Déclaration de la Ligue communiste internationale
Défaite de l’impérialisme par la révolution ouvrière ! Défense de la Serbie !
Toutes les troupes de l’OTAN/ONU/USA, hors des Balkans ! Pour une Europe ouvrière !

Reproduit du Bolchévik no. 149, printemps 1999

Nous reproduisons ci-dessous la déclaration de la LCI sur la guerre des Balkans, en date du 21 avril 1999, qui fut publiée en allemand, anglais, espagnol, français, italien, japonais et polonais. Le Premier Mai 1999, les militants de la LCI ont vendu et diffusé cette déclaration dans 15 pays.

La guerre impérialiste contre la Serbie est déjà le conflit le plus important en Europe depuis la Deuxième Guerre mondiale. Après avoir pilonné la Serbie pendant des semaines avec des bombes et des missiles de croisière, les impérialistes occidentaux parlent de plus en plus d’une invasion à grande échelle de ce qui reste de la République yougoslave dominée par les Serbes. Les Balkans sont redevenus la poudrière de l’Europe, nous rapprochant un peu plus d’une nouvelle guerre mondiale. En tant qu’organisation d’internationalistes prolétariens qui nous battons pour construire un parti mondial de la révolution socialiste, la Ligue communiste internationale (quatrième-internationaliste) déclare : Défaite de l’impérialisme par la révolution ouvrière ! Défense de la Serbie contre l’attaque de l’OTAN et des USA ! A bas les sanctions économiques des Nations Unies ! Toutes les troupes de l’OTAN, de l’ONU et des USA hors des Balkans !

Dans une déclaration du 25 mars 1999, la Spartacist League/US affirmait :

«Chaque coup porté contre l’impérialisme US dans les Balkans contribuera à affaiblir l’ennemi de classe, en créant une ouverture pour la classe ouvrière et les opprimés d’ici afin qu’ils se battent contre le torrent d’attaques déclenchées par Wall Street et ses agents politiques, le Parti démocrate et le Parti républicain. Nous nous battons pour construire le parti ouvrier révolutionnaire multiracial forgé dans le creuset de la lutte de classe, l’instrument nécessaire pour diriger la classe ouvrière vers le renversement de tout ce système basé sur le racisme, l’exploitation et la guerre, par la voie d’une révolution socialiste qui arrachera l’industrie et le pouvoir des mains d’une petite poignée de riches bourrés de fric et créera une économie socialiste égalitaire.»

En Europe, les attaques impérialistes brutales contre la Serbie sont menées par des gouvernements capitalistes dirigés par des sociaux-démocrates et des ex-staliniens. Comme le disait Clausewitz, l’historien et expert militaire, la guerre est la continuation de la politique par d’autres moyens. Ayant démontré leur loyauté envers leur bourgeoisie au niveau interne en appliquant l’austérité capitaliste raciste, les sociaux-démocrates montrent aujourd’hui plus de zèle que leurs prédécesseurs de droite pour faire le sale boulot des impérialistes à l’extérieur. Le Berliner Zeitung (25 mars 1999) observait : «Qu’un gouvernement rouge-vert ait envoyé des unités de la Bundeswehr pour participer à une intervention militaire pour la première fois depuis la création de la République fédérale a épargné au pays un conflit idéologique et politique stérile.» Quand la guerre a éclaté, les sections de la Ligue communiste internationale ont immédiatement publié des déclarations pour démasquer la propagande de guerre impérialiste et mobiliser les ouvriers du monde entier contre leurs «propres» bourgeoisies.

La destruction de l’Etat ouvrier dégénéré soviétique a provoqué une multiplication des guerres régionales et des aventures militaires impérialistes, et un nationalisme nouveau et virulent est devenu le bélier de la contre-révolution. Les rivalités interimpérialistes, qui étaient auparavant mises en sourdine par la nécessité de maintenir une alliance antisoviétique, ont resurgi. Sous le vernis d’unité des «alliés» de l’OTAN pour bombarder la Serbie aujourd’hui, se cachent des rivalités interimpérialistes fondamentales qui s’intensifient et qui s’expriment dans la guerre commerciale qui va s’amplifiant entre les USA et l’Europe ainsi que le Japon. Le monde post-soviétique ressemble de plus en plus au monde d’avant 1914. Ce furent les machinations impérialistes qui, attisant les flammes des haines nationalistes dans les Balkans, menèrent directement à la Première Guerre mondiale.

Aujourd’hui, les bombardements de l’OTAN pourraient être le détonateur d’une conflagration internationale plus large et bien plus sanglante qui pourrait entraîner la Grèce, la Turquie et la Russie. Bien que la Russie capitaliste se comporte comme un «médiateur» pour l’OTAN, sa dénonciation de l’attaque militaire de l’OTAN et des USA contre la Serbie va dans la logique de son ambition à s’affirmer comme une puissance impérialiste régionale. La Russie et les Etats-Unis ont tous deux des arsenaux nucléaires énormes et les USA ont déjà démontré, avec l’incinération nucléaire d’Hiroshima et Nagasaki en 1945, qu’ils étaient prêts à se servir de ces armes. Qui oserait affirmer que les Français, les Britanniques et les Israéliens auraient plus de retenue ? Le capitalisme est un système irrationnel et la course folle aux profits et au pouvoir, inhérente à ce système, mènera inévitablement à une troisième guerre mondiale nucléaire si elle n’est pas stoppée par une révolution prolétarienne internationale.

La terreur impérialiste s’abat sur la Yougoslavie

La guerre de l’OTAN contre la Serbie n’a rien à voir avec «les droits de l’homme» ou la défense de la population albanaise du Kosovo contre «la purification ethnique». Cette guerre n’est pas à propos des Albanais du Kosovo – c’est une guerre de domination dont le but est de réaliser un projet que les Américains caressent depuis longtemps, à savoir, implanter une présence militaire importante des Etats-Unis et de l’OTAN en Serbie en soumettant ou, si nécessaire, en délogeant Milosevic. Depuis quand les impérialistes se préoccupent-ils des peuples opprimés ? Des centaines de milliers d’immigrés sont expulsé chaque année par les gouvernements européens. D’ailleurs, ces mêmes gouvernements sont devenus pratiquement hystériques quand l’idée de devoir ouvrir leurs frontières aux réfugiés du Kosovo a été évoquée.

La LCI se réclame de la tradition de V.I. Lénine qui, dans le Socialisme et la guerre, un manuel d’internationalisme révolutionnaire plein d’enseignements, écrit en 1915 et diffusé clandestinement aux ouvriers et aux soldats à travers l’Europe pendant la guerre, déclare :

«Les partisans de la victoire de leur gouvernement dans la guerre actuelle, de même que les partisans du mot d’ordre : “Ni victoire ni défaite”, adoptent les uns et les autres le point de vue du social-chauvinisme. Dans une guerre réactionnaire, la classe révolutionnaire ne peut pas ne pas souhaiter la défaite de son gouvernement; elle ne peut manquer de voir le lien entre les échecs militaires de ce dernier et les facilités qui en résultent pour le renverser.»

