Le Bolchévik no. 173

septembre 2005

PCF, LCR etc. magouillent pour un nouveau « front populaire »

A bas les rafles et les expulsions ! A bas Vigipirate !

Pour des mobilisations ouvrières contre la terreur raciste !

En réponse à la claque qu’il a subie lors du référendum sur la « Constitution européenne » (voir notre dernier numéro), Chirac a nommé un nouveau gouvernement qui en 100 jours devait « rétablir la confiance », c’est-à-dire déjouer la crise sociale et la colère des travailleurs, et « lutter contre le chômage ». Au bout de 100 jours une attaque majeure a été menée pour précariser encore plus l’emploi avec le « contrat nouvelle embauche », et le pouvoir d’achat continue de se dégrader avec l’augmentation débridée des prix des produits pétroliers. Les privatisations des autoroutes et des monopoles gazier et électrique sont mises en œuvre, avec augmentation des tarifs et baisse de la qualité de service pour les usagers, et attaques contre les droits des travailleurs de ces entreprises. Entre suppressions de lignes ferroviaires et privatisations du fret ou d’activités dans les gares, les cheminots sont aussi en ligne de mire.

Pour faire passer ces attaques les capitalistes et leur gouvernement ont augmenté la répression contre la classe ouvrière. A Bègles, près de Bordeaux, en mai dernier c’est les troupes d’élite de la gendarmerie qui ont sauvagement attaqué des postiers grévistes qui, depuis, luttent contre les sanctions. Les licenciements et les procès se multiplient contre les travailleurs qui osent se battre avec détermination pour leurs droits et leurs acquis.

Le gouvernement s’est employé tout l’été à dresser les travailleurs les uns contre les autres suivant des lignes de division raciste en redoublant d’acharnement contre les travailleurs d’origine immigrée et leurs enfants. Il a profité des attentats criminels de Londres début juillet (voir l’article de nos camarades britanniques en page 5) pour décréter Vigipirate rouge. La campagne « antiterroriste » est un prétexte cynique pour un terrorisme systématique de l’Etat bourgeois contre les minorités opprimées qui vivent dans ce pays. Il s’agit d’étendre à l’infini les pouvoirs de répression de l’Etat contre toute la population.Ils veulent faire accepter comme « normal » ce qui encore récemment aurait été considéré comme une grossière violation des droits démocratiques. Les rues de Paris sont maintenant le théâtre de rafles racistes comme on n’en avait plus vues depuis la guerre d’Algérie : des centaines de flics débarquent à Ménilmontant, Château d’eau ou Barbès, bouclent hermétiquement le quartier et ratissent les rues et les cafés, embarquant à chaque fois des dizaines de sans-papiers et multipliant les charters d’expulsions.

L’offensive actuelle contre la classe ouvrière n’est pas due simplement au fait que les patrons et leur gouvernement sont particulièrement vicieux et racistes (ce qu’ils sont), mais au fait que le mode de production capitaliste lui-même force les capitalistes à mener ce genre d’attaques pour survivre face à la concurrence acharnée. En Allemagne c’est le gouvernement social-démocrate et Vert de Schröder qui a ces dernières années réduit les salaires, augmenté les horaires de travail, entamé la liquidation du droit à la retraite, et fait passer le chômage officiel à cinq millions de personnes. Les capitalistes allemands sont par conséquent maintenant plus agressifs que jamais sur les marchés extérieurs, et leurs rivaux en France perdent du terrain et n’ont d’autre manière de s’en sortir que d’aggraver leurs propres attaques contre leurs propres ouvriers.

Le projet de « Constitution européenne » n’était rien d’autre qu’une codification des attaques anti-ouvrières dans l’objectif de renforcer essentiellement les intérêts des capitalistes allemands et français contre leurs rivaux américains et japonais, et les gouvernements européens, qu’ils soient de droite ou de gauche, ne vont pas le moins du monde changer de cours parce que la « Constitution » a été rejetée dans les urnes. Les urnes ne font que donner un vernis « démocratique » à la domination de classe du capital.

