Le stalinisme: fossoyeur de la révolution
Comment l'Etat ouvrier soviétique a été étranglé
Révolution socialiste pour balayer la contre-révolution d'Eltsine!
L'article ci-dessous est traduit de Workers Vanguard, journal de la Spartacist League, section américaine de la LCI (n° 564, 27 novembre 1992).
Reproduit du Bolchévik n° 122, janvier-février 1993
Le 7 novembre dernier a marqué le 75e anniversaire de la Révolution bolchévique. Mais l'Etat ouvrier érigé par le pouvoir bolchévique, de loin la plus grande conquête du prolétariat international et un gigantesque bond en avant pour l'humanité, n'a pas survécu à sa 75e année. La période de contre-révolution ouverte inaugurée par le contre-coup d'Etat procapitaliste de Boris Eltsine en août 1991 a, en l'absence de résistance ouvrière de masse, abouti à la création d'un Etat bourgeois, cependant fragile et réversible. La tâche à laquelle est aujourd'hui confronté le prolétariat soviétique est la révolution socialiste, pour restaurer le pouvoir prolétarien et reforger l'Union soviétique sur les fondations de l'internationalisme bolchévique de Lénine et de Trotsky.
L'ascendance qu'ont pris Eltsine et les forces capitalistes-restaurationnistes qui le soutiennent a été un événement-pivot pour déterminer le sort de l'Union soviétique, mais pas décisif. Dans notre article d'août 1991, «Ouvriers soviétiques repoussez la contre-révolution de Bush-Eltsine!», qui a été immédiatement traduit en russe et distribué à plus de 100 000 exemplaires dans toute l'Union soviétique, nous écrivions que des mobilisations ouvrières auraient dû balayer la racaille contre-révolutionnaire sur les barricades d'Eltsine et ouvrir ainsi la voie à la révolution politique prolétarienne.
Suite à la victoire d'Eltsine, «le premier Etat ouvrier de l'Histoire, miné et fragilisé par des décennies de règne désastreux de la bureaucratie stalinienne, se désagrège. Le pouvoir d'Etat s'est fracturé, le Parti communiste, qui en constituait le noyau dur bureaucratique, éclate en morceaux et est interdit dans le KGB et les forces armées; l'union multinationale se disloque, république après république proclamant sa sécession. Mais si Eltsine et Cie ont maintenant le champ libre pour une réintroduction à coups de trique du capitalisme, l'issue finale n'est pas encore acquise [...]. L'opposition venue des usines aux ravages de l'offensive capitaliste peut enrayer le processus, et empêcher la consolidation rapide de la contre-révolution» (le Bolchévik n° 113, septembre 1991).
Entre-temps, il n'y a pas eu d'action décisive pour arrêter cette consolidation. Atomisée politiquement par 70 ans d'usurpation stalinienne de la vie politique, paralysée par les «syndicats libres» pro-Eltsine soutenus par la CIA et par le poison chauvin virulent des nombreux débris du stalinisme, la classe ouvrière soviétique multinationale a été submergée par la marée contre-révolutionnaire. Le régime d'Eltsine a poussé son avantage pour démanteler tout vestige de l'Etat ouvrier dégénéré soviétique et pour avancer à marche forcée dans la voie de la consolidation progressive de la contre-révolution. La quantité s'est maintenant transformée en qualité.
Mais la situation ne peut pas se maintenir longtemps telle qu'elle est. Pour qu'Eltsine et les autres restaurationnistes assoient un régime capitaliste solide, il faudra probablement que tôt ou tard (et plutôt tôt que tard) vienne le moment de payer la note dans le sang, et ce moment signalera aux masses qu'un nouvel ordre existe. Avec des explosions de luttes d'ouvriers acculés au désespoir, ou même sans elles, les forces bourgeoises naissantes entreprendront d'imposer un ordre répressif au moyen d'un «Etat fort». La récente et brutale répression de la grève des aiguilleurs du ciel, avec l'utilisation de la police russe anti-émeutes, les OMON, présage de la détermination des aspirants exploiteurs à réprimer toute résistance ouvrière. Dans les grandes villes russes la montée de l'hystérie raciste contre les populations venues d'Asie centrale et du Caucase crée un climat propice aux pogromes. Avec les conflits ethniques qui couvent sur une dizaine de fronts à la périphérie de la République de Russie depuis les Pays baltes jusqu'à la guerre civile nationaliste qui fait rage entre Arméniens et Azéris dans le Caucase en passant par l'Abkhasie en Géorgie et la Transdnitrie en Moldavie, la possibilité d'un bain de sang fratricide à la yougoslave n'est que trop réelle.
L'Etat ouvrier soviétique --qui en son temps a été un phare pour les exploités et les opprimés du monde entier, qui a détruit la machine d'holocauste de Hitler, qui pendant des décennies a empêché l'impérialisme US de tourner son arsenal nucléaire contre les peuples semi-coloniaux du monde-- est mort. Mais pas la lutte des classes. Les Etats bourgeois naissants de Russie, d'Ukraine et d'ailleurs sont fragiles, isolés et divisés intérieurement. Ils ne reposent pas sur les bases solides d'une classe capitaliste unifiée. Les nouveaux entrepreneurs ne sont guère plus que des petits spéculateurs et des gangs maffieux, alors que des secteurs de l'ancienne hiérarchie industrielle des directeurs d'usine sont en train de faire sentir leur poids. Les forces armées sont amères et démoralisées.
La seule chose certaine aujourd'hui dans l'ex-URSS c'est l'incertitude et l'instabilité grandissantes. A la veille de la session du 1er décembre du congrès des députés du peuple, Moscou bruisse de rumeurs de coups d'Etat, de contre-coups d'Etat et de «coups d'Etat larvés». En même temps, Eltsine est engagé dans des négociations mouvementées avec Arkady Volsky, chef du puissant parti des industrialistes qui s'est ligué avec Alexandre Routskoï, le vice-président militariste de Russie. Le caractère volatil de la situation actuelle est illustré par la récente victoire électorale, en Lituanie, des ex-staliniens du Parti démocratique du travail, qui a évincé du pouvoir le mouvement nationaliste de droite Sajudis. Il n'a pas fallu longtemps pour que les réalités de la paupérisation capitaliste dissipent l'euphorie nationaliste qui avait intoxiqué le peuple lituanien. Cependant, le nouveau dirigeant lituanien Brazauskas aurait la même politique économique que Volsky-Routskoï.
Pendant ce temps, la classe ouvrière de l'ex-URSS subit des attaques répétées. La société se désintègre, le chômage de masse menace. La production industrielle a chuté de 18% depuis le début de 1992 tandis que les investissements ont reculé de 50%. Pour empêcher un effondrement total, le gouvernement injecte des crédits dans l'industrie: le déficit budgétaire de l'Etat se monte à mille milliards de roubles, et les dettes des entreprises industrielles à plus de deux mille milliards. Le résultat est l'hyperinflation, à un taux annuel que les estimations situent entre 14 000% (Moscow Times) et 20 000% ( Commersant). Rien qu'au mois d'octobre, le rouble a perdu la moitié de sa valeur. Depuis janvier, le prix du pain a été multiplié par cent. Alors que l'économie se décompose, la plus grande partie de la population est au bord de la famine pure et simple. Une simple étincelle pourrait faire sauter le baril de poudre sur lequel Eltsine et ses acolytes sont assis.
