Il faut défendre le droit de grève et les acquis ouvriers

A bas les campagnes racistes du gouvernement !

Le racisme divise et affaiblit la classe ouvrière

Reproduit du Bolchévik n° 169, septembre 2004

Les électriciens et gaziers ont été défaits par Sarkozy/Chirac fin juin, trahis par leur direction (voir notre tract du 7 juillet, reproduit page 16). Dans la foulée les directions syndicales n’ont même pas fait semblant de lancer une lutte contre le plan de démantèlement progressif de la Sécu. Le gouvernement aborde la rentrée encouragé à redoubler les coups. Le ministre de la Justice a envoyé une circulaire aux procureurs avec des consignes sur comment engager des poursuites contre les grévistes d’EDF (l’Humanité, 9 août). Il y a cinq ans le gouvernement capitaliste PS/PC/Verts de Jospin avait profité de la réduction à 35 heures du temps de travail officiel pour introduire une série de mesures dévastatrices sur la flexibilité des horaires, avec fréquemment blocage des salaires et force exonérations de charges pour les patrons. Aujourd’hui tout cela est amplifié, en même temps que les provocations se multiplient dans les entreprises pour augmenter le temps de travail. La remise en cause du droit de grève s’annonce dans les services publics et les transports. Depuis dix ans c’est le secteur public qui a été le plus combatif, notamment en décembre 1995 et au printemps 2003. Le gouvernement vise ce secteur de façon particulièrement vindicative, espérant ainsi briser la résistance de l’ensemble des travailleurs, augmenter le temps de travail de tous sans même une compensation salariale, réduire encore plus les droits des chômeurs et démanteler les services sociaux chèrement acquis. Levée des poursuites contre les grévistes ! Défense du droit de grève ! Pour une santé gratuite et de qualité pour tous ! A bas l’augmentation du temps de travail : Pour le partage du travail entre toutes les mains, sans baisse de salaire et avec un minimum suffisant pour chacun !

En dépit de la « reprise économique » cette année, le chômage continue d’augmenter. Entre les fermetures d’usines, les « plans sociaux » et les « fins de contrat » d’emplois précaires, les travailleurs sous contrat privé, et surtout les travailleuses, les immigrés et leurs enfants, vivent sous la menace permanente de perdre leur emploi, avec la certitude de ne pouvoir survivre avec des allocations chômage (plus de la moitié des chômeurs inscrits à l’ANPE ne touchent rien, et de ceux qui touchent quelque chose, pratiquement la moitié reçoit moins du SMIC). Dans toutes les régions industrialisées du pays la classe ouvrière contient une forte proportion de travailleurs immigrés ou d’origine immigrée, souvent d’origine africaine ou nord-africaine, et le racisme contre cette composante de la classe ouvrière et contre leurs enfants est un mécanisme clé pour diviser et affaiblir l’ensemble de la classe ouvrière. Dans toute l’Europe le démantèlement des services sociaux s’accompagne de chasses aux sorcières contre les immigrés, de l’Italie où l’armée refoule les survivants naufragés qui essaient de pénétrer dans le pays, à l’Irlande où un récent référendum a révisé le « droit du sol » qui accordait la citoyenneté automatiquement à tous ceux qui sont nés dans le pays.

C’est pourquoi nous, marxistes, nous faisons de cette question une question centrale dans notre travail de propagande révolutionnaire. Nous luttons pour les pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés et leur famille. Le 4 juillet, au lendemain de la défaite à EDF, les CRS ont attaqué des sans-papiers au square Séverine à Paris, faisant près de 100 interpellations ; au moins dix personnes ont été expulsées. Nous disons : A bas les expulsions ! Nous combattons ouvertement toutes les campagnes racistes du gouvernement. A bas le plan Vigipirate de quadrillage de la population ! Cela fait quinze ans que nous nous opposons aux tentatives racistes d’exclure des écoles les jeunes femmes portant un foulard islamique. Nous nous sommes opposés l’année dernière à l’exclusion d’Alma et Lila Lévy d’un lycée d’Aubervilliers, une campagne menée par des profs membres de Lutte ouvrière (LO) et de la LCR (y compris un membre de son bureau politique, Pierre-François Grond) qui a ouvert un boulevard à la loi raciste d’exclusion de Chirac-Ferry. Maintenant avec la rentrée scolaire la loi entre en application. Le mouvement ouvrier devrait se mobiliser contre les exclusions racistes qui se préparent, en dépit de ceux qui au PS, à LO et même dans le PCF et la LCR en ont fait l’apologie. Quand le PCF se démarque du PS, comme il l’a fait sur le voile, c’est uniquement pour restaurer sa propre influence parmi les travailleurs afin de reconstituer un meilleur rapport de forces… dans une nouvelle alliance de collaboration de classes avec le PS, les Verts et les chevènementistes – un front populaire. Et la LCR en est à discuter ouvertement des conditions pour prendre part, elle aussi, à une telle alliance (voir Libération du 19-20 juin et Rouge du 24 juin).  Nous avions par principe refusé en 1997 de voter pour le front populaire de Jospin, dont les attaques contre la classe ouvrière ont jeté les bases pour la victoire de Chirac en 2002. La LCR avait au contraire systématiquement voté en 1997 pour le front populaire de Jospin, et LO partout où le FN était présent au deuxième tour.