Depuis la restauration du capitalisme dans l’ex-Union soviétique dans la contre-révolution de 1991-1992, une défaite historique pour la classe ouvrière mondiale (voir notre article sur la Chine page 3),les capitalistes visent les acquis dans la santé, l’éducation, l’assurance-chômage, les retraites, qui avaient été introduits après la Deuxième Guerre mondiale par crainte d’une révolution ouvrière, l’Armée rouge ayant vaincu le régime nazi. Cesattaques contre l’« Etat-providence », ainsi que les privatisations et les actions pour augmenter la flexibilité du travail (travailler plus et plus longtemps pour une paie moindre) ont lieu dans toute l’Europe et au-delà, et on ne pourra les stopper que par une dure riposte de la classe ouvrière.

Sous le capitalisme tout acquis pour les ouvriers et les opprimés est hautement réversible et dépend des rapports de force dans la lutte de classe. Le fait que les travailleurs ont perdu confiance dans une perspective révolutionnaire entrave cette lutte. Pourtant une telle perspective est indispensable pour vraiment stopper l’offensive des capitalistes et se battre pour la destruction de l’Etat bourgeois et son remplacement par un Etat ouvrier. Seul un tel pouvoir ouvrier, la dictature du prolétariat, pourra liquider définitivement ce système d’exploitation, d’oppression, de misère et de guerres. Nous nous battons pour construire un parti ouvrier internationaliste pour mener une telle révolution à la victoire en prenant pour modèle la Révolution russe d’octobre 1917.

Une attaque contre un est une attaque contre tous. Le mouvement ouvrier tout entier doit se mobiliser en défense des lycéens poursuivis pour leur lutte contre la loi Fillon, en exigeant la levée de toutes les poursuites. Il doit se mobiliser en défense de ses frères de classe plus vulnérables, les travailleurs originaires d’Afrique du Nord et de l’Ouest notamment, qui forment une composante stratégique du prolétariat de ce pays, que ce soit dans le bâtiment, dans l’industrie automobile ou parmi les éboueurs de la ville de Paris.Il faudrait une campagne de syndicalisation des intérimaires, CDD et « contrat nouvelle embauche ». A bas Vigipirate ! A bas les expulsions racistes et les charters ! Pleins droits de citoyenneté pour tous ceux qui sont ici ! Troupes françaises, hors d’Afrique !

A bas la collaboration de classes !

Beaucoup d’ouvriers voudraient en découdre avec le gouvernement. Mais les bureaucrates syndicaux se contentent de planifier une grande journée de grèves et manifestations le 4 octobre. En réalité ils sont tous pendus au prochain congrès du PS en novembre qui devrait préciser davantage les contours des prochaines alliances de collaboration de classes pour canaliser la colère ouvrière vers une nouvelle perspective parlementaire, les élections de 2007.

Il y a dans le PS toute une couche de sociaux-démocrates, dont les porte-parole les plus bruyants sont Kouchner et Rocard, qui veulent « dire la vérité » aux travailleurs, c’est-à-dire leur promettre seulement plus d’attaques, la directive Bolkestein, le démantèlement des services sociaux inscrit dans le projet de « Constitution européenne », etc. Ils comptent revenir au pouvoir non pas grâce au soutien du PCF, mais en faisant une coalition au centre avec les démocrates-chrétiens de l’UDF, voire avec certains gaullistes qui ne veulent pas de Sarkozy. De l’autre côté il y a ceux, emmenés par Fabius et Mélenchon, qui veulent reconstituer une alliance paraissant plus à gauche avec le PCF, voire avec la LCR : ils veulent faire quelques promesses mensongères aux travailleurs, sachant qu’une fois au gouvernement ils mèneront de toute façon encore une fois la politique qu’il faut pour les patrons.

Le PS et le PCF sont des partis ouvriers-bourgeois, c’est-à-dire qu’ils ont une base ouvrière mais une direction dédiée à la gestion du capitalisme avec un programme correspondant. Dans des circonstances où il faut désamorcer les luttes de la classe ouvrière, les « fronts populaires », comme celui de la « gauche plurielle » de Jospin et ses ministres Buffet et Mélenchon, sont utiles à la bourgeoisie : ce sont des alliances de tels partis ouvriers réformistes avec des formations bourgeoises sur la base d’un programme bourgeois pour gérer le capitalisme.

