Foulard à l’école : Non aux exclusions racistes !

LO : fer de lance des exclusions

Nous reproduisons ci-dessous un tract de la Ligue trotskyste de France en date du 9 octobre 2003.

Reproduit du Bolchévik n° 166, décembre 2003

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Le 24 septembre, deux sœurs d’un lycée d’Aubervilliers, en banlieue parisienne, ont été exclues de l’école pour le port du foulard, en attendant le conseil de discipline qui aura lieu demain. Ces exclusions tombent en plein milieu d’un grand débat, avec la commission Stasi mise en place pour étudier l’interdiction du foulard à l’école. Les Chirac et Raffarin feignent cyniquement de s’intéresser au sort des jeunes filles musulmanes. Tu parles ! Ils s’en inquiètent tellement qu’ils expulsent des centaines de musulmans, animistes et autres, pratiquement tous les jours par charters entiers ! Le gouvernement veut tellement se battre contre les islamistes qu’il a expulsé Nasr Eddine Bourrached, un porte-parole des sans-papiers à Perpignan, en l’envoyant fin août à une mort probable aux mains des intégristes en Algérie ! Le gouvernement s’ inquiète tellement du sort des musulmans qu’il alimente le mensonge que tout musulman est un terroriste potentiel, avec Vigipirate, un plan de terreur raciste quotidienne. La Ligue trotskyste de France (LTF) déclare : A bas Vigipirate ! Non aux charters ! Pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés ! Non aux exclusions racistes des filles qui portent le foulard ! Pour la réintégration d’Alma et Lila au lycée !

Ce n’est pas seulement la droite qui se bat pour l’exclusion des filles qui portent le foulard à l’école. Lutte ouvrière (LO) a été le fer de lance pour l’exclusion d’Alma et Lila à Aubervilliers. D’après le Monde (9 octobre), « Les professeurs membres de Lutte ouvrière plaident depuis la rentrée pour des sanctions immédiates. » LO fait campagne pour la même chose que le gouvernement, qu’elle le veuille ou non. LO salue les profs qui se sont battus pour l’exclusion d’Alma et Lila : « Eh bien, nous, nous approuvons les enseignants qui ont le courage de défendre cette position et nous souhaitons qu’il y en ait beaucoup dans ce pays. Et d’ailleurs, les enseignants ne devraient pas avoir besoin d’une excuse, pas besoin de se réfugier derrière une loi, leur vocation d’enseignant, leur conscience devraient suffire » (Lutte Ouvrière, 26 septembre). En d’autres termes, LO appelle les profs à faire eux-mêmes le boulot d’exclure les filles portant le foulard, en pleine campagne hystérique en France pour cela.

LO n’est pas seule dans la campagne pour exclure les filles. La LCR a des divergences internes, mais sur le lycée d’Aubervilliers, elle n’a qu’une nuance d’opinion avec LO : elle cherche à « éviter au maximum la descolarisation, l’expulsion », mais « nous ne voulons pas non plus exclure les sanctions si un dialogue n’est pas possible » (le Monde, 9 octobre). Le membre de la LCR continue : « Le problème, c’est que ces deux élèves-là vont beaucoup plus loin [¼] Elles sont dans une logique militante. » Un prof de la LCR s’en prend même aux JCR (Jeunesses communistes révolutionnaires, organisation de jeunesse de la LCR) car les JCR ont la position correcte de s’opposer aux exclusions racistes (le Monde, 9 octobre). Ceci dit, cela n’empêche nullement les JCR d’être « politiquement subordonnées » à la LCR et de se préparer à faire campagne au printemps pour la liste électorale LO/LCR et donc pour leur politique. Que ce soit par une loi raciste de Raffarin ou que ce soit par les profs de LO et la LCR, le résultat est le même pour ces jeunes femmes, et c’est : « dehors ! »

