Déclaration de la LCI pour la manifestation de Prague contre le FMI et la Banque Mondiale
Ecrasons l’exploitation impérialiste par la révolution ouvrière internationale !

Reproduit du Bolchévik no. 154, automne 2000

Nous publions ci-dessous une déclaration en date du 16 septembre de la Ligue communiste internationale, destinée aux manifestations de fin septembre à Prague contre le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale.

«Faire de Prague un nouveau Seattle» ? Si la contre-révolution capitaliste n’avait pas détruit l’Europe de l’Est et l’ex-Union soviétique il y a une dizaine d’années, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ne seraient pas en train de se réunir à Prague ! La «révolution de velours» a déchiré en deux la Tchécoslovaquie. Aujourd’hui la classe ouvrière, les femmes, les minorités nationales et ethniques sont brutalement exploitées et réduites à la misère par les ravages du marché capitaliste. Quant aux illusions de «liberté», ce sont aujourd’hui des forces de police spécialement entraînées par le FBI américain et soutenues par l’OTAN qui menacent d’imposer par la force «la loi et l’ordre» des banquiers impérialistes aux manifestations des ouvriers et des militants de gauche.

L’appel officiel à une «journée mondiale d’action» à Prague, malgré toutes ses prétentions à se préoccuper du sort des masses travailleuses, ne souffle mot du traitement de choc capitaliste qui a provoqué la chute spectaculaire de l’espérance de vie en Russie et y a ramené la misère et qui a repris aux femmes le droit à l’avortement dans toute l’Europe de l’Est et provoqué le développement de la vermine fasciste et de sa terreur meurtrière prenant particulièrement pour cible les immigrés et les tsiganes (Roms). L’an dernier, la guer-re des Balkans a causé en Serbie des ravages encore pires que ceux que les nazis d’Hitler lui avaient fait subir. Le désastre économique, social et écologique qui en a résulté dans les Balkans ne mérite apparement pas non plus mention dans le manifeste officiel pour Prague. Pourquoi cela ? Parce que les organisations se disant de gauche qui organisent la manifestation anti-«mondialisation» de cette année sont en gros celles-là mêmes qui ont soutenu la guerre impérialiste contre la Serbie sous prétexte de souci «humanitaire» pour le sort des Albanais du Kosovo. Ce sont aussi ces mêmes organisations «de gauche» qui se sont rangées du côté de leurs propres gouvernements capitalistes dans leur campagne pour détruire l’Union soviétique et les Etats ouvriers déformés d’Europe de l’Est et qui ont soutenu l’élection de la cabale d’assassins soi-disant «socialistes», ex-«communistes» et «travaillistes» qui gouvernent l’Europe capitaliste à l’heure actuelle.

Nous, les camarades de la Ligue communiste internationale (LCI), sommes fiers de lutter pour le communisme authentique des bolchéviks de Lénine et Trotsky. Notre perspective est prolétarienne, révolutionnaire et internationaliste. Nous pensons que le conflit fondamental dans la société, c’est la lutte du travail contre le capital. C’est le prolétariat, étant donné son rôle central dans la production, qui a la puissance sociale de renverser les exploiteurs capitalistes et tout le système de racisme, de sexisme, d’exploitation de classe, d’oppression nationale et de guerre impérialiste. Le prolétariat a tant le pouvoir que l’intérêt de classe permettant de créer une société – un Etat ouvrier au départ –, qui soit basée sur la propriété collectivisée et une économie planifiée rationnellement au niveau international, menant à une société communiste sans classes et à l’extinction de l’Etat. Pour atteindre ce but, il faut construire un parti léniniste-trotskyste égalitariste international. Nous luttons pour devenir le parti qui puisse diriger des révolutions socialistes internationalement.

Défendre les conquêtes prolétariennes qui ont déjà été arrachées à la classe capitaliste fait partie intégrale de ce combat. C’est pourquoi nous, trotskystes, nous sommes battus pour la défense militaire inconditionnelle de l’Union soviétique et des Etats ouvriers déformés d’Europe de l’Est contre l’impérialisme et la restauration capitaliste. En 1989-1990 en RDA, nous nous sommes battus avec tous les moyens à notre disposition pour diriger une révolution politique ouvrière maintenant les formes de propriété collectivisée et renversant le régime stalinien traître pour mettre au pouvoir les conseils ouvriers. Ceci aurait pu servir d’exemple pour la résistance contre la restauration capitaliste dans toute l’Europe de l’Est et pour la révolution socialiste prolétarienne à l’Ouest. La LCI s’est aussi battue pour que les ouvriers soviétiques se soulèvent afin de préserver et étendre les acquis de la Révolution russe de 1917 que le régime stalinien avait honteusement trahie durant des années mais qui ne fut renversée qu’en 1991-1992. Aujourd’hui ce qui est en jeu c’est le sort de l’Etat ouvrier déformé chinois et la vie de milliards de travailleurs en Chine, dans toute l’Asie et de par le monde. Nous luttons pour la défense militaire inconditionnelle de l’Etat ouvrier chinois contre le redoublement de machinations militaires et d’empiétements économiques de la part des impérialistes. Les acquis de la Révolution chinoise de 1949 sont menacés par les «réformes» économiques de marché des staliniens chinois, mais ces attaques provoquent aussi des révoltes ouvrières importantes. Il faut un parti trotskyste pour conduire le prolétariat à la victoire dans une révolution politique prolétarienne afin de préserver et d’étendre les acquis de la Révolution de 1949.