Lénine soulignait que dans le cas d’une guerre impérialiste contre une petite nation ou un peuple semi-colonial, le devoir de la classe ouvrière est non seulement de lutter pour la défaite de «son» gouvernement mais aussi de défendre les victimes de l’agression impérialiste. Dans la guerre actuelle, nous sommes pour la défense militaire de la Serbie sans donner au régime de Milosevic le moindre soutien politique. Nous avons soutenu le droit à l’autodétermination de la population albanaise du Kosovo contre le régime chauvin serbe de Belgrade jusqu’à ce que l’OTAN utilise les séparatistes albanais comme pions pour ses visées prédatrices. Pour les marxistes, le droit démocratique à l’autodétermination des Albanais du Kosovo est nécessairement subordonné aujourd’hui à la lutte contre les bombardements et la menace d’intervention impérialistes.

En fait, les massacres nationalistes tous azimuts dans les Balkans ont été directement provoqués par les impérialistes dans leur ardeur à détruire l’ancien Etat ouvrier déformé de Yougoslavie par la contre-révolution capitaliste. La République socialiste fédérative de Yougoslavie s’est constituée au sortir de la Deuxième Guerre mondiale, durant laquelle les partisans communistes de Tito se sont battus contre la Wehrmacht, armée d’occupation de l’Allemagne nazie, ainsi que contre les fascistes oustachis croates et les royalistes tchetniks serbes. Les partisans de Tito étaient la seule force qui pendant la guerre s’opposait à la politique de massacres interethniques en Yougoslavie. Mais les idéaux socialistes et démocratiques auxquels faisait appel publiquement le régime de Tito ont été sapés par les déformations bureaucratiques et les limitations inhérentes au stalinisme, avec son programme de construction du socialisme dans un seul pays. Tito a introduit le «socialisme de marché» qui a ouvert la Yougoslavie à la pénétration économique impérialiste et a renforcé les disparités entre les différentes régions, alimentant ainsi le nationalisme renaissant.

Après la mort de Tito, la bureaucratie a commencé à se fracturer selon des clivages nationaux. Milosevic, qui, en tant que dirigeant de la banque centrale, avait engagé des «réformes de marché», a lancé sa carrière politique en faisant appel au chauvinisme de «la grande Serbie» notamment contre les Albanais du Kosovo. En cela, il personnifiait le lien entre la restauration capitaliste et le nationalisme. Mais Milosevic n’était pas seul de ce point de vue. Son homologue croate, Franjo Tudjman, idolâtre les fascistes oustachis de la Deuxième Guerre mondiale, fantoches des nazis allemands, et le dirigeant bosniaque Alija Izetbegovic est un nationaliste forcené et un réactionnaire islamiste. Les marxistes s’opposent au poison du nationalisme et combattent pour l’unité de classe des ouvriers de Serbie, de Croatie, de Slovénie, de Bosnie, de Macédoine, du Monténégro et du Kosovo pour le renversement de tous les régimes nationalistes sanguinaires de la région depuis Milosevic jusqu’à Tudjman. Pour une fédération socialiste des Balkans !

La crise terminale de la Yougoslavie titiste s’est produite au début de 1991, lorsque les régimes nationalistes réactionnaires fraîchement élus de Croatie et de Slovénie déclarèrent leur sécession de l’Etat fédéral. L’Allemagne intervint comme un rouleau compresseur pour forcer ses alliés européens à reconnaître leur indépendance. Les Etats-Unis ajoutèrent ensuite leur poids à l’Allemagne pour faire pencher la balance en faveur d’une Bosnie indépendante sous la direction des forces nationalistes musulmanes. En Croatie, les Etats-Unis et l’Allemagne fournirent au régime fascisant de Tudjman non seulement d’énormes quantités d’armes modernes mais aussi un entraînement et des conseillers militaires de haut niveau. Ceci permit, au milieu de 1995, à l’armée croate, avec l’aide d’attaques aériennes de l’OTAN, de mettre en déroute les forces armées serbes. Des centaines de milliers de civils serbes furent alors expulsés par les forces armées croates au cours de l’acte de «purification ethnique» le plus important de la guerre. En même temps, en Bosnie, les Etats-Unis finançaient et armaient secrètement des tueurs intégristes islamiques, dont les égorgeurs moudjahidin qui avaient combattu l’Armée rouge en Afghanistan.

Les euro-«socialistes»

La guerre est toujours un test déterminant pour les révolutionnaires. Trotsky a souligné que la position prolétarienne sur la guerre exigeait «une rupture véritable et complète avec l’opinion publique officielle sur la question extrêmement brûlante de la “défense de la patrie”». La pseudo-extrême gauche fournit la preuve, par la négative, de la justesse de la remarque de Trotsky. Ils reprennent, de concert avec les impérialistes, le cri de guerre du «pauvre petit Kosovo» tout en refusant de défendre la Serbie dont le droit même à l’existence nationale est attaqué par les puissances impérialistes. Malgré un vernis pacifiste d’opposition aux bombardements, ils marchent au pas derrière les buts de guerre de leurs propres impérialismes et des gouvernements sociaux-démocrates ou de front populaire qu’ils ont soutenus dans les élections. Quand ils disent : arrêt des bombardements de l’OTAN; traduisez : pour une intervention militaire terrestre dans les Balkans sous contrôle de l’Union européenne. Aujourd’hui, pour ces militants de gauche de la «mort du communisme» qui ont depuis longtemps perdu toute confiance dans les capacités révolutionnaires du prolétariat, ce sont les impérialistes sanguinaires – que ce soit sous le drapeau de l’ONU ou de l’Union européenne ou de l’OTAN – qui sont le moyen d’apporter «les droits de l’homme» aux peuples opprimés du monde !

Dans sa propagande soi-disant «anti-guerre», la «gauche» européenne fait ni plus ni moins fonction de porte-parole pour sa propre bourgeoisie impérialiste, dont les intérêts ne sont pas du tout les mêmes que ceux des impérialistes américains. «La collaboration avec l’OTAN dans la crise yougoslave n’est qu’un manteau qui cache de grandes divergences entre les Etats-Unis et leurs alliés européens», disait un ex-fonctionnaire de l’ONU au Chronicle de San Francisco. Le même article (15 avril 1999) citait une série de personnes, couvrant toute la gamme de la gauche à la droite, qui «considèrent que l’intervention au Kosovo est une tentative à peine déguisée d’imposer la volonté de Washington sur l’avenir de l’Europe». En France le Chronicle faisait remarquer que «les commentaires des journaux sont si opiniâtrement hostiles aux Etats-Unis qu’un lecteur pourrait bien imaginer que Paris est en guerre non contre l’armée yougoslave mais contre le Pentagone». Quant à l’ex-chancelier allemand Helmut Schmidt, il s’est plaint d’être «tenu en laisse par les Américains».