Nous défendons Alma, Lila et toutes les filles qui portent le foulard, contre la réaction de l’Etat bourgeois et contre les profs et les autres qui cherchent à les exclure. En même temps, en tant que communistes, nous nous opposons au foulard et au voile qui représentent un programme social réactionnaire pour confiner les femmes dans la famille, dans la maison et dans une position de servitude (voir notre article sur « Les femmes et l’immigration en France », paru dans notre revue internationale Spartacist, édition française, printemps 2003). Notre opposition au voile et au foulard fait aussi partie des raisons pour lesquelles nous nous opposons aux exclusions : ces exclusions ne peuvent avoir pour résultat qu’un isolement et une oppression encore plus profonds pour ces jeunes femmes. Leurs croyances religieuses ne peuvent qu’être renforcées si elles sont coupées de toute éducation publique. Nous défendons la laïcité et la séparation de l’Eglise et de l’Etat, mais le principe de la laïcité est dénaturé par l’Etat français raciste, anti-ouvrier et anti-femmes, quand on s’en sert pour attaquer ces jeunes filles musulmanes qui portent le foulard : la laïcité se base sur l’idée que l’Etat ne doit pas toucher aux croyances personnelles des gens. Le père d’Alma et Lila (et avocat du MRAP) a bien saisi l’hypocrisie de la campagne quand il a parlé des « ayatollahs de la laïcité, qui ont perdu le sens commun » (le Monde, 25 septembre). Cet opposant au voile, qui lutte contre l’exclusion de ses filles, dénonce fort justement la « double peine » qui les menace : « celle qu’elles portent déjà sur la tête, et celle qui les priverait du plus d’humanité que leur apporte l’école » (l’Humanité, 9 octobre).

LO ne défend pas l’exclusion des filles sur la base de la laïcité, mais principalement sur la base de « la défense des femmes ». LO prétend que c’est pour leur bien qu’il faut exclure les filles qui portent le foulard : « Ce qui est en question, ce n’est pas le “droit” pour certaines de porter le voile, mais le droit pour des milliers de jeunes filles et de jeunes femmes de s’appuyer sur l’interdiction du voile pour riposter aux contraintes réactionnaires que voudrait leur imposer leur milieu » (Lutte Ouvrière, 19 septembre). LO prétend faire des écoles un havre de progressisme, mais cela ne résout rien à l’oppression des femmes forcées de remettre le voile dès qu’elles franchissent les grilles du lycée. En plus, la campagne de LO pour l’exclusion des filles de l’école renforce la ségrégation raciste qui est une source d’oppression de ces filles.

Les jeunes issus de l’immigration se trouvent en France sans emploi et sans avenir dans des cités-ghettos et donc ils cherchent une identité dans la religion. C’est notamment le cas d’Alma et Lila à Aubervilliers : leur père est juif athée et leur mère est kabyle, les sœurs ne fréquentent pas régulièrement la mosquée. C’est loin d’être exceptionnel : avec l’absence de toute perspective et le désespoir dans la société capitaliste, de plus en plus de jeunes se tournent vers l’islam. Ces jeunes femmes se tournent vers le refuge de la religion comme le « cœur d’un monde sans cœur » (selon l’expression de Karl Marx), comme une consolation illusoire dans l’au-delà pour les souffrances bien réelles subies ici-bas. Contrairement à ce que disent LO et la LCR, qui veulent faire croire que les filles comme Alma et Lila entrent dans une « logique militante » intégriste, la réalité en France c’est que dans nombre de cas ces filles mettent le foulard en réaction à toute la ségrégation raciste de cette société ; l’islam est une religion des opprimés du ghetto. Même Alma et Lila insistent qu’« on ne le porterait jamais dans un pays où c’est obligatoire » (Libération, 22 septembre).

