La lutte de guérilla: le réformisme avec des fusils
Guerillisme petit-bourgeois contre révolution prolétarienne
Reproduit du Bolchévik n° 144, automne 1997
Paru dans Workers Vanguard n° 661, nous publions ci-dessous la traduction d'une version abrégée et revue pour publication d'un forum de la Spartacist League/US, donné le 16 janvier à l'Université de Santa Cruz par le camarade Jorge Ramirez, et dont le titre était « Du Mexique au Pérou : la lutte de guérilla le réformisme avec des fusils ». Cette présentation avait été donnée alors qu'un groupe de guérillistes du Mouvement révolutionnaire Túpac Amaru (MRTA) s'était emparé de la résidence de l'ambassadeur du Japon à Lima, au Pérou, retenant en otages plus de 70 personnes, dont des responsables clés de l'appareil militaire et policier, ainsi que l'ambassadeur lui-même et son entourage.
Le 22 avril, les 14 membres du MRTA ont été massacrés de sang-froid par la dictature Fujimori. Le massacre de Lima, comme le soulignait la déclaration de la LCI publiée le jour même et dénonçant cette exécution, était un message pour tous les ouvriers et paysans combatifs d'Amérique latine et du « tiers monde » pour qu'ils se soumettent aux politiques visant à les affamer, politiques dictées par les impérialistes. Malgré les désaccords politiques avec la stratégie de guérilla du MRTA, la LCI s'était solidarisée dès le début de la principale revendication du MRTA qui était la demande de libération de plus de 400 de leurs camarades condamnés à une mort lente dans les infâmes donjons péruviens.
Cette action de commando avait soulevé beaucoup de sympathie parmi ceux qui défendent les opprimés. Elle s'était déroulée dans un contexte d'insurrections populaires de guérilla paysanne au Mexique et d'accords de « paix » au Guatemala entre les rebelles de gauche et les bouchers militaires qui dirigent ce pays et elle a porté de nouveau l'attention sur la « voie de la guérilla » en Amérique latine. Alors qu'il est compréhensible que des jeunes radicalisés à travers le monde se solidarisent avec de petits groupes de combattants armés qui défient les régimes dictatoriaux de caudillos et leurs parrains impérialistes, les marxistes comprennent que seule la révolution prolétarienne et son extension internationale peut libérer les masses laborieuses d'Amérique latine des chaînes de la soumission néocoloniale et de la misère.
La plupart d'entre vous avez probablement suivi les événements à la résidence de l'ambassadeur du Japon au Pérou, où un groupe de guérilleros urbains a réussi à prendre en otage une réception où le gratin de la société péruvienne frayait avec le corps diplomatique. La réaction de la population péruvienne à la vue de la haute société tenue en joue par les fusils guérilleros du MRTA était un sourire à peine déguisé. A Lima, où sept habitants sur dix ne bénéficient pas de services de base comme l'eau courante, l'électricité et le tout-à-l'égout, les reportages qui montraient des otages protestant contre leurs conditions de rétention « indignes », sans électricité ni douches, étaient vus comme une sorte de justice immanente.
Cette action armée tout comme la sympathie qu'elle a suscitée dans la population sont nées de la frustration créée par l'oppression de classe au Pérou. Fujimori, comme ses prédécesseurs, supervise l'effroyable misère de la population et impose l'un après l'autre des programmes d'austérité dictés par le FMI pour rembourser les prêts usuraires autrement appelés « dette extérieure ». En même temps, le régime de Fujimori a intensifié sa campagne de terreur, principalement dirigée contre les insurgés du MRTA et du Sentier lumineux. Même si beaucoup des actions du Sentier lumineux ont été des attaques meurtrières contre des ouvriers, des militants de gauche et des paysans, les 15 ans de « sale guerre » de la bourgeoisie péruvienne contre les guérillas ont été en fait une guerre contre la masse de la population qui a causé des dizaines de milliers de morts.
La principale revendication du MRTA est la libération de ses camarades emprisonnés. Déjà, la prise d'otages a jeté une lumière crue sur les conditions de détention inhumaines dans les geôles de la dictature de Fujimori, où ceux qui sont reconnus coupables ou même simplement accusés de « terrorisme » sont jetés dans des cellules étroites, où la nourriture est insuffisante et souvent immangeable, où l'on ne fournit ni habits ni couvertures, et où un simple trou dans le sol sert de toilettes. Toutes les visites sont interdites pendant la première année de détention, et elles ne sont ensuite autorisées qu'à raison de 30 minutes par mois. Les mères, y compris celles qui accouchent en prison, ne sont autorisées à voir leurs enfants que tous les 3 mois, à travers une vitre. Beaucoup de ceux qui sont condamnés à la prison à vie dans ces conditions barbares sont poussés à se suicider en se jetant contre le sol en béton ou les barreaux de fer. Nous exigeons la libération de toutes les victimes de la terreur de Fujimori !