Les conséquences mondiales dévastatrices de la contre-révolution capitaliste ont aussi réglé leur compte aux théories antimarxistes de «capitalisme d’Etat», comme celles de la Tendance socialiste internationale de feu Tony Cliff et des «théoriciens» girouettes et cinglés de la Ligue pour une internationale communiste révolutionnaire (LICR, alias «Pouvoir ouvrier») et autres renégats du marxisme (cf. «La faillite des théories sur une ‘’nouvelle classe’’», Spartacist édition française n° 33, printemps 2000). D’après les cliffistes, le triomphe de la contre-révolution dans l’ex-URSS n’était qu’un simple «pas de côté», d’une forme de capitalisme à une autre. Leur antisoviétisme forcené de guerre froide s’était exprimé ainsi à l’époque : «Le communisme s’est effondré [...]. C’est un fait qui devrait réjouir tout socialiste» (Socialist Worker, 31 août 1991).

Aujourd’hui, au niveau mondial, le prolétariat a été rejeté en arrière ; les impérialistes américains, n’étant plus retenus par la puissance militaire soviétique, peuvent maintenant brutaliser la planète à leur guise, en utilisant quelquefois les Nations Unies comme feuille de vigne, déguisant leurs interventions militaires à travers le monde en «humanitarisme». Leurs rivaux impérialistes, en particulier l’Allemagne et le Japon, n’étant plus liés par l’unité antisoviétique de guerre froide, poursuivent à vive allure leurs propres ambitions de contrôle sur les marchés mondiaux et cherchent parallèlement à étendre leur puissance militaire. Ce sont des intérêts nationaux conflictuels qui ont conduit à la rupture des pourparlers de l’OMC à Seattle l’année dernière. Ces rivalités interimpérialistes tracent les contours de guerres à venir qui, étant donné l’existence d’armes nucléaires, menacent d’anéantir toute vie sur la planète.

La tâche d’arracher le pouvoir des mains des exploiteurs capitalistes est par conséquent plus urgente que jamais. Sans théorie révolutionnaire il ne peut pas y avoir de mouvement révolutionnaire. Aujourd’hui l’effondrement du stalinisme est à tort vu comme étant l’échec du communisme. Contre cela, il faut défendre les prémisses fondamentales du marxisme authentique. Le régime stalinien, ce n’était pas le communisme, mais son horrible perversion. La bureaucratie stalinienne, une caste parasitaire reposant sur l’Etat ouvrier comme la bureaucratie syndicale repose sur un syndicat, s’est développée dans l’Etat ouvrier soviétique à cause de la situation d’arriération et d’isolement économiques due au fait que la révolution n’avait pu s’étendre à aucun des pays capitalistes avancés. Les staliniens ont prétendu qu’ils allaient construire le «socialisme dans un seul pays», ce qui était impossible, comme Léon Trotsky l’a expliqué (et, avant lui, Marx et Engels) étant donné que le socialisme est nécessairement de portée internationale. Comme Trotsky l’a brillamment expliqué dans la Révolution trahie (1936), les contradictions de la société soviétique ne pouvaient pas durer éternellement : «Le fonctionnaire finira-t-il par dévorer l’Etat ouvrier ou la classe ouvrière réduira-t-elle le fonctionnaire à l’incapacité de nuire ?» Cette contradiction a été tristement résolue par la négative.

