Dien Bien Phu, la Résistance et le Parti communiste français

Reproduit du Bolchévik n° 169, septembre 2004

Dans notre article paru dans le Bolchévik n° 167 (mars) sous le titre « Il y a cinquante ans le colonialisme français était écrasé à Dien Bien Phu – Saluons la victoire héroïque du peuple vietnamien ! », nous avons écrit : « Sortant directement de la guerre de résistance contre l’Allemagne, ils [des soldats français sympathisant politiquement avec le PCF et qui à son instigation s’étaient engagés dans l’armée coloniale] ne comprenaient pas pourquoi ils se battaient en Indochine, faisant le parallèle entre la lutte du Vietminh et leur propre lutte de résistance. » Cela décrit effectivement l’état d’esprit de nombre de ces soldats, comme le rapporte Jean-Luc Einaudi dans son livre Viêt-Nam ! La guerre d’Indochine 1945-1954 [2001]. Mais cela ne veut pas dire que pour nous les deux situations soient identiques et que nous soutenions la Résistance française pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Ces deux « résistances » étaient fondamentalement très différentes. Pour commencer la France est un pays impérialiste, alors que le Vietnam était à l’époque une colonie. La résistance en France à partir de juin 1941 contre l’occupation allemande, même si elle était constituée pour l’essentiel de militants et sympathisants du PCF, était subordonnée politiquement à l’aile gaulliste de la bourgeoisie française, basée à Londres, et elle était de ce fait subordonnée au conflit interimpérialiste lui-même. Il y avait ainsi d’un côté les impérialistes américano-britanniques avec les gaullistes impérialistes français, et de l’autre côté il y avait l’impérialisme allemand (avec le régime de Vichy). Dans ce conflit les trotskystes étaient pour la défaite des deux côtés. Ils défendaient seulement l’Etat ouvrier dégénéré soviétique (voir notre article « C’est l’Armée rouge soviétique qui a écrasé les Nazis ! », le Bolchévik n° 168, juin). Au fond la « Résistance », qui était sous la discipline d’un état-major bourgeois, défendait les intérêts du capitalisme français, en s’alignant derrière les « Alliés » impérialistes. Le nationalisme dégoûtant de la « Résistance » (« A chacun son boche ! ») rendait bien plus difficiles qu’il ne le fallait la fraternisation avec les soldats allemands, ainsi que la tâche d’y organiser une opposition naissante (comme des trotskystes français ont essayé de le faire dans la Wehr­macht à Brest).

La Résistance s’est finalement avérée cruciale à la bourgeoisie française, qui se ralliait de façon croissante à de Gaulle au fur et à mesure des défaites allemandes, pour re-stabiliser son pouvoir en 1944, y compris sur son empire colonial pour des années encore. Comme nous le disions dans l’article sur Dien Bien Phu, « l’alliance des staliniens avec les impérialistes américains et avec de Gaulle contre l’Allemagne nazie allait se traduire par le soutien stalinien au rétablissement de l’ordre colonial français en Indochine en 1945. »

Au Vietnam au contraire la lutte contre l’occupation coloniale française se faisait sous la direction des staliniens vietnamiens, les éléments bourgeois vietnamiens se trouvant du côté de l’impérialisme français. Et le rôle de l’Union soviétique représentait un facteur supplémentaire, avec son poids et son armement, face aux impérialistes. C’est pourquoi cette guerre s’est terminée (même si ce n’était pas l’intention du Parti communiste vietnamien au départ) par le fait que les impérialistes ont été chassés et que la bourgeoisie a fini par être expropriée en 1975 dans l’ensemble du Vietnam. Encore une fois, saluons la victoire héroïque du peuple vietnamien contre le colonialisme français !

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