Ainsi la «gauche» agit en éclaireur pour sa propre bourgeoisie : son «anti-américanisme» est un substitut bon marché et un obstacle à l’internationalisme prolétarien anti-impérialiste. Les mots d’ordre avancés par la «gauche», qui nage dans le sens du courant de l’«opinion publique» bourgeoise, s’accordent avec ceux des fascistes patentés; par exemple, en Allemagne les nazis avancent le mot d’ordre «Pas de sang allemand pour des intérêts étrangers !»

Les moins subtils des faucons «de gauche» sont peut-être les ex-partis staliniens, comme par exemple le PC français qui est bien sûr dans le gouvernement. Dans un tract signé par le PCF et la Ligue communiste révolutionnaire (LCR) à Rouen dont le titre était «L’Europe et la France doivent participer à la construction de la paix», les signataires se plaignaient de ce que les bombardements de l’OTAN n’avaient pas viré Milosevic : «Milosevic reste ! Les Albanais sont chassés ou massacrés ! Tels sont les premiers résultats de cette aventure militaire. La paix dans la région suppose au contraire un soutien actif et déterminé aux faibles forces sociales et démocratiques qui luttent contre les dictatures nationalistes et pour les droits des minorités ethniques.»

La LCR pseudo-trotskyste, section française du Secrétariat unifié (SU), bat les tambours de la guerre de façon plus explicite dans sa propre presse. La LCR a appelé ouvertement à l’intervention militaire impérialiste au Kosovo sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) – un bloc militaire dominé par l’Europe – ou celle des Nations Unies. Dans son numéro du 1er avril 1999, Rouge déclarait :

«L’OTAN n’était pas le seul ni surtout le meilleur point d’appui d’un accord. On pouvait trouver les conditions d’une police multinationale (notamment composée de Serbes et d’Albanais) dans le cadre de l’OSCE pour appliquer un accord transitoire.»

La semaine suivante une déclaration de Rouge prônait un accord avec la Serbie où l’ordre serait maintenu par «une force multinationale sous le contrôle de l’ONU». L’ONU – cette véritable caverne de brigands et leurs victimes – est l’instrument du militarisme impérialiste, depuis la guerre de 1950-1953 contre l’Etat ouvrier déformé de Corée du Nord jusqu’au massacre de dizaines de milliers d’Irakiens pendant la guerre du Golfe de 1991.

Le SU d’Alain Krivine se fait le porte-parole de l’impérialisme français et s’oppose à l’intervention de l’OTAN, dominée par les USA, pour réclamer l’envoi d’un corps expéditionnaire impérialiste européen dans les Balkans. Rifondazione Comunista (RC) en Italie et le PDS en Allemagne (ainsi que certains membres du SPD tels que l’ancien secrétaire général Oskar Lafontaine) donnent à peu près dans le même genre d’anti-américanisme nationaliste. Le gouvernement américain est certes la puissance militaire impérialiste numéro un, mais essayer de faire croire que les Etats impérialistes européens ont de meilleures intentions que les USA n’est que du social-patriotisme méprisable. Faut-il supposer que la bourgeoisie allemande d’Auschwitz est moralement meilleure que son homologue américaine ? Et la sale histoire du colonialisme français en Algérie et en Indochine alors ? Ou celle de l’empire britannique qui a pillé et assassiné en Irlande, en Inde, en Afrique et au Moyen-Orient ? Quant à la bourgeoisie italienne, c’est elle qui a inventé les camps de concentration en Libye, qui a été la première à utiliser les gaz toxiques contre la population éthiopienne et qui a perpétré d’innombrables actes de sauvagerie dans les Balkans pendant la Deuxième Guerre mondiale.

L’organisation française pseudo-trotskyste Lutte ouvrière (LO) a la réputation méritée de capituler devant les préjugés arriérés de la classe ouvrière en tournant le dos aux oppressions spécifiques, que ce soit l’oppression des femmes, l’homophobie, le racisme ou la question nationale en France, où tout comme le reste de la pseudo-extrême gauche elle refuse le droit à l’autodétermination des Basques en France. Pourtant LO s’est soudain faite le champion du droit à l’autodétermination du peuple kosovar. Dans son numéro du 9 avril 1999, Lutte ouvrière écrit : «Si le gouvernement français, comme les autres gouvernements occidentaux, aidait réellement les Kosovars, cela se saurait et l’on verrait alors autre chose que ces interminables files de réfugiés épuisés que la télévision nous montre.» LO a beau prétendre s’opposer aux attaques de l’OTAN, la logique de cette position c’est que les impérialistes devraient intervenir de façon plus décisive et vraiment écraser les Serbes. En présentant Milosevic – plutôt que les impérialistes – comme l’ennemi principal dans ce conflit, LO joue les couvertures de gauche de sa bourgeoisie.

Dans la même veine, la minuscule Tendance bolchévique internationale (IBT), qui se moque de l’indépendance du Québec et qui est en général connue pour son indifférence aux droits des peuples opprimés, comme les catholiques en Irlande du Nord, réclame aujourd’hui à cor et à cri l’«indépendance du Kosovo» – apparemment ils ne défendent l’indépendance que pour ceux qui ont un parrainage impérialiste.

En Italie, Rifondazione prêche la confiance dans les Nations Unies et appelle à une conférence des puissances européennes capitalistes pour résoudre la crise des Balkans. RC se vautre dans l’anti-américanisme pour justifier son soutien à sa propre bourgeoisie. L’appel de RC à fermer les bases aériennes de l’OTAN en Italie est soulevé du point de vue du nationalisme italien et dans l’intérêt d’une Europe capitaliste plus forte dirigée contre ses rivaux impérialistes (comme les Etats-Unis). Nous, trotskystes, ce n’est pas à l’Etat bourgeois que nous faisons appel, mais au contraire au prolétariat italien pour des actions ouvrières contre les bases des Etats-Unis et de l’OTAN, à partir desquelles cette guerre meurtrière est lancée contre les intérêts de tous les ouvriers qu’ils soient serbes, italiens, albanais ou américains. Nous disons : Ecrasons l’alliance contre-révolutionnaire de l’OTAN par la révolution ouvrière !

Proposta, la flasque opposition «de gauche» dans RC, a publié le 10 avril 1999 un supplément de quatre pages qui n’appelle à aucun moment au retrait immédiat des troupes italiennes des Balkans. Proposta a soutenu le gouvernement bourgeois précédent de l’«Olivier» et de RC qui a envahi l’Albanie.

Le social-chauvinisme c’est la défense des «intérêts nationaux», c’est-à-dire demander à la classe ouvrière de s’identifier aux buts impérialistes de la classe capitaliste au pouvoir. Cela signifie l’abandon explicite de la lutte de classe par les réformistes et les dirigeants syndicaux pro-capitalistes. Les bureaucrates italiens de la CGIL-CISL-UIL ont ainsi mis fin à une grève des chemins de fer aussitôt que la guerre a éclaté. Les ouvriers serbes ne sont pas l’ennemi des cheminots italiens ! L’ennemi c’est la bourgeoisie italienne !