Marxisme contre anarchisme et «mondialisation»

Il y a parmi les gens qui se disent «anarchistes» toute une gamme de tendances. Cela va, à droite, de gangsters petits-bourgeois qui haïssent la classe ouvrière et qui attaquent les communistes jusqu’à des gens subjectivement révolutionnaires qui sont solidaires du prolétariat et qui cherchent réellement à renverser la bourgeoisie. Chez ces derniers, l’attrait de l’anarchisme provient d’une impulsion saine de rejet du réformisme parlementaire des sociaux-démocrates, des ex-staliniens et de la soi-disant «extrême gauche», qui soutiennent et sauvegardent l’ordre capitaliste. Lénine lui-même a d’ailleurs été accusé d’anarchisme parce qu’il s’opposait aux falsificateurs réformistes du marxisme. Quand ce dirigeant bolchévique arriva en Russie en avril 1917 et appela à une révolution ouvrière pour renverser le Gouvernement provisoire capitaliste, les menchéviks l’accusèrent d’être «un candidat au [...] trône de Bakounine !» (Soukhanov, The Russian Revolution, 1917 : A Personal Record [La Révolution russe : souvenirs personnels], 1984). (Bakounine était le dirigeant anarchiste de la Première Internationale.) Comme Lénine l’a écrit dans l’Etat et la révolution : «Les opportunistes de la social-démocratie contemporaine ont accepté les formes politiques bourgeoises de l’Etat démocratique parlementaire comme une limite que l’on ne saurait franchir et ils se sont fendu le front à se prosterner devant ce ‘’modèle’’, en taxant d’anarchisme toute tentative de briser ces formes.»

Il n’est pas surprenant que l’on assiste à une sorte de renaissance des positions anarchistes, fertilisées par le triomphalisme de la bourgeoisie qui proclame partout que «le communisme est mort». La Révolution russe avait redéfini la gauche à l’échelle mondiale, et sa destruction finale est en train d’avoir un impact similaire dans le sens inverse. Au temps où le nouvel Etat ouvrier était un phare de la libération, et au plus fort des soulèvements révolutionnaires que la Révolution russe inspirait au niveau international, les meilleurs militants anarchistes et syndicalistes (par exemple James P. Cannon, Victor Serge, Alfred Rosmer) sont devenus des combattants dévoués et disciplinés du communisme de Lénine et Trotsky. L’anarchiste Victor Serge, qui rompit plus tard avec le marxisme, vilipenda les sociaux-démocrates qui avaient poussé les ouvriers dans le carnage impérialiste de la Première Guerre mondiale, et il se rendit en Russie soviétique pour soutenir le nouvel Etat ouvrier. Au cours des batailles contre les contre-révolutionnaires revanchards (que certains anarchistes ont criminellement soutenus), Serge adhéra au Parti bolchévique et écrivit à ses amis anarchistes français pour appuyer le communisme par opposition à l’anarchisme : «Qu’est-ce que le parti communiste au moment de la révolution ? C’est l’élite révolutionnaire, fortement organisée, disciplinée, obéissant à une direction d’ensemble, marchant vers un but clairement défini par des voies que trace une doctrine scientifique. Tel quel, ce parti est le produit de la nécessité, c’est-à-dire des lois mêmes de l’histoire. L’élite révolutionnaire qui, aux heures de violence, resterait inorganisée, indisciplinée, sans direction d’ensemble, abandonnée à des impulsions variables voire contraires, se suiciderait. Le contraire n’est pas soutenable» (la Vie ouvrière, 31 mars 1922).

La popularité diffuse de l’«anarchisme» parmi les jeunes aujourd’hui est en soi un reflet de la régression de la conscience politique dans la nouvelle période politique qui a commencé avec la défaite colossale qu’a constituée la contre-révolution capitaliste en URSS et en Europe de l’Est. Au fond l’anarchisme c’est une forme d’idéalisme démocratique radical qui en appelle, pour servir l’humanité, à une bonté innée que tout le monde aurait, y compris les impérialistes les plus rapaces. La Ligue des justes (qui changea de nom pour devenir la Ligue des communistes à peu près à l’époque où Karl Marx y adhéra en 1847) avait comme principal slogan «Tous les hommes sont frères». Marx, qui fit remarquer qu’il y avait certains hommes dont il n’était ni ne désirait être le frère, convainquit ses camarades de changer le slogan en «Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !»

Historiquement, l’anarchisme s’est avéré un obstacle de collaboration de classes à la libération des opprimés. Certains anarchistes, s’unissant aux armées blanches contre-révolutionnaires, ont salué le soulèvement de Cronstadt contre la Révolution russe. Cronstadt continue aujourd’hui d’être une pierre de touche anticommuniste pour les anarchistes. Pendant la Guerre civile espagnole, des anarchistes sont devenus ministres dans le gouvernement de front populaire qui a désarmé et réprimé la lutte contre le capitalisme des ouvriers en armes, ouvrant la voie à des décennies de dictature franquiste.