Nous, trotskystes de la Ligue communiste internationale, qui avons combattu bec et ongles la contre-révolution montante, disons: le stalinisme est mort, mais le communisme vit, dans la lutte de classe du prolétariat mondial et dans le programme de l'avant-garde révolutionnaire. Le programme internationaliste par lequel l'Union soviétique a été créée, a été préservé et développé sous le drapeau de la Quatrième Internationale. Ce sont les trotskystes, et eux seuls, qui ont averti que le carcan prolongé de l'Etat ouvrier soviétique par la bureaucratie stalinienne mènerait à la destruction d'Octobre, qui ont combattu pour la défense militaire inconditionnelle de l'Union soviétique contre l'impérialisme et la contre-révolution, qui ont appelé le prolétariat soviétique à balayer l'excroissance stalinienne par la révolution politique quand il en était encore temps.
La «question russe» a été la pierre de touche pour les révolutionnaires, et la question politique déterminante du XXe siècle. La discussion qui a eu lieu avant et pendant la IIe conférence de la Ligue communiste internationale (quatrième-internationaliste), cet automne, s'est focalisée sur un bilan des développements dans l'ex-Union soviétique depuis août 1991. Le document principal de la conférence a décrit la consolidation, morceau par morceau, d'un Etat capitaliste: «Les événements récents continuent à aller dans une direction d'extrême gravité. La presse est pleine d'anecdotes sur l'"accumulation primitive capitaliste", c'est-à-dire le vol: gestionnaires et anciens bureaucrates se précipitent pour mettre la main sur la propriété socialisée, en utilisant toutes sortes de pratiques douteuses --encouragés, incités et conseillés par l'impérialisme international. La récente grève des aiguilleurs du ciel dans la Fédération de Russie a été brisée de façon décisive par le gouvernement Eltsine, qui a eu recours aux OMON et à des éléments du MVD et du KGB. Un étudiant africain à l'université Patrice Lumumba a été abattu par des OMON, en plein milieu d'une hystérique campagne de presse raciste. Des dizaines de tonnes d'ouvrages de Marx, d'Engels et de Lénine sont détruits dans une pure frénésie idéologique anticommuniste» («Pour le communisme de Lénine et Trotsky»).
La conférence a dressé un bilan de ces événements et a adopté unanimement un document du 26 septembre 1992 qui déclarait: «Les événements d'août 1991 ("coup d'Etat" et "contre-coup d'Etat") semblent avoir joué un rôle décisif quant à l'évolution en Union soviétique, mais seuls des gens sous l'emprise de l'idéologie capitaliste et de ses prébendes pouvaient s'empresser de tirer cette conclusion à cette époque.» La conférence décidait «de noter et de tirer les conclusions de la position que l'Etat ouvrier dégénéré de Staline et de ses héritiers a été détruit».
Dans le programme de fondation de la Quatrième Internationale, écrit à la veille de la Deuxième Guerre mondiale, Léon Trotsky écrivait: «La crise historique de l'humanité se réduit à la crise de la direction révolutionnaire.» Cette crise de la direction prolétarienne n'est pas moins aiguë aujourd'hui. Au prolétariat multinational de l'ex-URSS attaqué de toutes parts et aux éléments prosocialistes de l'armée et de l'intelligentsia, nous disons: La tâche clé à laquelle vous êtes confrontés est de former un parti d'avant-garde léniniste-trotskyste, forgé dans la lutte autour du programme internationaliste qui a mené vos aïeux à la victoire en 1917.
Pourquoi les ouvriers ne se sont-ils pas soulevés?
La classe ouvrière de l'ex-URSS et le prolétariat mondial dans son ensemble doivent assimiler les leçons de cette défaite amère. Depuis 1917, la social-démocratie a servi ses maîtres bourgeois en aidant et en favorisant directement le revanchisme impérialiste, en cherchant à détruire les conquêtes d'Octobre. Depuis son arrivée au pouvoir sur le dos de la classe ouvrière soviétique, par une contre-révolution politique en 1923-24, la bureaucratie stalinienne a imposé un isolement étouffant au premier Etat ouvrier, sabotant l'une après l'autre toutes les occasions révolutionnaires internationales. Au nom de la construction du «socialisme dans un seul pays», les staliniens ont --par la terreur et le mensonge-- méthodiquement attaqué et érodé tous les aspects de la conscience révolutionnaire et internationaliste qui avait fait de la classe ouvrière soviétique le détachement d'avant-garde du prolétariat mondial.
L'Etat ouvrier isolé a été soumis aux pressions incessantes de l'impérialisme, non seulement l'encerclement militaire et la course aux armements visant à provoquer la banqueroute de l'économie soviétique, mais aussi la pression du marché mondial impérialiste. Comme Trotsky l'écrivait dans l'Internationale communiste après Lénine, «l'économie soviétique est sous la menace bien davantage d'une intervention de marchandises capitalistes à bon marché que d'une intervention militaire». Bien que pendant sa période de croissance extensive l'économie planifiée ait prouvé sa supériorité sur l'anarchie capitaliste, quand le besoin de qualité et de développement intensif s'est affirmé, le carcan bureaucratique a de plus en plus sapé l'économie. Finalement, avec ses «réformes de marché» de la perestroïka et son accord donné à la restauration capitaliste dans toute l'Europe de l'Est, Gorbatchev a ouvert grandes les vannes pour un assaut contre-révolutionnaire direct lancé par Eltsine et Cie.
La bourgeoisie comme les staliniens ont longtemps cherché à tirer un trait d'égalité entre l'Octobre de Lénine et le régime bureaucratique conservateur de Staline. Mais le stalinisme nationaliste est l'antithèse de l'internationalisme léniniste. L'Etat ouvrier dégénéré soviétique (et les Etats ouvriers déformés qui ont surgi plus tard sur le modèle stalinien) était une anomalie historique, résultant de l'isolement de la Russie économiquement arriérée et du fait que la révolution prolétarienne n'a pas réussi à s'étendre aux pays impérialistes avancés. Le stalinisme représentait un obstacle au progrès vers le socialisme. Comme l'écrivait en novembre 1937 Trotsky dans «Un Etat non ouvrier et non bourgeois?»: «ce qui n'était qu'une déformation bureaucratique se prépare aujourd'hui à dévorer l'Etat ouvrier sans en laisser une miette et à dégager sur les ruines de la propriété nationalisée une nouvelle classe dirigeante. Une telle possibilité s'est considérablement rapprochée [...].»
Bien que le régime stalinien ait pu prolonger son existence à la suite de la victoire héroïque que les masses soviétiques ont remportée sur les envahisseurs nazis pendant la Deuxième Guerre mondiale, l'analyse marxiste de Trotsky a finalement, malheureusement, été confirmée par la négative.