Au cours de ce siècle, le Pérou a été pris dans un cycle d'oppression et de répression apparemment sans issue possible. C'est l'histoire standard des pays sous-développés du « tiers monde » : un gouvernement de laquais fait son boulot pour que le « bureau central », généralement situé dans un centre impérialiste, puisse facilement exploiter les masses laborieuses. Cela inclut une répression brutale en cas d'« agitation parmi les indigènes ». Pendant ce temps, l'élite intellectuelle débite des platitudes paternalistes dans les soirées huppées sur comment « notre peuple n'est pas encore prêt pour la démocratie » ou encore comment « notre lourd fardeau est de lui servir de guides ».
Mais des explosions périodiques ont quand même lieu quand les masses ouvrières ne peuvent plus supporter l'exploitation. Alors, les dirigeants capitalistes appellent un « homme à poigne » pour sauver leur peau par un coup militaire ou la terreur policière. Après les massacres, et une fois que les « meneurs » et les « agitateurs extérieurs » dont on prétend souvent qu'ils étaient étrangers ou « influencés par l'étranger » sont expulsés, emprisonnés ou assassinés, on peut organiser une élection, un « éminent citoyen » est élu, et tout peut recommencer.
Je viens là de vous donner un condensé de l'histoire de la plupart des pays d'Amérique latine, et ça résume parfaitement les 80 dernières années de l'histoire du Pérou. Ce qui manque dans tout ça, c'est la moindre solution aux besoins les plus élémentaires des masses latino-américaines. Les revendications élémentaires qui ont été satisfaites par les révolutions démocratiques bourgeoises en Europe et en Amérique du Nord sont restées lettre morte pour les travailleurs d'Amérique latine : la soif de terres pour les paysans, la libération nationale du joug impérialiste, la démocratie politique. Bien sûr, toutes ces revendications ont été fréquemment mentionnées dans la rhétorique des divers charlatans « anti-impérialistes », et on n'en a pas manqué. Mais le cycle de répression, de réformes bidons et d'exploitation s'est poursuivi sans interruption.
En tant que marxistes révolutionnaires prolétariens, notre point de départ est que pour briser ce cycle nous devons mobiliser les masses travailleuses d'Amérique latine, avec à leur tête l'avant-garde du prolétariat, derrière un programme pour éliminer le capitalisme, en tendant la main à nos frères et soeurs de classe par-dessus les barrières nationales que les bourgeoisies veulent imposer. L'histoire des luttes du passé montre clairement, sans ambiguïté, qu'à l'époque de la décadence impérialiste, les bourgeoisies subordonnées des pays semi-coloniaux sont incapables de se dresser contre les impérialistes, et ne veulent pas le faire. Quand elle voit son propre droit de propriété menacé, la bourgeoisie nationale « progressiste » passe dans le camp réactionnaire. Elle a raison d'avoir une peur mortelle de la menace représentée par le prolétariat et la radicalisation des masses opprimées, parce que c'est le prolétariat la seule classe révolutionnaire de façon conséquente à l'époque moderne qui a la puissance sociale nécessaire pour éliminer le pouvoir de la classe bourgeoise et ouvrir la voie à un avenir socialiste pour le genre humain.
Mais dans certaines circonstances, quand le prolétariat n'est pas capable de diriger les masses opprimées la plupart du temps du fait d'une répression sauvage et en résultat des efforts des dirigeants traîtres réformistes , certains secteurs des masses opprimées se mobilisent derrière des intellectuels radicaux dans une lutte armée contre l'ordre établi. C'est ce qu'on a appelé la « voie de la guérilla ». En fait, l'action de Túpac Amaru est la dernière d'une série de luttes de ce type qui ont éclaté ces quelques dernières années. Beaucoup d'entre vous se rappellent probablement le cri de révolte venu du Chiapas, qui a envoyé une onde de choc dans tout le Mexique et dans le monde entier, sa dénonciation de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) qui constitue selon lui « une sentence de mort pour les Indiens du Mexique ». Cette insurrection dans l'Etat le plus pauvre du Mexique a révélé dans toute son horreur l'oppression des paysannes, une forme d'oppression millénaire que le capitalisme continue de renforcer.
En fait, le MRTA est apparu sous la forme d'un mouvement de guérilla urbaine nationaliste au début des années 80, avant les zapatistes. Les premières années, le MRTA a mené des attaques de banques et d'autres actions mineures, et a organisé dans le sud-est du Pérou (près de Cuzco) une colonne de guérilla qui a rapidement été mise en déroute. Il est alors retourné à Lima et a mené une série de raids spectaculaires, comme la prise de contrôle de stations de radio pour diffuser ses proclamations ou le vol d'une réplique du drapeau utilisé par San Martin quand il a proclamé l'indépendance du Pérou en 1821, soulignant ainsi sa ferveur patriotique autrement dit son nationalisme. Parmi leurs actions les plus médiatiques, il y a les « distributions au peuple », au cours desquelles ils réquisitionnaient des camions qui généralement transportaient de la nourriture et souvent appartenaient à des filiales de sociétés « multinationales » et les conduisaient dans les quartiers ouvriers de la périphérie de la ville, où leur contenu était rapidement distribué sous le drapeau du MRTA.