C’est pourquoi nous nous opposons par principe à ces combinaisons. Toute la société capitaliste est basée sur l’antagonisme fondamental entre les capitalistes et les ouvriers qu’ils exploitent. Pour défendre ses intérêts, la classe ouvrière doit préserver son indépendence politique, et en fait la lutte contre de telles coalitions de front populaire elles-mêmes ne peut être qu’un point de départ, pas suffisant mais indispensable. Les organisations ouvrières réformistes au contraire proclament la nécessité d’une « union populaire » avec des forces antiprolétariennes, afin de mieux se soustraire aux pressions de leur base prolétarienne.

Les capitalistes ont des agents à l’intérieur même du mouvement ouvrier, les bureaucrates syndicaux et les directions des partis réformistes qui, sur la base des privilèges des couches supérieures de la classe ouvrière, voient des intérêts communs entre les ouvriers et leur propre bourgeoisie nationale, et se battent pour défendre l’ordre capitaliste en essayant d’obtenir éventuellement quelques miettes sous la pression de leur base.

Et quand il n’y a pas de miettes ce sont ces réformistes qui sont le mieux à même de convaincre les ouvriers que les attaques anti-ouvrières ne sont qu’un moindre mal, et la bourgeoisie appelle les partis sociaux-démocrates au gouvernement pour administrer l’Etat capitaliste. L’Etat capitaliste n’est pas quelque chose de neutre entre les ouvriers et les capitalistes : il s’agit fondamentalement d’un appareil de coercition, basé sur le monopole des armes aux mains des flics, de l’armée, des matons, dédiés à la défense de la propriété privée des moyens de production aux mains des capitalistes. Les réformistes disent vouloir gérer l’Etat pour le compte des travailleurs, mais en réalité ils acceptent de gérer ainsi le système capitaliste.

Administrer l’Etat capitaliste signifie veiller à ce que les entreprises françaises survivent, et pour cela il faut veiller à ce que leur taux de profit ne décroche pas par rapport à leurs concurrents (sinon elles perdraient leurs crédits bancaires, leurs actions chuteraient en Bourse, elles se feraient racheter par un requin qui les démantèlerait, etc.) Or la défense du taux de profit passe en général par un renforcement du taux d’exploitation des travailleurs. En France c’est aujourd’hui la droite au pouvoir, mais il y a quelques années c’était le gouvernement Jospin qui avait achevé la privatisation de France Télécom entamée par la droite, et initié la privatisation d’Air France qui a ensuite été poursuivie par Raffarin. Le but des lois Aubry sur les 35 heures, sous Jospin-Buffet, était de renforcer la flexibilité des horaires de travail tout en bloquant les salaires, ce qui a en général accru le taux de profit des entreprises industrielles françaises. Les attaques de leurs propres directions réformistes au gouvernement démoralisent les travailleurs et les opprimés, ce qui provoque le retour de la droite, puis les attaques de la droite conduisent à de nouvelles illusions dans la soi-disant « gauche », et on repart pour un tour. On ne peut briser ce cercle vicieux qu’avec une perspective révolutionnaire.

La LCR à la rescousse de Buffet et Fabius

A la Fête de l’Humanité nous sommes intervenus pour expliquer notre opposition au front populaire dans un meeting où on voyait Mélenchon du PS, Buffet du PCF et Besancenot de la LCR. Ces réformistes s’extasiaient tous sur l’unité avec Zuccarelli, notable bourgeois (« radical de gauche ») maire de Bastia et chauvin français hystérique contre les nationalistes corses, avec George Sarre, bras droit de Chevènement et maire du XIe arrondissement de Paris, avec la Verte Francine Bavay (les Verts trouvent que les travailleurs ne paient pas encore assez cher leur essence), et avec le leader petit-bourgeois paysan José Bové dont les plans « anti-productivistes » amèneraient une inflation des prix des produits alimentaires.

