Spartacist Canada No. 174

Fall 2012

 

Les leçons des luttes au Québec

Etudiants, alliez-vous à la classe ouvrière !

Pour une direction révolutionnaire !

Nous reproduisons ci-dessous le supplément en français de SC publié le 20 août. Il a été diffusé par nos camarades à la grande manifestation étudiante de Montréal le 22 août.


Avec la grève étudiante et la désobéissance massive à la loi répressive du gouvernement libéral (Loi 78), le Québec a connu la lutte la plus soutenue depuis les années 1970. C’est en grande partie pour résoudre cette crise que le premier ministre Jean Charest a décrété des élections pour le 4 septembre. Cela risque de fonctionner, même si les Libéraux perdent les élections. Les étudiants, après s’être battus vaillamment pendant des mois, avoir enduré la répression brutale de la police et avoir été calomniés dans la presse, n’ont obtenu aucun résultat tangible. Beaucoup votent donc maintenant de reprendre les cours. Le Parti québécois appelle à une « trêve » pour ne pas gêner les élections, ce qui en fait est une excuse cynique pour restaurer la « paix sociale ». Les dirigeants de la FEUQ et de la FECQ, fédérations étudiantes qui soutiennent le PQ, font campagne pour « inciter les jeunes à aller voter ». Et maintenant Françoise David de Québec Solidaire (QS) donne explicitement son soutien à un gouvernement minoritaire potentiel du PQ, alors même que Pauline Marois, la dirigeante du PQ, promet déjà « l’indexation des droits de scolarité au coût de la vie ».

Les jeunes qui se sont mobilisés et qui se sont battus courageusement pendant plus de six mois doivent se demander ce qu’ils peuvent faire maintenant. Ce n’est certainement pas la farce électorale qui apportera la solution. Mais la combativité seule ne fait pas avancer non plus. Comme nous l’avons écrit il y a trois mois, la grève étudiante a « fait clairement apparaître les limites d’une lutte qui n’a pas été reliée à la puissance sociale de la classe ouvrière » (« La grève étudiante secoue le Québec », Spartacist Canada no. 173, été 2012). Ce dont on a besoin c’est d’une vision qui va plus loin que la lutte immédiate au Québec, une perspective de lutte de classe internationaliste qui cherche à mobiliser cette puissance sociale.

Les attaques contre les étudiants québécois font partie d’une offensive capitaliste au niveau mondial contre les ouvriers et les opprimés. Que ce soit en Grèce, en Espagne, aux Etats-Unis, au Canada ou ailleurs, cette offensive est particulièrement brutale depuis la dernière crise économique capitaliste qui a éclaté en 2008. La lutte pour la gratuité de l’éducation fait partie de la lutte de classe internationale contre les exploiteurs. Et s’il y a une leçon à tirer des récentes batailles, c’est que se tourner vers des partis capitalistes « progressistes » ou les agents sociaux-démocrates des patrons mène au désastre : aux Etats-Unis, Obama a continué les attaques (et les guerres) de son prédécesseur George Bush. En France, le Parti socialiste va poursuive les licenciements et l’austérité de Sarkozy.

Si la grève étudiante échoue, cela encouragera les capitalistes québécois à poursuivre leur offensive contre les programmes sociaux, les syndicats, les jeunes et les minorités. Les Libéraux, tout comme la Coalition Avenir Québec (CAQ) de François Legault, appellent ouvertement à « la réingénierie » de la société québécoise pour rendre les ouvriers « plus productifs ». C’est plus ou moins aussi ce que ferait le PQ, même s’il tient un discours plus hypocrite. C’est ce qu’il a fait dans les années 1990 avec sa politique de « déficit zéro ». Le PQ qui avance une politique identitaire réactionnaire, annonce déjà clairement qu’il va raviver les tensions autour de « l’accommodement raisonnable », stigmatisant les immigrés, les minorités ethniques et religieuses, en particulier les musulmans, pris comme bouc émissaires. Que ce soit sous un gouvernement des Libéraux, de la CAQ ou du PQ (ou de ses satellites comme QS ou Option nationale), les jeunes et les travailleurs vont y perdre.