Pourquoi la classe ouvrière soviétique ne s'est-elle pas rassemblée pour défendre ses acquis? Comment la contre-révolution a-t-elle triomphé et détruit l'Etat ouvrier sans guerre civile? Dans son ouvrage fondamental de 1933, Trotsky polémiquait contre les sociaux-démocrates et les tenants de différentes théories d'une «nouvelle classe», qui prétendaient que sous le régime de Staline l'Union soviétique s'était imperceptiblement transformée d'Etat ouvrier en Etat bourgeois sans transformation qualitative de l'appareil d'Etat ou des formes de propriété: «La thèse marxiste du caractère catastrophique qu'a le passage du pouvoir des mains d'une classe aux mains d'une autre ne se rapporte pas seulement aux périodes révolutionnaires, quand l'histoire se précipite furieusement en avant, mais aussi aux périodes de contre-révolution, quand la société recule. Qui affirme que l'Etat soviétique s'est transformé graduellement d'Etat prolétarien en Etat bourgeois ne fait que dérouler en sens inverse le film du réformisme» («La quatrième internationale et l'URSS --La nature de classe de l'Etat soviétique», octobre 1933).
Il n'y a certainement rien eu de graduel ou d'imperceptible dans la contre-révolution sociale dans l'ex-URSS, qui a été extrêmement violente et convulsive dans tout l'ex-bloc soviétique. Cependant, Trotsky avait aussi formulé le pronostic qu'une guerre civile serait nécessaire pour restaurer le capitalisme en Union soviétique, et pour défaire la profonde révolution prolétarienne.
Lors d'une large discussion dans la LCI, il y a deux ans, sur les bouleversements contre-révolutionnaires en RDA et en Europe de l'Est, il a été noté que Trotsky avait poussé trop loin l'analogie entre une révolution sociale dans une société capitaliste et une contre-révolution sociale dans un Etat ouvrier déformé (cf. Joseph Seymour, «Sur l'effondrement des régimes staliniens en Europe de l'Est», et Albert St. John, «Pour la clarté marxiste et pour aller de l'avant», Spartacist édition française n° 26, printemps 1991). Alors que les capitalistes ont la possession directe des moyens de production et sont donc contraints de résister violemment au renversement de leur système pour défendre leur propre propriété, la préservation du pouvoir prolétarien dépend principalement de la conscience et de l'organisation de la classe ouvrière.
Trotsky lui-même soulignait ce point dans son article de 1928 «Et maintenant?»: «Le caractère socialiste de notre industrie d'Etat [...] est déterminé de façon décisive par le rôle du parti, les liens volontaires formés à l'intérieur de l'avant-garde prolétarienne, la discipline consciente des économistes, des militants syndicaux et des membres des cellules d'usine» (l'Internationale communiste après Lénine).
Plus tard, dans l'«Etat ouvrier, Thermidor et bonapartisme» (février 1935), il écrivait: «A la différence du capitalisme, le socialisme ne s'édifie pas automatiquement, mais consciemment.»
Quand Trotsky écrivait ces articles, la mémoire de la révolution d'Octobre faisait encore partie de l'expérience personnelle directe de l'immense majorité du prolétariat soviétique, quoique déjà considérablement faussée par la falsification et la révision staliniennes. Au cours des décennies qui suivirent, la bureaucratie nationaliste a beaucoup fait pour extirper toute compréhension réelle de ce qui fut transformé en icône sous le vocable de «Grande Révolution Socialiste d'Octobre». Dans la conscience des masses soviétiques, inondée de la propagande nationaliste russe que Staline a fait couler à flots pendant la guerre, la Deuxième Guerre mondiale, baptisée «Grande Guerre Patriotique» par les staliniens, en est venue à supplanter la révolution d'Octobre comme l'événement central de l'histoire soviétique. Finalement, Staline et ses héritiers ont réussi à imprimer leur vision nationaliste sur les peuples soviétiques; l'internationalisme prolétarien a fini par devenir un objet de dérision, une obscure «hérésie trotskyste.», l'«exportation de la révolution» ou, au mieux, a été vidé de son contenu tandis qu'on s'en réclamait cyniquement.
Avec la «nouvelle pensée» de Gorbatchev --c'est-à-dire sa capitulation servile devant chaque ultimatum impérialiste-- même les hommages hypocrites aux idéaux de la Révolution bolchévique ont été jetés aux orties. Les soldats soviétiques à qui l'on avait dit, et qui l'avaient cru, qu'ils remplissaient leur «devoir internationaliste» en se battant contre les moudjahidins afghans réactionnaires à la frontière de l'URSS, ont alors été roulés dans la boue pour avoir soi-disant perpétré un «Vietnam russe» en Afghanistan. Le retrait ignominieux de Gorbatchev d'Afghanistan, puis son feu vert à l'annexion impérialiste de la RDA, n'ont fait qu'accroître un sentiment de défaitisme et de démoralisation parmi les masses soviétiques. Pendant ce temps, les «patriotes» staliniens ne dénonçaient les concessions de Gorbatchev que pour battre le tambour des ambitions impériales grand-russes et se tourner explicitement vers le passé tsariste.
Même ainsi, les grèves spontanées qui ont éclaté dans les mines de charbon soviétiques pendant l'été 1989, contre les ravages du «socialisme de marché» de Gorbatchev, ont montré de manière spectaculaire le potentiel pour des luttes ouvrières combatives. Comme le documente le social-démocrate russe Boris Kagarlitsky dans son livre Adieu perestroïka (1990), les comités de grève dans beaucoup d'endroits sont devenus «le centre réel du pouvoir populaire», organisant la distribution des produits alimentaires, maintenant l'ordre, etc. Comme nous l'avions souligné à l'époque, les grèves du Kouzbass «ont rapidement fait surgir des formes organisationnelles de pouvoir prolétarien, notamment des comités de grève et des milices ouvrières» («Les ouvriers soviétiques se dressent face à Gorbatchev», supplément au Bolchévik n° 94, août 1989).
Ces développements ont montré la possibilité d'authentiques soviets qui --en entraînant des travailleurs des fermes collectives, des femmes, des retraités, des soldats et des officiers-- auraient pu servir de base à un nouveau pouvoir prolétarien, chassant la bureaucratie par une révolution politique. Mais lorsque Gorbatchev a renié les promesses faites aux mineurs, des agitateurs pro-impérialistes entraînés par «l'AFL-CIA» ont rempli le vide de direction et mis en place le Syndicat indépendant des mineurs, organisant une minorité activiste de mineurs comme bélier pour Eltsine.
Cependant, une majorité des mineurs ainsi que le reste de la classe ouvrière soviétique sont restés passifs dans la lutte à trois entre les «démocrates» dirigés par Eltsine, Gorbatchev et l'aile la plus conservatrice des staliniens. La masse des ouvriers étaient circonspects, si ce n'est ouvertement hostiles aux avocats pro-occidentaux d'une «économie de marché». Contrairement à ce qui s'est passé en Pologne lors de la montée de Solidarnosc, les forces de la contre-révolution capitaliste n'ont pas réussi à mobiliser les masses soviétiques au nom de l'anticommunisme.
En même temps, l'élite bureaucratique (ce qu'on appelait la nomenklatura) était totalement discréditée par la corruption et le cynisme affichés de l'ère Brejnev. Les appels occasionnels à défendre le «socialisme» lancés par les éléments les plus conservateurs du régime Gorbatchev, comme Egor Ligatchev, n'avaient aucun écho. Les «patriotes» staliniens, organisés par exemple dans le Front uni des travailleurs (OFF), ne réussissaient à mobiliser qu'un nombre relativement réduit de militants ouvriers.