Comme les zapatistes et l'Armée populaire révolutionnaire (EPR) au Mexique, le MRTA a acquis un prestige à la Robin des Bois, celui de jeunes rebelles contraints à prendre les armes par l'injustice insupportable du monde qui les entoure. Idéologiquement, Túpac Amaru est issu d'un groupe d'intellectuels radicalisés qui avaient rompu avec les partis bourgeois péruviens, et qui voyaient dans l'exemple de Cuba la voie vers la libération nationale et vers une société juste.
Juste après sa création en 1985, le MRTA déclarait qu'il était « né pour lutter pour la révolution et pour le socialisme », et se définissait comme « nationaliste, démocratique et anti-impérialiste ». Mais depuis récemment, il ne revendique plus, dans sa propagande, qu'une société juste et démocratique, en même temps qu'il se réclame de grandes figures du nationalisme bourgeois comme Bolivar, San Martin et Martí, et qu'il rejette toutes les étiquettes « étrangères ». Ainsi, tout en se déclarant partisan d'un vague programme de réformes radicales du capitalisme, il se conduit simplement comme un groupe de pression sur les secteurs « progressistes » de la bourgeoisie en particulier les secteurs considérés comme « réformistes » ou « patriotes ». L'absurdité de tout ceci est confirmée par une des revendications actuelles du MRTA : que le brutal gouvernement Fujimori « s'engage à changer sa politique économique en faveur d'un modèle qui vise le bien-être du plus grand nombre ».
En un sens, le MRTA semble avoir fait en sens inverse l'itinéraire politique de Castro. Les groupes de guérilleros commandés par Fidel Castro qui avaient pris les armes dans la Sierra Maestra cubaine en 1956 se considéraient initialement comme les sauveurs de la nation cubaine, et défendaient un programme démocratique radical. Ils réclamaient le retour à la constitution libérale de 1940, une réforme agraire très modérée et la confiscation des « gains mal acquis de tous ceux qui ont commis des irrégularités sous les régimes précédents ». Mais des circonstances exceptionnelles forcèrent les guérilleros castristes à aller au-delà de ce programme et à entreprendre l'expropriation de la bourgeoisie et de ses maîtres impérialistes afin de pouvoir ne serait-ce que réaliser leurs réformes. Il n'y avait pas de « troisième voie ». Devant l'hostilité implacable de l'impérialisme, les guérilleros créèrent une société dont les caractéristiques politiques et économiques fondamentales étaient similaires à celles de la société issue de la dégénérescence de la Révolution russe de 1917. Ce faisant, les castristes adoptèrent la perversion idéologique stalinienne du marxisme trait distinctif idéologique de tous les Etats ouvriers bureaucratiquement déformés , l'affirmation qu'il s'agit de construire le « socialisme dans un seul pays ».
Dès le début, la Révolution cubaine a été vue par toute une génération, dans le monde entier, comme un modèle de révolution totalement nouveau, et elle a inspiré une vague d'aventures guérillistes qui se sont révélées désastreuses pour leurs protagonistes. Mais la combativité initiale du régime de Castro, qui dépendait du soutien économique de l'URSS pour construire un îlot bureaucratique de « socialisme » dans les Caraïbes, a fait place à une approche plus pragmatique. Aujourd'hui que la contre-révolution capitaliste a ouvert l'Union soviétique et l'Europe de l'Est à une exploitation capitaliste débridée, l'existence même de Cuba en tant qu'Etat ouvrier déformé isolé est gravement menacée.
En même temps, les partis « de gauche » (réformistes) de masse apparaissent de plus en plus déconsidérés, à mesure qu'ils continuent à jouer leur rôle en trompant les masses avec de bonnes paroles sur la « démocratie » et la « justice » pour plus tard, tandis que maintenant ils aident les bourgeoisies à imposer des politiques de famine et une intensification des attaques contre les opprimés. Dans ce contexte, l'image du rebelle avec un fusil devient à nouveau attractive dans le monde entier, en particulier pour la jeunesse.
Mais il est important de comprendre que la création d'un Etat ouvrier déformé à Cuba par les Fidelistas (ainsi que par d'autres mouvements de guérilla en Chine, au Vietnam et en Yougoslavie) n'a pu avoir lieu que du fait de circonstances exceptionnelles : l'extrême faiblesse de la classe dirigeante, l'absence d'un prolétariat conscient luttant pour ses propres intérêts, et l'existence de l'Union soviétique comme contre-poids à l'impérialisme. Ces conditions n'existent plus au lendemain de l'écroulement de l'Union soviétique.