En tant que marxistes nous nous opposons au voile, symbole de l’oppression des femmes, et nous luttons contre la religion, cet « opium du peuple » qui, en consolant les opprimés, les empêche de comprendre qu’ils doivent lutter pour renverser ce système capitaliste et qu’il est possible de gagner. On n’éradiquera l’obscurantisme religieux qu’en liquidant ses causes, c’est-à-dire l’oppression séculaire enracinée dans les sociétés divisées en classes sociales, une oppression ­aujour­d’hui basée sur le système d’exploitation capitaliste. Mais quand l’Etat bourgeois s’en prend aux jeunes femmes qui portent le voile, c’est bien d’autres buts qu’il poursuit, en l’occurrence stigmatiser la population d’origine maghrébine et africaine comme soi-disant une bande d’« intégristes islamiques », de réactionnaires anti-femmes et d’« antisémites » (pendant que Chirac se précipite à Lourdes le 15 août pour baiser les pieds du pape, un des pires idéologues actuels contre l’avortement et pour l’oppression des femmes).

L’« affaire du RER D » est à cet égard significative. Immédiatement après un discours de Chirac exhortant à la répression contre l’« antisémitisme », une jeune mythomane prétend avoir été agressée dans le RER à 9 heures du matin, avec son bébé, par six jeunes gens, quatre Maghrébins et deux Noirs. Aucun témoin ne se présente. Pourtant la secrétaire d’Etat Nicole Guedj – la même qui le 6 mars manifestait au coude à coude avec Arlette Laguiller contre les jeunes femmes voilées à l’école – se rend à son chevet et assure qu’« elle m’a paru sincère » (le Monde, 14 juillet). Chirac, la presse bourgeoise, le PS, les Verts, entrent en campagne ; la police se lance immédiatement dans la chasse à l’homme en ­Seine-Saint-Denis, contrôlant des milliers de personnes, arrêtant et déportant les sans-papiers. La mythomane, une fois démasquée, a fini par être condamnée à une peine avec sursis ; en réalité son véritable crime aux yeux de la bourgeoisie est d’avoir discrédité l’hystérie anti-« antisémite ». Pendant ce temps les profanations de tombes juives (et musulmanes) en Alsace et ailleurs ne sont pratiquement jamais élucidées (car en ce cas il s’agit manifestement de fascistes « gaulois »), et la répression continue de s’abattre sur les jeunes.

Qu’il y ait de l’antisémitisme dans les banlieues, c’est un fait. Mais il est alimenté par ce genre de campagne raciste et hypocrite de la bourgeoisie française qui, après tout, est la bourgeoisie de l’Affaire Dreyfus et de l’« Etat français » antisémite de Vichy. Il est alimenté par l’amalgame constant dans la presse entre les Juifs et l’Etat sioniste raciste. Il est alimenté par Sharon qui, en écho aux fascistes, cherche à faire émigrer en Israël les Juifs français, et déclare : « [...] à peu près 10 % de la population [française] est musulmane, ce qui permet l’essor d’une nouvelle forme d’antisémitisme fondée sur des sentiments anti-israéliens » (le Monde, 20 juillet). Pour notre part nous disons : Défense du peuple palestinien ! Troupes israéliennes, colons, hors des territoires occupés !

La campagne permanente de la bourgeoisie française contre la population d’origine immigrée, notamment ma­ghrébine et/ou musulmane, se fait également sous le mot de code de la lutte contre le terrorisme criminel à la Ben Laden. Récemment le gouvernement américain a été contraint de libérer toute une série de détenus qui subissaient la torture des forces spéciales américaines et croupissaient à Guantánamo depuis plus de deux ans, sans aucun droit et sans même être accusés de quoi que ce soit. Même Tony Blair, ce laquais travailliste de Bush et grand massacreur d’Irakiens lui-même, a libéré « ses » détenus. Mais pas Chirac, qui dispose dans le code pénal d’un chef d’accusation autorisant l’arbitraire le plus complet, qui menace tout le monde, et que lui envient nombre de gouvernements occidentaux : l’« association de malfaiteurs en liaison avec une entreprise terroriste ». Il suffit que quelqu’un ait utilisé votre téléphone pour téléphoner à quelqu’un qui a téléphoné à une personne soupçonnée de convictions « extrémistes » (il peut s’agir d’un soutien à la lutte de libération nationale corse ou basque), et potentiellement votre compte est bon. Après quelques mois ou quelques années de détention préventive, et si vous survivez à la prison, vous bénéficierez dans le meilleur des cas d’un non-lieu, avec inscription permanente dans les fichiers des flics, pour la prochaine rafle. Ce type de loi d’exception vise aujourd’hui des populations vulnérables d’origine immigrée, mais demain c’est tous les travailleurs qui sont visés. Libération immédiate des jeunes rescapés de Guantánamo ! A bas la chasse aux sorcières « anti-­terroristes » ! Troupes US et alliées, hors d’Irak !