Non organisée et dépourvue de direction anticapitaliste, sans conscience de classe socialiste cohérente et conséquente, sceptique quant à la possibilité de la lutte de classe dans les pays capitalistes, la classe ouvrière soviétique ne s'est pas regroupée pour résister à la progression de la contre-révolution capitaliste. Et comme le notait Trotsky dans l'Internationale communiste après Lénine: «Si une armée se trouvant dans une situation critique capitule devant l'ennemi sans combattre, cela remplace parfaitement une "bataille décisive" aussi bien dans la politique que dans la guerre.»
L'armée et la bureaucratie
Qu'est-il donc arrivé aux forces armées, qui sont dans la conception marxiste le noyau de l'Etat? Dans l'Etat et la Révolution (1917), écrit pour réfuter la vision réformiste que la classe ouvrière pouvait simplement s'approprier l'Etat bourgeois pour ses propres desseins, Lénine insistait que «la révolution, ce n'est pas quand la classe nouvelle commande et gouverne à l'aide de la vieille machine d'Etat, mais quand après l'avoir brisée, elle commande et gouverne à l'aide d'une machine nouvelle». La contre-révolution sociale nécessite pareillement que soit brisé l'Etat prolétarien, et la création d'une nouvelle machine d'Etat au service de la bourgeoisie. Cette tâche a été grandement facilitée par la contre-révolution politique stalinienne, qui a fait subir à l'Etat ouvrier issu de la révolution d'Octobre une dégénérescence qualitative.
A la base, l'armée soviétique était affectée par les mêmes pressions et la même paralysie que le reste de la société. La couche supérieure du commandement militaire était quant à elle une composante de la bureaucratie soviétique. Trotsky expliquait que cette bureaucratie était une caste fragile et contradictoire, dont le rôle était celui d'un intermédiaire entre l'Etat ouvrier et l'encerclement impérialiste hostile. Cette position contradictoire engendrait au sein de la bureaucratie toute une gamme d'impulsions politiques contradictoires: «[...] au sein de la bureaucratie il y a toutes sortes de nuances de la pensée politique depuis le véritable bolchévisme (I. Reiss) jusqu'au fascisme achevé (Th. Boutenko)» (Programme de transition). Reiss était un cadre dirigeant des services de renseignement soviétiques, qui s'était déclaré pour la Quatrième Internationale et fut assassiné par Staline en 1937. Boutenko était un diplomate soviétique qui fit défection et rejoignit l'Italie fasciste de Mussolini.
Le caractère double de la bureaucratie soviétique et les appétits politiques contradictoires qu'elle contenait en son sein s'étaient maintenus même après que les purges sanglantes des années 1930 eurent exterminé tout ce qui subsistait de la «vieille garde» bolchévique. Mais bien qu'elle reposât sur les formes de propriété prolétariennes, dont découlaient ses privilèges, la bureaucratie stalinienne n'était pas engagée irrévocablement à les défendre. Elle ne pouvait jouer aucun rôle indépendant dans la société. Sous l'impact d'une attaque frontale du prolétariat révolutionnaire ou de la contre-révolution, la bureaucratie devait se fracturer. Trotsky écrivait: «Avec la venue du prolétariat à l'activité, l'appareil stalinien restera suspendu en l'air. S'il tente malgré tout d'opposer de la résistance, il aura à appliquer contre le prolétariat non pas des mesures de guerre civile, mais plutôt des mesures d'ordre policier [...]. La véritable guerre civile pourrait éclater non pas entre la bureaucratie stalinienne et le prolétariat qui la soutient mais entre le prolétariat et les forces actives de la contre-révolution. D'un rôle indépendant de la bureaucratie, au cas d'un conflit des deux camps de masse, il ne peut être question. Ses flancs opposés se répartiraient sur les divers côtés de la barricade» («La Quatrième Internationale et l'URSS --La nature de classe de l'Union soviétique»).
Dans le cas de la Révolution hongroise de 1956, le gros de la couche bureaucratique est passé du côté du prolétariat pro-socialiste insurgé. Au contraire, plus récemment en Union soviétique, la pression incessante de la conciliation de l'impérialisme et des forces internes du marché a poussé des secteurs toujours plus grands de la bureaucratie dans le camp de la restauration capitaliste, dont Eltsine est très tôt devenu le principal porte-parole.
L'incapacité totale de la bureaucratie à jouer un rôle indépendant a été démontré de façon éloquente pendant les événements d'août 1991. Derrière l'apparente incompétence du «comité de l'état d'urgence» (composé des principaux lieutenants de Gorbatchev) --ne pas avoir arrêté Eltsine, ni n'avoir pas même coupé sa ligne directe avec Washington-- il y a le fait que ces bureaucrates grisâtres n'avaient aucune alternative à proposer au programme de restauration, ainsi que leur refus de se mettre à dos, de quelque manière que ce soit, les puissances impérialistes. Si les ouvriers étaient entrés en action, en se mobilisant pour balayer les «coopérateurs», spéculateurs et millionnaires en roubles cupides et détestés qui tenaient les barricades d'Eltsine, cela aurait effectivement mis directement à l'ordre du jour une guerre civile entre le prolétariat et les forces actives de la contre-révolution et marqué le début d'une révolution politique prolétarienne. Parce qu'ils craignaient davantage la mobilisation du prolétariat que la contre-révolution, pas un seul élément parmi les soi-disant «durs» de l'opposition stalinienne «patriote» à Gorbatchev/Eltsine n'a essayé d'organiser la résistance aux forces eltsiniennes; au lieu de cela, ils se sont cachés derrière les proclamations impuissantes du Comité du coup d'Etat.
S'étant emparé des rênes du pouvoir, le régime d'Eltsine entreprit immédiatement de réorganiser les échelons supérieurs de l'armée, mettant en place une couche d'officiers plus jeunes marqués soit par leur soumission à Eltsine (par exemple Chapochnikov) ou par un violent nationalisme russe, tout en cherchant à acheter des couches plus larges du corps des officiers avec des augmentations de salaire. En même temps, il se produisit une auto-purge, de nombreux officiers prosocialistes quittant l'armée dégoûtés par l'interdiction du Parti communiste dans l'armée. De toute façon, comme le faisait remarquer Trotsky dans la Révolution trahie (1937), «la restauration bourgeoise aurait vraisemblablement moins de monde à jeter dehors qu'un parti révolutionnaire».
La dissolution juridique de l'URSS, en décembre 1991, laissait les forces armées de l'Union --formellement sous le commandement d'une «communauté des Etats indépendants» mort-née-- suspendues en l'air, une «seizième république» disaient certains. Une conférence d'officiers réunis au Kremlin un mois plus tard faisait apparaître une volonté largement partagée de maintenir le caractère d'institution multinationale de l'armée. Mais, comme nous en avertissions à l'époque, «pour préserver l'Etat et l'armée multinationaux d'Union soviétique, il est nécessaire de préserver la propriété socialisée sur la base de laquelle ils ont été créés». Si la classe ouvrière avait bougé, des secteurs de l'armée seraient certainement passés de son côté. Au lieu de cela, les forces centrifuges mises en mouvement par le contre-coup d'Etat d'Eltsine et formalisées par le décret de décembre 1991 se mirent à faire éclater l'armée et à éliminer ce qui subsistait de l'Etat ouvrier. Le nationalisme, comme avec les bruits de botte chauvins autour de la Moldavie, a été une force motrice pour consolider une force armée loyale au nouvel ordre capitaliste.