Comme Lénine l’affirmait : «Le contenu politique et idéologique de l’opportunisme est le même que celui du social-chauvinisme : remplacement de la lutte des classes par leur collaboration, renonciation aux moyens révolutionnaires de lutte, soutien de “son” gouvernement en difficultés au lieu d’une utilisation de ces difficultés pour la révolution.» Les dirigeants réformistes des syndicats sont achetés avec les miettes du profit impérialiste. En France, les syndicats reçoivent plus de revenus de l’Etat et des capitalistes que de leurs propres membres. Les groupes de la pseudo-extrême gauche comme LO et la LCR reproduisent cette corruption politique en se faisant eux-mêmes subventionner par l’Etat bourgeois. Mais celui qui paie la facture choisit la politique ! Nous luttons pour une complète indépendance des syndicats par rapport à l’Etat capitaliste !

Sous l’impact d’une guerre importante en Europe dans laquelle les puissances impérialistes sont impliquées, des «révolutionnaires» et des «anti-impérialistes» d’antan vont aujourd’hui jusqu’à participer à des manifestations pro-impérialistes pour la guerre. Les centristes de Workers Power (WP) se sont joints le 10 avril 1999 à l’Alliance for Workers Liberty, profondément pro-travailliste, dans une manifestation de «Workers Aid for Kosova» [Secours ouvrier pour le Kosova] à Londres dans laquelle les drapeaux de l’OTAN et de l’Albanie flottaient partout et où l’on pouvait voir des panneaux disant «OTAN bonne chance» et «OTAN maintenant ou jamais». «Workers Aid for Kosova» prend pour modèle «Workers Aid for Bosnia» créé en 1993 qui, sous prétexte de fournir une aide humanitaire aux ouvriers de Bosnie, prônait le soutien au gouvernement musulman bosniaque et travaillait main dans la main avec les troupes des Nations Unies dans la guerre fratricide entre Serbes, Croates et Musulmans. Il a ainsi servi à préparer le terrain pour une intervention militaire impérialiste directe contre les Serbes de Bosnie.

Dans une déclaration distribuée à une réunion publique du 30 mars 1999, l’internationale de WP, la Ligue pour une Internationale communiste révolutionnaire (LICR), a prétendu défendre les Serbes contre l’attaque de l’OTAN «sauf au Kosova qu’ils n’ont pas le droit d’occuper» ! En même temps, WP demande aux séparatistes albanais de «tirer entièrement parti d’un point de vue militaire du bombardement impérialiste pour chasser les forces “yougoslaves”», en ajoutant «si la première préoccupation [de Clinton et Blair] était le sort des Kosovars ils reconnaîtraient leur Etat et donneraient des armes à l’Armée de libération du Kosovo pour chasser les troupes serbes». C’est un appel sans fard aux impérialistes de l’OTAN.

En fait Workers Power soutient toutes les forces réactionnaires dans les Balkans (y compris en Serbie) du moment qu’elles s’opposent à l’ennemi principal actuel des impérialistes, Milosevic. Ainsi, en juin 1991, quand le Quatrième Reich allemand était en train de manigancer la destruction de l’Etat ouvrier déformé yougoslave, il a appelé à la reconnaissance immédiate des déclarations d’indépendance slovène et croate qui étaient pour la restauration du capitalisme. Un an plus tard, ArbeiterInnenstandpunkt, affilié à WP en Autriche, se trouvait dans un «front unique» avec la branche locale de l’organisation de Vuk Draskovic, la Renaissance nationale serbe, une organisation de monarchistes et de tchetniks grands-serbes, à l’époque en opposition à Milosevic. Durant les frappes aériennes de l’OTAN contre la Serbie en 1995, WP a refusé de défendre, ne serait-ce que sur le papier, les Serbes de Bosnie contre les impérialistes.

Cela ne saurait être plus clair : les organisations de la pseudo-extrême gauche sont social-chauvines; le fond de leur ligne c’est de soutenir les buts de guerre impérialistes dans les Balkans, malgré toutes leurs contorsions théoriques pour essayer de concilier leur opposition en paroles à l’OTAN avec leur soutien à l’Armée de libération du Kosovo (UCK) séparatiste, qui est maintenant simplement un fantoche de l’OTAN. Lénine a polémiqué contre les sociaux-chauvins de son époque et contre Karl Kautsky, l’un des principaux dirigeants du SPD allemand qui durant la première guerre interimpérialiste, a fait preuve de «loyauté au marxisme en paroles» et de «subordination à l’opportunisme en actes». Lénine écrivait : «Kautsky “concilie” la pensée fondamentale du social-chauvinisme, l’acceptation de la défense de la patrie dans la guerre actuelle, avec des concessions diplomatiques et ostentatoires aux gauches, telles que l’abstention lors du vote des crédits, la prise de position verbale en faveur de l’opposition, etc.» (Lénine, le Socialisme et la guerre, 1915). Mais les «gauches» d’aujourd’hui comme Workers Power sont en fait loin à droite de Karl Kautsky.

Il a fallu qu’éclate une guerre impérialiste mondiale, la Première Guerre mondiale, et une orgie de chauvinisme pour que s’effondre la Deuxième Internationale et pour que les «socialistes» de l’époque envoient la classe ouvrière au massacre. Aujourd’hui lorsque les premières bombes sont tombées sur les peuples des Balkans, la pseudo-gauche était déjà prostrée devant son propre impérialisme. Lors de la Première Guerre mondiale, Lénine appelait les ouvriers à transformer la guerre interimpérialiste en une guerre civile dans tous les pays belligérants et exigeait que les socialistes authentiques scissionnent de la Deuxième Internationale.

La prosternation idéologique de la pseudo-extrême gauche devant l’impérialisme reflète ses nombreuses années de soutien à l’impérialisme occidental contre l’Union soviétique au nom de la «démocratie» et des «droits de l’homme». Tant que l’Union soviétique et les Etats ouvriers déformés d’Europe de l’Est existaient, nous, en tant que trotskystes, appelions à leur défense militaire inconditionnelle contre l’impérialisme et la contre-révolution interne. Nous nous sommes battus pour une révolution politique prolétarienne pour chasser les bureaucraties staliniennes nationalistes. Par contre, la pseudo-extrême gauche a soutenu toutes sortes de forces pro-capitalistes au nom de l’«antistalinisme». En Grande-Bretagne, l’organisation «capitaliste d’Etat» de Tony Cliff, le Socialist Workers Party (SWP – Parti socialiste ouvrier) et ses satellites, ainsi que les pseudo-trotskystes, tels le SU et Workers Power (ce dernier avec quelques contradictions) se sont tous opposés à l’intervention de l’Armée rouge en Afghanistan, le dernier acte objectivement progressiste de la bureaucratie du Kremlin. Au début des années 1980, ils ont soutenu ensemble et avec ferveur Solidarnosc qui était parrainé par la CIA et le Vatican, et qui était aux avant-postes de la campagne pour la restauration capitaliste en Europe de l’Est. Une dizaine d’années plus tard, tous ces groupes ont applaudi quand Eltsine et ses «démocrates» pro-impérialistes ont lancé la contre-révolution qui allait détruire l’Union soviétique.