Buffet jure par Jean Jaurès que le prochain gouvernement de front populaire sera différent, qu’ils ne répèteront pas la politique de Jospin. Pourtant leur plan est bien de faire du vieux avec du vieux : Mélenchon était sous-ministre à l’Education dans le gouvernement Jospin qui a lancé la réforme LMD, honnie des étudiants, et Buffet était également ministre de Jospin quand celui-ci a renforcé Vigipirate et lancé sa campagne sécuritaire raciste.

Et Fabius lui-même était non seulement ministre de l’Economie dans le gouvernement Jospin (où il s’était prononcé pour la privatisation d’EDF), il était Premier ministre de Mitterrand dans les années 1980 au moment du « tournant de la rigueur » contre les travailleurs, de l’affaire du sang contaminé qui a envoyé à une mort horrible (le sida) des milliers d’hémophiles, de l’assassinat du dirigeant indépendantiste kanak Eloi Machoro par un commando d’élite spécial de la gendarmerie nationale, et de l’affaire du Rainbow Warrior, le bateau de Greenpeace coulé avec une partie de son équipage pour avoir voulu protester contre les essais d’armes nucléaires françaises en Polynésie.

C’est beaucoup pour un seul homme, au point que 20 ans plus tard Fabius est encore profondément détesté et qu’il s’est fait chahuter à la Fête de l’Humanité. De nombreux militants du PCF à cette fête étaient écœurés de voir Marie-George Buffet accourir pour prendre la défense de Fabius avec véhémence, et ils quittaient ce meeting en colère.

Le joker du PCF pour donner l’illusion que le prochain front populaire sera différent des précédents, c’est la LCR pseudo-trotskyste. La LCR voit bien à quel point Fabius est détesté, au point qu’il n’est pas certain que Fabius soit en mesure de fédérer un front populaire derrière lui. La LCR se fait occasionnellement l’écho de cela, et dit quelques mots contre Fabius (cela ressemble à la fable de l’amoureux éconduit, Fabius refusant pour le moment de partager une tribune avec la LCR malgré les supplications de celle-ci). D’ailleurs de charger la barque de Fabius permet indirectement de dédouaner le PCF, qui a été sous Jospin dans le même gouvernement avec le même Fabius.

Buffet promène partout Besancenot de la LCR pour donner un parfum de neuf à la nouvelle combinaison parlementaire pourrie avec le PS qui est censée succéder à Chirac. Et Besancenot est aux anges de se rendre utile au PCF et au PS de Mélenchon-Fabius. Avec un cynisme exceptionnel il affirme : « Nous ne voulons pas recommencer une nouvelle mouture de la gauche plurielle » (Rouge, 1er septembre), et il se retrouve en campagne pour un « front social et politique permanent contre les politiques libérales » … avec toute l’ex-gauche plurielle au grand complet, y compris les radicaux de gauche et les chevènementistes (plus José Bové, moins l’actuelle direction du PS – pour le moment).

L’« université d’été » de la LCR qui s’est tenue fin août a officialisé ce que nous avions annoncé depuis longtemps : comme ses camarades brésiliens qui l’ont déjà réalisé, la LCR espère entrer au gouvernement, et que l’heure pourrait sonner dès 2007. Besancenot a déclaré (voir Rouge, 1er septembre) :

« C’est vrai, à la LCR, ce qui nous fait vibrer, ce ne sont pas les fauteuils ministériels. Mais la politique anticapitaliste que nous préconisons, pour laquelle nous militons, nous souhaitons qu’elle soit appliquée, effective. Et, donc, qu’elle gouverne, dans le cadre d’un nouveau pouvoir politique unitaire, issu des mobilisations populaires, dans lequel nous serions présents, avec d’autres. »

A part les boniments selon lesquels il ne rêve pas de strapontins ministériels, Besancenot ne ment pas : ce qui le « fait vibrer », c’est que « nous serions présents » dans « un nouveau pouvoir politique unitaire » qui « gouverne », et Besancenot annonce d’ores et déjà que pour lui les « mobilisations populaires » doivent avoir pour objectif de porter à l’Elysée et Matignon cette nouvelle coalition « avec d’autres ».