L'utilisation des unités OMON russes pour disperser une manifestation anti-Eltsine en février dernier a signalé l'émergence d'un appareil répressif loyal au nouveau régime. L'Ukraine et d'autres républiques ayant créé des armées séparées et exigé un serment de loyauté des soldats soviétiques stationnés sur leur territoire, en mai Eltsine décrétait la formation d'une armée russe séparée, nommant comme nouveau ministre de la Défense russe le jeune général Gratchev, qui professe un nationalisme russe virulent et qui avait fait allégeance à Eltsine pendant le coup d'Etat. Un article publié dans le numéro du 21 août 1992 du bulletin RFE/RL Research Report de «Radio Free Europe/Radio Liberty», une officine de la CIA, remarquait: «A beaucoup d'importants égards, la nomination du général d'armée Pavel Gratchev au poste de ministre de la Défense de Russie, le 18 mai 1992, a marqué le début de la période post-soviétique dans la sphère de la sécurité, de la même manière que la création de la CEI en décembre 1991 avait marqué la fin de la période soviétique dans la sphère politique.»
Fait marquant de la journée de la Marine de guerre, le 26 juillet dernier, toutes les escadres ont arboré la croix de Saint-André, le vieil emblème naval tsariste, tandis que le chef de la marine, l'amiral Tchernavine, proclamait: «La marine russe doit retrouver son drapeau, non parce que les marins soviétiques avaient honte du vieux drapeau, mais parce qu'il ne correspond plus à l'esprit de la marine russe» (Independent [Londres], 27 juillet 1992). Faire flotter l'étendard tsariste sur la base navale de Kronstadt, un bastion du bolchévisme pendant la révolution d'Octobre, ou sur le croiseur Aurore, dont la canonnade contre le palais d'Hiver avait signalé la victoire de l'insurrection prolétarienne de Petrograd, voilà qui symbolise de façon appropriée, quoique grotesque, le démantèlement de l'Etat ouvrier soviétique par les forces triomphantes de la contre-révolution.
Eltsine et ses congénères des autres républiques ont maintenant le commencement d'armées bourgeoises. Mais la loyauté de ces forces armées envers le capitalisme doit encore être testée dans le sang. Notant que «l'armée tout entière pourrait se disloquer suivant des divisions politiques ou ethniques», un observateur remarquait que «les dirigeants russes hésiteront beaucoup à utiliser l'armée pour maintenir l'ordre intérieur» (Mark Kramer, «The Armies of the Post-Soviet States», Current History, octobre 1992).
Il ne manque pas de «trotskystes» qui ont pris place sur les barricades d'Eltsine (dans certains cas, littéralement) et/ou se sont empressés sans vergogne de déclarer l'Union soviétique morte et enterrée. Ils se sont ainsi finalement débarrassés du boulet à traîner qu'était la défense (depuis belle lurette formelle et vide de toute substance) de l'Union soviétique, que la bourgeoisie haïssait et voulait détruire depuis la révolution d'Octobre.
Dans son article de 1933, Trotsky évoquait la «possibilité tragique» que l'Etat soviétique «tombe sous les coups réunis des ennemis, intérieurs et extérieurs»: «Mais, même avec cette pire variante, c'est une immense importance pour la marche ultérieure de la lutte révolutionnaire qu'aurait la question de savoir où sont les auteurs de la catastrophe. Sur les révolutionnaires internationalistes ne doit pas tomber la moindre parcelle de responsabilité. A l'heure du danger mortel, il[s] doi[vent] rester sur la dernière barricade» («La Quatrième Internationale et l'URSS --La nature de classe de l'Etat soviétique»).
Et c'est ce qu'a fait la Ligue communiste internationale. Dans la mesure où nos forces nous le permettaient, nous avons lutté pour offrir un pôle révolutionnaire afin de gagner la classe ouvrière soviétique à un programme pour renverser et battre la contre-révolution. Notre camarade Martha Phillips, assassinée en février 1992 à Moscou, a fait l'ultime sacrifice en luttant pour cette cause.
Il y a cinq ans, quand la première force ouvertement contre-révolutionnaire --les fascistes antisémites indigènes de Pamiat-- a levé la tête à Moscou et Leningrad, nous avons appelé à des mobilisations de masse, centrées sur le prolétariat, pour écraser dans l'oeuf ces émules des Cent-Noirs. En août 1990 quand Gorbatchev adopta le plan pour une restauration capitaliste complète élaboré par Eltsine, notre premier tract en russe lançait l'appel suivant: «Ouvriers soviétiques brisez le "plan de 500 jours" de Gorbatchev-Eltsine!» En novembre de cette année-là, le jour anniversaire de la révolution, la bannière de la Quatrième Internationale était ouvertement déployée pour la première fois en Union soviétique.
Malgré la faiblesse de nos ressources et nos capacités limitées en russe, nous avons cherché à intervenir directement dans la situation mouvementée qui s'était ouverte après l'arrivée aux affaires de Gorbatchev. Suite à la spectaculaire grève des mineurs de charbon de l'été 1989, nous avons cherché à mettre notre propagande trotskyste entre les mains de ces ouvriers combatifs, dont la lutte avait électrisé la classe ouvrière soviétique et ébranlé la bureaucratie stalinienne. Des représentants de la LCI intervinrent en octobre 1990 dans une conférence des mineurs dans le Donetsk, où ils réussirent à mettre temporairement en échec une tentative orchestrée par la CIA d'enrôler les travailleurs soviétiques dans une campagne de chasse aux sorcières antirouge contre le dirigeant des mineurs britanniques, Arthur Scargill.
Pendant le soulèvement de 1989-90 en RDA, dans le cadre du combat de la LCI pour une révolution politique prolétarienne en Allemagne de l'Est, nous avons publié et largement diffusé de la propagande en russe adressée aux militaires soviétiques en garnison dans ce pays; plus tard, nous avons pris la parole devant des assemblées d'officiers et de soldats soviétiques. En 1991, pour l'anniversaire de la victoire de l'Armée rouge contre l'Allemagne nazie le Spartakist-Arbeiterpartei Deutschlands et le Spartakusowska Grupa Polski organisèrent en commun, dans une base aérienne près de Berlin, un débat auquel assistèrent plusieurs centaines de militaires soviétiques (cf. Workers Vanguard n° 526, 10 mai 1991). Plus tard, un mois avant le contre-coup d'Etat d'Eltsine, Martha Phillips, représentante de la LCI, prenait la parole devant la conférence des ouvriers de Moscou, en appelant à former d'authentiques soviets pour arrêter la contre-révolution capitaliste, pour s'opposer à toutes les formes de réaction chauvine, et pour la révolution socialiste internationale.
