Le Bolchévik nº 174

Décembre 2005

 

Victoire à la grève de la SNCM et des dockers !

Levée des inculpations contre les syndicalistes du STC et de la CGT !

L’abordage le 28 septembre par la Marine nationale et la police militaire (gendarmerie), avec des hélicoptères de guerre, d’un bateau de la SNCM occupé par des grévistes du Syndicat des travailleurs corses (STC), est un acte de terrorisme d’Etat ordinaire qui menace l’ensemble du mouvement ouvrier. A la veille de la journée de grèves et manifestations massives du 4 octobre, le gouvernement adresse un message à toute la classe ouvrière que si elle ose se défendre contre les attaques croissantes des capitalistes, c’est à la violence des flics et même de l’armée qu’elle sera confrontée. Les dockers du port de Marseille sont en grève depuis quatre jours en solidarité avec les travailleurs de la SNCM et ont bloqué tout le port. Toute la classe ouvrière devrait être solidaire contre cette attaque et pour exiger la libération immédiate des syndicalistes emprisonnés et la levée des inculpations, les militants du STC risquant jusqu’à 20 ans de prison. A bas la privatisation de la SNCM et des autres entreprises publiques !

L’annonce le 26 septembre du « don » pur et simple de la SNCM, avec une centaine de millions d’euros en supplément, à un copain de de Villepin, a mis le feu aux poudres. Officiellement il y aurait 400 licenciements prévus, mais les travailleurs parlent d’un millier de licenciements sur 2 400 emplois, et en fait c’est toute l’entreprise qui risque d’être démantelée. Les marins CGT, eux-mêmes déjà en grève depuis la semaine dernière, se disent « solidaires des copains emprisonnés », mais leur direction est déjà prête à les trahir. Jean-Paul Israël, le dirigeant CGT, a très clairement refusé devant les caméras le jour de l’attaque de l’Etat, de prendre la défense des collègues du STC. La direction de la CGT a eu le cynisme de parler d’« ouverture » de la part du gouvernement le jour même de l’attaque ! Bernard Thibault, le dirigeant national de la CGT, est allé dans la même soirée rencontrer de Villepin pour l’assurer qu’il est prêt à accepter une privatisation de la SNCM du moment qu’elle sera « partielle », et pour discuter comment empêcher une explosion sociale.

Le PCF et la LCR magouillent pour un nouveau « front populaire »

La LCR et le PCF se sont opposés à l’attaque des flics contre les marins du STC. Mais ils comptent essentiellement canaliser la colère des travailleurs là-dessus vers la constitution d’un nouveau « pouvoir politique unitaire », c’est-à-dire en fait un nouveau front populaire avec des formations capitalistes (voir notre article dans le Bolchévik, septembre). Toute leur politique est orientée là-dessus. Ainsi à la fête de l’Humanité Besancenot et Buffet se sont retrouvés à l’unisson avec Zuccarelli, maire « radical de gauche » de Bastia, qui est un chauvin français au point d’avoir soutenu l’attaque des flics contre les marins du STC. Cela montre que le genre de gouvernement auquel aspirent le PCF et la LCR, incluant de telles forces capitalistes comme le PRG de Zuccarelli, serait un gouvernement bourgeois brutalement anti-ouvrier et anti-corse comme celui de Chirac-Villepin.

Et comme celui de Jospin-Buffet : c’est ce dernier qui avait amorcé la privatisation totale d’Air France et de France Télécom. C’est le gouvernement Jospin-Buffet qui en Corse en 1998 a lancé la chasse à l’homme contre Yvan Colonna après le meurtre du préfet Erignac, alors que le gouvernement n’avait pas (et n’a toujours pas) le moindre début d’indice que Colonna aurait été impliqué. C’est le gouvernement Jospin-Buffet qui avait alors nommé Bernard Bonnet préfet de Corse, donnant ainsi une promotion à Bonnet pour sa répression des partisans de la langue catalane quand il était préfet des Pyrénées-Orientales. Bonnet envoyait la nuit les gendarmes mettre le feu aux paillotes (restaurants sur les plages) pour terroriser les nationalistes corses (il n’y a eu de scandale que parce que Bonnet s’est fait prendre et a ainsi discrédité l’Etat bourgeois français). L’alternative n’est pas un nouveau bloc de collaboration de classes entre les Zuccarelli, les Fabius/Hollande et les Buffet, même avec un Besancenot sur la gauche, mais de lutter pour l’indépendance de classe du prolétariat face aux capitalistes et pour la perspective d’une révolution ouvrière. Nous luttons pour construire un parti ouvrier multiethnique d’avant-garde pour mener une telle révolution à la victoire.