Aujourd’hui aussi, dans les manifestations anti-«mondialisation», ces divergences fondamentales entre le marxisme révolutionnaire et l’idéalisme libéral anarchiste sont visibles. L’idée que les grandes entreprises capitalistes ont désormais transcendé le système d’Etat-nation et gouvernent le monde par la voie d’institutions comme le FMI et l’OMC, est foncièrement fausse. La «mondialisation» n’est qu’une resucée de la théorie d’«ultra-impérialisme» qu’avait avancée le social-démocrate allemand Karl Kautsky. Il prétendait que les capitalistes de différents pays pouvaient résoudre leurs conflits d’intérêts par des voies pacifiques (et même démocratiques). Comme nous l’avons souligné dans notre brochure l’Impérialisme, la «mondialisation de l’économie» et le réformisme : «Les sociétés dites multinationales ou transnationales n’opèrent pas par-dessus le système des Etats-nations ou indépendamment de lui. Au contraire, l’existence même de ces "multinationales" dépend de leurs Etats bourgeois nationaux respectifs pour protéger leurs investissements à l’étranger contre l’hostilité de la population et contre des Etats capitalistes rivaux. C’est pourquoi les Etats impérialistes doivent entretenir de puissantes forces militaires et une base industrielle nationale correspondante.»

Beaucoup des organisations qui soutiennent la mobilisation de Prague appellent au «contrôle démocratique» sur le FMI et la Banque mondiale pour améliorer la situation des peuples du Sud (Asie, Afrique et Amérique latine). Le PDS (Parti du socialisme démocratique) allemand argumente que le travail du FMI et de la Banque mondiale doit devenir plus transparent et qu’il faut des Nations Unies vraiment in-ternationales. Ces appels à agir au nom des ouvriers et des opprimés qui sont adressés à leurs patrons et oppresseurs directs, nous les appelons l’«impérialisme des droits de l’homme». Ces appels à l’impérialisme pour qu’il devienne en quel-que sorte responsable et humain ne sont pas seulement absurdes, ils sont réactionnaires parce qu’ils sèment des illusions mortelles; ils font croire que la dictature de la bourgeoisie sous son déguisement «démocratique» pourrait, d’une manière ou d’une autre, jouer le rôle d’agent d’un changement social qui soit dans l’intérêt des ouvriers et des opprimés. Ce mensonge lie les exploités à leurs exploiteurs et représente une voie sans issue pour la lutte sociale.

L’idée qu’un système «mondial» de Nations Unies pourrait agir dans l’intérêt de l’humanité est un mensonge qui masque les mécanismes économiques fondamentaux du capitalisme impérialiste. L’impérialisme n’est pas une politique basée sur de «mauvaises idées» mais fait partie intégrante du fonctionnement d’un système basé sur la propriété privée, sur la recherche du profit et sur la nécessité pour le capitalisme de conquérir de nouveaux marchés. Comme Lénine l’a expliqué en parlant du prédécesseur de l’ONU, la Société des Nations: «Il est apparu que la Société des Nations n’avait pas d’existence réelle, que l’union des puissances capitalistes n’était qu’un leurre et qu’elle n’était, en fait, qu’une association de forbans dont chacun cherchait à ravir quelque chose à son voisin. [...] La propriété privée, c’est le vol, et l’Etat fondé sur la propriété est un Etat de rapaces, qui font la guerre pour partager le butin» («Discours à la conférence des présidents des comités exécutifs», 15 octobre 1920, Oeuvres, tome 31).

La première intervention de l’ONU (1950-1953) fut une «action de police» contre les Etats ouvriers déformés nord-coréen et chinois, au cours de laquelle jusqu’à 4 millions de Coréens ont été massacrés. Dix ans plus tard, c’est sous les auspices de l’ONU que fut organisée l’intervention militaire meurtrière dans l’ex-Congo belge comprenant l’assassinat du dirigeant nationaliste de gauche Patrice Lumumba.

Une des variantes d’anarchistes les plus à gauche, a écrit un article sur le «site web A-Infos» qui se distingue nettement des organisateurs de la manifestation de Prague par son refus tranchant d’implorer l’ennemi de classe pour lui demander d’agir moralement en «abolissant la dette du tiers-monde». Il appelle à écraser le FMI et la Banque mondiale et propose: «On fera directement la demande non aux apaiseurs et Cie, mais aux organisations ouvrières et à leurs directions réformistes pour bazarder le FMI et la Banque mondiale et pour abolir les trillions de dollars de dette MAINTENANT!» Mais on ne transformera pas le monde par des slogans avancés lors d’une grosse manif ou même d’une grosse grève, et les directions réformistes auxquelles l’article fait appel soutiennent le capitalisme impérialiste. Comment alors passer du capitalisme au socialisme? C’est à cette question que l’anarchisme n’a pas de réponse.