Notre appel d'août 1991, «Ouvriers soviétiques: repoussez la contre-révolution de Bush-Eltsine!»,. a été la première déclaration diffusée sur une large échelle dans toute l'Union soviétique contre les menées restaurationnistes d'Eltsine. Nous avancions un programme pour une lutte ouvrière indépendante contre la restauration capitaliste, et pour d'authentiques soviets, organes d'un nouveau pouvoir politique prolétarien: «Des comités ouvriers indépendants doivent être formés dans les usines, dans les mines, dans les centres ferroviaires et dans les autres entreprises, pour empêcher les licenciements et la privatisation en prenant les usines en main et en instaurant le contrôle de la production [...]. il faut former des comités de soldats et d'officiers pour s'opposer aux purges, et pour empêcher que l'armée soit utilisée pour s'attaquer aux intérêts des travailleurs [...]. Il faut former des milices ouvrières [...] pour se défendre contre les lyncheurs et les pogromistes [...]. Plus que jamais, en cette heure de besoin impérieux, la clé d'une défense victorieuse du prolétariat soviétique est de forger un nouveau parti d'avant-garde de la classe ouvrière, authentiquement communiste. Retour à la voie de Lénine et Trotsky!»
Nous nous sommes opposés durement à la résurgence de l'antisémitisme et du chauvinisme grand-russe et avons averti que les femmes auraient le plus à perdre sous la restauration capitaliste.
Après qu'Eltsine eut lancé les OMON et la milice (police) de Moscou contre des manifestants en février 1992, nous avons publié une déclaration: «Boris le "tsar blanc" veut un nouveau Dimanche sanglant.» Avec la menace d'une disette que faisait planer la hausse draconienne des prix des produits alimentaires et des autres produits de première nécessité, nous avancions un programme de combat: «Au moyen de leurs propres comités indépendants, formés de délégués élus par les entreprises, les travailleurs doivent prendre le contrôle des stocks de produits alimentaires et en organiser la distribution. Ce qu'il faut à nouveau, c'est former de véritables soviets, pas des lieux de vains bavardages comme les pseudo-soviets et les parlements impuissants d'aujourd'hui, mais des organes de lutte formés de délégués élus et révocables par l'usine et la caserne. Organisés dans des soviets puissants --internationalistes, égalitaires, révolutionnaires--, les travailleurs seront capables de balayer d'un revers de main les fragiles régimes des capitalistes restaurationnistes. Pas de nouveaux tsars: balayons Eltsine --pour une république des travailleurs!»
Ces revendications gardent toute leur force aujourd'hui, bien que la consolidation d'un Etat bourgeois mette à l'ordre du jour la lutte non pour une révolution politique, mais pour une révolution socialiste pour balayer l'Etat capitaliste naissant.
Qui sont les auteurs de la catastrophe? D'abord et principalement, la responsabilité incombe aux staliniens. A partir de la contre-révolution politique dirigée par Staline, en 1923-24, l'appareil d'Etat, écrivait Trotsky, avait été transformé «d'instrument de la classe ouvrière en instrument de violence bureaucratique contre la classe ouvrière et, de plus en plus, en instrument de sabotage de l'économie» (Programme de transition). Dès les dernières années Brejnev, la mauvaise gestion bureaucratique de l'économie planifiée centralisée avait provoqué un fort ralentissement de la croissance économique soviétique, tandis qu'une corruption omniprésente aiguisait les appétits des enfants privilégiés de la bureaucratie, qui voulaient vivre comme des capitalistes occidentaux. Etant donné sa terreur mortelle de la démocratie ouvrière, qui aurait aboli ses privilèges, la seule option qui apparaissait ouverte à la bureaucratie pour une croissance économique intensive était d'expérimenter un programme néo-boukharinien de «réformes» orientées vers le marché --la perestroïka de Gorbatchev.
Si le «Comité de l'état d'urgence» d'août 1991 n'offrait rien d'autre que «la perestroïka sans la glasnost», aujourd'hui les débris du stalinisme comme le RKRP de Viktor Anpilov, le RPK de Krioutchkov, le SK de Prigarine, le VKPB de Nina Andreeva et autres, qui se présentent maintenant comme une opposition à Eltsine, n'offrent rien d'autre qu'une couverture «rouge» à la contre-révolution capitaliste. Ils n'ont fait aucune tentative de mobiliser la lutte de classe, non seulement parce que leur politique chauvine les rend incapables d'en appeler à un prolétariat qui est toujours multinational, mais aussi parce qu'ils sont opposés à toute lutte qui perturberait la «paix» de classe capitaliste. Ceci était explicitement déclaré dans la «Déclaration sur la fondation de l'Opposition unie» de mars 1992, signée par tous les débris du stalinisme ainsi que par le SPT de Medvedev et Denisov --formalisation de la répugnante coalition «rouge-brune» avec des chauvins grand-russes, des monarchistes et des fascistes déclarés--, qui appelait au «salut de la patrie [...] sur la base de la paix civile et de la confiance nationale». Ainsi, tous ces groupes se sont opposés à la récente grève des aiguilleurs du ciel.
Avec leur appel à la privatisation par le truchement des «collectifs de travail», les has been staliniens cherchent à être le flanc «gauche» de l'aile corporatiste de la contre-révolution, dont le plus puissant représentant est le bloc de l'Union civique de Volsky-Routskoï. Alignée avec ces gens, on trouve la bureaucratie des ex-syndicats officiels, qui s'appellent maintenant la Fédération des syndicats indépendants de Russie (FNPR). Alors que le premier ministre d'Eltsine, Gaïdar, supplie l'Occident de procéder à une injection de capital et préconise un projet de privatisation chimérique, qui passerait par la distribution de certificats d'investissement à la population tout entière, la faction Volsky-Routskoï espère maintenir un secteur militaro-industriel fort en plaçant la propriété entre les mains des anciens managers.
Au nom de la construction du derjava, le mot tsariste pour désigner un Etat russe fort, le RKRP et Cie se sont délibérément enfouis dans tous les ramassis réactionnaires, depuis le Sobor national russe fasciste de l'antisémite et anticommuniste Sterligov (qui préconise maintenant la restauration du trône tsariste) jusqu'au Front de salut national, groupement «gauche-droite» récemment fondé. En fait, chacun des groupes issus de l'ex-PCUS --du RKRP au SPT-- accepte l'«inéluctabilité» de l'«économie de marché» (la restauration du capitalisme). Ils se chamaillent uniquement sur les conditions --qui sera devant l'assiette au beurre (cf. «Les débris du stalinisme: aile gauche de la contre-révolution nationaliste», le Bolchévik n° 121, novembre-décembre 1992). De son côté, le Parti du travail (PT) de Boris Kagarlitsky, groupe ouvertement social-démocrate, s'est abouché avec un secteur de la bureaucratie de la FNPR, et participe à l'Assemblée pan-russe des travailleurs, fortement noyautée par les gens de Volsky, et dont le président, Konstantinov, est vice-président du Sobor.
Parmi les nombreux groupements staliniens et sociaux-démocrates, tous sans exception se sont alignés sur l'option corporatiste, en appelant à la privatisation par le truchement de «collectifs de travail» (c'est-à-dire des directeurs d'usine). Le dos au mur, de nombreux ouvriers peuvent bien voir l'appropriation de l'industrie par leur directeur d'usine comme une dernière ligne de défense contre le chômage et la paupérisation.
Les ouvriers soviétiques ne doivent se faire aucune illusion que leur niveau de vie serait assuré sous un régime corporatiste. Le capitalisme, que ce soit sous Volsky-Routskoï, Eltsine-Gaïdar ou toute autre variante intermédiaire, signifie nécessairement la trique de l'exploitation brutale et un chômage de masse.