Québec Solidaire : une impasse pro-capitaliste

Le principal responsable de la situation actuelle, c’est la bureaucratie syndicale et son alliance qui date de plusieurs décennies avec le PQ nationaliste bourgeois. Mais la gauche réformiste — le Parti communiste du Québec, Gauche Socialiste, Socialisme International, La Riposte, Alternative socialiste, etc. — ont aussi leur part de responsabilité. Ces groupes ont tous aidé à créer et constuire Québec Solidaire et à semer des illusions dans ce parti populiste petit-bourgeois dont le but est, et a toujours été, de rediriger la colère des jeunes et des travailleurs vers le parlementarisme bourgeois et le nationalisme québécois sans danger pour la bourgeoisie.

Ces groupes qui soutiennent QS prétendent qu’avec des députés QS à l’Assemblée nationale les étudiants et les travailleurs vont obtenir quelque chose. C’est absolument faux ! D’abord, comme certains de ces groupes l’admettent eux-mêmes, QS ne prétend même pas être socialiste. Il n’a aucun lien organique avec le mouvement ouvrier. De par tout son cadre politique, il accepte que l’exploitation capitaliste continue d’exister. Dans la plateforme électorale de QS il y a des appels au protectionnisme national et à d’autres mesures qui sont totalement contraires aux intérêts des travailleurs. Son engagement à soutenir un gouvernement PQ n’est que la cerise sur le gâteau.

Au plus fort de la grève étudiante, les porte-parole de QS se sont joints à ceux qui critiquaient la « violence » des étudiants en lutte. En ce qui nous concerne nous avons appelé à défendre tous les manifestants contre la répression du gouvernement Charest et de sa police. Il faut aussi noter que pratiquement toutes les organisations réformistes « socialistes » qui soutiennent QS au Québec soutiennent le NPD social démocrate au niveau fédéral, ces mêmes néo-démocrates qui n’ont exprimé que du mépris pour les luttes étudiantes !

On ne peut pas faire disparaître l’oppression capitaliste avec des réformes, tout comme on ne peut pas transformer la farce du parlementarisme bourgeois en autre chose qu’un instrument de domination de classe par les exploiteurs. (Il en est de même pour « l’Assemblée constituante » que réclame QS.) Comme l’expliquait le dirigeant révolutionnaire Lénine : « Mille barrières s’opposent à la participation des masses travailleuses au parlement bourgeois (lequel, dans une démocratie bourgeoise, ne résout jamais les questions majeures; celles-ci sont tranchées par la Bourse et par les banques) » (La Révolution prolétarienne et le Renégat Kautsky, 1918). On ne peut mettre fin à la domination économique du capital qu’avec une révolution ouvrière, qui réorganisera la société dans l’intérêt de la grande majorité.

A la différence de la FEUQ et de la FECQ, la CLASSE ne dit pas ouvertement que les élections vont « apporter la solution » à la lutte des étudiants. Mais la CLASSE est tout aussi incapable de sortir du cadre posé par la classe capitaliste. Sa vision est limitée à la lutte contre ce qu’ils appellent le « néolibéralisme », ce qui signifie qu’ils pensent qu’il existe une meilleure sorte de capitalisme. La CLASSE concentre toutes ses attaques sur Charest et les Libéraux, laissant ouverte la question de voter pour le PQ, QS ou Option nationale, comme « moindre mal ».

Le manifeste que la CLASSE vient de sortir est axé sur le besoin de plus de démocratie, « une démocratie directe », une « démocratie d’ensemble », de « nouveaux espaces démocratiques », etc. etc. « Nous sommes le peuple » affirment-ils. Mais parler de démocratie sans dire pour quelle classe — les capitalistes ou les ouvriers — renforce inévitablement les illusions dans le système actuel, qui est une démocratie pour les riches, une dictature de la bourgeoisie.