A bas l’occupation coloniale de l’Irak !

L’année dernière nous avons pris le côté militaire de l’Irak face à l’attaque de l’armada impérialiste, sans donner le moindre soutien politique à Saddam Hussein, un meurtrier de masse de communistes, de chiites et de Kurdes. Aujourd’hui aussi nous avons un côté dans la situation actuelle, contre les USA, leurs alliés et leurs laquais irakiens. Nous défendons les peuples d’Irak contre toute attaque et toute répression menées par les USA. Dans la mesure où il y a des forces sur le terrain en Irak qui dirigent leurs coups contre les occupants impérialistes (y compris leurs mercenaires qui sont plus de vingt mille à opérer dans le pays), nous appelons à leur défense militaire contre l’impérialisme US. Tout coup porté contre les occupants impérialistes est un coup porté aux ennemis des travailleurs et des opprimés dans le monde entier.

Mais nous ne décernons pas de qualificatifs « anti-impérialistes » aux forces actuelles qui organisent sur place des attaques de guérilla contre les forces US. Nous mettons en garde que, en l’absence d’une lutte de classe en Irak et internationalement contre l’occupation coloniale, la victoire de l’une ou de l’autre de ces forces cléricales réactionnaires se produira plus vraisemblablement au travers d’une alliance avec l’impérialisme US. Nous nous opposons de façon intransigeante à la violence intercommunautaire meurtrière contre les autres groupes ethniques, religieux et nationaux, que commettent souvent les mêmes forces qui combattent les armées d’occupation. Et nous condamnons le kidnapping et le meurtre de travailleurs civils étrangers en Irak.

Nous sommes loin du terrain irakien, et notre tâche maintenant se limite pour l’essentiel à de la propagande, mais celle-ci n’en est pas moins cruciale. Tout en insistant que l’ennemi principal est l’impérialisme américain, un parti révolutionnaire qui aurait des racines et de l’influence en Irak organiserait des mobilisations contre la réimposition de la charia et contre les massacres intercommunautaires et organiserait ce qui reste du mouvement ouvrier et les masses de chômeurs sur une base de classe, au moyen de grèves et d’occupations d’usines contre l’occupant impérialiste et contre le clergé parasitaire.

Gilbert Achcar, l’un des idéologues phares de la LCR notamment pour ce qui touche au Proche-Orient, s’est récemment félicité d’une perspective « démocratique » en Irak : « Il n’existe pas une force hégémonique, susceptible de gouverner le pays. Pour cette raison, les perspectives pour une certaine forme de démocratie en Irak sont réelles, à mon avis, à condition, bien sûr, qu’il soit mis un terme à l’occupation. […] Tout cela contribue à l’existence de conditions objectives pour un fonctionnement pluraliste, même si c’est dans certaines limites. Les Etats-Unis ont, involontairement, créé les conditions de cette possible démocratisation » (Inprecor n° 495/496, juillet-août). L’Irak n’a jamais connu de démocratie bourgeoise. Ce n’est pas une nation ; il y a trois populations principales : une fraction de la nation kurde (qui s’étend aussi en Iran, en Turquie et en Syrie), une majorité arabe chiite, et une minorité arabe sunnite, qui est historiquement dominante politiquement. Si la classe ouvrière n’émerge pas comme force politique indépendante luttant contre l’ordre néocolonial, aucune de ces trois populations ne peut parvenir au pouvoir sans opprimer les autres, en alliance avec l’impérialisme US. L’objectif de « forces de résistance » comme l’Armée du Mahdi de Moqtada al-Sadr est de diriger l’Irak comme des satrapes locaux de l’impérialisme, à la seule condition que les forces US se retirent.

Sous le capitalisme, il est impossible de parvenir à une résolution équitable des questions démocratiques en Irak, et plus largement dans l’ensemble du Proche-Orient. Il faudra pour cela le renversement de l’ordre bourgeois dans la région, et l’établissement d’une fédération socialiste du Proche-Orient. C’est la théorie trotskyste de la révolution permanente. Cela veut dire qu’il faut combiner la lutte contre l’occupation avec la lutte contre toutes les variétés de nationalisme bourgeois et de fondamentalisme religieux ; et cela pose la nécessité urgente de forger des partis marxistes pour diriger ces luttes afin que la classe ouvrière prenne le pouvoir dans toute la région et que la révolution s’étende internationalement aux centres impérialistes.