Si la destruction de l'Union soviétique a mis une épitaphe finale à l'histoire sordide du stalinisme, elle a aussi démoli les nombreuses fausses «théories» derrière lesquelles divers renégats du trotskysme avaient cherché à camoufler leur refus de défendre les acquis de la révolution d'Octobre. La «théorie» que l'Union soviétique était une société «capitaliste d'Etat» fait marcher sur la tête l'analyse marxiste du capitalisme. Elle suppose une forme fort étrange de «capitalisme» --un capitalisme dans lequel la concurrence capitaliste et la loi de la valeur sont extérieures au système, un capitalisme marqué non pas par des crises de surproduction cycliques, mais par des distorsions et des goulots d'étranglement dus à l'arbitraire administratif, un capitalisme caractérisé non pas par un chômage de masse chronique mais par des pénuries de main-d'oeuvre. L'objectif de ce tour de passe-passe terminologique, qu'il soit de la plume de Tony Cliff ou de ses prédécesseurs, était de nier toute base pour défendre l'Union soviétique.
Tout en prétendant occuper un «troisième camp» («ni Washington ni Moscou»), aujourd'hui les «capitalistes d'Etat» se joignent aux impérialistes pour célébrer la «mort du communisme». En août 1991, les cliffistes se félicitaient que «le communisme s'est écroulé» et saluaient dans la domination des eltsiniens «le début, pas la fin» (Socialist worker, 31 août 1991). L'identification avec l'anticommunisme impérialiste est patente, mais la «logique» capitaliste d'Etat est absurde. Nous serions en train d'assister ici au spectacle remarquable d'une «classe capitaliste» tout entière qui s'est simplement suicidée plutôt que de chercher à défendre sa propriété! Et les millions et les millions de travailleurs d'Europe de l'Est et d'Union soviétique qui sont maintenant plongés dans la misère, le chômage et les conflits fratricides ne vont certainement pas gober l'idée qu'ils viennent juste de passer d'une variante de capitalisme à une autre, et encore moins s'en féliciter.
Les «troisièmes-campistes» tardifs, comme les bandits politiques du «Comité international» de David North et d'autres, argumentent que le stalinisme est «contre-révolutionnaire de bout en bout». Ceci constitue une négation caractérisée de l'analyse que faisait Trotsky de la «position double» de la bureaucratie. Plus directement, comme pour la théorie de Cliff, l'objectif est de se laver les mains de la défense de l'Union soviétique. North prétendait que, dès le début, Gorbatchev était engagé à «la liquidation politique, économique et sociale de tout ce qui subsiste des conquêtes de la révolution d'Octobre» (Perestroïka Versus Socialism [1989]). North s'est ensuite empressé de proclamer qu'il était «impossible de définir [...] aucune des républiques» de l'ex-URSS «comme des Etats ouvriers» dès l'instant où Eltsine a décrété sa dissolution juridique («The End of the USSR», Bulletin, 10 janvier 1992).
Les diverses théories qui définissent la bureaucratie stalinienne comme une «nouvelle classe» ou «contre-révolutionnaire de bout en bout» s'accordaient pour en appeler à des réflexes moralistes. Au contraire, l'analyse dialectique et matérialiste que faisait Trotsky de l'Etat ouvrier dégénéré soviétique, analyse élaborée dans la Révolution trahie et d'autres écrits, a subi victorieusement l'épreuve du temps, et fournit un programme d'action pour le prolétariat. En nous basant sur cette compréhension marxiste, nous avons souligné le caractère contradictoire des réformes initiales de Gorbatchev «La perestroïka de Gorbatchev non seulement va à l'encontre des intérêts matériels immédiats de la plupart des ouvriers, mais elle offense aussi leurs profonds sentiments collectifs. En même temps, l'appel à la glasnost lancé par le régime permet un certain degré de dissension organisée contre la politique officielle» («Toward Revolutionary Conjoncture», document de la Spartacist League/US, juin 1987).
Les premières années, les réformes néo-boukhariniennes de Gorbatchev eurent un certain effet revitalisant sur l'économie soviétique. L'économiste de Harvard Marshall Goldmann, dans son livre What Went Wrong with Perestroïka (1991), note au sujet du programme d'«intensification» et d'«accélération» de Gorbatchev qu'«initialement, ces réformes semblaient marcher» et que «la croissance industrielle semblait rebondir». Il réalisa même la meilleure récolte de blé de l'histoire soviétique (240 millions de tonnes en 1990). Mais par la suite, l'introduction de l'autogestion des entreprises le 1er janvier 1988 s'est avéré constituer le pas décisif conduisant à l'effondrement. L'abandon de la planification dans une économie planifiée conduisit à la dislocation de l'administration économique ainsi qu'à des pénuries et des détournements généralisés. Le résultat, écrit Goldmann, fut «la sape du système de planification et l'écroulement de l'économie». Les réformes de la perestroïka étant un échec, en août 1990 Gorbatchev affirma ouvertement son soutien à la restauration capitaliste en se déclarant pour le «plan de 500 jours», pour s'en écarter plus tard dans une de ses multiples volte-face.
L'évolution de Gorbatchev, des réformes du «socialisme de marché» à un programme de restauration capitaliste déclaré, a démontré une fois de plus l'impossibilité de «réformer» le régime stalinien --une conception défendue par des gens comme Ernest Mandel dans son livre Où va l'URSS de Gorbatchev? (1989). Quels que soient leurs points de discorde, le soutien à la contre-révolution d'Eltsine a uni tous ces révisionnistes, de Cliff à North en passant par Mandel --ainsi que le groupe Militant en Grande-Bretagne (anciennement dirigé par Ted Grant), associé au groupe Rabotchiïa Demokratiïa (Démocratie ouvrière) de Sergueï Beits en Russie. La ligne fondamentale pour tous ces groupes a été la capitulation devant l'antisoviétisme social-démocrate, tout comme une décennie plus tôt ils étaient tous unis pour acclamer les contre-révolutionnaires de Solidarnosc en Pologne et pour dénoncer l'intervention de l'Armée rouge en Afghanistan.
Au contraire, la tendance spartaciste internationale proclamait: «Salut à l'Armée rouge en Afghanistan!» et déclarait: «Halte à la contre-révolution de Solidarnosc!» en Pologne. En réponse au retrait d'Afghanistan, décidé par Gorbatchev en 1989 pour apaiser Washington, nous avons averti qu'il valait bien mieux combattre l'impérialisme là-bas qu'à l'intérieur des frontières de l'Union soviétique. Mais le régime Gorbatchev ne voulait combattre l'impérialisme nulle part. «La décision de quitter l'Afghanistan a été le premier pas, et le plus difficile», remarquait récemment le ministre des Affaires étrangères de Gorbatchev, Edouard Chevardnadze. «Tout le reste en découlait.» Un an après le retrait d'Afghanistan, Gorbatchev donnait le feu vert à la réunification capitaliste de l'Allemagne.
La LCI a été la seule organisation à s'opposer sans ambiguïtés et sans réserves à l'annexion impérialiste de la RDA: la capacité du programme trotskyste à montrer la voie face à l'écroulement du stalinisme a trouvé une expression de masse dans la manifestation antifasciste et pro-soviétique qui a rassemblé 250.000 personnes le 3 janvier 1990 à Treptower Park, à Berlin --manifestation dont les spartakistes allemands ont été à l'initiative. Les staliniens, pour leur part, ont pensé qu'ils pourraient avoir la contre-révolution dans un seul pays. Mais le bradage de la RDA a directement préparé la destruction de l'Union soviétique.
