voie vers sa libération passe par une défense lutte de classe. »
Au cours du meeting, Wolkenstein a répondu à Adams que bien que nous nous opposions vigoureusement à la stratégie de confiance dans l’Etat capitaliste, nous avons toujours été favorables à un travail judiciaire scrupuleux en faveur de Mumia. En fait, a-t-elle expliqué, « Les actions judiciaires actuelles dans le dossier de Mumia découlent du travail que moi et Jon Piper avons réalisé les gens dans l’équipe des avocats, qui sont associés au Partisan Defense Committee. » Réfutant l’affirmation d’Adams que ceux qui appellent à un nouveau procès feraient « ce que demande Mumia », Wolkenstein déclarait que « je connais Mumia Abu-Jamal et je travaille avec lui depuis février 1987. Je lui rends régulièrement visite avant de devenir son avocate, quand je suis devenue son avocate et après que j’ai arrêté d’être son avocate, y compris il y a une semaine. Il est parfaitement au courant de chacun des mots que j’ai prononcés ici. » Elle poursuivait : « Il a envoyé des salutations à ce meeting, et qui, même si elles sont très courtes, affirment clairement qu’il se bat pour sa liberté. Ce n’est pas par hasard. »
Wolkenstein faisait remarquer que dans les luttes qui ont eu lieu dans le passé pour des prisonniers de la guerre de classes, on n’appelait pas à « un nouveau procès pour les quatre de Guildford, ou pour Angela Davis, ou pour Huey Newton ». Concernant l’appel à l’unité, elle expliquait que nous sommes en faveur de fronts uniques de défense des actions communes autour de mots d’ordre décidés d’un commun accord, avec la pleine liberté de critique. « A notre avis », poursuivait-elle, « le thème unificateur est “Libérez Mumia. Mumia est innocent. Abolition de la peine de mort raciste !” » C’est autour de ce genre de mots d’ordre que le PDC a mobilisé, pour la manifestation du 17 mai devant l’ambassade américaine, à Grosvenor Square, un cortège qui représentait presque un tiers de la centaine de manifestants présents.
Berlin
Plus de 100 personnes ont assisté au meeting du 12 mai, dans le local du syndicat IG Metall. Le débat politique avait en fait commencé à peine quelques heures plus tôt, lors d’une manifestation en faveur de Mumia, quand des partisans du KfsV et du Spartakist Arbeiterpartei (SpAD) avaient mobilisé un cortège qui avait rassemblé au moment culminant jusqu’à un tiers des quelque 300 manifestants. Un des principaux dirigeants de cette manifestation était Michael Schiffmann, qui avait fait clairement savoir que les positions lutte de classe du KfsV et du SpAD n’auraient pas leur place à la tribune du rassemblement. Sur une banderole placée bien en vue près de la tribune, on pouvait lire : « Stoppons l’exécution de Mumia pour un nouveau procès équitable. »
Beaucoup étaient venus directement de la manifestation au meeting du KfsV qui réunissait, outre des syndicalistes et des militants de gauche, plusieurs exilés politiques, et au cours duquel ont été lues des salutations du Centre démocratique kurde (Berlin Brandebourg). Ayant l’habitude de la répression bourgeoise, le groupe kurde ne pouvait être présent parce qu’il organisait en même temps une manifestation en défense d’Abdullah Öcalan, dirigeant du parti nationaliste kurde PKK, qui est emprisonné en Turquie.
Expliquant le but d’une défense du KfsV non sectaire, basée sur la lutte de classe, Werner Brand soulignait son histoire de défense de militants antifascistes et de victimes de la chasse aux sorcières anticommuniste qui a suivi la réunification capitaliste de l’Allemagne en 1990, dont Markus Wolf, Heinz Kessler et beaucoup d’autres. Ses remarques furent applaudies, y compris par d’anciens membres du parti stalinien est-allemand, le SED.
Gert Julius, président de la section locale Tempelhof/Schöneberg de la fédération syndicale DGB, et représentant de la « Coalition pour la justice sociale et la dignité humaine », rappelait la formule de Karl Marx comme quoi l’opinion qui prévaut dans une société est toujours l’opinion de la classe dirigeante, avant de poursuivre : « Il aurait dû ajouter que les décisions judiciaires qui prévalent sont toujours les décisions judiciaires de la classe dirigeante. » Se félicitant du travail de l’avocat actuel de Mumia, Robert Bryan, il appelait à utiliser « toutes les formes de défense humainement possibles », un sentiment partagé par toute l’assistance. Défendant un point de vue réformiste, un article publié dans le journal de gauche Junge Welt (14 mai) a rapporté les remarques de Julius pour les opposer à la présentation de Rachel Wolkenstein qui, était-il écrit, « polémiquait clairement » contre la revendication d’un nouveau procès et la « gauche réformiste » qui essaie de « circonscrire les protestations en appelant à des soutiens de forces libérales bourgeoises ».
Pendant la manifestation qui avait eu lieu plus tôt ce jour-là, Michael Czech, un représentant du Parti communiste allemand (DKP), avait informé nos camarades que son parti lui avait ordonné de ne pas prendre la parole au meeting du KfsV, au motif fallacieux que « Mumia avait viré Rachel » et que les aveux de Beverly étaient une « invention » de notre part mensonges qui furent réfutés de manière tranchante lors du meeting. Parlant en son nom propre, Fritz Ditmar, membre de la direction locale du DKP à Hambourg, déclarait : « Je ne crois pas qu’un révolutionnaire peut bénéficier d’un procès équitable dans un tribunal bourgeois. » Il déclarait que ce qui était possible, « c’est d’arriver à une décision juste » en mobilisant « la pression dans la rue, hors des tribunaux », jusqu’à ce que cette pression soit tellement forte que « les tribunaux, les dents serrées, arrêtent de tordre la loi ».