La théorie marxiste et le modèle des bolchéviks de Lénine qui ont conduit la classe ouvrière au pouvoir d’Etat lors de la Révolution russe d’octobre 1917 sont la seule voie révolutionnaire. Les ouvriers ne peuvent pas s’emparer de la machine d’Etat capitaliste et la «réformer» dans l’intérêt des opprimés. Ils doivent se battre pour le pouvoir, écraser l’Etat capitaliste et créer un Etat ouvrier – une dictature du prolétariat – qui réprimera la résistance contre-révolutionnaire des ex-oppresseurs capitalistes. Les bolchéviks de Lénine ont aboli la dette amassée par le tsar et la bourgeoisie russe en prenant le pouvoir et en refusant de la payer. Cela faisait partie intégrante de la perspective révolutionnaire internationaliste des bolchéviks – non pas se concilier l’impérialisme, mais combattre pour étendre la Révolution russe et aller vers une révolution socialiste mondiale. Ils comprenaient qu’on ne pouvait pas construire le socialisme dans un pays seulement.

Nous autres marxistes nous battons pour l’élimination de la pénurie, pour une société dans laquelle les ouvriers profitent des fruits de leur travail aujourd’hui exproprié par les capitalistes. Cela va à l’encontre des aspects réactionnaires de l’idéalisme prêché par des anarchistes traditionnels comme Proudhon et dont les «Verts» petits-bourgeois se font aujourd’hui l’écho, selon lequel les ouvriers ne doivent pas aspirer à l’abondance mais vivre une existence communautaire spartiate. Demander aux ouvriers de se «serrer la ceinture» c’est en fait le programme prêché par le Fonds monétaire international et la Banque mondiale dans les politiques d’«austérité» draconiennes qu’ils infligent aux masses du «tiers-monde». Au nom de la «défense de l’environnement», les partis écologistes qui font aujourd’hui partie des coalitions gouvernementales en Allemagne et en France sont même plus agressifs que les sociaux-démocrates pour imposer l’«austérité». Face aux récentes protestations massives contre les prix exorbitants de l’essence, les Verts en France se sont opposés aux concessions du Premier ministre, du Parti socialiste, réduisant de 15% la taxe sur l’essence.

A l’opposé de l’impulsion des anarchistes et des Verts à freiner l’avance technologique et à réduire les niveaux de consommation, nous autres marxistes sommes du côté de Big Bill Haywood, un dirigeant des IWW (Industrial Workers of the World [Travailleurs industriels du monde], connus également sous le nom de «Wobblies»). Répondant à un camarade qui lui reprochait de fumer un bon cigare, il rétorqua: «Rien n’est trop bon pour le prolétariat!» Les marxistes savent que l’histoire du progrès humain c’est la lutte pour maîtriser les forces de la nature. Le développement de l’agriculture et la domestication des animaux sont une incursion heureuse dans l’«écologie naturelle» de la planète qui a créé un surplus social, fournissant un moyen d’échapper au combat bref et brutal pour la survie quotidienne dans la société humaine primitive. Pour étendre aux masses pauvres du «tiers-monde» toutes les choses que les militants de gauche petits-bourgeois à l’Ouest considèrent comme acquises – l’électricité, les écoles, l’eau potable au robinet, les médicaments, le transport public, les ordinateurs – il faudra effectuer un énorme bond dans la capacité industrielle et technologique. Ce bond requiert une révolution internationale victorieuse dirigée par une avant-garde révolutionnaire consciente qui fasse prendre conscience à la classe ouvrière de sa mission et qui l’arrache des mains des larbins réformistes et pseudo-révolutionnaires du capitalisme.

C’est précisément parce qu’ils sont au service de la bourgeoisie que les «Verts» nationalistes bourgeois ferment les yeux devant les plus grands désastres écologiques de la planète. Joschka Fischer, par exemple, le ministre «vert» des Affaires étrangères du Quatrième Reich a bruyamment soutenu le bombardement de la Serbie. Les Balkans sont maintenant criblés de douilles d’uranium appauvri; l’eau est empoisonnée, l’industrie moderne et l’infrastructure sociale ont été détruites. Cela signifie que le véritable décompte des victimes de la guerre des Balkans va continuer à s’allonger pendant les années à venir. Avec des «Verts» comme ça, pas besoin du Dr. Folamour, d’IG Farben ou de Dow Chemical Company!