Nous le disons tout net et par avance : si Besancenot était nommé sous-secrétaire d’Etat, il servirait loyalement la bourgeoisie, exactement de même que son camarade Rossetto au Brésil, ministre du Développement agraire depuis bientôt trois ans dans le gouvernement Lula qui réduit les distributions de terres aux paysans sans terre et envoie la police militaire massacrer ceux qui osent occuper des terres cultivées appartenant à des latifundistes. Rossetto est pratiquement le dernier fidèle de Lula dont le Parti des travailleurs, accablé par les affaires de corruption, est en pleine déliquescence (voir notre article dans le Bolchévik n° 171, mars). Quelles que soient les promesses de Besancenot de faire « une politique anticapitaliste », c’est-à-dire, comme il dit, « une véritable répartition égalitaire des richesses », etc., il s’agirait d’un gouvernement bourgeois, chargé d’administrer l’Etat bourgeois, et donc il n’aurait d’autre choix que de gouverner contre les travailleurs.

Quand des gouvernements capitalistes (de droite ou de gauche) ont reculé devant la lutte de classe et mis en place de véritables réformes, comme en Juin 36, cela a toujours été pour désamorcer une lutte de la classe ouvrière, notamment des situations pré-révolutionnaires, et non parce qu’il y avait des gouvernements plus « progressistes » que d’autres. La LCR, LO, etc., parlent de la nécessité d’un nouveau Juin 36 ou Mai 68. Mais dans leur bouche il s’agit en fait d’amener un nouveau front populaire au pouvoir (le « pouvoir politique unitaire issu des luttes » dont parle Besancenot). Mai 68 a été utilisé pour amener l’Union de la Gauche de Mitterrand au pouvoir, et Décembre 95 pour amener Jospin-Buffet (avec le vote de la LCR – et de LO « contre le Front national » ). Aujourd’hui c’est surtout les différences avec ces périodes pré-révolutionnaires qui sautent aux yeux : les ouvriers sont démoralisés par les trahisons de leurs directions, et ils sont sous la campagne incessante de la soi-disant « mort du communisme », comme quoi le capitalisme a ses défauts, mais qu’il serait soi-disant indépassable, maintenant que l’URSS a été détruite.

Une leçon de Juin 36 c’est aussi que, les accords à peine signés, la bourgeoisie s’attache immédiatement à reprendre toute concession qu’elle aurait pu faire (voir notre article sur Juin 36 dans le Bolchévik n° 172, juin). La seule solution est de lutter pour une révolution ouvrière. La Révolution russe d’octobre 1917 a montré que les ouvriers peuvent renverser l’ordre capitaliste, exproprier les capitalistes en tant que classe et organiser la production sur une base planifiée rationnelle, et non de la façon anarchique où les capitalistes cherchent à maximiser non la production pour les besoins de la société, mais leurs profits individuels.

Le nouveau front populaire « antiraciste »

Il y a trois ans les PCF, LCR et PS avaient voté pour le bourgeois réactionnaire Chirac contre le fasciste Le Pen(qui d’ailleurs n’avait pu se présenter au deuxième tour que parce que Jospin lui-même et son gouvernement PS-PC étaient trop méprisés par la classe ouvrière). Ils ont ainsi contribué à l’ascension de Sarkozy, qui a mis en place des pans entiers du programme anti-immigrés de Le Pen, y compris les charters de déportation, mis en place pratiquement sans protestations parce que la « gauche » était trop occupée à saluer le gouvernement Chirac contre la guerre de Bushen Irak. Mais aujourd’hui ils font tous des déclarations ronflantes contre Sarkozy et veulent construire des illusions qu’ils agiraient dans l’intérêt des immigrés et de leurs familles une fois de retour au gouvernement.