L'histoire a montré, avant comme après la Révolution cubaine, que la victoire de ce genre de forces militaires petites-bourgeoises et réformistes basées sur la paysannerie, débouchera avec une bien plus grande probabilité sur la consolidation d'un nouveau régime bourgeois et le rétablissement ou le maintien de la domination impérialiste. En fait, il semble qu'il y ait actuellement une épidémie de « paix conclue » entre les mouvements de guérilla de jadis et les assassins en uniforme le M-19 colombien, le Front national de libération Farabundo Martí au Salvador il y a quelques années de cela, et maintenant les rebelles guatémaltèques de l'UNRG. Les participants à la grande fête de la réconciliation de Guatemala City oublient les 150 000 paysans mayas, militants de gauche et autres victimes de la répression assassinés au cours de ces 36 dernières années. Le traité de « réconciliation nationale » signé le mois dernier offre une amnistie totale à ceux qui sont coupables d'assassinats en masse. Cette « paix des cimetières » est l'aboutissement le plus fréquent de la voie de la guérilla.
Je voudrais vous convaincre de deux propositions élémentaires. La première est que la voie de la guérilla est fondamentalement une voie de défaites, parce qu'un groupe de guérilla géographiquement limité n'a pas de puissance sociale, et parce qu'il n'y a pas de « troisième voie » pour organiser la société dans un pays capitaliste arriéré. Elle peut être organisée sur une base capitaliste, avec l'esclavage impérialiste, ou sur une base prolétarienne l'expropriation de la bourgeoisie et l'organisation de la production dans une économie centralisée et planifiée.
La seconde proposition est que, même étant donné les circonstances improbables de la Révolution cubaine, le meilleur résultat possible était un Etat ouvrier bureaucratiquement déformé, dans lequel l'économie est organisée sur une base prolétarienne, mais où les ouvriers ne détiennent pas le pouvoir politique. Le pouvoir politique est entre les mains d'une bureaucratie stalinienne qui, sous prétexte de « construire le socialisme dans une seule île », supprime la démocratie ouvrière et trompe les masses pour qu'elles lui permettent de conserver sa position privilégiée. Cette bureaucratie est profondément hostile tant à une révolution politique ouvrière dans ses frontières parce que celle-ci la balaierait, qu'à une révolution socialiste dans les autres pays, parce qu'elle essaie de survivre en négociant un accord avec l'impérialisme. Comme c'est douloureusement visible dans la période actuelle, le « socialisme dans un seul pays » c'est en fait « le socialisme dans aucun pays ».
Au fond, nous parlons de l'opposition fondamentale entre réforme et révolution. Laissez-moi expliquer cela par deux exemples clairs : Cuba et le Nicaragua.
Pendant toute la première moitié de ce siècle, les Etats-Unis ont administré Cuba comme une plantation sucrière au bénéfice de sociétés américaines comme United Fruit, Standard Oil, etc. A chaque fois que l'agitation montait, les Etats-Unis fomentaient une révolution de palais, et ensuite tout rentrait dans l'ordre, comme sous le sanguinaire Batista qui a gouverné Cuba dans les années 1950. Fatigués de ce cycle de changements au sommet tandis que dans la société tout restait pareil, les castristes décidèrent que la seule manière d'obtenir de vraies réformes était de prendre les armes.
Il se trouva que l'armée rebelle prit le contrôle du pays quand le régime de Batista s'effondra, la plupart de ses officiers étant gravement compromis dans la corruption et les exactions du régime. Castro, Guevara et leur groupe formèrent alors un gouvernement de coalition avec des personnalités bourgeoises, dont ils promirent de protéger les intérêts. Bien que les raffineries à sucre, les mines et presque toutes les usines de Cuba fussent toutes soit la propriété d'étrangers soit dépendantes des équipements étrangers, on ne parlait pas alors d'exproprier les propriétés impérialistes.
La modeste réforme agraire initialement décidée par le régime castriste, la diversification du commerce extérieur et les tribunaux révolutionnaires organisés pour faire justice des crimes des anciens tortionnaires de la police provoquèrent une terrible frayeur dans la bourgeoisie impérialiste américaine. A l'annonce de la réforme agraire, en juin 1959, Washington menaça d'annuler les quotas sucriers dont dépendait la survie de l'économie cubaine, et commença à refuser des crédits aux importateurs cubains. Début 1960, Cuba annonça un important accord commercial et de crédit avec l'Union soviétique (suivi d'un accord moins important avec la Chine), qui s'engageait à acheter des millions de tonnes de sucre cubain sur une période de cinq ans. Le dénouement était proche.