De même, la guerre du Golfe contre l’Irak en 1991 a détruit l’une des sociétés les plus avancées de cette région du monde. Il y a dix ans, le taux de mortalité infantile en Irak était parmi les plus bas du monde; aujourd’hui il est le plus élevé; une population dont l’écrasante majorité savait lire et écrire et avait accès aux soins médicaux est aujourd’hui en train de mourir de faim à cause du blocus actuel des Nations Unies. Les organisations soi-disant de «gauche» qui étaient opposées à la guerre aérienne dévastatrice contre l’Irak, avaient proposé ces sanctions de l’ONU comme alternative «humanitaire». La LCI s’était opposée aux sanctions qui sont un acte de guerre qui a tué davantage de gens que les bombes. On ne peut expliquer le silence assourdissant sur ces questions dans toute propagande officielle pour les protestations anti-«mondialisation» de Seattle, Washington et Prague que par le fait que la soi-disant gauche a soutenu ces crimes atroces de l’«impérialisme des droits de l’homme». La LCR française a ouvertement appelé à une intervention militaire impérialiste au Kosovo sous le contrôle de l’OSCE ou de l’ONU (Rouge, 1er avril 1999). La LICR (par la voie de Workers Power, organisation soeur de Pouvoir ou-vrier en France) a ouvertement fait campagne pour la défaite des forces serbes par l’UCK, instrument de l’impérialisme de l’OTAN, a partagé la tribune avec des partisans enthousiastes du bombardement de l’OTAN lors d’un meeting à Londres. Elle a aussi applaudi au retrait des troupes serbes, et déclaré stupidement qu’à la suite de la victoire de l’OTAN au Kosovo, «une situation pré-révolutionnaire est en train de mûrir» («The Fight to Overthrow Milosevic in Serbia» [Le combat pour renverser Milosevic en Serbie], déclaration de la LICR du 11 août 1999).

La LCI, par contre, s’est partout battue pour la défense militaire de la Serbie contre l’impérialisme des USA, de l’ONU et de l’OTAN sans donner un milligramme de soutien politique au chauvin serbe Milosevic. De même précédemment, lors de la guerre du Golfe, nous avons cherché à mobiliser le prolétariat pour la défaite de l’impérialisme et nous avons appelé sans ambages à la défense de l’Irak. (Cf. la déclaration de la LCI d’avril 1999 sur les Balkans, dans Spartacist édition française n°33, printemps 2000.) Les révolutionnaires internationalistes luttent pour la défaite de leur «propre» bourgeoisie et pour la défense des victimes de la guerre impérialiste. L’orgie de social-chauvinisme dans laquelle se sont vautrées les organisations de la pseudo-extrême gauche découle directement de leur soutien aux gouvernements européens qui ont mené la guerre des Balkans. Deux ans auparavant, le SWP britannique avait fait campagne pour Tony Blair et avait déclaré être «aux anges» après son élection, alors que Blair était le plus grand «faucon» de l’OTAN en Europe. Dans la guerre des Balkans le SWP britannique avait une position qui semblait à gauche en comparaison avec la bande de flagorneurs qui s’excitaient pour le «pauvre petit Kosovo»; mais le soutien plein et entier du SWP à Tony Benn et son «nouveau» travaillisme, dont l’opposition à la guerre était totalement imprégnée de l’anti-américanisme chauvin de la «petite Angleterre», montre quel était son jeu. Un mouvement qui demande que la guerre soit menée directement par les brutes impérialistes d’Europe plutôt que par celles des Etats-Unis, en voilà un mouvement antiguerre!

A l’extrême droite de toutes ces variantes de nationalistes, il y a les fascistes. L’an dernier, les nazis allemands ont manifesté avec des mots d’ordre contre la guerre des Balkans comme «Pas de sang allemand pour des intérêts étrangers!» L’anti-américanisme nationaliste dont est imprégné le mouvement européen anti-«mondialisation» s’étend carrément jusqu’au fascisme. Des organisations fascistes tchèques ont l’intention d’organiser une provocation pour leur programme de génocide à Prague le 23 septembre.

Dans le creuset de la première guerre importante en Europe depuis 50 ans, les pseudo-«trotskystes» se sont révélés être des produits de décomposition de la «mort du communisme». Aujourd’hui ils manoeuvrent pour se mettre à la tête du «mouvement anti-mondialisation» et le contrôler. Mais il faut être bien naïf pour faire confiance à des groupes qui ont aidé à mettre au pouvoir les gouvernements capitalistes européens actuels, et de croire qu’ils peuvent maintenant lutter contre ces gouvernements, leurs banques et leurs institutions dans l’intérêt des opprimés. Loin de présenter une alternative marxiste à l’anarchisme, les pseudo-trotskystes sont des opposants actifs au marxisme révolutionnaire qu’incarnent le programme et le travail de la LCI.