Qu’Achcar ne souffle mot de cela n’a rien d’étonnant : la LCR n’a absolument aucune perspective d’une lutte de classe ouvrière révolutionnaire, ni au Proche-Orient, ni ici. Leur politique s’inscrit complètement dans le cadre du capitalisme, en Irak avec leur « démocratisation » utopique, et en France où ils ont même voté pour Chirac en 2002 et continué à le soutenir l’année suivante lors du veto de l’impérialisme français à l’ONU contre Bush. A l’époque Chirac ne faisait que défendre les intérêts de l’impérialisme français (en bloc avec l’impérialisme allemand) contre ses rivaux américains. Il dénonçait l’intervention américaine tout en envoyant lui-même des troupes en Côte d’Ivoire pour défendre le « pré carré français » en Afrique. Aujourd’hui les rumeurs enflent d’une intervention impérialiste au Darfour, dans l’Ouest du Soudan. Comme d’habitude, tout cela est orné d’« humanitaire » et de « lutte » contre le danger de famine ou un génocide. La vérité est plus prosaïque : en ce qui concerne les Français, Total a des intérêts pétroliers au Soudan, et le Tchad limitrophe est l’un des derniers pays où l’impérialisme français maintient un contingent expéditionnaire colonial. D’ailleurs il y a des centaines de légionnaires français qui s’activent déjà le long de la frontière tchado-soudanaise. Nous disons : Impérialistes, bas les pattes devant le Darfour ! Troupes françaises, hors du Tchad et de toute l’Afrique ! Troupes françaises, hors des Balkans et hors d’Afghanistan !

Pour que la classe ouvrière de France puisse faire une révolution, elle doit s’assimiler ces questions sociales et internationales les plus larges, et pour cela il lui faut un parti révolutionnaire internationaliste d’avant-garde. Sinon, elle restera confinée à la lutte économique dans le cadre du capitalisme. Les défaites que subit la classe ouvrière allemande aujour­d’hui, sous l’égide du gouvernement social-démocrate et vert (un gouvernement capitaliste), avec la liquidation des 35 heures et de l’assurance chômage, ont des réverbérations immédiates et profondes ici. Cela ne fait que souligner la nécessité de lutter pour construire un parti international de la révolution socialiste, regroupant des communistes en France, en Allemagne, aux USA, en Algérie et ailleurs. Nous luttons pour reforger la Quatrième Internationale de Léon Trotsky.

Nous reproduisons ci-après notre tract du 7 juillet.

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Défaite de la grève à EDF

Levée immédiate des poursuites contre tous les grévistes !

7 juillet – Le gouvernement a gagné dans l’épreuve de force avec les travailleurs d’EDF. Avec le vote de la loi de privatisation et face à une avalanche de sanctions pro­fes­sionnelles et poursuites pénales contre les grévistes les plus combatifs, les piquets de grève bloquant les centres de pro­duction et de distribution ont été levés. A bas la privati­sation ! Il s’agit d’une grave défaite entérinant l’affaiblissement du plus grand bastion syndical de la classe ouvrière de France. Elle s’inscrit dans une série d’attaques brutales du gouvernement entamée avec le plan de démantèlement progressif des systèmes de retraites mis en œuvre avec la défaite de la vague de grèves du prin­temps 2003. Dans les jours qui viennent c’est la Sécu qui est sur le billot. Au moment où le DGB, la fédération syn­dicale allemande, signe le retour à la semaine de 40 heures chez Siemens (avec diminution des salaires), Sar­kozy an­nonce non seulement qu’il veut en finir en France avec la semaine de 35 heures, mais plus généralement détruire le principe même de la durée légale du travail en faisant payer les heures supplémentaires au taux normal.

Il faut s’attendre à ce que le gouvernement utilise les poursuites judiciaires contre les travailleurs d’EDF pour remettre en cause le droit de grève non seulement à EDF mais aussi dans les transports et à la Poste, au nom soi-disant d’un « service public » qu’ils sont en réalité en train de démolir. C’est pourquoi il est crucial que les syndicats et le mouvement ouvrier se mobilisent en dé­fense des travail­leurs sanctionnés. Levée immédiate des sanctions discipli­naires et des poursuites judiciaires contre les travailleurs d’EDF-GDF ! Défense du droit de grève !