En juin 1960, Castro nationalisa les raffineries américaines quand celles-ci refusèrent de traiter le pétrole brut soviétique qui commençait à arriver aux termes du nouvel accord commercial. Début juillet, le gouvernement américain supprimait les quotas de sucre, dans le but de réduire les Cubains à merci par la famine. Le numéro un soviétique Nikita Khrouchtchev avertit immédiatement qu'il pourrait accorder un soutien militaire à Cuba « si les forces agressives du Pentagone osaient intervenir ». Deux semaines plus tard, par mesure d'autodéfense, le gouvernement castriste expropriait des intérêts américains importants, comme les raffineries à sucre et leurs exploitations agricoles, puis tous les services publics. Vers la mi-octobre, les chemins de fer, les imprimeries, la métallurgie et les autres secteurs industriels avaient aussi été nationalisés. A la fin, l'Etat possédait 90 % du potentiel industriel cubain.
Ces nationalisations, rendues possibles par l'existence de l'Etat ouvrier dégénéré soviétique, signifiaient l'expropriation de la bourgeoisie cubaine en tant que classe, et jetaient ainsi la base pour éliminer l'exploitation capitaliste à Cuba. Ce sont ces mesures qui ont permis à Cuba de résister à des dizaines d'années d'agression impérialiste et de blocus économique. Comme nous l'avons fait depuis cette époque, nous, spartacistes, appelons tous les ouvriers et les paysans, tous les défenseurs des opprimés, à défendre Cuba contre l'encerclement impérialiste et la contre-révolution ! A bas le blocus !
La Révolution cubaine a procuré un système de santé de qualité pour la population, l'éducation pour la jeunesse, un logement et une alimentation adéquats pour tous. C'est l'expropriation de la bourgeoisie qui a jeté les bases de ces avancées. Nous pouvons voir maintenant combien cela a été crucial en comparant avec la révolution sandiniste au Nicaragua.
En 1979, 20 ans après l'entrée des forces de Castro à La Havane, le Front sandiniste de libération nationale renversait le régime fantoche honni d'Anastasio Somoza. On peut parler d'un dictateur suceur de sang au sens propre ! Son idée pour résoudre les problèmes de devises du pays était de créer une société appelée Plasmaféresis, qui était spécialisée dans l'exportation de sang humain vers les Etats-Unis. Il était si étroitement lié aux impérialistes américains qu'il avait fait imprimer le portrait de l'ambassadeur américain sur les billets de 3 dollars. A l'époque de l'arrivée des sandinistes au pouvoir, l'armée somoziste, la Garde nationale, avait tué 50 000 personnes.
Donc la révolution sandiniste était un authentique soulèvement national, et avait le soutien de la quasi-totalité de la bourgeoisie en dehors de la famille Somoza, de ses protégés et de son armée. Il y eut aussi une mobilisation de la population dans différentes villes dans tout le pays, qui affronta la Garde nationale dans de véritables batailles rangées. Mais le programme des sandinistes, sur lequel ils se sont engagés au cours d'une rencontre avec la bourgeoisie anti-somoziste peu avant la révolution, visait à préserver le capitalisme sans Somoza, et prévoyait même l'intégration d'officiers et de soldats « honnêtes » de la Garde nationale dans l'armée sandiniste. Il revendiquait un « conseil d'Etat » à majorité bourgeoise et une « économie mixte » ce qui revenait à garantir la préservation de la propriété privée des moyens de production. Seules les propriétés du dictateur et de ses hommes de main devaient être nationalisées.
Mais l'expropriation de la dynastie Somoza mit une large part de l'économie (jusqu'à 40 %) entre les mains de l'Etat. Ceci donnait aux sandinistes une grande marge de manoeuvre. Et même si le nouveau gouvernement était truffé de prêtres et de personnalités bourgeoises, l'insurrection amena des conséquences sociales significatives. Le pouvoir effectif était entre les mains de l'armée sandiniste, laquelle n'était pas forcément enthousiaste pour rétablir le pouvoir de la bourgeoisie.
Les sandinistes poursuivirent opiniâtrement leur mirage d'un « modèle de développement économique indépendant », en essayant de développer une « économie mixte » avec un secteur capitaliste, et une soi-disant « voie intermédiaire » de « pluralisme démocratique », et en refusant d'écraser la bourgeoisie pro-impérialiste. Ils ont même proposé de mettre en place des patrouilles frontalières communes avec le régime militaire du Salvador pour démontrer aux impérialistes qu'ils ne livraient pas d'armes aux insurgés de gauche salvadoriens ! Castro encouragea fortement les sandinistes à rechercher les bonnes grâces de la bourgeoisie nicaraguayenne et de l'impérialisme yankee. Lors d'une visite à Managua, il donna ce conseil : « Evitez les erreurs initiales que nous avons faites à Cuba, le rejet politique par l'Occident, les attaques frontales prématurées contre la bourgeoisie, l'isolement économique. » Autant pour Fidel, el duro (le « dur ») !