LO dit que certains groupes de gauche « en appellent au “droit” pour les jeunes musulmanes de porter le voile à l’école. S’y ajoute parfois l’argument selon lequel, faute de ce droit, elles ne pourront avoir accès à la culture, aux enseignements que délivre l’école. C’est en fait baisser les bras devant une pression réactionnaire » (Lutte Ouvrière, 19 septembre). La vraie pression réactionnaire en France vient de la bourgeoisie (qui d’ailleurs utilise et pousse les imams pour contrôler les ghettos), pas des jeunes filles qui portent le foulard ! LO suggère faussement que ceux qui s’opposent aux exclusions acceptent nécessairement le voile. Il y a effectivement des groupes qui ne croient pas que le voile soit un symbole d’oppression. Par exemple Socialisme par en bas (Speb) dit que « Le foulard islamique représente avant tout le symbole de la résistance à l’oppression religieuse et raciste » (Islamisme et révolution). Mais, contrairement à Speb, LO et la LCR, dans la LTF nous nous sommes toujours battus férocement contre le voile et contre la réaction islamique, et nous continuons à le faire. Et c’est en Afghanistan qu’on a pu voir le plus clairement qui voulait sérieusement lutter contre l’oppression des femmes sous le voile.

Depuis des centaines d’années, le seul moment où les femmes afghanes n’étaient pas soumises à la burka étouffante, c’était dans les années 1980. Car en 1979 l’Union soviétique est entrée en Afghanistan à la demande de son gouvernement – un régime petit-bourgeois modernisateur qui voulait baisser le prix des femmes. Sous la tutelle de l’Armée rouge, les femmes afghanes étaient formées comme infirmières, enseignantes et soldats. C’est tout le contraire de ce que faisaient les capitalistes colonialistes français en Algérie, car l’Union soviétique était un Etat ouvrier. Malgré la domination politique d’une caste parasitaire stalinienne, le fondement social de l’URSS c’était l’expropriation des capitalistes et la collectivisation de l’économie, qui étaient incompatibles avec l’exclusion moyenâgeuse des femmes sous la burka. Contre l’URSS et le gouvernement afghan on trouvait les moujahidins anti-femmes, les mêmes qui sévissent de nouveau aujourd’hui. Les impérialistes des USA et de la France soutenaient et armaient ces réactionnaires islamistes, de Massoud aux talibans et à Ben Laden, qui voulaient revoiler de force les femmes et tuer le plus possible de soldats soviétiques.

A l’époque, LO a condamné l’intervention soviétique en disant que l’Afghanistan était comme le Vietnam, comparant faussement le viol du Vietnam par les impérialistes français puis américains avec l’intervention progressiste de l’Armée rouge en Afghanistan (Lutte de classe, 7 juillet 1980). Quant à la LCR, elle a écrit en 1988 que la chute du gouvernement afghan « constituerait en tout état de cause un moindre mal que la perpétuation de l’enlisement soviétique en Afghanistan » (Inprecor, 11 avril 1988). Nous avions dit au contraire « Salut à l’Armée rouge en Afghanistan ! Etendez les acquis [de la Révolution russe] d’Octobre aux peuples d’Afghanistan ! » et nous nous sommes battus contre le retrait des troupes soviétiques en 1989. Le fruit de cette trahison des Soviétiques en Afghanistan c’est l’horreur qui existe là-bas aujourd’hui. N’en déplaise à ceux qui versent des larmes de crocodile sur le sort des femmes afghanes et sur la montée de l’islam dans le monde aujourd’hui, la réalité c’est que la chute de l’Union soviétique en est au fond la cause. LO et la LCR ont refusé de s’opposer à la pire racaille islamiste en Afghanistan dans les années 1980, et aujourd’hui ils se plaignent des islamistes en France ! Et pourtant ces deux positions sont liées de façon très concrète : à l’époque comme aujourd’hui ils ont pris le côté de leur propre bourgeoisie française.

Pour pouvoir libérer les femmes non seulement du voile, mais de toute forme d’oppression, il faut se battre pour une révolution ouvrière qui seule peut en finir avec la base matérielle de l’oppression. Pour cela il faut construire un parti ouvrier révolutionnaire. Un tel parti se battra dans l’intérêt de tous les travailleurs, et donc contre la terreur raciste et l’oppression des femmes. C’est le parti que nous cherchons à construire. Pour la libération des femmes par la révolution socialiste !

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