La série de défaites pour la classe ouvrière ouverte par la « réforme » des retraites l’année dernière, prend sa source dans la trahison du PS, du PCF et de la LCR quand ils ont appelé à soutenir le bourgeois réactionnaire Chirac aux élections présidentielles de 2002. PS, PCF et LCR ont continué à soutenir Chirac à l’ONU pendant l’hiver 2002-2003 quand celui-ci cherchait à défendre les intérêts de l’impérialisme français et de ses alliés alle­mands contre les USA avec la guerre en Irak. C’est pour cela qu’ils n’ont pas levé le petit doigt quand, en mars 2003, deux semaines avant le début de la guerre, Chirac-Sarkozy ont mis en place une politique de déportation des sans-papiers par charters entiers. Cette attaque contre le secteur le plus vulnérable de la classe ouvrière préfigurait l’attaque qui a immédiatement suivi contre l’ensemble des travailleurs avec les retraites. A l’automne 2003, le PS et Lutte ou­vrière (qui travaillait en bloc avec la LCR) ont servi de fer de lance à la campagne raciste du gouverne­ment contre les jeunes femmes voilées à l’école. Encore après les élections régionales de mars der­nier le PS insis­tait qu’il ne fallait pas de lutte de classe contre ce gouver­nement revanchard, mais au contraire se contenter d’aller revoter aux élections pour eux (voir notre supplément au Bolchévik paru en avril dernier). Ce sont ces trahisons de la direction politique de la classe ouvrière, enchaînant celle-ci dans une « unité nationale » avec sa propre bour­geoisie et son gouverne­ment, qui ont pavé la voie à la défaite à EDF. Le PCF et le reste de la gauche, en refu­sant de s’opposer aux cam­pagnes sécuritaires racistes menées par Sarkozy (alors ministre des flics), ont cons­truit l’autorité de Sarkozy (maintenant ministre de l’Economie) pour privatiser EDF.

A bas la collaboration de classes !

Dès le début de la lutte à EDF la stratégie de la CGT, le syndicat ultra-majoritaire encore fortement influencé par le PCF, a été de paralyser les travailleurs face à l’attaque frontale du gouvernement. Leur stratégie était officielle­ment de se contenter de canaliser la combativité des tra­vailleurs vers le débat parlementaire sur le projet de loi. C’était une perspective d’autant plus ridicule que la droite dispose d’une solide majorité absolue au parlement, et que de nom­breux ténors du principal parti d’opposition (le PS), comme Strauss-Kahn et Fabius, s’étaient prononcés, quand ils étaient au pouvoir, pour la privatisation d’EDF. Et c’est un ministre des Transports PCF, Gayssot, qui avait alors, sous la législature Jospin, mis sur les rails la privatisation d’Air France.

Pendant la grève d’EDF les bureaucrates n’ont endossé les coupures de courant (et seulement certaines) que sous la pression des grévistes occupant les sites. Les travailleurs eux-mêmes avaient pourtant montré leur combativité : lors du référendum d’entreprise l’année dernière ils ont rejeté le plan du PDG d’EDF, Roussely, et de la CGT, un rejet forçant la bureaucratie syndicale à remplacer son dirigeant Cohen. Ils ont décidé dans des assemblées générales de couper le courant. Dans un pays industrialisé comme la France, où de plus EDF a le monopole du transport et un quasi-monopole de la production de courant, une grève coupant le courant aux capitalistes reviendrait à bloquer le pays, car pratiquement aucune industrie ne peut tourner sans la fourniture d’électricité. Cela poserait inévitable­ment la question du pouvoir. C’est une question que les bureaucrates de la CGT ne peuvent poser, car toute leur stratégie se base sur la collaboration de classes, c’est-à-dire qu’ils veulent maintenir une certaine paix entre la classe ouvrière et celle de ses exploiteurs capitalistes. Pour gagner, il faut rompre avec cette perspective de loser.

Les bureaucrates de la CGT avaient développé tout un argumentaire sur le fait que la privatisation d’EDF allait amener des augmentations massives de tarifs pour tout le monde et des coupures intempestives d’électricité comme aux USA. Toutes choses qui sont vraies. Mais ils es­sayaient avec cela de convaincre les parlementaires capita­listes que ce ne serait pas une décision rationnelle pour la classe capi­taliste de démanteler EDF. Ils entretenaient ainsi l’illusion que les classes sociales, les travailleurs et les patrons, pour­raient collaborer harmonieusement pour maximiser le bien public.

En réalité le capitalisme n’est pas rationnel, parce que c’est un système basé non pas sur le bien-être de l’ensemble de la population, mais sur le profit des pro­priétaires capita­listes qui possèdent en privé l’essentiel des moyens de pro­duction (les usines, les moyens de transport et de communi­cation). Il est vrai que la désorganisation de la production d’électricité résultant d’une privatisation, comme cela a été le cas en Californie, représente un in­convénient pour les capitalistes ; mais leur point de vue est un point de vue « lutte de classe » contre les travailleurs, et ils sont prêts à supporter l’anarchie d’une industrie élec­trique privatisée comme un menu désagrément par rapport à l’affaiblissement des syndicats et de l’ensemble de la classe ouvrière qu’amène la privatisation d’EDF. La vic­toire des capitalis­tes à EDF doit leur permettre d’augmenter le taux de profit dans cette industrie, d’accentuer la pression sur les salaires, les acquis sociaux et les cadences de l’ensemble de la classe ouvrière, et d’accroître encore la flexibilité des contrats de travail. D’ores et déjà à EDF-GDF de nombreux services sont confiés à des prestataires au statut précaire.

