Le parti Batasuna interdit en Espagne

A bas la répression contre les nationalistes basques !

Reproduit du Bolchévik n° 161, automne 2002

Paris, le 16 septembre – Le gouvernement s’est saisi de la « guerre contre le terrorisme » de l’après-11 septembre pour chercher à en finir à jamais avec les nationalistes basques. Le 26 août, le juge espagnol Baltasar Garzón a ordonné la suspension pour trois ans de Batasuna, un parti politique qui obtient aux élections plus de 10 % des voix dans le Pays basque espagnol, où il a des bureaux ainsi que des amicales, des tavernes et des représentants officiels dans la plupart des villes. Le même jour le parlement espagnol votait à une majorité écrasante une motion demandant que la Cour suprême interdise Batasuna. Avec la récente loi « antiterroriste » qui a été votée en Espagne, cela signifie une mise hors la loi totale et définitive de Batasuna, la première interdiction d’une organisation politique depuis la fin de la dictature de Franco en 1975. Et c'est une mesure qualitative vers l’interdiction de toute organisation prônant l’indépendance basque.

La même nuit, la police locale, l'ertzaintza tant haïe, commençait à faire des descentes sur les locaux publics de Batasuna dans des dizaines de villes basques et les fermait. Sur les ordres de Garzón (qui est devenu l’enfant chéri de la pseudo-gauche avec ses enquêtes sur l’ancien dictateur chilien Pinochet), l’Etat a déjà gelé les comptes bancaires de Batasuna, cherchant à lui soutirer 24 millions d’euros. Cette somme est soi-disant destinée à payer les dégâts causés dans les batailles de rue au moment des attaques de la police contre les jeunes dans le Pays basque. Il y a eu des protestations des deux côtés de la frontière franco-espagnole contre l’interdiction. Les 7 et 8 septembre, des milliers de personnes ont défié l’interdiction espagnole des manifestations pro-Batasuna, et sont descendues dans les rues à Bilbao et San Sebastián. Et il y a deux jours, 50 000 personnes ont protesté à Bilbao malgré la répression. Le prolétariat, particulièrement en Espagne et en France, a l’urgent devoir de se mobiliser contre cette sinistre interdiction, qui non seulement vise les nationalistes basques radicaux mais qui prépare aussi le terrain à la répression de toute opposition politique des ouvriers ou des jeunes. A bas l’interdiction de Batasuna ! Liberté immédiate pour les centaines de nationalistes basques emprisonnés, dont certains sont enfermés depuis des années et des années en Espagne et en France !

L’obstacle à une telle mobilisation ce sont les traîtres sociaux-démocrates du mouvement ouvrier : en Espagne, le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) a voté avec enthousiasme pour l’interdiction, et les ex-staliniens de l’Izquierda Unida (Gauche unie) se sont abstenus. En France le gouvernement précédent dirigé par le Parti socialiste (PS) et le Parti communiste (PCF) procédait couramment à des arrestations et des déportations de nationalistes basques vers l’Espagne. Par exemple, le 15 septembre 2000, une opération conjointe entre les polices française et espagnole sur le territoire français s’est terminée par l’arrestation de Ignacio Gracia Arregui, un dirigeant présumé de l’organisation séparatiste basque ETA (voir « Libération immédiate de tous les nationalistes basques ! », le Bolchévik n°  154, automne 2000). Dans les années 1980, sous le président socialiste Mitterrand, la police française collaborait avec le gouvernement PSOE et ses escadrons de la mort, les Grupos Antiterroristas de Liberación (GAL), qui opéraient même en France. Plus récemment, deux dirigeants de l’ETA, Juan Antonio Olarra Guribi et Ainhoa Mugica, ont été arrêtés aujourd’hui près de Bordeaux dans une opération conjointe des polices française et espagnole. Nous avons fermement dénoncé ces arrestations, meurtres et expulsions ainsi que les multiples attaques en France contre les langues minoritaires. En tant qu’internationalistes prolétariens, nous défendons le droit à l’autodétermination du peuple basque, au nord et au sud des Pyrénées (et si les frontières sacrées de « la République française une et indivisible » doivent être changées, qu’elles le soient !)