Steffen Singer, représentant du comité central du SpAD, replaçait le combat pour la libération de Mumia dans le contexte de la lutte pour construire un parti ouvrier révolutionnaire et du combat pour de nouvelles révolutions d’Octobre. Il a raconté fièrement l’histoire des combats menés par le SpAD et la Ligue communiste internationale en Allemagne de l’Est et en Union soviétique, où nous nous sommes battus pour mobiliser le prolétariat contre la contre-révolution capitaliste et pour la révolution politique ouvrière. Ces commentaires suscitèrent quelques huées d’individus qui demandaient à savoir ce que cela avait à voir avec la cause de Mumia. Voici la réponse de Singer :
« Ce dont nous parlons ici, c’est aussi de la prétendue “mort du communisme”, cette idéologie qui a un impact tellement massif sur la gauche, et qui marque toute la lutte pour la libération de Mumia Abu-Jamal. Pouvez-vous imaginer qu’avant la destruction de l’Union soviétique, des militants de gauche auraient appelé à “un procès équitable”, ce qui constitue une régression par rapport à la tradition du mouvement ouvrier depuis l’époque des martyrs de Haymarket ? »
Un important débat s’est engagé sur le rôle des policiers dans la société capitaliste, et pour savoir s’ils devaient avoir une place dans les syndicats. Dans sa conclusion, Gert Julius expliquait sentencieusement que de son « point de vue syndical », on « ne devait pas utiliser indistinctement l’étiquette de Bullen [flics] pour les policiers ». Tout en admettant qu’il voyait « peu de possibilités » de faire progresser la conscience de classe du prolétariat à l’époque actuelle, Julius déclarait que « les syndicats sont pour tout le monde », avant de conclure avec « mon appel : militants de gauche de tous les pays, ne vous insultez pas les uns les autres, mais unissez-vous ».
Singer répondit en ces termes : « En tant que marxistes, nous savons que l’existence ce que vous faites détermine la conscience. Et la tâche des policiers est effectivement d’appliquer, avec des armes, les lois de la bourgeoisie, ses règles. En pratique, on peut voir ça dans n’importe quelle grève. » Singer faisait remarquer que lors d’une récente grève contre la société Infineon à Munich, les flics avaient avancé « les armes braquées » contre les piquets de grève. « Ce sont les briseurs de grève appointés, entraînés, de la bourgeoisie. C’est leur boulot. » Avant de poursuivre : « Qui procède aux expulsions ? Qui brise les grèves ? Qui a mené les raids [plus tôt en mai] contre les militants de gauche du G8 [qui prévoyaient d’organiser des manifestations contre le sommet impérialiste du Groupe des huit, qui devait se tenir début juin dans le nord de l’Allemagne] ? Les policiers ! C’est ça la violence organisée de l’ennemi de classe. Ils n’ont rien à faire dans le mouvement ouvrier ! »
En réponse à des questions posées lors du meeting, Rachel Wolkenstein a descendu en flammes les rumeurs comme quoi elle aurait été virée en 1999 par Mumia de l’équipe de ses avocats, qui était alors dirigée par Leonard Weinglass et Dan Williams, et que Mumia rejetait le témoignage de Beverly. La question clé à ce moment-là était que Weinglass et Williams avaient refusé d’utiliser devant les tribunaux le témoignage d’Arnold Beverly et d’autres preuves qui y étaient liées. Wolkenstein notait que « des promesses avaient été faites à Mumia par Len Weinglass et Dan Williams », comme quoi ils allaient « approfondir ces preuves, et ils ont violé ces accords ». Elle n’a rien pu faire pour l’empêcher, continuait-elle, « sauf me retirer du dossier, dans l’espoir que ces preuves seraient mises en avant. Autrement, j’aurais été complice de cette trahison massive de Mumia. »
Après que Mumia a viré Weinglass et Williams, son nouvel avocat tenta de présenter les aveux de Beverly devant les tribunaux. Wolkenstein racontait que « Depuis 2001, quand ça a été présenté devant les tribunaux, tous les tribunaux tribunaux d’Etat, tribunaux fédéraux ont refusé d’examiner quoi que ce soit de ces preuves. »
L’importance de mener un combat lutte de classe pour la libération de Mumia, basé sur les preuves massives de son innocence, était soulignée dans la discussion par les commentaires d’un syndicaliste qui soutient les positions du SpAD. Décrivant l’écho que le cas de Mumia suscite chez ses collègues de travail, il soulignait que le conseil d’apprentissage de l’usine, qui est politiquement proche du parti social-démocrate et de la direction syndicale, a saboté une déclaration pour Mumia en argumentant qu’ils n’étaient pas sûrs qu’il n’avait pas tué un flic, et que la déclaration pourrait porter préjudice au syndicat et à l’entreprise !
La campagne actuelle pour relancer le combat pour la libération de Mumia a suscité d’importantes expressions de soutien parmi des syndicalistes aux Etats-Unis et au niveau international. Wolkenstein insistait sur la nécessité de transformer ce genre de sentiments en action ouvrière. « Une part de l’importance du combat pour Mumia est d’apporter cette compréhension à la classe ouvrière que le combat de Mumia est leur combat, et que ce doit être un combat contre l’Etat capitaliste. Parallèlement aux réformistes dans le “mouvement”, qui empêchent les gens de comprendre la signification du cas de Mumia, il y a la bureaucratie syndicale qui, en fait, a foi dans la bourgeoisie pour lui donner davantage de droits pour les ouvriers, et davantage de tout. » Et elle concluait sur ces mots : « Le combat pour Mumia est le combat pour la libération des Noirs, c’est le combat pour la révolution socialiste. »
Traduit de Workers Vanguard n° 893, 25 mai