Face à l’offensive des capitalistes pour isoler les tra­vail­leurs d’EDF en les présentant comme prenant en otage la population, la CGT avait mis en place l’opération « Robin des bois », qui consiste à rétablir le courant aux familles démunies. C’est une bonne chose. Cette opération révèle que des dizaines de milliers de familles ont été privées d’électricité, donc de chauffage, de réfrigérateur, de télévi­sion, etc., parce qu’elles ne pouvaient plus payer leur fac­ture EDF. Preuve s’il en est qu’EDF fonctionne suivant la loi du profit. Ce n’est que lorsque les tra­vail­leurs sont en lutte qu’il y a du courant pour les plus dé­munis ! En réalité, pour que l’électricité soit véritable­ment accessible à tous, il faut en finir avec le système capitaliste tout en­tier, et lutter pour une société où l’on produise effective­ment pour satis­faire les besoins. Cela exige de briser le pouvoir des capita­listes et leur Etat. Il faut que les travail­leurs forgent leur propre pouvoir d’Etat, basé sur des conseils ouvriers, en détruisant le pouvoir d’Etat des ca­pitalistes. Cette perspec­tive, la dic­tature du prolétariat contre l’inévitable résistance armée des patrons, requiert que les travailleurs se dotent d’un parti multiethnique d’avant-garde pour diriger à la vic­toire une révolution ouvrière. C’est pour construire un tel parti que nous luttons.

Pour des syndicats indépendants des patrons et de l’Etat

Le premier mot d’ordre de la CGT a été : « EDF appar­tient à la nation ». La réalité c’est qu’EDF appartient à l’Etat bourgeois. Ce n’est pas un Etat qui fonctionne dans l’intérêt de l’ensemble de la nation, mais seulement dans l’intérêt de la petite minorité des capitalistes. Et les CRS sont intervenus à de multiples reprises contre les piquets de grève pour le rappeler aux travailleurs qui pensent à tort qu’EDF existe pour le bien public : l’Etat bourgeois c’est en dernier ressort un appareil de répression pour maintenir le système capitaliste d’exploitation. C’est pour cela que nous disons que les flics, CRS, gardiens de pri­son, etc., ne sont pas des travailleurs mais des chiens de garde des exploiteurs bourgeois. Flics, hors des syndi­cats ! « EDF appartient à la nation » masque cette vérité fondamentale, et par là obscur­cit la compréhension dont ont besoin les travailleurs, que l’Etat bourgeois n’est pas un allié, mais l’ennemi.

Les bureaucrates ont tout au long de la lutte cherché à montrer à Sarkozy que ce sont des gens « responsables », c’est-à-dire des laquais des capitalistes. Non seulement ils ont refusé de mobiliser la puissance des travailleurs de l’électricité, ils ont dénoncé à plusieurs reprises les cou­pures sauvages de courant, ce qui laisse les grévistes sans défense face aux représailles. La servilité de la bureaucra­tie syndicale a des causes très matérielles. La première phase de l’attaque du gouvernement a été une information judi­ciaire visant en réalité la CGT, ouverte pour « abus de confiance, escroquerie, faux et usage de faux » dès le 19 février. Le 27 avril les flics faisaient une perquisition au siège de la CCAS (Caisse centrale des activités sociales, l’équivalent du comité d’entreprise à EDF), qui est étroite­ment contrôlée par l’appareil de la CGT. Patrick Devedjian, ministre délégué à l’Industrie, donc en charge du dossier EDF, a déclaré à propos de coupures de courant le 7 juin : « cet acte illégal s’ajoute d’ailleurs à d’autres pratiques illégales, vous savez que la justice enquête au­jourd’hui sur le fonctionnement du comité d’entreprise et les faits sont aussi lourds. Il serait temps qu’à EDF on commence à avoir le respect de la loi » (l’Humanité, 9 juin).