Le prétexte immédiat à l’accroissement massif de la répression d’Etat contre les nationalistes basques en Espagne a été un attentat à la bombe mené le 4 août à Santa Paola, près d’Alicante, contre une caserne de la Guardia Civil (police militaire), lors duquel deux personnes ont été tuées, dont une fillette de 4 ans. Le gouvernement et les médias bourgeois se sont empressés d’accuser l’ETA d’être responsable de cette attaque. Quand Batasuna a refusé de clairement condamner l’attaque, le gouvernement s’est mis à interdire le parti. L’ETA a souvent pris pour cible des flics, des juges, des capitalistes ou des idéologues bourgeois. Tout en défendant l’ETA contre la vague actuelle de répression d’Etat, les marxistes s’opposent à la stratégie petite-bourgeoise désespérée du terrorisme individuel, qui est un obstacle à une lutte de classe prolétarienne et internationaliste : l’élimination d’oppresseurs individuels ne résoud pas la question fondamentale de balayer le système capitaliste lui-même, ce qui nécessite des luttes collectives des masses ouvrières. De plus, lorsqu’une cible militaire est touchée, d’autres personnes peuvent être tuées également, comme à Santa Paola. L’effroyable mort de la fillette a été une aubaine pour l’Etat espagnol pour rallier à « l’union sacrée », y compris des ouvriers, derrière le chauvinisme espagnol anti-basque.

L’Etat espagnol utilise le chauvinisme anti-basque aussi bien que le racisme anti-immigrés pour diviser et affaiblir la classe ouvrière. Il y a deux ans, le gouvernement a provoqué les pogromes de El Ejido contre des ouvriers agricoles marocains. Ces dernières années, des centaines de Maghrébins se sont noyés en essayant de traverser le détroit de Gilbraltar pour atteindre la forteresse Europe. Maintenant le gouvernement essaie de dresser les immigrés maghrébins contre les immigrés d’Europe de l’Est. Comme nous l’avons affirmé dans notre récente déclaration de la LCI (voir le Bolchévik n°  160, été 2002) : « Ouvriers de tous les pays, unissez-vous ! La guerre de l’Europe capitaliste contre les immigrés est une guerre contre tous les ouvriers – Pleins droits de citoyenneté pour tous les immigrés ! Halte aux expulsions ! »

Depuis l’attaque totalement criminelle contre le World Trade Center il y a un an, la « guerre contre le terrorisme » est le mot de code dans le monde entier, non seulement pour un massacre bien plus énorme dirigé par les USA contre l’Afghanistan, mais aussi pour une colossale escalade de la terreur policière sur le plan interne, qui vise particulièrement les immigrés. En France, nous nous sommes opposés à la campagne policière de Vigipirate dès le moment où l’ex-gouvernement PS/PCF l’a remise en place. Le 25 août, la veille même de l’interdiction de Batasuna, le nouveau gouvernement de droite expulsait vers l’Italie Paolo Persichetti, un ancien militant radical de l’UCC (Union des communistes combattants). Environ 150 militants de gauche italiens qui sont réfugiés en France craignent maintenant d'être expulsés vers l’Italie et ses lois contre les supposés terroristes. Liberté pour Persichetti ! Non aux expulsions !

Le gouvernement Chirac veut rapidement incorporer dans la législation française les nouvelles mesures draconiennes de l’Union européenne qui criminalisent potentiellement toute activité politique. D’après ces règles, des grévistes s’emparant des installations de transport ou coupant l’électricité pourraient être poursuivis comme « terroristes », de même que toute personne « encourageant ou soutenant un groupe terroriste ». Le gouvernement espagnol veut ajouter Batasuna à la liste européenne des organisations terroristes, ce qui signifierait automatiquement son interdiction en France, et ceci inquiète le gouvernement qui craint que l’agitation sur la question basque déborde de plus en plus sur la France.

Le droit à l’autodétermination du peuple basque, c’est-à-dire le droit de se séparer, est une question clé en Espagne et en France. Nous exigeons : A bas l’interdiction de Batasuna ! Défense du droit à l’indépendance du peuple basque, au sud et au nord ! Pour des partis trotskystes en Espagne et en France, sections d’une Quatrième Internationale reforgée !  

ICL Home Page

Français