Droit d’autodétermination pour le peuple corse !

Pour désamorcer la crise le gouvernement et les bureaucrates comptent sur le chauvinisme anti-corse que la bourgeoisie française et les réformistes cherchent depuis toujours à utiliser pour diviser les travailleurs corses et français en traitant les Corses de « terroristes », etc. Pour déjouer ces manœuvres il est nécessaire de lutter pour mobiliser le prolétariat ici en France contre l’oppression nationale du peuple corse. C’est la seule manière de lutter pour l’unité de classe des travailleurs de Corse et de France contre les capitalistes. La Corse est maintenue par l’impérialisme français dans le sous-développement, avec un taux de chômage massif, largement supérieur à la moyenne française. Le projet de privatisation de la SNCM aurait de ce fait un effet encore plus dévastateur pour les travailleurs de Corse que pour ceux de Marseille et du continent. Aucun licenciement ! Pour le droit du peuple corse à disposer de lui-même, y compris le droit à se séparer de l’« Hexagone » s’il le veut ! Egalité complète des langues, sans aucun privilège pour le français ! Nous exigeons la libération de tous les nationalistes corses emprisonnés, y compris Yvan Colonna, emprisonné depuis trois ans maintenant.

Toute l’île a été mise en état de siège, avec le renfort de centaines de flics supplémentaires. A bas la terreur policière en Corse ! Comme le disait un travailleur de la SNCM, « Nous ne sommes pas des terroristes mais des pères de familles qui défendent leur emploi » (Grand Marseille 20 minutes, 29 septembre). On voit concrètement avec l’acte de piraterie du GIGN contre les marins du STC et contre le service public comment la campagne « antiterroriste » menace la classe ouvrière elle-même. Le plus souvent en France ce sont les jeunes d’origine maghrébine qui sont visés par la campagne raciste « contre le terrorisme », afin de diviser la classe ouvrière entre les travailleurs « français » et ceux d’origine immigrée, qui sont soumis à une précarité aggravée. Le taux de chômage en Corse des jeunes d’origine notamment marocaine est encore plus élevé que pour les autres. Non seulement les flics français, mais aussi certains nationalistes corses se livrent à des actes de terreur raciste contre ces jeunes. Pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés et leurs familles, en France et en Corse ! A bas Vigipirate !

Les marins de la SNCM ont respecté l’année dernière les piquets de grève du STC, malgré les diatribes de la direction de la CGT contre la « corsisation des emplois » demandée par le STC (et Lutte ouvrière soutenait à fond les bureaucrates de la CGT là-dessus : voir leur journal du 24 septembre 2004). Pour maintenir et améliorer le trafic, c’est en fait des embauches massives qu’il faudrait : des embauches de travailleurs résidant en France et résidant en Corse. Aujourd’hui les embauches (ou plutôt les licenciements) sont contrôlées par la direction du personnel raciste et chauvine. Ce sont les syndicats qui devraient avoir le monopole de l’embauche, comme autrefois sur le port de Marseille. Cela pose la nécessité d’un seul syndicat industriel, regroupant l’ensemble des travailleurs de la SNCM, français et corses. Le même syndicat devrait aussi organiser les travailleurs de Corsica Ferries, pour harmoniser par le haut les salaires et les conditions de travail. Il faut s’opposer à la discrimination raciste à l’embauche envers les jeunes des quartiers nord de Marseille et des familles immigrées en Corse. Mais aujourd’hui les travailleurs ont pour direction des sociaux-démocrates chauvins français ou une direction nationaliste corse. Nous luttons pour une direction révolutionnaire et internationaliste dans les syndicats, luttant contre toutes les formes de division raciste ou nationaliste entre les travailleurs, et pour l’indépendance complète des syndicats par rapport à l’Etat bourgeois.

Levée des inculpations contre les syndicalistes du STC et de la CGT ! Victoire à la grève de la SNCM et des dockers de Marseille ! Droit d’autodétermination pour le peuple corse !