Pendant des années EDF a grassement rétribué la CGT pour la paix sociale (il n’y avait eu pratiquement aucune coupure de courant depuis 1987) : la CCAS gérait un bud­get de 400 millions d’euros et employait 3700 salariés. Comme le dit le dicton : « Qui paie les violons choisit la musique. » Quand les patrons ont présenté la facture, les bureaucrates ont vendu les travailleurs en espérant sauver leur propre peau. Il y a là un exemple saisissant de l’explication de Lénine sur les racines matérielles du ré­formisme dans le mouvement ouvrier. Il écrivait en 1916 (l’Impérialisme, stade suprême du capitalisme) :

« Les profits élevés que tirent du monopole les capi­ta­listes d’une branche d’industrie parmi beaucoup d’autres, d’un pays parmi beaucoup d’autres, etc., leur donnent la possibi­lité économique de corrompre cer­taines couches d’ouvriers, et même momentanément une minorité ouvrière assez impor­tante, en les gagnant à la cause de la bourgeoisie de la bran­che d’industrie ou de la nation considérées et en les dressant contre toutes les autres. »

La CCAS nageait dans le fric, mais aujourd’hui il n’y a pas de caisse de grève pour soutenir les travailleurs qui ont fait des semaines de grève. Pour assurer l’indépendance du mouvement ouvrier face à la bourgeoisie, la première chose c’est qu’il ne compte que sur ses propres forces, sur les contributions de ses membres et sympathisants. Nous luttons pour renforcer les syndicats face à l’ennemi de classe, et pour commencer pour l’indépendance financière totale des syndicats par rapport aux capitalistes.

Le PCF et la politique industrielle du ­capitalisme français

L’Humanité a fait grand cas de la visite de la veuve de Marcel Paul au piquet de Saint-Ouen. Marcel Paul, du PCF, avait été ministre dans le gouvernement bourgeois après la Libération qui avait nationalisé la production d’électricité dans le cadre de la « reconstruction na­tio­nale ». Le PCF, qui jouissait d’une énorme autorité dans la classe ouvrière fran­çaise, basée sur la résistance au na­zisme et sur la victoire soviétique contre Hitler, avaient les moyens de lutter pour un pouvoir d’Etat prolétarien en 1944 ; mais il avait au contraire, en accord avec la politi­que étrangère criminelle de Staline de coexistence pacifi­que avec les impérialistes « démocratiques » améri­cains, britanniques et gaullistes, contribué à restabiliser l’ordre capitaliste français discrédité par la collaboration du ré­gime de Vichy avec les nazis. Les acquis des travailleurs qui datent de cette époque, et qui sont aujourd’hui mena­cés, sont des concessions arrachées à la bourgeoisie à un moment où celle-ci craignait la menace que toute l’Europe devienne soviétique. Avec la destruction de l’Union sovié­tique, beaucoup de travailleurs se laissent maintenant convaincre par le mensonge des médias bour­geois et ré­formistes que le socialisme ne marche pas, que le bolché­visme c’est périmé, et ils acceptent le cadre du capi­talisme comme indépassable.

Le but de la nationalisation d’EDF après la Libération était aussi pour les capitalistes de fournir de l’électricité à bas prix pour reconstituer la puissance industrielle de l’impérialisme français. Ultérieurement, avec le tout-nucléaire, il s’est agi, toujours avec le soutien du PCF, de fournir la base pour le développement d’une arme nu­cléaire importante ; pourtant le but de l’arme atomique française était de menacer l’Union soviétique et de per­mettre à la France de continuer à jouer dans la « cour des grands » im­périalistes, malgré la perte de son empire colo­nial. Sarkozy a commencé la privatisation en annonçant le développement d’une nouvelle génération de centrale nu­cléaire, la filière EPR, dans le but d’amadouer les bureau­crates pro-nucléaire de la CGT. Mais pour que les choix industriels permettent d’accroître réellement la satisfaction des besoins en toute sécurité, il faut qu’ils soient faits dans le cadre d’une éco­nomie socialiste planifiée.

Aujourd’hui le PCF craint que la privatisation ne fragi­lise EDF face à la concurrence. Derrière le blabla sur une « Europe sociale » il voudrait qu’EDF préserve et déve­loppe sa position de producteur prépondérant d’électricité dans l’Union européenne. C’est le même chauvinisme qui l’a amené à faire appel implicitement à l’activisme de Sarkozy, ministre de l’Economie, sur des dossiers indus­triels comme Alstom, où il s’agissait non pas de sauver des emplois (tout au contraire), mais d’empêcher que cette entre­prise en faillite ne passe sous le contrôle de l’allemand Siemens.

Une perspective prolétarienne ­révolutionnaire internationaliste

L’opération Robin des bois a été mise en place en par­tie pour essayer de populariser la grève des agents EDF, qui craignaient l’isolement et préféraient voir un mouve­ment d’ensemble comme l’année dernière sur les re­traites. Ef­fec­tivement la Poste est déjà en voie de privati­sation ram­pante, en commençant par les services finan­ciers, et en­suite ce pourrait être la SNCF ou la RATP. Une manière aisée d’élargir l’action dans la classe ou­vrière aurait été que les grévistes coupent le courant aux entreprises en grève, ce qui serait une ma­nière radicale d’empêcher les briseurs de grève dans ces entreprises de remettre en route la production. Une action de ce type a été menée de façon symbolique aux sources Perrier, dans le cadre d’une action visant les entre­prises qui licencient ou délocalisent.