Le SWP, qui s’est réjoui lorsque le New Labour a été élu, est à la traîne du travailliste «de gauche» Tony Benn; il dit : «Tony Benn s’est opposé à la guerre des Malouines, à la guerre du Golfe, et à cette guerre» (brochure du SWP «Stop the War» [«Arrêtez la guerre»], avril 1999). Tony Benn est un nationaliste de la «petite Angleterre» qui a appelé à des sanctions de l’ONU pendant la guerre du Golfe et qui aujourd’hui se plaint du fait que les bombardements n’ont pas reçu l’autorisation de l’ONU. De son côté, la presse du Socialist Party (ex-«Militant») appelle à l’«action ouvrière pour renverser Milosevic» (Socialist, 16 avril 1999), alors que, inutile de le dire, elle n’appelle jamais les ouvriers britanniques à renverser le capitalisme britannique.

Le Socialist Labour Party (SLP), dirigé par Arthur Scargill, dirigeant des mineurs, ne fait pas partie de ceux qui, en Grande-Bretagne, s’indignent sur le «pauvre petit Kosovo». Un communiqué de presse du SLP, le 24 mars 1999, citant Scargill, qualifiait carrément le premier ministre travailliste Tony Blair d’assassin. Il soulignait l’hypocrisie des impérialistes, notant que «la Grande-Bretagne occupe toujours une partie de l’Irlande». Cependant, Scargill déclarait que les bombardements se font «sans même la feuille de vigne d’une résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies» ce qui dénote une certaine confiance dans cette institution des impérialistes. Une déclaration, plus à gauche, de la fédération du SLP à Normanton avait pour titre : «Défense de la Yougoslavie et de l’Irak – Combattons l’impérialisme». La déclaration qualifiait correctement le New Labour Party de Blair d’«antiouvrier, pro-impérialiste» et expliquait : «Nous croyons fermement au principe du droit des nations à l’autodétermination, et dans le cas de la Yougoslavie cela signifie le droit d’une nation souveraine à résoudre ses propres problèmes.» Cependant, ni l’une ni l’autre des deux déclarations du SLP ne critiquent le virulent chauvinisme serbe de Milosevic.

Pourtant, dans le numéro d’avril-mai 1999 de son journal Socialist News, le SLP ne parle pas de défaite de l’impérialisme, il fait un appel voilé à une intervention terrestre («Ni Clinton ni Blair n’ont l’intention d’envoyer leurs soldats au Kosovo du côté de l’Armée de libération kosovar») et déclare que «le secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan, le premier ministre russe Evgueni Primakov et le Pape doivent mettre au point une négociation de paix qui stopperait les bombardements» ! Tu parles d’une sainte-alliance ! Le Pape qui a joué un rôle clé dans la contre-révolution de Solidarnosc en Pologne; le chef de l’ONU qui a envahi Haïti et la Somalie et qui est en train d’affamer l’Irak; et le premier ministre de la Russie capitaliste «post-soviétique» ! Et maintenant le SLP les implore de nous apporter la paix ! Le gouvernement Thatcher s’est servi de l’opposition de Scargill à Solidarnosc, le «syndicat» du Vatican, pour l’attaquer et essayer de casser le syndicat des mineurs britanniques, avant et pendant la grève des mineurs de 1984-1985.

Les militants du SLP qui veulent s’opposer à l’impérialisme britannique doivent comprendre que la tradition politique «travailliste à l’ancienne mode» à laquelle le SLP aime toujours revenir n’a rien d’anti-impérialiste. La «gauche» dans le Parti travailliste d’avant Blair était constituée de nationalistes «de la petite Angleterre» qui ont pris le côté de leur propre impérialisme, que ce soit sur l’Inde ou l’Irlande, ou sur la question des «tests de virginité» imposés aux femmes asiatiques cherchant à entrer en Grande-Bretagne. La ligne du travaillisme c’est la soi-disant voie parlementaire vers le socialisme – comme si la bourgeoisie allait remettre le pouvoir d’Etat au prolétariat après une élection démocratique; en attendant, ils cherchent à participer à la gestion «humaine» du système capitaliste. On ne peut pas lutter contre la guerre impérialiste sans un combat révolutionnaire contre le système capitaliste qui engendre la guerre.

La classe ouvrière doit lutter contre l’oppression nationale et raciale

Avec Lénine et Trotsky, les bolchéviks ont dirigé les masses ouvrières russes qui ont victorieusement écrasé l’Etat capitaliste en Octobre 1917. Les bolchéviks ont sorti la Russie révolutionnaire du carnage impérialiste et fondé l’Internationale communiste dans l’objectif d’étendre la révolution au monde entier.

Mais, en Europe de l’Ouest, contrairement à la Russie, les immenses possibilités révolutionnaires qu’offrait la situation créée par la Première Guerre mondiale n’ont pas conduit au renversement de la bourgeoisie par le prolétariat. La responsabilité principale en incombe à la social-démocratie. Ces hyènes sanguinaires de la contre-révolution ont bien servi leurs maîtres bourgeois et massacré les révolutionnaires tels que les communistes allemands Karl Liebknecht et Rosa Luxemburg. La pression de l’encerclement impérialiste sur l’Etat ouvrier soviétique économiquement arriéré, la dévastation de la classe ouvrière russe dans la guerre civile qui a écrasé les forces contre-révolutionnaires russes et impérialistes, ainsi que l’échec de la révolution prolétarienne à l’extérieur, ont créé une situation favorable à une contre-révolution politique en 1924 (Thermidor), dans laquelle le pouvoir politique a été usurpé par une caste parasitaire nationaliste, dirigée par Staline et ses héritiers. Leur dogme fallacieux de «construction du socialisme dans un seul pays» signifiait en pratique une accommodation à l’impérialisme. Le programme stalinien de collaboration de classes a conduit à la défaite de révolutions ouvrières naissantes, comme en Chine en 1925-1927, en Espagne en 1936-1939, en Italie en 1943-1945 ou en France en mai 1968. Ayant détruit la conscience internationaliste révolutionnaire du prolétariat soviétique, la bureaucratie stalinienne a finalement dévoré l’Etat ouvrier et ouvert la voie à la contre-révolution capitaliste de 1991-1992.