La base matérielle de l’opportunisme et du chauvinisme

L’idéologie bourgeoise, comme par exemple le nationalisme, le patriotisme, le racisme et la religion, pénètre dans la classe ouvrière principalement par le truchement des «lieutenants ouvriers du capital», autrement dit les bureaucraties syndicales parasitaires qui s’appuient sur la couche supérieure privilégiée de la classe ouvrière. S’ils ne sont pas remplacés par une direction révolutionnaire, ces réformistes ne feront que désarmer la classe ouvrière face aux attaques capitalistes et laisseront détruire ou paralyser les organisations du prolétariat en enchaînant de plus en plus les syndicats à l’Etat capitaliste. Dans son ouvrage de 1916, l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme, Lénine expliquait: «Les profits élevés que tirent du monopole les capitalistes d’une branche d’industrie parmi beaucoup d’autres, d’un pays parmi beaucoup d’autres, etc., leur donnent la possibilité économique de corrompre certaines couches d’ouvriers, et même momentanément une minorité ouvrière assez importante, en les gagnant à la cause de la bourgeoisie de la branche d’industrie ou de la nation considérées et en les dressant contre toutes les autres. Et l’antagonisme accru des nations impérialistes aux prises pour le partage du monde renforce cette tendance. Ainsi se crée la liaison de l’impérialisme avec l’opportunisme [...]. Les gens les plus dangereux à cet égard sont ceux [comme le menchévik Martov] qui ne veulent pas comprendre que, si elle n’est pas indissolublement liée à la lutte contre l’opportunisme, la lutte contre l’impérialisme est une phrase creuse et mensongère.»

Le chauvinisme et la veule capitulation devant la bourgeoisie des organisateurs du mouvement anti-«mondialisation» sautent aux yeux. Ainsi les organisateurs syndicaux de la manifestation de Seattle contre l’OMC se sont unis à des forces anticommunistes d’extrême droite pour dénoncer le «travail esclavagiste» dans les Etats ouvriers déformés chinois et vietnamien. Ils ont jeté de l’acier chinois dans le port avec des pancartes proclamant «le peuple d’abord, pas la Chine d’abord». Des bureaucrates syndicaux américains ont fait campagne pour que les camionneurs mexicains soient interdits d’activité aux Etats-Unis; ils confirment bien la description que Trotsky a faite de la bureaucratie syndicale américaine, à savoir qu’elle est l’instrument idéal de Wall Street pour la domination impérialiste de l’Amérique latine. Ce n’est pas pour rien que l’AFL-CIO est surnommée «AFL-CIA» dans toute l’Amérique latine. Cela n’empêche pourtant pas l’organisation Rifondazione Comunista et le groupe pseudo-trotskyste Proposta d’Italie de considérer la «direction» de l’AFL-CIA comme l’exemple à suivre par les ouvriers européens (voir Proposta n°27, janvier 2000)!

Avant Prague, le SWP britannique avait bossé dur pour organiser une manifestation syndicale protravailliste pour la défense des emplois britanniques dans l’usine automobile de Rover. Dans cette manifestation les drapeaux britanniques flottaient partout et il régnait un virulent chauvinisme anti-allemand qui dressait les ouvriers britanniques contre les ouvriers allemands et qui les enchaînait aux capitalistes britanniques. Pour donner une idée du climat chauvin empoisonné: il y avait des slogans comme «la Grande-Bretagne a gagné deux guerres mondiales, gagnons la troisième». Après Rover, le SWP s’est jeté dans la campagne pour l’élection à la mairie de Londres de Ken Livingstone, un politicien travailliste qui était un partisan forcené de la terreur impérialiste contre la Serbie et d’une police débridée en Grande-Bretagne même. Quand des manifestants anarchistes ont irrévérencieusement barbouillé de peinture les symboles de l’impérialisme britannique au cours d’une manifestation du Premier mai à Londres, le SWP est resté en dehors (à part une présence symbolique), de peur de mettre Ken Livingstone, le «rouge», son candidat à la mairie de Londres, dans l’embarras. Livingstone a soutenu la répression policière des manifestants du Premier mai dont plusieurs languissent encore en prison ou font face à des poursuites.

En France, José Bové dirige des manifestations de masse contre McDonald’s et les incursions des fast food américains contre le palais des Français. Notre intérêt, c’est d’organiser les travailleurs horriblement sous-payés de ces chaînes de fast food, quels que soit la nationalité de leur propriétaire ou leur genre de cuisine. De plus, si les préférences culturelles ou culinaires sont synonymes d’«impérialisme», alors selon le point de vue de Bové, c’est des Italiens que nous devrions nous préoccuper, car les gens adorent les pizzas, qui sont aujourd’hui vendues partout des îles Aléoutiennes jusqu’en Amazonie. Etait-ce de l’«impérialisme» lorsqu’un certain équipement allemand, l’imprimerie, conquit le monde et rendit possible l’alphabétisation de masse?!