Certains groupes se prétendant (à tort) marxistes sèment les mêmes illusions. Alternative socialiste, qui soutient à fond QS, se félicite que le mouvement étudiant ait « remis à l’ordre du jour la contestation de l’ordre néolibéral » (alternativesocialiste.org, 8 août). Le Parti communiste révolutionnaire maoïste (PCR), pour sa part, qui dit s’opposer au PQ comme à QS, proclame en première page de son journal le Drapeau rouge (août-septembre 2012) : « Si on veut la démocratie, il faut changer le système ! » En appelant au « pouvoir populaire » le PCR dissout aussi la classe ouvrière, et la puissance sociale qu’elle est seule à avoir, dans « le peuple », un concept de collaboration de classes.

La puissance de la classe ouvrière

Beaucoup d’étudiants ont compris qu’ils ne peuvent pas gagner la bataille pour l’abolition ou même le gel des frais de scolarité sans le soutien de forces plus larges, y compris le mouvement ouvrier. C’est parce qu’elle était consciente de cela que la CLASSE a proposé une « grève sociale » de 24 heures, proposition que la bureaucratie syndicale a rejeté, comme on pouvait s’y attendre. Pour la CLASSE, la grève sociale n’était qu’une façon d’élargir le soutien populaire et augmenter la pression sur Charest. Mais la classe ouvrière n’est pas un « secteur » de la société comme un autre. C’est la seule classe qui a le pouvoir de mettre à genoux le système capitaliste.

Il est essentiel, encore aujourd’hui, que la classe ouvrière se mobilise en défense de la lutte étudiante si on veut faire échec à ce gouvernement (ou à un autre). En 2003, le mouvement syndical a pu stopper beaucoup des attaques de Charest par une mobilisation syndicale et quelques grèves. A une plus grande échelle, lors du soulèvement de mai 1968 en France, déclenché par des luttes étudiantes, il y a eu une grève générale de la classe ouvrière qui aurait pu renverser le capitalisme français. Ce n’est que parce que les directions ouvrières ont trahi — en particulier le Parti communiste français réformiste — que le gouvernement a pu rétablir l’ordre capitaliste. Mai 68 a montré quel pouvoir énorme le prolétariat possède. Quatre ans plus tard, les ouvriers québécois ont montré leur puissance dans la grève générale de mai 1972 contre l’emprisonnement de dirigeants syndicaux.

La classe capitaliste, une toute petite minorité qui possède tous les moyens de production, tire ses profits astronomiques de l’exploitation des ouvriers. Les travailleurs doivent vendre leur force de travail pour survivre. S’ils ont la « chance » d’avoir un emploi, ils s’épuisent au travail dans les mines, les usines, etc. ajoutant la valeur de leur travail à ce qu’ils produisent, mais recevant seulement en salaire ce qu’ils sont censés valoir sur le marché du travail. La différence entre la valeur produite par les ouvriers et ce qu’ils reçoivent en salaire est empochée par les capitalistes sous la forme de ce que Karl Marx appelle la plus-value. En d’autres termes, les travailleurs produisent les richesses matérielles de la société capitaliste, mais c’est exproprié par une poignée de puissants parasites.

Lorsque les travailleurs se mettent en grève, cela a un impact immédiat sur les profits des grandes sociétés capitalistes. La classe ouvrière a donc la puissance sociale de s’attaquer au centre névralgique du système de profit. C’est un pouvoir que n’ont pas du tout les étudiants, une couche petite-bourgeoise qui n’a pas de rapport direct avec les moyens de production. La classe ouvrière exploitée, qui gagne tout juste de quoi vivre et produire la génération suivante d’esclaves salariés, n’a aucun intérêt à ce que le système capitaliste survive. Par contre elle a objectivement tout intérêt à ce qu’il soit renversé.