Les sandinistes continuèrent à courir après cette « voie intermédiaire » mythique malgré l'hostilité impérialiste qui se manifestait par la guerre froide de Reagan contre l'Union soviétique (et par extension contre Cuba, le Nicaragua et tout ce qui était considéré comme « communiste »), malgré la pression sans répit de la guerre des contras financée par la CIA, malgré l'embargo impérialiste qui étranglait l'économie, et alors que les industries périclitaient du fait que la bourgeoisie nicaraguayenne refusait d'investir dans leurs usines. La lassitude de la guerre s'installa, et de nombreux Nicaraguayens en arrivèrent à la conclusion que la situation ne pourrait que s'améliorer s'il y avait un accord avec les impérialistes par rapport à la continuation de l'état de siège avec les sandinistes au pouvoir. En 1990, Violeta Chamorro, « Madame Contra », fut élue présidente avec l'appui sonnant et trébuchant des dollars américains. Les sandinistes firent la paix, et s'engagèrent à jouer le rôle d'opposition loyale, en agissant ouvertement comme gardiens du capitalisme, en échange de la préservation de leurs privilèges des postes dans la bureaucratie d'Etat et d'autres avantages de ce genre.
Les événements de Cuba et du Nicaragua ont confirmé de façon convaincante que, contrairement à ce qu'affirment les réformistes du monde entier, et en particulier les staliniens et les maoïstes, tous les secteurs de la bourgeoisie des pays arriérés sont trop étroitement dépendants de l'impérialisme pour introduire des changements de société fondamentaux. A Cuba, la seule voie pour libérer le pays du joug de l'impérialisme passait par l'élimination de la bourgeoisie en tant que classe. Au Nicaragua, malgré tous les efforts des sandinistes pour trouver une alternative, en cherchant tous les compromis imaginables avec la bourgeoisie impérialiste et ses partenaires locaux, le résultat final a été le rétablissement d'un régime néocolonial sous la houlette des Etats-Unis.
Bien avant les événements des 50 dernières années, l'histoire avait déjà montré qu'il n'y avait effectivement pas de voie intermédiaire. Il y a plus de 90 ans, le révolutionnaire russe Léon Trotsky avait élaboré la théorie de la révolution permanente. Trotsky argumentait qu'à l'époque de l'impérialisme, la bourgeoisie d'un pays arriéré comme la Russie était incapable d'accomplir les tâches de la révolution démocratique bourgeoise : libération nationale, révolution agraire, démocratie politique et modernisation. En étudiant la situation de la Russie tsariste du début de ce siècle et l'histoire de la lutte des classes en Europe de l'Ouest au XIXe siècle, Trotsky concluait que la bourgeoisie était trop étroitement liée aux impérialistes et à l'aristocratie foncière pour permettre l'expropriation de la terre, l'essence de la révolution agraire.
Trotsky soulignait aussi le caractère « inégal et combiné » du développement capitaliste dans la Russie arriérée. Par cette formule, il voulait dire que son développement industriel, bien que retardé, n'était pas simplement au niveau où était un pays capitaliste plus avancé, disons 50 ans plus tôt. Au contraire, les formes les plus arriérées de production, l'industrie artisanale, coexistaient avec les techniques les plus avancées, dans d'immenses usines détenues par les impérialistes.
Comme corollaire de ce développement inégal et combiné, s'était formé un prolétariat d'une taille non négligeable, un prolétariat avancé qui avait commencé à agir en son propre nom et qui représentait une menace pour l'existence de la bourgeoisie. Tirant les leçons des luttes des classes du XIXe siècle, Trotsky argumentait que « partout où le prolétariat est apparu comme une force indépendante, la bourgeoisie a basculé dans le camp de la contre-révolution. Plus téméraire est la lutte des masses, plus rapide est la transformation réactionnaire du libéralisme. » Si vous regardez l'Amérique latine, que ce soit Cuba, le Nicaragua, le Mexique ou le Pérou, vous ne trouverez que des confirmations de cette thèse.
Pourquoi le programme de réformes démocratiques radicales du capitalisme défendu par les guérillistes n'a-t-il jamais marché ? Au coeur de la société moderne, régie par le mode de production capitaliste, seules deux classes ont un rôle stratégique à jouer. La classe capitaliste possède les usines, les moyens de production. Si les capitalistes refusent d'investir, les usines périclitent et font faillite. L'autre classe stratégique est le prolétariat. Quoi que fasse le capitaliste, le seul moyen qu'il a de faire du profit, c'est d'utiliser la force de travail, le travail mental et physique de l'ouvrier. Mais si l'ouvrier refuse de travailler, la production est paralysée, et avec elle le flot du profit. A mesure que le capitalisme se développe, il concentre des quantités de plus en plus grandes de capital dans des monopoles qui, à leur tour, concentrent un plus grand nombre d'ouvriers dans des entreprises industrielles. Pour assurer la production, les ouvriers doivent être collectivement organisés dans une machine bien huilée. C'est le processus de production même qui donne à la classe ouvrière sa puissance sociale, et qui la prépare à l'action collective. La récente grève générale de Corée du Sud l'a montré de façon très spectaculaire.