Mais quand les bureaucrates syndicaux parlent de délo­ca­lisation, ils le font d’habitude dans un cadre chauvin, voyant les travailleurs dans d’autres pays comme des concurrents. Précisément l’exemple d’EDF montre qu’une direction révolutionnaire dans les syndicats verrait au contraire dans ces travailleurs des alliés de classe : EDF est l’un des prin­cipaux producteurs de courant en Grande-Bretagne, et pen­dant la grève a importé du courant à tra­vers la Manche pour compenser les baisses de charge en France. Les travailleurs britanniques pouvaient être mobi­lisés pour empêcher ces opérations, de même qu’il y a vingt ans la CGT avait de façon louable empêché des li­vraisons de charbon pendant la grande grève des mineurs britanniques. Avec un mot d’ordre comme « EDF appar­tient à la nation » (française), comment peut-on mobiliser les travailleurs britanniques, ou les Allemands d’EnBW (également filiale d’EDF), les Ita­liens d’Edison, etc. ? Le nationalisme est une arme pour diviser le prolétariat inter­nationalement et c’est aussi un aspect du racisme qui amène à opposer à l’intérieur même du pays les travail­leurs « français » à ceux d’origine immi­grée ou à la peau foncée.

En France, pour étendre la grève au secteur privé, il au­rait fallu également étendre les revendications, notamment pour mobiliser les travailleurs d’origine immigrée qui ont un poids stratégique dans la construction et dans l’industrie. Pour contrer le racisme qui divise et affaiblit le prolétariat, il faut lutter pour les pleins droits de citoyen­neté pour tous les immigrés. A bas la clause qui réserve les emplois sta­tutaires d’EDF aux citoyens français ou européens ! Pour l’embauche au statut de tous les pres­tataires et précaires !

Face aux enjeux de cette lutte l’indigence politique de LO et de la LCR a été flagrante. Elles n’avaient aucune al­ternative à opposer aux bureaucrates de la CGT et du PCF, car elles partagent leur réformisme. LO n’avait rien à offrir que ses sempiternels appels à « l’interdiction des licencie­ments » sous le capitalisme et « le rattrapage du pouvoir d’achat » (édi­torial des bulletins d’entreprise du 21 juin). La LCR se contentait de phrases creuses que « l’unité né­ces­saire à la défense de nos droits, il nous faut la cons­truire avec tous ceux qui entendent, sans attendre, faire échec au gouverne­ment et au patronat » (tract LCR, 28 juin), sans avancer le moindre programme pour forger cette unité dans la lutte. LO dénonçait l’attitude « calamiteuse » de la CGT, se plai­gnant que « les fédéra­tions ignorent délibéré­ment le mot de grève » (Lutte Ou­vrière, 25 juin). Mais les secteurs les plus combatifs étaient déjà en grève avec oc­cupation. Sur le site d’Am­père à Saint-Ouen les travail­leurs avaient dressé une carte nationale du réseau EDF avec les points nodaux et les usines contrôlées par les travailleurs.

Face à un appareil syndical très puissant et déterminé à saborder la lutte, l’appel à plus de combativité, ou à faire pression sur les bureaucrates, était insuffisant : il fallait un programme lutte de classe pour s’opposer aux bureaucrates dans le syndicat et dans les assemblées générales. Ni Lutte ouvrière, ni la LCR n’avaient quoi que ce soit à dire contre la stratégie de collaboration de classes de la direction de la CGT – une stratégie qui menait à la défaite. Pour une di­rection révolutionnaire des syndicats ! Les travail­leurs en France ont besoin non pas d’être divisés en plu­sieurs syndi­cats suivant les nuances politiques, mais de syndicats indus­triels de masse où tous les travailleurs, de ceux qui font le nettoyage dans l’usine à ceux qui sont sur les chaînes ou travaillent dans les bureaux, sont tous orga­nisés dans un seul et même syndicat industriel. Mais cela exige une nou­velle direction pour les syndicats. Comme nous l’écrivions dans notre tract du 15 mai 2003 pendant les grèves en dé­fense des retraites (reproduit dans le Bol­chévik n° 164, été 2003) :

« Nous avons besoin de syndicats grands et puissants à ­l’échelle de chaque industrie, embrassant la majorité du ­prolétariat en tant que classe. Il faut aller au-delà de la lutte ­éco­nomique au niveau de l’usine afin de se mo­bili­ser politique­ment pour renverser cet ordre capita­liste fondamentalement injuste et construire une société où les travailleurs ­exercent le pouvoir. Pour cela il faut forger un nouveau parti authenti­quement communiste. »

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