Le journal du PCF, l’Humanité, a des articles quotidiens pour se lamenter sur le sort des sans-papiers et des sans-logement. Le PC doit travailler dur pour se relooker sur un mode légèrement « antiraciste ». Tout le monde se souvient encore avec amertume du dernier front populaire de Jospin, où le PCF a passé cinq ans dans le gouvernement à mener les attaques que poursuit et aggrave aujourd’hui la droite. Les lois sécuritaires racistes de Sarkozy ne sont qu’une variante à peine aggravée de la « loi de sécurité quotidienne » votée sous Jospin. D’ailleurs une bonne partie des sans-papiers d’aujourd’hui l’étaient déjà sous Jospin et son ministre des flics Chevènement, qui ont à l’époque refusé leur régularisation.

Il y a eu ces derniers mois des dizaines de morts, surtout originaires d’Afrique de l’Ouest, brûlés vifs dans des incendies d’hôtels meublés ou de squats à Paris. A peine quelques mois après qu’un ministre chiraquiste avait dû quitter son logement de fonction de 600 mètres carrés et d’une valeur locative de 14 000 euros mensuels, le gouvernement non seulement prétend qu’il n’y a pas de logement, mais il s’en est pris aux victimes elles-mêmes, expulsant brutalement des dizaines de familles de leur habitat précaire et les jetant tout simplement à la rue si ce n’est dans des « camps de rétention » avant déportation.

La mairie de Paris, dirigée depuis plus de quatre ans par une coalition des sociaux-démocrates du PS et du PCF avec les partis bourgeois de Chevènement et des Verts, s’est déclarée contre les expulsions de squatters par les flics. L’hypocrisie est l’hommage que le vice rend à la vertu, comme le disait Oscar Wilde : c’est la mairie PS-PC elle-même qui refuse depuis des années des logements décents et non dangereux à ces travailleurs ! Ce n’est pas que Sarkozy, c’est aussi le maire PS Delanoë et ses adjoints PCF et Verts à la mairie qui ont sur les mains le sang des Africains tués dans les incendies : ils n’ont rien à faire dans les manifestations de solidarité avec les victimes des incendies et des rafles ! A Aubervilliers c’est un maire PCF (un parti ouvrier n’est-ce pas) qui, pas plus tard qu’en juin dernier, procédait à de brutales expulsions par les CRS de travailleurs africains du logement qu’il occupaient, et qui ensuite a mobilisé les gros bras de la CGT du 93 pour protéger la mairie contre les expulsés qui protestaient (voir notre article page 9).

Les familles frappées dans ces incendies ne sont pas seulement des victimes dont nous sommes solidaires : beaucoup des pères de famille sont employés par la mairie comme éboueurs ou balayeurs. Une grève des éboueurs, français et immigrés, aurait plus de puissance sociale que les manifestations de rue isolées actuelles pour forcer Delanoë et ses acolytes à s’employer à reloger décemment tous ces travailleurs, avec leur famille. De telles actions contre la terreur raciste et pour des logements décents et sûrs seraient dans l’intérêt de toute la classe ouvrière, s’élargissant à des secteurs plus larges de la classe ouvrière avec sa composante immigrée. Pour cela les travailleurs ont besoin d’une direction révolutionnaire et de se débarrasser des sociaux-démocrates qui gèrent aujourd’hui les municipalités, et qui rêvent seulement de diriger demain à nouveau le gouvernement pour le compte des patrons. Le capitalisme ne peut pas offrir des logements de bonne qualité pour tous ; la lutte pour ce besoin vital doit s’élargir à une lutte pour renverser tout ce système pourri.

La lutte contre la précarité et contre le racisme

Aujourd’hui les capitalistes s’en prennent aux droits des travailleurs en utilisant le chômage massif qu’ils ont eux-mêmes produit. Comme le disait Trotsky, le droit au travail est le seul droit sérieux que l’ouvrier possède dans une société basée sur l’exploitation. Si le capitalisme ne peut garantir ce droit, qu’il périsse ! Trotsky écrivait dans le Programme de transition :

« La “possibilité” ou l’“impossibilité” de réaliser les revendications est, dans le cas présent, une question de rapport des forces, qui ne peut être résolue que par la lutte. Sur la base de cette lutte, quels que soient ses succès pratiques immédiats, les ouvriers comprendront mieux que tout la nécessité de liquider l’esclavage capitaliste. »