La bourgeoisie et le prolétariat ont des intérêts antagonistes. Le capitaliste a intérêt à défendre sa propriété et sa capacité à soutirer du profit, en essayant constamment de le maximiser par l'augmentation des cadences et l'intensification de la productivité du travail. Préoccupé d'avoir de quoi vivre, lui et sa famille, l'ouvrier cherche à résister à cette intensification, en utilisant son expérience de l'action collective pour former des syndicats qui défendent son emploi, son salaire et ses conditions de travail.
Mais qu'en est-il des autres couches de la société, ce qu'on appelle la « classe moyenne », la petite-bourgeoisie ? La petite-bourgeoisie, qui inclut les petits commerçants et hommes d'affaires, les paysans, les intellectuels et les membres des professions libérales, est une classe intermédiaire. Elle est souvent marginale dans la production, même si elle joue peut-être un rôle dans la distribution des biens. La petite-bourgeoisie n'a aucune puissance ; une « grève » des petits commerçants ne fait généralement de tort qu'à eux-mêmes. Leur capital est beaucoup trop petit pour peser d'un poids quelconque. De plus, cette classe est atomisée. Dans la mesure où ils ont un intérêt commun, c'est leur aspiration à s'élever pour rejoindre les rangs de la grande bourgeoisie. Pourtant, à cause de leur existence marginale, ils sont continuellement menacés d'être ruinés par les grands monopoles. Quand cela arrive, ils peuvent occasionnellement s'allier au prolétariat contre le grand commerce, la grande bourgeoisie ou les grandes banques (qui souvent ne font qu'un). Dans la mesure où la petite-bourgeoisie cherche à défendre ses aspirations à exploiter le travail d'autrui, elle est l'ennemi juré du prolétariat.
Si vous pensez que cela ne s'applique pas à la paysannerie, regardez-y de plus près. Qu'est-ce qu'un paysan ? Il y a la couche relativement aisée de petits propriétaires, qui possèdent quelques machines et une ferme trop grosse pour y travailler seuls, et qui ont par conséquent besoin d'employer d'autres paysans. Il y a le paysan pauvre avec un tout petit lopin de terre pour son usage personnel, obligé de travailler une partie du temps pour un propriétaire terrien ou pour un paysan riche. Il y a le paysan sans terre qui est forcé de survivre en se louant comme ouvrier agricole là où il arrive à trouver du travail. Ce que Trotsky disait de la Russie tsariste à propos des intérêts contradictoires des différentes couches de la paysannerie, reste vrai en Amérique latine aujourd'hui : « La paysannerie dans sa totalité était totalement incapable de tenir les reines d'un gouvernement. »
Donc nous arrivons à la réponse à la question : pourquoi toutes les luttes de guérilla ont-elles été incapables de trouver une voie alternative ? Parce qu'il n'y en a pas. Vous pourriez aussi bien chercher le pays des contes de fées. La petite-bourgeoisie, qui n'a pas un rapport décisif aux moyens de production, est incapable d'organiser la société d'une autre manière. De par sa nature même, elle est forcée soit de poursuivre ses aspirations bourgeoises ou, dans des circonstances extrêmement exceptionnelles, elle cherche à exproprier la bourgeoisie, en s'assurant quelques privilèges en tant que couche bureaucratique à la tête d'un Etat ouvrier déformé.
Cela est lié à une autre caractéristique structurelle de la petite-bourgeoisie. La plus grande menace pour ses aspirations les plus profondes est d'être rejetée vers le prolétariat et les déshérités. Elle pense qu'elle est supérieure et qu'elle mérite mieux que ça. Et dans le cas de l'intellectuel, élevé dans un système où le travail manuel est considéré comme infiniment inférieur au travail intellectuel, il est prédisposé à se poser en maître des masses laborieuses. S'il rompt avec ce genre de conceptions, il peut rejoindre les rangs de la révolution prolétarienne. Mais l'intellectuel de gauche qui devient un guérilliste n'est rien d'autre qu'un caudillo qui veut sauver les masses malgré elles. Une fois au pouvoir, comme à Cuba, le guérilliste se transforme rapidement en bureaucrate parasitaire.