Les étudiants de Montréal n’ont pas à chercher loin pour trouver cette puissance sociale. Dans la région, il y a plus de 200.000 personnes rien que dans le secteur de la transformation, partout de Longueuil à St.-Jérôme. Il y a à Montréal une des plus grandes concentrations de travailleurs de l’aérospatiale dans le monde. Il y a des dizaines de milliers d’autres travailleurs dans les transports, y compris les débardeurs, les travailleurs des aéroports et des transports en commun. Ils constituent une partie névralgique de l’économie capitaliste. En dehors de Montréal, il y a d’énormes concentrations d’ouvriers dans la région de Trois-Rivières, de Saguenay, de l’Abitibi et ailleurs. Cascades, Bombardier, SNC-Lavalin, Quebecor — ce sont les piliers de « Québec Inc. » et ce qui fait tourner toutes ces entreprises, c’est la sueur et le sang de la classe ouvrière.

Le rôle de la bureaucratie syndicale

La classe ouvrière, au Québec comme ailleurs, a directement intérêt à ce que les frais de scolarité soient supprimés. C’est surtout pour les ouvriers et leurs enfants que l’enseignement supérieur est inaccessible. Les capitalistes en effet veulent qu’ils ne sachent que ce qui est nécessaire pour qu’ils fassent leur travail. La grève étudiante a été très populaire auprès des ouvriers, comme on a pu le voir lors des manifestations avec tous les cortèges syndicaux, les hourras et les coups de klaxon lors du passage des manifs. Plusieurs syndicats ont aussi fait des contributions financières.

Et pourtant, en six mois de manifestations et de grèves étudiantes, il n’y a pas eu une seule grève de soutien au Québec de la part de la classe ouvrière syndiquée. Pourquoi cela ? Parce que les dirigeants syndicaux sont pour le maintien du système capitaliste et soutiennent le PQ en particulier. Ils cherchent à contrôler toutes les luttes sociales qui éclatent et à les diriger vers l’impasse du nationalisme et du réformisme parlementaire.

Les syndicats sont les organisations élémentaires de défense des ouvriers contre les attaques constantes des patrons. Ils permettent aux travailleurs d’obtenir de meilleurs salaires et avantages sociaux et les protègent un peu contre les licenciements abusifs et les mauvais traitements en général. Il faut construire les syndicats et les défendre. Mais les directions syndicales actuelles sont un obstacle à la mobilisation de la puissance des ouvriers.

La plupart des syndicats en Amérique du Nord ont été formés au siècle dernier dans d’âpres batailles, y compris des grèves avec occupation d’usines. Ils ont dû faire face à une répression féroce de la part de la police, de l’armée et de bandes armées patronales privées. D’innombrables ouvriers ont été assassinés dans les combats pour construire des syndicats, de la Virginie occidentale à la Colombie-Britannique, de Détroit à Murdochville. Parmi les principaux dirigeants de ces luttes il y avait des militants de gauche, se disant communistes pour la plupart. Beaucoup de ces militants ont été chassés des syndicats lors des chasses aux sorcières anticommunistes des années 1940 et 1950. Ils ont été remplacés par une couche de bureaucrates ouvertement pro-capitalistes et ce sont ces derniers qui dirigent encore les syndicats aujourd’hui, y compris au Québec.

Sous l’impérialisme, c’est-à-dire le système capitaliste moderne dans lequel quelques grandes puissances se partagent le monde, et où la domination du capital financier fait affluer les profits dans les coffres des banques américaines, allemandes, japonaises (et canadiennes), la classe capitaliste, pour transformer les dirigeants syndicaux en « partenaires » dociles, leur jette quelques miettes de sa table. Les dirigeants de l’AFL-CIO, du Congrès du Travail du Canada, de la FTQ, de la CSN, etc. qui voient donc le monde du point de vue des capitalistes, sont prêts à sacrifier les intérêts des syndiqués pour jouir de leur partenariat avec les patrons de leur propre nation. Aux Etats-Unis ils soutiennent en général le Parti démocrate capitaliste. Au Canada anglophone, les dirigeants du CTC agitent le drapeau avec la feuille d’érable et enchaînent les ouvriers à leurs exploiteurs grâce au NPD. Au Québec les dirigeants de la FTQ, de la CSN etc. utilisent le nationalisme québécois et soutiennent le PQ pour miner la conscience de classe des travailleurs et saboter leurs luttes au nom de la « solidarité nationale ». En fait, comme le disait le socialiste américain Daniel de Leon, ils sont tous les lieutenants ouvriers du capital.