Le président impérialiste américain Jimmy Carter a mené la deuxième guerre froide au nom des «droits de l’homme». Aujourd’hui, les impérialistes et leurs larbins se servent des «droits de l’homme» pour justifier leurs buts de guerre. Pendant la Première Guerre mondiale, c’est au nom de la libération de la Belgique que la Grande-Bretagne et la France ont justifié leur guerre contre l’Allemagne tandis que l’Allemagne prétendait lutter pour libérer la Pologne de la Russie. Lénine a ridiculisé cette duperie bourgeoise avec férocité. Bien que soutenant fermement le droit de la Pologne à l’autodétermination, il argumentait qu’avancer ce mot d’ordre dans le contexte d’une guerre interimpérialiste ne pouvait que signifier «tomber [...] dans une plate servilité à l’égard d’une des monarchies impérialistes» («Bilan d’une discussion sur le droit des nations à disposer d’elles-mêmes», juillet 1916).

La bourgeoisie, qui aujourd’hui verse des larmes de crocodile pour «le pauvre petit Kosovo», perpétue pourtant de nombreux cas d’oppression nationale et raciale, y compris en Europe de l’Ouest. La bourgeoisie française opprime les Maghrébins et autres sans-papiers et les expulse par milliers de «la belle France». L’Allemagne déporte des Kurdes voués à une répression certaine et peut-être même à la mort en Turquie. Les réfugiés bosniaques ont eux aussi été victimes de déportations en masse par le Quatrième Reich. L’Italie a fait couler un bateau de réfugiés albanais en haute mer. Les peuples roma et sinti sont horriblement persécutés dans toute l’Europe «socialiste».

La répression du peuple basque révèle la véritable signification de l’«unité européenne» capitaliste : c’est la coordination transnationale de la terreur d’Etat policier contre les peuples opprimés luttant pour leur libération. Nous exigeons la liberté pour les nationalistes basques qui sont dans les prisons françaises et espagnoles, et appelons au droit à l’autodétermination des Basques, au nord aussi bien qu’au sud des Pyrénées !

La LCI lutte pour le retrait immédiat et inconditionnel des troupes britanniques d’Irlande du Nord, dans le cadre de la lutte pour une république ouvrière irlandaise dans une fédération socialiste des îles britanniques. Dans cette situation de peuples interpénétrés, dans laquelle c’est actuellement la minorité catholique qui est opprimée dans le petit Etat orangiste protestant, nous reconnaissons qu’il n’y a pas de solution équitable à l’oppression nationale à moins que le prolétariat ne se mobilise dans toutes les îles britanniques, pour le renversement révolutionnaire de l’impérialisme britannique et la destruction tant de l’Etat orangiste que de l’Etat clérical catholique du Sud.

Les impérialistes, qui poussent les hauts cris sur Milosevic, font pourtant le silence sur l’oppression des Kurdes en Turquie, qui sont aussi victimes de transferts de population forcés et massifs. Le gouvernement de Turquie, le bastion de l’OTAN au Sud-Est, mène depuis 14 ans une guerre contre la population opprimée kurde qui a fait 30000 morts, a totalement détruit 3500 villages et a forcé plus de trois millions de Kurdes à fuir. Il est à remarquer que c’est la CIA qui a pourchassé Abdullah Öcalan, le dirigeant du Parti ouvrier du Kurdistan (PKK) nationaliste petit-bourgeois. Par ailleurs, tous les pays européens lui ont refusé l’asile politique, et le PKK est interdit en Allemagne. Nous disons : Liberté pour Öcalan ! A bas la persécution des militants kurdes ! Pour une république socialiste du Kurdistan unifié !

Dans les pays d’Europe, le nationalisme bourgeois prend la forme d’une intensification aiguë du racisme contre les communautés à la peau foncée et les immigrés d’Europe de l’Est, qui doivent subir les expulsions en masse, la violence de l’Etat et celle des fascistes. On se débarrasse des immigrés dont on n’a plus besoin comme «ouvriers invités» [Gastarbeiter] pour faire un sale boulot mal payé alors que les jeunes de la deuxième génération en particulier sont regardés avec mépris par la bourgeoisie : ces jeunes sans emploi et sans avenir, la bourgeoisie les craint comme une matière inflammable prête à exploser. Dans toute l’Europe, les régimes capitalistes gouvernés par de soi-disant «socialistes» déchaînent leurs flics pour terroriser les jeunes des minorités et, dans la Grande-Bretagne de Blair, l’oppression des Noirs et des Asiatiques est devenue tellement embarrassante que le gouvernement a été forcé de reconnaître qu’il y a un «racisme institutionnalisé» dans la police.

L’oppression raciste est intégralement liée au mécanisme de l’exploitation capitaliste. Des régimes sociaux-démocrates et des gouvernements de front populaire (coalitions qui lient les partis ouvriers à la bourgeoisie dans le gouvernement) ont été mis en place depuis l’effondrement de l’URSS, avec pour but explicite de détruire «l’Etat-providence». Les capitalistes au pouvoir ne se sentent plus obligés de maintenir un niveau de vie élevé pour les ouvriers occidentaux comme lorsqu’ils devaient concurrencer les avantages sociaux des économies planifiées des Etats ouvriers déformés d’Europe de l’Est résultant de la victoire de l’Armée rouge dans la Deuxième Guerre mondiale. Pour la bourgeoisie qui cherche à augmenter le taux d’exploitation, les immigrés ne sont pas simplement la cible d’expulsions, ils servent aussi de boucs émissaires bien commodes pour le chômage et la misère grandissante. Le racisme anti-immigrés est le fer de lance des attaques contre toute la classe ouvrière. La cause de la classe ouvrière et celle des minorités doivent avancer la main dans la main ou bien chacune de leur côté, elles reculeront. Le mouvement ouvrier doit lutter pour les pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés et ceux qui fuient la répression réactionnaire.

En plus de l’intensification de la guerre des bourgeoisies contre leurs propres masses ouvrières, l’anéantissement final de la révolution d’Octobre a renforcé la réaction sociale et, comme toujours, les femmes sont parmi les cibles principales. La contre-révolution capitaliste dans l’ex-Union soviétique et en Europe de l’Est a paupérisé les femmes, les a chassées de leur emploi et les a renvoyées à la tyrannie du «Kinder, Kirche, Küche» [enfants, église, cuisine]. Dans toute l’Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord, le droit à l’avortement est systématiquement remis en cause tandis que, dans ce qu’on appelle le «tiers-monde» (mais pas simplement là), les forces religieuses intégristes se déchaînent dans une terreur anti-femmes, cherchant à renforcer tout obstacle familial et social à l’émancipation des femmes.