« Mais au moins, ils se sont débarrassés du capitalisme », dirons peut-être certains d'entre vous. Oui, mais pour combien de temps ? Un Etat ouvrier déformé n'est pas une étape vers le socialisme ; c'est un obstacle nationaliste, bureaucratique sur la voie du socialisme. L'armée de guérilla, portée au pouvoir sans la participation consciente des ouvriers et des paysans, et qui n'a donc de comptes à rendre à personne, joue dès le départ le rôle d'arbitre entre les intérêts antagonistes des différentes couches sociales. Dans la mesure où il y a une justification idéologique, c'est le nationalisme, en l'espèce sous la forme de la rhétorique de la libération.
Regardez l'Amérique centrale dans les années 1980, quand Reagan a lâché ses chiens de guerre contre le régime sandiniste nicaraguayen et contre les insurgés de gauche au Salvador voisin. A l'époque, dans la tendance spartaciste, nous disions : « La défense de Cuba et de l'Union soviétique commence en Amérique centrale ! » Mais les anciens guérillistes de gauche au pouvoir à Cuba et au Nicaragua opéraient dans le cadre étroit du nationalisme, et sacrifiaient les révolutions dans les autres pays pour maintenir leurs propres positions. Les sandinistes ont refusé d'envoyer des armes aux Salvadoriens. Et Castro, qui cherchait une « coexistence pacifique » avec les Etats-Unis, a conseillé d'éviter un « autre Cuba » en Amérique centrale. Et ce n'était pas juste le Fidel « vieux et fatigué », forcé par les circonstances, qui mettait en avant la « coexistence pacifique » avec l'impérialisme américain. Dans un discours prononcé en 1964 aux Nations Unies, Che Guevara appelait lui aussi à « la coexistence pacifique entre Etats aux systèmes économiques et sociaux différents ». Depuis l'époque de Staline, cela a toujours voulu dire sacrifier d'autres révolutions pour ses intérêts nationaux étroits.
Karl Marx faisait remarquer il y a plus d'un siècle, et ceci est l'autre composante de la théorie de la révolution permanente de Trotsky, que sans une économie socialisée étendue internationalement aux nations industrialisées avancées, un Etat ouvrier isolé serait condamné à « la généralisation de la pénurie ». Et si le programme stalinien du « socialisme dans un seul pays » était impossible dans un vaste pays comme l'Union soviétique, il est tout simplement ridicule sous la forme du « socialisme dans une seule île ». Une rhétorique anti-impérialiste, des appels au nid de brigands que sont les Nations Unies, et une politique nationalement limitée qui consiste à fermer les écoutilles et à s'enfermer dans son bunker ne défendra pas Cuba contre les pressions sans relâche de l'impérialisme non seulement par l'encerclement militaire, avec les déformations qu'il entraîne, mais aussi par les pressions du marché mondial et de ses produits capitalistes meilleur marché. Ce qu'il faut de façon urgente aujourd'hui, c'est que tous ceux qui s'opposent à l'impérialisme construisent une défense internationaliste de Cuba, qui passe par la lutte de classe dans son propre pays.
L'appareil d'Etat policier de la caste bureaucratique à Cuba même sous sa forme vert olive guévariste plus « humaine » et paternaliste a travaillé à détruire le meilleur espoir pour la défense de la révolution, à savoir la conscience de classe prolétarienne. Comme l'écroulement de l'Etat ouvrier dégénéré soviétique l'a prouvé, c'est l'atomisation du prolétariat par le stalinisme qui a joué le rôle le plus important pour saper l'Etat ouvrier déformé. Une authentique démocratie ouvrière non seulement mobiliserait les masses cubaines en défense de leurs acquis révolutionnaires, mais elle est une condition nécessaire pour une économie planifiée qui fonctionne de manière efficace. La meilleure défense de Cuba, c'est la révolution ouvrière, des Etats-Unis à l'Amérique du Sud, en passant par le Mexique et l'Amérique centrale.
En tant que marxistes, nous partons du postulat que le prolétariat est la seule classe qui a la puissance sociale et l'intérêt de classe pour libérer l'humanité du joug de l'oppression de classe. Conduit par un parti révolutionnaire trotskyste internationaliste, ayant une autorité acquise à travers de nombreuses batailles de classe, le prolétariat pourra renverser le capitalisme et ses extensions internationales dans le monde entier. Dans les pays arriérés, où les ouvriers sont minoritaires et où les tâches d'une révolution démocratique bourgeoise non accomplie restent à l'ordre du jour, seul le prolétariat révolutionnaire pourra rallier à sa cause les couches inférieures des classes opprimées au moyen d'un programme de révolution agraire, d'émancipation des paysannes et des ouvrières de la double oppression qu'elles subissent, d'expropriation des classes possédantes et de gouvernement des soviets d'ouvriers et de paysans. C'était la voie d'Octobre, et c'est la seule voie vers la victoire pour les masses opprimées d'Amérique latine. Pour les Etats-Unis socialistes d'Amérique latine ! Pour la révolution socialiste dans toutes les Amériques !