Pour un parti révolutionnaire internationaliste !

Pour résoudre la profonde contradiction entre les intérêts matériels de la classe ouvrière et l’emprise des dirigeants syndicaux conservateurs, il faut un instrument révolutionnaire, un parti ouvrier d’avant-garde construit sur la base d’un programme qui soit révolutionnaire et internationaliste. Comme Lénine l’expliquait dans Que Faire? ce parti serait la fusion des éléments les plus conscients de la classe ouvrière avec des intellectuels déclassés, y compris des étudiants, qui se consacrent à la cause de la révolution ouvrière.

Pour transformer les syndicats, qui sont actuellement des agences de négociation limitées à un métier ou à une industrie, en organes de lutte révolutionnaire, l’avant-garde doit se battre pour préserver l’intégrité et l’unité de la classe ouvrière. Elle doit se battre contre toutes les formes d’oppression spécifique qui divisent les ouvriers selon leur appartenance nationale, ethnique, linguistique ou selon leur sexe.

Les ouvriers québécois continuent pour la plupart à soutenir le PQ même après les attaques anti-ouvrières de toutes ses années au pouvoir, et la majeure partie des militants étudiants soutiennent aussi l’un ou l’autre des partis nationalistes, que ce soit le PQ, QS ou Option nationale. L’emprise du nationalisme découle de l’anglo-chauvinisme dominant dans l’Etat canadien, qui ne cesse de renforcer ce nationalisme. Les ouvriers dans le Canada anglophone soutiennent le NPD ou même les Libéraux, partis qui ont une longue histoire d’hostilité aux droits nationaux des Québécois. La classe ouvrière du Canada est donc très divisée, ce qui mine sa capacité de lutte contre les exploiteurs. C’est pour cela que nous marxistes sommes pour l’indépendance du Québec. Nous avons cette position en tant qu’internationalistes prolétariens. Eliminer la question nationale comme question brûlante créerait de meilleures conditions pour que les ouvriers comprennent que leurs « propres » capitalistes ne sont pas leurs alliés mais leurs ennemis de classe.

Le nationalisme encourage nécessairement le racisme. Une des questions particulièrement controversées au Québec, c’est le projet de loi 94 des Libéraux qui demande que les femmes portant le niqab ou la burqa ne puissent pas bénéficier des services du gouvernement ou ne puissent pas avoir un emploi dans le secteur public. C’est un projet de loi qui encourage le racisme contre les musulmans. Amir Khadir, le député de QS à l’Assemblée nationale, a soutenu ce projet de loi réactionnaire. Le PQ est allé encore plus loin et a demandé que le foulard musulman ainsi que le turban des Sikhs soient interdit dans le secteur public.

Un parti ouvrier révolutionnaire s’opposerait à toute forme de discrimination contre les minorités. Il s’opposerait en particulier à des sanctions de l’Etat raciste contre les femmes musulmanes. En même temps, il se battrait contre l’arriération religieuse qui opprime tant de femmes, et le voile symbolise cette horrible oppression. Ce parti défendrait le droit à l’avortement, le salaire égal à travail égal et les garderies gratuites et ouvertes 24 heures sur 24. Il se battrait aussi pour mobiliser la classe ouvrière en défense des jeunes noirs et latino-américains qui sont les cibles de la police dans des quartiers comme Montréal-Nord.

Il est absolument indispensable de s’opposer aux divisions sur une base linguistique encouragées autant par les anglo-chauvins que par les nationalistes québécois qui veulent renforcer la Charte de la langue française (Loi 101). Par exemple, le PQ cherche à obliger tous ceux qui ne sont pas anglophones à aller dans les cégeps francophones. Les marxistes sont contre les lois imposant des langues officielles et contre les systèmes scolaires basés sur la langue ou la religion. Nous sommes pour un système scolaire public, laïque, intégré au niveau ethnique, avec un enseignement bilingue ou multilingue partout où c’est nécessaire. La classe ouvrière ne peut être unie que si on s’oppose à tous les privilèges de quelque nation ou langue que ce soit.