La pseudo-extrême gauche répand l’illusion que mettre les sociaux-démocrates au pouvoir est un moyen de «battre la droite» et les fascistes. C’est un mensonge pur et simple. Ces gouvernements capitalistes persécutent sans relâche les immigrés tout en protégeant les gangs fascistes qui répandent leur terreur meurtrière. Faire appel à l’Etat bourgeois raciste pour interdire les fascistes c’est simplement suicidaire; cela renforce l’arsenal de la répression d’Etat qui sera invariablement utilisé contre la gauche, et non pas contre la droite. Nous luttons pour mobiliser la puissance sociale du prolétariat organisé à la tête de tous les opprimés afin d’écraser les provocations fascistes !

En Europe de l’Ouest, les prolétaires à la peau foncée ne sont pas juste des victimes sans défense; ils constituent une composante importante des bataillons de la classe ouvrière capables de détruire le système capitaliste raciste. Mais pour mobiliser le pouvoir du prolétariat multiethnique, il est indispensable de lutter politiquement contre les directions social-démocrates parlementaires et syndicales. Celles-ci sont en effet une courroie de transmission du poison raciste vers la classe ouvrière et leur politique pro-capitaliste perpétue tout simplement les conditions qui favorisent la paupérisation et le désespoir des masses qui servent de bouillon de culture aux fascistes. Ce n’est que si l’on s’engage activement dans les luttes sociales urgentes contre l’oppression raciale et la répression raciste, que l’on peut jeter les bases nécessaires à l’unité du prolétariat multiethnique contre la bourgeoisie. Mais les «dirigeants» ouvriers poursuivent la politique inverse, par exemple en intégrant les flics racistes dans les syndicats. Les flics ne sont pas des ouvriers ! Nous exigeons : Flics hors des syndicats !

Pour écraser une fois pour toutes les fascistes – ces bandes armées que le capital garde en réserve pour les utiliser contre la classe ouvrière – il faut une révolution socialiste. Mais la pseudo-extrême gauche, qui politiquement est à la traîne des partis ouvriers-bourgeois sociaux-démocrates de plus grande taille, est totalement incapable d’un assaut frontal contre le système capitaliste. Il est instructif que la plate-forme électorale du bloc LO-LCR dans les élections parlementaires européennes ne mentionne jamais le «socialisme», sans même parler de «révolution». Pour ces réformistes timides, le programme maximum consiste à revenir au bon vieux temps de l’«Etat-providence» – le programme de la social-démocratie ! On peut mesurer à quel point la conscience du prolétariat a été ramenée en arrière depuis la destruction de l’URSS quand on voit que la plupart de ceux qui dans le passé prétendaient être pour la Quatrième Internationale fondée par Léon Trotsky et détruite par le révisionnisme, sont devenus ouvertement les porte-parole de la politique de la Deuxième Internationale, que l’héroïque Rosa Luxemburg décrivait déjà avec justesse comme un «cadavre puant» au moment de la Première Guerre mondiale ! A la nette différence de ces pseudo-trotskystes, qui acquiescent ouvertement à la domination du capital, nous luttons pour de nouvelles révolutions d’Octobre, ce qui requiert de reforger la Quatrième Internationale comme le parti mondial de la révolution socialiste !

A bas Maastricht ! Pour une Europe ouvrière !

L’Union européenne, qui était précédemment un appendice diplomatique à l’alliance antisoviétique de l’OTAN, est aujourd’hui un auxiliaire instable au service des priorités économiques, militaires et politiques des capitalistes européens, qui est dirigé contre les travailleurs d’Europe, les immigrés non-européens ainsi que contre les principaux rivaux impérialistes de l’Allemagne, les USA et le Japon. L’Union européenne, dont l’Allemagne est la composante la plus forte, est aussi l’arène dans laquelle s’expriment les intérêts fondamentalement conflictuels des principaux Etats bourgeois européens.

Parce que le capitalisme est organisé sur la base d’Etats-nations particuliers, en soi la cause des guerres impérialistes répétées pour rediviser le monde, il est impossible de mettre sur pied un Etat bourgeois pan-européen stable. La perspective d’un «super-Etat» européen progressiste telle que prônée par Jospin, Schröder et Cie n’est qu’un leurre. Comme Lénine l’a noté il y a longtemps, des Etats-Unis capitalistes d’Europe, c’est soit impossible, soit réactionnaire :

«Certes, des ententes provisoires sont possibles entre capitalistes et entre puissances. En ce sens, les Etats-Unis d’Europe sont également possibles, comme une entente entre capitalistes européens [...] dans quel but ? Dans le seul but d’étouffer en commun le socialisme en Europe, de protéger en commun les colonies accaparées contre le Japon et l’Amérique.»

– «A propos du mot d’ordre des Etats-Unis d’Europe», août 1915

A l’opposé, Workers Power soutient vraiment que l’Union européenne est progressiste, du moins potentiellement; ils argumentent que «jusqu’à un certain point les ouvriers européens seront mieux armés pour contre-attaquer à l’échelle d’un continent après la mise en application des accords de Maastricht» (Workers Power, juin 1992). Ainsi, WP se fait le porte-parole de l’Europe capitaliste «unie». Comme Trotsky l’écrivait à propos des centristes de son temps : «Mais c’est une loi que quiconque a peur de rompre avec des social-patriotes deviendra inéluctablement leur agent» («Leçons d’Octobre», 4 novembre 1935). Dans une parodie de crétinisme parlementaire, WP appelle même à une assemblée constituante européenne !

LO, de même, avait une position abstentionniste sur Maastricht. En réalité, ces groupes se comportent comme des démocrates de gauche, en cherchant à donner un visage «démocratique» à la réaction capitaliste. Nous, nous sommes avec Lénine. L’«unité» de l’Union européenne est dirigée contre le prolétariat et les opprimés : c’est l’unité pour bombarder la Yougoslavie, assurer les contrôles aux frontières contre les immigrés «clandestins», livrer Öcalan aux chambres de torture de la Turquie.

Dans une déclaration pour les élections européennes, le SLP de Scargill appelle à ce que la Grande-Bretagne sorte de l’Union européenne. Sous le titre «Faites-nous entrer pour qu’on en sorte», la déclaration présente l’Union européenne et le traité de Maastricht comme la cause de l’augmentation du chômage et de la dégradation générale des conditions économiques. Ceci camoufle le fait que, avec ou sans traité de Maastricht, l’ennemi principal des travailleurs de chaque pays c’est «leur» propre bourgeoisie. La Grande-Bretagne de Thatcher fut la première à démanteler l’«Etat-providence» bien des années avant qu’il y ait une quelconque discussion sérieuse sur une monnaie européenne commune. Notre opposition à l’Union européenne est basée sur une perspective internationaliste prolétarienne, et non pas sur le protectionnisme nationaliste du SLP. Seul le renversement du capitalisme par la révolution ouvrière et la mise en place des Etats-Unis socialistes d’Europe, partie intégrante d’une société socialiste mondiale, peuvent jeter les bases du développement des forces productives qui bénéficieront réellement à l’humanité.

Reforgeons la Quatrième Internationale !