Mais revenons à des choses plus sérieuses. Le chauvinisme et l’opportunisme des bureaucrates syndicaux et des organisations soi-disant de gauche empoisonnent la conscience et la solidarité de classe des ouvriers en fomentant les divisions religieuses, nationales et ethniques. Au cours des dernières années, cela a atteint des niveaux délirants avec la frénésie anti-immigrés. Ceci menace l’unité et l’intégrité du prolétariat en tant que classe, qui sont nécessaires pour résister aux attaques des capitalistes et de leur Etat. Comme le souligne la déclaration de principes de la LCI (Spartacist édition française n° 32, printemps 1998): «Le capitalisme moderne, c’est-à-dire l’impérialisme, qui s’étend dans tous les recoins de la planète, importe dans le prolétariat, au plus bas de l’échelle, au cours de la lutte des classes et en fonction des besoins de l’économie, de nouvelles sources de main-d’oeuvre meilleur marché, surtout des immigrés venant de régions du monde plus pauvres et moins développées, des ouvriers qui ont peu de droits et dont on considère qu’on peut plus facilement se débarrasser en périodes de récession économique. Ainsi le capitalisme crée continuellement de nouvelles couches parmi les ouvriers; en même temps, il rassemble et mélange les ouvriers de nombreux pays différents.»

Aveclesaccords de Schengen, les puissances européennes ont fermé leurs frontières aux immigrés, dont beaucoup fuyaient la destruction contre-révolutionnaire de l’Europe de l’Est. Aujourd’hui, les politiques racistes anti-immigrés des sociaux-démocrates au pouvoir font écho à la démagogie nazie qui dit que «le bateau est plein», et attisent effectivement la terreur fasciste. Pendant ce temps en Europe, les gouvernements sociaux-démocrates de front populaire (gouvernements de coalition incluant des partis ouvriers réformistes et des partis bourgeois) bercent dangereusement les ouvriers d’illusions parlementaires et font croire que les sociaux-démocrates, dont les politiques pavent elles-mêmes la voie aux fascistes, vont «interdire» les fascistes. L’histoire montre que ces interdictions ne servent qu’à redorer l’image de cette même bourgeoisie qui recourt au fascisme quand sa domination est menacée. L’histoire montre aussi que ces interdictions contre les «extrémistes» ne sont pas utilisées contre la droite mais contre la gauche. En Allemagne dans l’immédiat après-guerre, un petit parti néo-nazi fut interdit en 1952 pour redorer le blason démocratique des héritiers du Troisième Reich qui reconstruisaient l’Allemagne capitaliste sous les auspices de l’impérialisme américain. Mais l’objectif réel c’était de «justifier» une interdiction constitutionnelle du Parti communiste allemand en 1956. Nous exigeons: Pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés! Aucune confiance dans l’Etat bourgeois! Pour des mobilisations ouvriers/minorités pour stopper les fascistes!

C’est le parti qui est l’instrument de la révolution socialiste

C’est le parti léniniste qui est l’instrument permettant d’apporter la conscience révolutionnaire au prolétariat, d’organiser les luttes prolétariennes et de les guider vers leur consolidation victorieuse en une révolution socialiste. Un parti révolutionnaire doit combattre tout cas d’injustice sociale et toute manifestation d’oppression. Une de nos tâches centrales c’est le combat contre toute oppression des femmes, de même que contre «tout le vieux fatras» revenu en force avec l’obscurantisme religieux, les attaques contre le droit à l’avortement et le fanatisme anti-homosexuels. Il est aussi capital d’allier l’audace de la jeunesse à la puissance sociale du prolétariat pour se battre pour une nouvelle société socialiste.

Nous cherchons à constituer une direction révolutionnaire dont les cadres doivent être éprouvés et formés par la lutte de classe. La voie que nous voulons suivre, c’est que nos forces, modestes pour l’instant, qui adhèrent au programme de Lénine et Trotsky, forgent des partis ayant l’expérience, la volonté révolutionnaire et l’autorité parmi les masses qu’il faut pour diriger des révolutions prolétariennes victorieuses. Sans reforger une Quatrième Internationale trotskyste, on ne pourra pas mener à bien la tâche de diriger les ouvriers et les opprimés vers la victoire du socialisme mondial. Nous ne nous berçons pas d’illusions sur la difficulté de cette voie, et de plus nous réalisons que le fait qu’une bourgeoisie irrationnelle et génocidaire possède la technologie de l’holocauste nucléaire, réduit les possibilités: nous n’avons pas beaucoup de temps.

C’est le programme et les pratiques du communisme authentique qui nous guident. Comme Trotsky l’a écrit dans l’ Agonie du capitalisme et les tâches de la IVe Internationale (1938): «Regarder la réalité en face: ne pas chercher la ligne de moindre résistance; appeler les choses par leur nom; dire la vérité aux masses, quelque amère qu’elle soit; ne pas craindre les obstacles; être rigoureux dans les petites choses comme dans les grandes; oser, quand vient l’heure de l’action: telles sont les règles de la IVe Internationale.» Adhérez à la Ligue communiste internationale!

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