Le « contrat nouvelle embauche » vise à accentuer encore la précarité de ces travailleurs. En les forçant à accepter des conditions d’embauche dégradées les capitalistes cherchent à augmenter la pression sur la stabilité d’emploi de l’ensemble de la classe ouvrière pour faciliter les licenciements et dissuader les travailleurs de lutter. Aujourd’hui plus de 30 % des emplois d’ouvriers non qualifiés sont précaires. A bas le « contrat nouvelle embauche » ! Pour lutter contre la précarité, il est indispensable de prendre à bras-le-corps la question de la terreur raciste qui rend plus vulnérables les jeunes travailleurs d’origine immigrée et distille l’arriération raciste parmi les travailleurs. La bourgeoisie manie Vigipirate et la « guerre contre le terrorisme » dans le but de diviser la classe ouvrière sur une base raciste. En désignant comme l’« ennemi intérieur » les jeunes d’origine maghrébine, qui sont nombreux dans les couches nouvelles ultra-précarisées du prolétariat, les capitalistes espèrent détourner d’eux-mêmes la colère des travailleurs. Les grèves de ces dernières années, que ce soit à Citroën-Aulnay ou chez MacDo, montrent que ces jeunes sont prêts à se battre. L’obstacle c’est les bureaucrates syndicaux qui cassent leur envie de se battre, refusent de lutter contre les campagnes racistes, etmontrent par là même qu’ils ne sont que des dirigeants traîtres de la classe ouvrière. Il faut une direction révolutionnaire des syndicats où ces travailleurs d’origines ethniques diverses auront une place centrale.

Les cheminots et les travailleurs de la RATP sont particulièrement en ligne de mire de ce gouvernement à cause de leur considérable puissance sociale. Les flics quadrillent les gares et les stations de métro dans le cadre du plan raciste « antiterroriste » de Vigipirate, mais demain s’il y a une confrontation sociale, ce sont ces mêmes flics qui s’en prendront aux piquets de grève. Beaucoup de travailleurs s’imaginent que les flics sont là pour les protéger du terrorisme criminel. Le meurtre brutal du jeune électricien Jean Charles de Menezes dans le métro de Londres par les flics (qui ont ensuite menacé de leurs pistolets le conducteur du train) montre que ce sont les flics qui représentent le danger principal pour la classe ouvrière multiethnique dans les gares.

S’opposer aux expulsions de certains squatters et aux déportations de sans-papiers au nom de « liberté, égalité, fraternité pour tous » comme le font à l’occasion le PCF, la LCR ou LO est une chose, mais pour les réformistes le véritable test c’est qu’ils refusent de s’opposer à Vigipirate et plus largement à la terreur raciste contre les travailleurs et les jeunes d’origine nord-africaine, qui sont en France aujourd’hui le bouc émissaire favori pour tous les maux de cette société capitaliste. Du PS au PCF et aux pseudo-trotskystes du PT, de la LCR et de LO, ils acceptent tous le cadre de la « République », c’est-à-dire de l’Etat bourgeois français raciste qui a fait la guerre d’Algérie et qui cherche encore à se venger de sa défaite de 1962 dans la lutte de libération nationale algérienne.

La lutte contre le racisme est centrale pour l’unité révolutionnaire de la classe ouvrière, dont les immigrés et leurs descendants sont une composante stratégique. Nous intervenons dans les mobilisations antiracistes et dans les grèves, en défense des couches les plus vulnérables de la classe ouvrière et pour forger son unité en lutte contre toutes les formes de division raciste poussées par la bourgeoisie. Mais en même temps nous insistons que le racisme est inhérent au capitalisme. Pour l’éradiquer il faut non seulement lutter contre le gouvernement Chirac-Sarkozy et s’opposer aux plans pour un nouveau « front populaire » du PS, du PCF et de la LCR, il faut lutter pour une révolution ouvrière. C’est la perspective que nous voulons tracer, et nous voulons construire le parti ouvrier multiethnique révolutionnaire qui pourra mener la classe ouvrière à la victoire.