Fortement affectée par l’effondrement économique de l’Asie, l’économie japonaise connaît sa crise la plus importante depuis 50 ans. L’impérialisme japonais, pour sa part, réagit par une tentative agressive de remettre à neuf le militarisme bourgeois. Au moment où les USA et leurs alliés de l’OTAN commençaient à déverser leurs missiles de croisière et leurs bombes sur la Serbie, la flotte japonaise tirait sur deux vaisseaux suspectés d’être des navires espions nord-coréens. C’était seulement la deuxième fois depuis la fin de la guerre que la flotte utilisait ses armes, l’autre fois étant en 1953 contre l’URSS au large d’Hokkaïdo.

Une déclaration du Groupe spartaciste du Japon (SGJ) notait :

«Bien qu’elle soutienne le massacre des Serbes par les USA et l’OTAN, la bourgeoisie japonaise est pleinement consciente que le rôle de gendarme en chef du monde que joue l’impérialisme américain est aussi dirigé contre elle, le principal rival impérialiste des Etats-Unis dans le Pacifique. Depuis la destruction de l’Union soviétique, le traité de sécurité américano-japonais correspond de moins en moins aux véritables intérêts de la bourgeoisie japonaise. L’impérialisme japonais, qui a déjà le deuxième budget militaire le plus élevé du monde, pousse à la révision des accords militaires pour préparer son armée de terre et sa marine au combat.»

Avançant le mot d’ordre : «Pas un homme, pas un yen pour l’armée impérialiste», le SGJ insistait que la lutte contre la guerre impérialiste ne peut être conduite séparément et en dehors de la lutte de classe :

«Les ouvriers japonais doivent se joindre à leurs frères, de l’Indonésie aux Philippines, dans la lutte pour une Asie socialiste, dans la défense militaire inconditionnelle de la Chine, de la Corée du Nord et du Vietnam contre une attaque impérialiste et pour la révolution politique prolétarienne. Nous avons besoin d’un parti prolétarien intransigeant pour conduire la classe ouvrière au pouvoir d’Etat.»

L’exacerbation des rivalités interimpérialistes qui se reflète dans la montée du militarisme bourgeois aux USA, en Europe et au Japon, exprime une loi fondamentale de l’impérialisme. L’impérialisme n’est pas une politique qui peut être rendue plus humanitaire, comme les libéraux et les réformistes le soutiennent, mais «le stade suprême du capitalisme», tel que Lénine l’a défini : «L’impérialisme est le capitalisme arrivé à un stade de développement où s’est affirmée la domination des monopoles et du capital financier, où l’exportation des capitaux a acquis une importance de premier plan, où le partage du monde a commencé entre les trusts internationaux et où s’est achevé le partage de tout le territoire du globe entre les plus grands pays capitalistes.»

Lénine polémiqua avec virulence contre la théorie de l’«ultra-impérialisme» de Kautsky, aujourd’hui ressuscitée sous le nom de «mondialisation» qui prétendait que les grandes puissances impérialistes pourraient se mettre d’accord pacifiquement pour l’exploitation en commun du monde par le capital financier internationalement uni. Lénine affirmait au contraire qu’«il est inconcevable en régime capitaliste que le partage des zones d’influence, des intérêts, des colonies, etc., repose sur autre chose que la force de ceux qui prennent part au partage, la force économique, financière, militaire, etc.» Les puissances impérialistes, peu nombreuses, sont engagées dans une lutte sans merci pour améliorer leur compétitivité relative en augmentant le taux d’exploitation de leur «propre» classe ouvrière, en pillant le monde colonial et semi-colonial et en s’accaparant les marchés aux dépens de leurs rivaux. Ainsi, ils préparent le terrain à de nouvelles guerres pour le repartage du monde selon la puissance relative changeante de chacun des impérialistes. Comme Lénine l’affirmait : «[...] Les alliances “interimpérialistes” ou “ultra-impérialistes” ne sont inévitablement, quelles que soient les formes de ces alliances, qu’il s’agisse d’une coalition impérialiste dressée contre une autre, ou d’une union générale embrassant toutes les puissances impérialistes, que des “trêves” entre des guerres» (Lénine, l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme).

L’opinion avancée par la soi-disant extrême gauche comme Workers Power par exemple, selon laquelle on peut construire un super-Etat capitaliste européen avec des moyens pacifiques, n’est qu’une variante dernier modèle de la théorie de Kautsky. Une autre variante, c’est la thèse selon laquelle l’existence d’armes nucléaires empêchera les impérialistes capitalistes – du moins les impérialistes «démocratiques» – d’avoir recours à une nouvelle guerre mondiale. Dans une polémique contre le Comité pour une internationale ouvrière de Peter Taaffe nous avons fait remarquer que cela démontrait une touchante confiance dans les impérialistes démocratiques, qui ont lâché gratuitement des bombes atomiques sur leur ennemi déjà vaincu à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. L’«extrême gauche» d’aujourd’hui, qui s’attend à de la rationalité et de la retenue de la part des dirigeants impérialistes, a la mémoire délibérément courte : les criminels qui ont rasé le Vietnam à coups de bombes n’ont pas grand-chose de rationnel, et ils ont encore moins des scrupules.

Il y a un aspect de sotte suffisance chez la bourgeoisie américaine quand elle présume que la faiblesse et l’endettement de la Russie l’empêcheront d’intervenir militairement. La Russie des tsars n’était guère puissante quand elle a choisi d’entrer en guerre contre l’Autriche (et donc contre l’Allemagne) pendant la Première Guerre mondiale. Aucun des combattants ne s’est livré à de quelconques calculs «rationnels»; ils s’attendaient tous à ce que la guerre ne dure que quelques courts mois. C’est comme ça que les guerres commencent et nos opposants centristes sont de ce point de vue aussi insensés que les bourgeoisies à la traîne desquelles ils sont. Ce n’est pas à un système rationnel que nous avons affaire mais à l’impérialisme. Seule la révolution socialiste mondiale peut sauver l’humanité d’une issue barbare.

Au lendemain de la prise du pouvoir par Hitler, Trotsky, le dirigeant révolutionnaire russe et fondateur de la Quatrième Internationale, écrivait : «La catastrophique crise commerciale, industrielle, agraire et financière, la rupture des liens économiques, le déclin des forces productives de l’humanité, l’insupportable aggravation des contradictions de classe et des contradictions nationales marquent le crépuscule du capitalisme et confirment pleinement la caractérisation de Lénine de notre époque comme celle des guerres et des révolutions.» Il concluait «La guerre et la Quatrième Internationale» (1934) en affirmant : «Il est en tout cas indiscutable qu’à notre époque seule l’organisation qui se fonde sur des principes internationaux et entre dans les rangs du parti mondial du prolétariat peut plonger ses racines dans le sol national. La lutte contre la guerre signifie maintenant la lutte pour la IVe Internationale !» Nous cherchons à poursuivre le travail commencé par le camarade Trotsky : Reforgeons la Quatrième Internationale ! 

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