L'écroulement de l'Union soviétique, et l'exacerbation des rivalités interimpérialistes qui en a résulté, ont fait du monde un endroit beaucoup plus dangereux encore. Le «nouveau désordre mondial» --proclamé pendant le massacre impérialiste dans le Golfe, mené sous la conduite des Etats-Unis et avec l'approbation de Gorbatchev, ressemble bigrement au vieil ordre mondial qui avait conduit à la boucherie de la Première Guerre mondiale, mais cette fois-ci avec la menace d'une conflagration nucléaire. L'unité impérialiste, maintenue pendant des décennies par la «menace communiste», s'est brisée; les puissances concurrentes s'opposent les unes aux autres et sont en compétition pour dépecer l'ancien bloc soviétique et le transformer en néo-colonies.
En même temps s'ouvre une nouvelle période d'intenses luttes de classe. Maintenant que les puissances impérialistes ne se sentent plus bridées par le contrepoids soviétique, les peuples semi-coloniaux sont purement et simplement affamés. Dans l'Occident impérialiste, l'accroissement des guerres commerciales et de l'exploitation ont déjà conduit à d'importantes batailles de classe en Allemagne, en Italie et en Grèce. Le soulèvement multiracial de Los Angeles, suite au verdict qui blanchissait les flics racistes dans l'affaire du tabassage de Rodney King, témoigne de l'instabilité sociale que connaissent les Etats-Unis. En Europe de l'Est et dans l'ex-URSS, la classe ouvrière se ressaisira bientôt après l'expérience tétanisante de la contre-révolution et commencera à lutter contre les ravages de l'exploitation capitaliste. L'année dernière, la Pologne a connu de grandes grèves successives.
Les ouvriers de Russie, d'Ukraine et des autres ex-Républiques soviétiques ont encore le temps de se regrouper et de contre-attaquer avant que soit consolidé quelque chose qui ressemble à un système viable d'exploitation capitaliste. La haine et l'hostilité envers Eltsine et ses semblables s'aiguisent. Contrairement à l'ex-RDA, où une grande partie des travailleurs avait gobé le mensonge que l'Anschluss (annexion) du deutschemark apporterait la prospérité, dans l'ex-URSS de telles illusions sont peu répandues. Mais il y a une position largement partagée qu'il n'y a pas d'alternative au «marché» et les staliniens banqueroutiers sont les principaux responsables de cet état de choses.
La voie pour recréer un capitalisme véritable n'est pas aussi dégagée que la perspective Newsky. Pour se libérer de ceux qui aspirent à devenir ses exploiteurs et ses oppresseurs, la classe ouvrière doit également s'affirmer comme un «tribun du peuple», en s'opposant à toutes les manifestations d'arriération anti-femmes et anti-homosexuels, en prenant la défense de tous ceux --dont les étudiants africains et asiatiques et les peuples d'Asie centrale en Russie-- qui sont de plus en plus exposés à une terreur raciste violente. Ce qui est par-dessus tout nécessaire, c'est une direction révolutionnaire capable de surmonter les divisions fomentées par le chauvinisme et le nationalisme, de dissiper les décennies de fausse conscience inculquée par le stalinisme, et de faire le lien entre les luttes dans l'ex-URSS et celles du prolétariat mondial.
Les sociaux-démocrates gémissent que le «communisme soviétique» a discrédité le socialisme aux yeux des masses; mais un bien plus grand crime du stalinisme a été la manière dont il a déformé la conscience des ouvriers prosocialistes, en leur farcissant le crâne d'illusions antimarxistes comme «la construction du socialisme dans un seul pays», le «front populaire» et l'utopie de la «coexistence pacifique» avec l'impérialisme. Le «socialisme dans un seul pays» signifiait non seulement empêcher la lutte révolutionnaire dans les autres pays, mais aussi isoler la classe ouvrière soviétique de tout contact avec la lutte de classe internationale. Pendant plus de 60 ans, les ouvriers soviétiques ont été enfermés dans un cocon qui les isolait de l'évolution politique mondiale. En luttant pour renverser le cours de la contre-révolution qui l'a plongée dans la pauvreté et la misère, la classe ouvrière soviétique devra nécessairement se réapproprier l'héritage révolutionnaire qui lui a été dérobé.
Le prolétariat qui a fait la révolution d'Octobre avait appris des bolchéviks de Lénine et Trotsky qu'il faisait partie intégrante d'une lutte internationale. Il comprenait que sa seule chance de survie résidait dans l'extension de la révolution à des puissances industrielles plus avancées, et au premier chef l'Allemagne. Les occasions furent nombreuses, mais les partis révolutionnaires hors de la Russie étaient trop faibles et politiquement immatures pour les exploiter. Le soulèvement spartakiste allemand de 1918-19 et la Commune hongroise de 1919 furent des défaites sanglantes. La possibilité que l'Armée rouge avance pour venir en aide aux ouvriers allemands en 1920, en déclenchant la révolution prolétarienne dans la Pologne de Pilsudski, ne put se réaliser. Finalement, avec la défaite de l'Octobre allemand de 1923, le prolétariat soviétique succomba à la perspective démoralisante d'une longue période d'isolement, qui permit à la couche bureaucratique dirigée par Staline d'usurper le pouvoir politique. La révolution fut ainsi trahie.
Mais cette trahison ne fut pas sans rencontrer d'opposition. L'Opposition de gauche de Léon Trotsky continua la lutte pour le programme authentique du léninisme. Dans sa lutte pour défendre et étendre le pouvoir des soviets, l'Opposition de gauche préconisait une politique d'industrialisation planifiée, pour revigorer le prolétariat épuisé et permettre à l'Etat ouvrier isolé de tenir face à l'encerclement impérialiste. Les trotskystes combattirent avec intransigeance le chauvinisme grand-russe de la bureaucratie naissante. Ils combattirent la politique traître découlant du «socialisme dans un seul pays», et en premier lieu le sabotage de la Révolution chinoise de 1925-27 et le bloc syndical anglo-russe qui conduisit à poignarder dans le dos la grève générale britannique de 1926. Ceci conduisit à laisser la classe ouvrière allemande tomber sous la botte hitlérienne, à réprimer ouvertement la Révolution espagnole à la fin des années 1930. En sabotant les occasions révolutionnaires à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, en particulier en Italie, en France et en Grèce, le stalinisme permit au capitalisme de survivre, et prépara ainsi le terrain, au bout du compte, à sa propre élimination.
Avec la liquidation complète de l'Internationale communiste en tant qu'instrument de la révolution mondiale, Trotsky organisa la fondation de la Quatrième Internationale, en 1938. Aujourd'hui, la Ligue communiste internationale combat pour la renaissance de la Quatrième Internationale, dont les cadres ont été décimés par la terreur stalinienne et hitlérienne, et qui a fini par succomber, au début des années 1950, face à un courant révisionniste interne qui niait la nécessité d'une direction révolutionnaire indépendante. C'est seulement dans le cadre de la lutte pour reforger un authentique parti mondial de la révolution socialiste que les travailleurs de l'ex-Union soviétique pourront former la direction dont ils ont besoin pour balayer les horreurs sans nom auxquelles ils sont aujourd'hui confrontés.