La perspective marxiste

A travers leurs luttes, beaucoup d’étudiants ont appris par leur propre expérience certaines vérités élémentaires sur le capitalisme. Ils ont constaté le rôle répressif de l’Etat bourgeois, essentiellement les flics qui ont arrêté plus de 2500 étudiants et sympathisants. Il faut que ces leçons et d’autres soient assimilées et généralisées en étudiant l’histoire du mouvement ouvrier international et le programme du marxisme révolutionnaire.

Le meilleur modèle de lutte sociale victorieuse c’est la révolution ouvrière d’Octobre 1917 en Russie, qui a renversé le capitalisme dans la « prison des peuples » tsariste, dans laquelle un grand nombre de minorités ethniques et nationales se voyaient refuser l’exercice de leurs droits sous le régime autocratique brutal du tsar. Le parti bolchévique de Lénine se battait pour le droit à l’autodétermination — autrement dit le droit de sécession — pour ces nations, et il combattait le chauvinisme grand russe, gagnant ainsi le soutien des minorités non russes. Les Bolchéviks étaient contre l’exclusivité nationale et les privilèges pour quelle nation ou langue que ce soit, car cela ne sert qu’à diviser la classe ouvrière.

En abolissant la propriété privée capitaliste, la révolution a permis aux masses soviétiques d’accéder à l’emploi, au logement et à l’enseignement gratuit. Malgré sa dégénérescence sous le régime bureaucratique nationaliste de Staline à partir de 1924, l’Union soviétique a pu maintenir une économie centralisée et planifiée et ainsi devenir une puissance industrielle moderne. L’analphabétisme a été pratiquement éliminé. Les étudiants du monde néo-colonial allaient en grand nombre à Moscou pour bénéficier d’un enseignement universitaire gratuit et de qualité. Les soviétiques ont pu concurrencer les puissants impérialistes américains dans une course à l’armement qui a duré des décennies (et qui avait été lancée par les Etats-Unis). Ils ont fait d’énormes progrès technologiques et envoyé le premier satellite artificiel et le premier homme dans l’espace.

Tout cela entre autres montre quels sont les avantages de la planification économique quand ce n’est plus le profit qui est le moteur à l’économie. Mais ces acquis ont été minés par la bureaucratie stalinienne parasitaire et une contre-révolution capitaliste a finalement détruit l’Union soviétique en 1991-1992. En tant que trotskystes nous nous sommes battus pour la défense inconditionnelle de l’URSS contre l’impérialisme et la contre-révolution, tout en nous battant pour une révolution politique prolétarienne pour chasser la bureaucratie et instaurer une démocratie ouvrière. C’est toujours l’attitude que nous avons vis-à-vis des Etats ouvriers bureaucratiquement déformés : la Chine, le Vietnam, le Laos, la Corée du Nord et Cuba. Cette position contraste fortement avec celle des groupes de gauche réformistes, y compris ceux qui soutiennent Québec Solidaire, ainsi que les maoïstes et les anarchistes. En fait la plupart de ces organisations ont ouvertement pris le côté de leur propre impérialisme contre l’Union soviétique.

Il n’y a qu’en renversant le capitalisme et lorsque les ouvriers seront au pouvoir que l’on pourra mettre fin à la misère et à toutes les sortes d’oppression. On pourra ainsi ouvrir de nouvelles perspectives à l’humanité. Ce n’est pas seulement une tâche qui se pose au Québec, elle se pose dans tout le Canada, aux Etats-Unis et dans le monde entier. Si les étudiants radicalisés du Québec veulent aller de l’avant, ils doivent investir leur énergie à forger un parti d’avant-garde marxiste bi-national et multiethnique, qui fasse partie d’une Quatrième Internationale reforgée, le parti mondial de la révolution socialiste. Nous vous encourageons à étudier les principes, le programme et les analyses de la Ligue trotskyste/Trotskyist League, section de la Ligue communiste internationale (quatrième-internationaliste), et à nous rejoindre dans cette lutte qui est essentielle pour l’avenir de l’humanité.